La
page
blanche

La revue n° 63 Notes de...

Notes de...

Quentin Gillier

ÉCRIRE

Raconter une histoire. Raconter des moments de vie saillants condensés en récit. Donner vie à des personnages, les inventer, les dessiner, les faire sortir du néant, et les regarder vivre, sans les asservir. Décrire le monde, le visible, l’invisible et l’au-delà. Figer le temps sur un instant si court qu’on pourrait difficilement croire qu’il a existé, ou sauter les siècles en une phrase. Mettre à plat sa subjectivité : se voir VOIR, se voir FAIRE. J’aime écrire, et découvrir en écrivant pourquoi j’écris. Pas forcément écrire ; réfléchir le monde comme on pourrait l’écrire, avec pour page blanche l’esprit et pour stylo, la pensée. Écrire, c’est extatique et douloureux. Douloureux, car c’est avoir l’inquiétude de la page blanche, le goût de l’insatisfaction, la peur de mal écrire, de ne pas trouver le mot juste, la bonne phrase, la bonne intrigue. C’est tenter de sortir de la discorde, du flou de l’imaginaire saupoudré du passé, tout ça mélangé dans une marmite abstraite pour créer du concret. Mais souvent, on est frustré de l’écart entre ce qui est rêvé et ce qui advient. Donc Réécrire ; se donner une seconde chance, réessayer, se sublimer, se réinventer. Se raconter en tant qu’écrivain ; lutter contre ses agonies pour tendre au sublime à partir de rien. Trier, dégager le bon, virer le mauvais, chercher, dégraisser, organiser, rythmer, fluidifier, couper ou clarifier. Mais aussi chercher la spontanéité, apprécier la fulgurance de l’éclair créatif, se laisser transporter par l’inspiration et se satisfaire simplement de la main qui saigne sur le stylo. Sortir de soi, se regarder écrire, lâcher prise, laisser l’inconscient parler et observer comme pour ne pas déranger. Être pris de plaisir quand les mots s’enchaînent, ainsi que de tristesse quand ils ne coulent plus. Ça, c’est mourir un peu, mais vivre beaucoup. Écrire, c’est entre le chaos et l’ordre, calme et colère, regarder et faire, lutter et laisser, c’est évanescent et concret. Mettre des mots sur ce qui n’en a pas, exorciser des sentiments, saisir les fantômes et les rêves... Vouloir finir de raconter, mais découvrir qu’on a toujours plus à dire.