La
page
blanche

La revue n° 63 poètes du monde

poètes du monde

Lorsque je bois, ce n’est pas pour devenir gai

ni pour rompre avec les usages, ni pour enfreindre les croyances.

Je ne veux rompre qu’avec moi, je ne veux qu’un instant me fuir.

Voilà pourquoi je bois et pourquoi je m’enivre !

Omar Khayyâm,
Les quatrains Rubâ’iyat, Ed. Seghers Paris

 

La maison d’hôtes

Être humain, c’est être une maison d’hôtes.

Tous les matins arrive un nouvel invité.

Une joie, une dépression, une méchanceté,

Une prise de conscience momentanée vient

Comme un visiteur inattendu.

Accueillez-les tous et prenez-en soin !

Même s’ils sont une foule de chagrins

Qui balaient violemment votre maison

Et la vident de tous ses meubles,

Traitez chaque invité honorablement.

Peut-être vient-il faire de la place en vous pour de nouveaux délices.

La pensée sombre, la honte, la malice, rencontrez-les à la porte en riant,

Et invitez-les à entrer.

Soyez reconnaissant pour tous ceux qui viennent,

Parce que chacun a été envoyé comme un guide de l’au-delà.

Rûmî

 

La pilule contre la catastrophe minière de Sprinhill

Quand tu prends la pilule

c’est une catastrophe minière.

Je pense à tous ces gens

Perdus au fond de toi.

Richard Brautigan,
« Il pleut en amour »
(Ed. L’Incertain, trad. Frederic Lasaygargues et Nicolas Richard)

 

Au vent froufroutent

tickets de caisse, papier-monnaie

les jupes

            volettent

petits oiseaux

des couples se joignent en couples

dans le parc

            sur la berge

prière de ne pas cueillir de fleurs

prière de jeter les ordures aux ordures

            l’eau l’eau

prière de ne pas y toucher

Adrian Kasnitz

 

Le vers est une maladie. Un dysfonctionnement du corps - qui ne peut pas ne pas intervenir dans la production de sens - intervenir par interruption. Le vers est ce qui se produit à chaque fois que le corps entrave le trajet de la langue - à chaque fois que la langue trébuche sur le corps - et le poème est le son de la chute ensemble de ces deux morceaux que l’Histoire a séparés.

Cédric Demangeot

 

Amulette

Nous ne vieillissons pas car le temps continue de nous amuser. Avec lui nous jouons, et nous rions de l’éternité ; nous nous en moquons de toutes nos dents, de nos os, de notre interminable usure, de notre soif, qui pour nous mener au cœur de l’ivresse, nous change en sable.

Nous sommes d’ailleurs, et rien de ce qui est étranger nous est indifférent.

Philippe Léotard

 

La ‘’Nature’’, c’est ce que nous voyons -

La Colline - l’Après-midi -

L’ Écureuil - l’Éclipse - le Bourdon -

Non - la Nature, c’est le Paradis -

La Nature, c’est ce que nous entendons -

L’ Ortolan - la Mer -

Le Grillon - le Tonnerre -

Non - la Nature, c’est l’Harmonie -

La Nature, c’ est ce que nous connaissons,

Mais sans savoir bien l’exprimer

Tellement Notre Sagesse est entravée

Par sa Simplicité.

Emilie Dickinson