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La revue n° 62 Séquences

Séquences

Stephane Casenobe

Tout ce qui ne se dit pas s’écrit paraît-il

Je crois que je suis indispensable au poème et à la poésie

Je suis incontournable dans ce milieu et je me la raconte grave

Qui suis-je alors

Je suis un auteur Bankable

Faire du fric avec des mots me fait kiffer

J’écris dans un contexte anxiogène

Pas vous

Rien d’autre ne me vient à l’esprit qu’un poème assassin

Il me faut buter la poésie de papa

Tu es avec moi ou contre moi

Tout ce qui ne se dit pas s’écrit paraît-il

Ecrire pour ne pas dire son dernier mot c’est se la jouer petit zizi

J’ai peuplé toutes les régions sales de mon esprit de poète instable

Jusqu’au seuil du possible

 

*

J’adhère aux théories du blâme

Au bout de quel cycle du temps reviendrai-je

Au bout de quelle obscurité

La lumière ne me procure rien

Rien que des ombres justes

Des ombres exactes

Qui est-ce qui déplace la merde mieux que moi

Tout le terrain perdu à collecter les ordures alphabétiques

A ramasser les immondices poétiques

Les poubelles dorénavant sont dans les mots

Les chimères aussi

Désormais je m’en vais sans langage

Tout dialogue m’est interdit

Toute censure m’est permise

Encouragée

Je filtre mon écriture

Je suis otage de ma génération dégénérée

J’assume l’orchestration

J’adhère aux théories du blâme

 

*

Toute chose écrite va vers la lumière

J’ai désappris les mots

Les mots de marchandages

Ecrire ne peut-être aussi simple je crois

Sans mon concours la poésie se porte assez bien je trouve

J’écris sans préavis

Mes textes tiennent en peu de mots

Car les mots m’incarcèrent

J’écris cinq fois par jour

Est-ce écrire ou prier la poésie

J’examine tous les possibles

J’amalgame les combinaisons

J’associe la poésie à une arme de destruction massive

A celle d’une aliénation douce et dégénérative

La poésie

Un sentiment humain

Une vision cosmique

Poète me montreras-tu la route à suivre

En attendant mieux

D’écrire un art meilleur

 

*

Je crois que le poète n’est qu’un lieu de passage

L’obscur avec l’obscur pour que les mots se figent

Le livre qui s’efface est celui que j’écris

Qui écrira la suite

On s’en occupe affirment les poètes des rues

En zieutant la putain de chatte à sa mère à la poésie d’ici-bas

L’amour des mots ne vient qu’après paraît-il

Perdre son temps n’abrège pas la vie

Un mot intraduisible arrivera un jour

Un jour ou l’autre

Improbable poète que je suis

Je l’entends dire assez souvent

C’est par le libre génie des mots son libre-arbitre que j’écris encore

C’est un titre possible au poème

Quelles sont ces forces éclairées qui m’éloignent du bercail

Je ne suis qu’un variant de plus

 

*

La vie n’évolue pas quand on écrit

Le poète est une punition qu’on s’inflige à soi-même

Avec ce truc en plus : l’intuition

Je mets de la pondération dans mes écrits

La poésie on l’aime ou on la quitte

Alors

Quelle est l’alternative au poète

Ses mots à l’heure où décline la lumière du jour

La poésie d’en bas

La poésie d’en haut

Mais laquelle choisir

Ce chemin sans langage humain

Voilà l’issue

Le temps sans pesanteur la panacée

J’écris pour que l’ombre me parle un peu plus

J’écoute intérieurement les mots prédestinés aux poètes prédestinés

La vie ne change pas quand on écrit je crois

Rien ne s’achève ici

Hormis l’œuvre elle-même

 

*

Et s’arracher aux pesanteurs quotidiennes

Pour devenir l’exact contemporain des mots il faut écrire encore et encore

A tout prendre à n’en rien vouloir laisser

S’amalgamer tout seul

Une force d’écriture va naître enfin

Que reste-t-il à toucher

J’ai cessé d’occuper les miroirs vides

Je veux m’aider dans la mémoire du poète

Suis-je un cri viral dans l’univers

Je suis prêt à payer le prix fort pour des mots nouveaux

J’ai survécu à la mort des dinosaures

Pas vous

Je dois voguer inexorablement vers la lumière

Apparaître soudain

Disparaître aussitôt

Inopportunément

Inéluctablement

Je me le dis : si je m’en vais c’est sans retour