poètes de service
Ana Maria Caballero
ANA MARIA CABALLERO (née en 1981) est une artiste et poétesse américaine d’origine colombienne. Son travail explore la manière dont la biologie structure les rapports culturels et sociaux, remettant en question les notions qui présentent le sacrifice féminin comme une vertu. Les personnages de ses poèmes naviguent entre l’intellectuel et le quotidien, en osant nommer ce qui est tu dans cet espace qu’est le foyer.
Publiée dans de nombreuses revues américaines, Ana Maria Caballero a également créé de nombreux poèmes numériques (vidéo, animation, audio) dont le succès a contribué à lui donner un essor international, faisant d’elle une des pionnières du mouvement moderne de crypto-poésie.
Elle a co-fondé la galerie littéraire NFT theVERSEverse, œuvrant pour que la valeur des poèmes en tant qu’œuvres d’art soit reconnue : poem = work of art.
Poèmes traduits de l’américain par Air.
Dans chaque pièce
je suis une femme différente dans chaque pièce dans la cuisine aussi efficace et fonctionnelle qu’une fourchette silencieuse dans la chambre sur la pointe des pieds pour éviter les discussions le poids de te dire tout va bien il ne s’est rien passé dans le confessionnal de la salle de bains les pensées se tordent en courbe avide comme le creux qui conclut ma colonne l’étendue à l’avant de la femme qui reste à la crèche nostalgique j’invoque le passé un amour pour de lointains animaux baleines je me rappelle une naissance en ville mais les couloirs et les orbites m’entrainent plus loin dans un village pour enfant dans des récitals de musique où les grands-mères battent le rythme avec leurs cheveux mouillés et toujours une radio qui hurle des chansons argentines engagées vigilante dans le salon avec mes gaines de soutien j’observe la fraise que je lâche au sol sur lequel quelqu’un pourrait glisser du parquet partout des étagères en formica neuves et pourtant couvertes de poussière garée dans l’imposante allée je prépare ma finesse d’esprit et tout ce que je pourrais offrir en imaginant pouvoir dormir sans aide souple et lisse comme le bébé dans mon ventre comme la forme de ma langue sur le point de parler personne n’est plus seule que la femme qui est aimée
Pointillisme
Pas la vie dont j’ai rêvé
n’est pas une bonne façon de dire-
ce n’est pas
la vie dont j’ai rêvé.
Il vaudrait mieux accoucher
du concept de manière abstraite,
depuis la lointaine netteté de la métaphore :
les brusques vagues indigo
du lac Okeechobee
masquent bien les alligators qui rôdent
Mais même l’allégorie pose problème.
Les pensées, comme les crocos, glissent quand on ne les provoque pas.
Mieux vaut donc ne pas articuler...
ne pas verbaliser
rien.
Ou concéder...
Chérie,
Je t’aime.
Tu es un père formidable,
un homme formidable.
Mes mamelons saignent
d’avoir nourri notre bébé.
C’est tout.
Sens de l’humour
Même si je ne suis pas drôle
mon fils rit
Par son rire je ne me sens pas drôle
mais redevable -
comme si je lui devais maintenant une blague
comme s’il valait mieux rapidement devenir drôle,
avant qu’il soit en âge de se rendre compte
que maman n’est pas drôle
mais maussade
un fil tendu entre la bobine
et un horizon immédiat
Tu ne dois pas baisser les yeux.
Si cela devient difficile de me voir
je serais la première à dire -
Éloigne-toi