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La revue n° 66 Zoom sur...

Zoom sur...

Harold Pinter

Sa première pièce, Kullus, a été écrite quand Pinter avait 19 ans - le volume dans son ensemble que nous avons traduit à partir du livre Harold Pinter Poems and Prose 1949 - 1977, paru en 1980 chez Eyre Methuen Ltd. London, est révélateur à la fois de son développement en tant qu’écrivain et de la précision stylistique qu’il atteint constamment même en dehors du contexte plus familier de ses pièces.

33 poèmes et huit pièces de prose en tout, avec leurs traductions par G&J, sont lisibles actuellement dans le dépôt de Lpb. Certains textes sont intimement liés aux pièces. Avec d’autres, comme The Examination ou Kullus, la connexion est séduisante. Mais aussi, par exemple, un poème écrit dans une ville des Midlands où Pinter était un acteur en représentation hebdomadaire, ou bien encore un affectueux, émouvant souvenir de l’acteur-directeur Anew McMaster.

La plupart des poèmes et des œuvres en prose furent publiés de façon fragmentaire dans de petites revues ou éditions limitées. Comme l’écrivit Irving Wardle dans le Times, « notre meilleur dramaturge aujourd’hui est, tout simplement, l’un des écrivains les plus accomplis en langue anglaise ».

Pierre Lamarque

 

 

 

Une marche en attente

Une marche à l’écoute.

Une marche en attente.

 

Attente sous l’écoute.

Marche à la vitre, en hiver.

 

Pause à la vitre de l’attente.

Marche à la saison des voix.

 

Comptage de l’hiver en fleurs.

Marche à la saison des voix.

 

Attente à la vitre sans voix.

 

 

 

La table

Je dîne plus longtemps

que jamais.

 

Mes pieds je les entends

tomber dans la graisse

 

sur le fromage et les œufs

sur les os du week-end.

 

Le bruit de la lumière

a fui mon nez

 

tatoué de tout

ce que je ne vois pas.

 

Je murmure dans

mon oreille la plus sourde.

 

Mon nom effacé

était là avant

 

ou, total bluff, a pris soin de lui.

 

Enchaîné à ça,

à cet amour,

 

je me déplace à quatre pattes

sans un mot

 

et gavé d’hommages

je m’empare des restes

 

à bout de souffle

sous l’immense table.

  

 

 

Message

Jill. Fred a téléphoné. Il ne peut pas venir ce soir.

Il a dit qu’il rappellerait dès que possible.

J’ai dit (en ton nom) OK, pas de problème.

Il m’a dit de te dire qu’il allait bien,

Que c’était juste la merde, tu sais, celle qui colle,

La merde contre laquelle il faut se battre.

Parfois, on n’est rien d’autre qu’une merde ambulante.

 

Je connais bien cette puanteur,

lui ai-je dit, et je lui ai conseillé de rester calme.

Ne laisse pas ces enfoirés te démoraliser,

soulève le couvercle de la marmite quelques minutes,

va en ville, brûle vif quelqu’un,

trouve-toi une autre tarte, donne-lui une bonne raclée,

profite de ta jeunesse, jusqu’à ce que ça te lasse,

donne un coup de pied dans les couilles du premier aveugle que tu croises.

 

De toute façon, il rappellera.

 

Je serai de retour pour le thé.

 

Ta mère qui t’aime.

 

 

 

Le drame d’avril

Mars est donc devenu un musée,

et s’ouvrent les rideaux d’avril.

Je parcours la galerie vide

jusqu’au dernier siège.

Dans le décor printanier

les acteurs plantent leurs tentes.

Dans un rayon de lumière

ils commencent leur pièce.

 

Leurs cris dans l’obscurité poudrée

se rassemblent en deuil sur

les ambassadeurs des coulisses.

Et les objets et accessoires sous la pluie

sont les cendres de la maison.

Innombrables pierres tombales

dans la verdure.

 

Je passe à l’entracte,

J’en ai fini avec ce répertoire.

Harold Pinter 
traductions G&J

Textes originaux en anglais dans le dépôt de Lpb :
lapageblanche.com/le-depot/place-aux-poemes/traductions-1/zoom-harold-pinter-quatre-poemes