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blanche

La revue n° 65 e-poésies

e-poésies

SURNUMÉRAIRES

Nés provinciaux, grands banlieusards, nous logions dans de vastes hangars anonymes que nous n’habitions pas. 

Déjà confinés dans nos campagnes avec une avance dérisoire, nous errions en sous-préfectures où aucun tram n’aboutirait, perdant nos centres de gravité à mesure que s’amenuise l’espoir.

Le dimanche, nous allions en forêt à la lisière de l’autoroute - pics de pollution élevés, influence du tube cathodique. Quand on s’évade, il est trop tard, cet exode est ancré en nous et on apprend à composer jusque dans nos moelles épinières.

Nous sommes des hordes de surnuméraires, de zombis floutés et hagards, effacés des images d’archives, rayés des registres, des radars.

Nos enfants joueront au football et réclameront des paires de Nike ; leurs rêves seront des rêves fantômes, des fantasmes de cités dortoirs.

Nous nous souviendrons d’Anaïs qui au plaisir nous initia, des émissions du samedi soir, du mélange de pomme et de vodka, des Noëls tristes et des oeufs de Pâques, des parents faisant semblant d’y croire, des vacances au bord de la mer, aux mêmes dates, aux mêmes endroits. Il ne fallait pas monter le volume, il fallait effacer nos traces ; il fallait bander dans les clous, ne surtout pas manger l’espace.

Comme l’unique cinéma clignote de ses blockbusters face au bowling - zone commerciale- les témoignages de nos vie sur terre résonnent, lointains airs de guitares.

François Audouy