Séquences
Stephane Casenobe
Tout ce qui ne se dit pas s’écrit paraît-il
Je crois que je suis indispensable au poème et à la poésie
Je suis incontournable dans ce milieu et je me la raconte grave
Qui suis-je alors
Je suis un auteur Bankable
Faire du fric avec des mots me fait kiffer
J’écris dans un contexte anxiogène
Pas vous
Rien d’autre ne me vient à l’esprit qu’un poème assassin
Il me faut buter la poésie de papa
Tu es avec moi ou contre moi
Tout ce qui ne se dit pas s’écrit paraît-il
Ecrire pour ne pas dire son dernier mot c’est se la jouer petit zizi
J’ai peuplé toutes les régions sales de mon esprit de poète instable
Jusqu’au seuil du possible
*
J’adhère aux théories du blâme
Au bout de quel cycle du temps reviendrai-je
Au bout de quelle obscurité
La lumière ne me procure rien
Rien que des ombres justes
Des ombres exactes
Qui est-ce qui déplace la merde mieux que moi
Tout le terrain perdu à collecter les ordures alphabétiques
A ramasser les immondices poétiques
Les poubelles dorénavant sont dans les mots
Les chimères aussi
Désormais je m’en vais sans langage
Tout dialogue m’est interdit
Toute censure m’est permise
Encouragée
Je filtre mon écriture
Je suis otage de ma génération dégénérée
J’assume l’orchestration
J’adhère aux théories du blâme
*
Toute chose écrite va vers la lumière
J’ai désappris les mots
Les mots de marchandages
Ecrire ne peut-être aussi simple je crois
Sans mon concours la poésie se porte assez bien je trouve
J’écris sans préavis
Mes textes tiennent en peu de mots
Car les mots m’incarcèrent
J’écris cinq fois par jour
Est-ce écrire ou prier la poésie
J’examine tous les possibles
J’amalgame les combinaisons
J’associe la poésie à une arme de destruction massive
A celle d’une aliénation douce et dégénérative
La poésie
Un sentiment humain
Une vision cosmique
Poète me montreras-tu la route à suivre
En attendant mieux
D’écrire un art meilleur
*
Je crois que le poète n’est qu’un lieu de passage
L’obscur avec l’obscur pour que les mots se figent
Le livre qui s’efface est celui que j’écris
Qui écrira la suite
On s’en occupe affirment les poètes des rues
En zieutant la putain de chatte à sa mère à la poésie d’ici-bas
L’amour des mots ne vient qu’après paraît-il
Perdre son temps n’abrège pas la vie
Un mot intraduisible arrivera un jour
Un jour ou l’autre
Improbable poète que je suis
Je l’entends dire assez souvent
C’est par le libre génie des mots son libre-arbitre que j’écris encore
C’est un titre possible au poème
Quelles sont ces forces éclairées qui m’éloignent du bercail
Je ne suis qu’un variant de plus
*
La vie n’évolue pas quand on écrit
Le poète est une punition qu’on s’inflige à soi-même
Avec ce truc en plus : l’intuition
Je mets de la pondération dans mes écrits
La poésie on l’aime ou on la quitte
Alors
Quelle est l’alternative au poète
Ses mots à l’heure où décline la lumière du jour
La poésie d’en bas
La poésie d’en haut
Mais laquelle choisir
Ce chemin sans langage humain
Voilà l’issue
Le temps sans pesanteur la panacée
J’écris pour que l’ombre me parle un peu plus
J’écoute intérieurement les mots prédestinés aux poètes prédestinés
La vie ne change pas quand on écrit je crois
Rien ne s’achève ici
Hormis l’œuvre elle-même
*
Et s’arracher aux pesanteurs quotidiennes
Pour devenir l’exact contemporain des mots il faut écrire encore et encore
A tout prendre à n’en rien vouloir laisser
S’amalgamer tout seul
Une force d’écriture va naître enfin
Que reste-t-il à toucher
J’ai cessé d’occuper les miroirs vides
Je veux m’aider dans la mémoire du poète
Suis-je un cri viral dans l’univers
Je suis prêt à payer le prix fort pour des mots nouveaux
J’ai survécu à la mort des dinosaures
Pas vous
Je dois voguer inexorablement vers la lumière
Apparaître soudain
Disparaître aussitôt
Inopportunément
Inéluctablement
Je me le dis : si je m’en vais c’est sans retour