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blanche

La revue n° 66 Notes de...

Notes de...

Tristan Félix

OLYMPIRE, prouve que tu existes !

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à vider les poches d’une ville et de ses habitants les plus précaires que les dépenses accrues avilissent…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à kärchériser Paris de ses étudiants et sdf indésirables en leur lançant le susucre de 100 euros et de 2 places gratuites…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à asservir nuit et jour des ouvriers du bâtiment et du métro contre des primes…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à éreinter des migrants sans papiers, ou naturalisés après la mort de quelques-uns…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à inverser la pensée de la vie en bitumant les friches, minéralisant les quartiers, sous-traitant pour une piscine prévue à moins de 70 millions, qui nous coûte 175 millions et qui n’est pas aux normes de l’accueil…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à l’impensable autorisation de la construction (au corps défendant de la mairie ?) Porte de La Chapelle, de l’Eglise de scientology pour la reconquête de ses sectivores agrippés haut et court à leur croix à huit branches…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à ériger la performance et la compétition en validation de conquête capitaliste et l’échec en preuve d’incompétence ou d’infériorité…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à flatter et exciter par les médias le fantasme de la réussite botoxée-dopée chez ceux qui rament dans l’eau sale du destin qui leur est échu…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à faire croire aux enfants démunis que le foot est la voie royale pour s’en sortir, au point de sacrifier leurs autres possibles désirs…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à faire de l’ivresse de l’identification collective à la gloire du vainqueur le tremplin de meutes alcoolisées et décérébrées…

Il faut se dépenser, mais… jusqu’à inventer des projets olympiques cultureux pour quémander une subvention qui a cessé, faute de rentabilité ou d’inféodation…

Il faut se dépenser, il faut réussir, il faut gagner, il faut conquérir, il faut dépasser, il faut écraser, il faut s’imposer, il faut s’épuiser, il faut se doper, il faut se surpasser, il faut se hisser, il faut vaincre, il faut mériter, si tu mérites pas t’es pas méritant, tu vaux que dalle, que tchi, t’es rien, t’es moins que rien, alors t’es – ah oui, t’es, tu es, tu existes pour toi, par toi, parmi les autres, tu te confrontes à l’altérité, pas à l’autorité écrasante, tu essaies, tu t’essaies, tu t’assieds pour réfléchir, tiens, pour penser, pour méditer, pour rêvasser, tu te redresses, traversé par une idée, une envie d’inventer le vent, le vent de la création, même un mistral gagnant, çui qui pique sous la langue, tu te piques de tenter le diable qui n’existe pas, de tester tes forces pour savoir si les jours de grande tempête tu sauras t’accrocher aux branches qui valdinguent, c’est dingue comme alors tu te sens vivre, plein de cette vitalité qui t’empêchera d’être vite alité à cause que tu auras tout raté à force d’avoir voulu être le plus fort tout contre la mort, c’est dingue comme tu sais rameuter tes alcools intimes au bout du pinceau, de la plume, de l’archet, au cœur de l’objectif, sous la plante de tes pieds de danseur d’un soir, de danseuse d’un matin, au creux de ta paume de sculpteur d’enfance, car on n’est jamais tout à fait fini, on n’a jamais fini de grandir dans l’enceinte des possibles secrets, on n’est jamais assez LENT, assez LIBRE, assez VIVANT.

Rien de pire que l’olympisme eugéniste qui brandit sa flamme d’enfer au nom des gloires nationales dopées par la chimie et l’idéologie, qui charrie sa politique de chantage à la win. Allez, applaudissez ! Plus fort ! C’en est un, un vrai, il en a, elle en a, nous en avons plein le fion de votre battage médiatique, de votre abattage culturel, social et humain. À force de s’augmenter on se diminue, on rétrécit.

17 juin 2024, Saint-Denis