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blanche

La revue n° 63 e-poésies

e-poésies

Lettre de feu

J’ai rêvé cette nuit que je traversais la France de bas en haut, de haut en bas, de fond en comble,

comme on lève une main

Mais mes points d’arrivée étaient trop excentrés de mes sources de désirs

Je parcours le monde le jour et la nuit

Je traverse des lumières poreuses des couleurs hideuses

je m’agite entière dans des cartes postales

je coupe des morceaux de terre des grands-voiles

du ciel que j’ajoute à mes soutes

je fais du monde, de ses cent visages

une lettre de feu

que je t’envoie, essoufflée

et tu ne me réponds pas

Je sens encore les morsures du requin sur l’épaule

les bouquets de roches et d’azur vif posés sur ma table

Le monde est un puzzle, un trésor qui se déplie sur des nuits géantes

je l’agite, je le plie, le recouvre de saveurs, le mélange aux dieux des danses et du rythme

il prend sous mes mains

des allures de nymphes éclatées par des eaux trop gourmandes,

des allures soyeuses qui crissent sur des rails qui entaillent ses peaux

pour la seconde où ton buste vers moi s’est tourné

j’avais enveloppé dans des aquariums itinérants des sabres calcinés qui brisent les chaînes qui

alourdissent des goélands somptueux

Ceux qui bravent des continents de soufre et d’argile

pour prendre la couleur des Enfers et la diluer

comme un philtre d’amour sur le monde enneigé

j’avais réuni sur une terre immaculée la totalité

de mes trésors de voyage qui ouvraient sous les pas de celui qui les traverse

des parcelles de souffles célestes, qui tombent sur ses yeux et les remplissent de voies lactées,

des milliers d’étoiles

Il ne me reste qu’un lointain souvenir de toi

Et j’ai les mains qui coulent

Et j’ai les mains qui pleurent

des pluies

d’étoiles

filantes

Je ne te toucherai pas

Car déjà j’ai la peau qui brûle au souvenir de ta voix

Tu es tous les dieux de mon ciel

L’objet de tous mes voyages mes pensées et mes mots

En excès sur tous mes mondes

Ta main qui m’effleurera me tuera

Lolita Michel