poètes de service
Rachel Allaoui
Rachel Clément Allaoui est née en Isère. Vit au bord du Rhône, à Saint-Romain-en-Gal. Lit tout ce qui lui tombe sous la main. Enseigne. A été publiée dans la revue en ligne Recoursaupoème. Habite les paysages autant que les paysage l’habitent. Ecrit depuis longtemps. Toujours ?
Par intermittences, par bribes…
Aime creuser le blanc de la page avec le noir des mots, pour le dessin, pour le son. Aime l’écriture comme un maillage entre les gens. Comme un maillage entre les êtres et les choses. Partager le sensible. Regarder autrement, profondément.
Vanités
Nul ne viendra verser des pleurs
Cendrillon s’est déchaussée
ses tibias
empilés parmi les tibias blonds
des esseulées
si loin
des jardins de Bagatelle
si loin des neiges innocentes
elle a laissé
son bouquet virginal sur le velours
défroissé des jours
trop longs
Il n’y avait plus d’étals
et les noues étaient sans fonds
dans la gueule des fleurs
les pétales glissent
à l’arrêt
Il n’y aura plus de bals
adieu les chansons adieu les roses
son crâne est blond dans la maison
posée sur les étagères de la nuit
Et les airs sans bruit s’éloignent
presque aussi pâles que l’ennui
Joueuses d’osselets
Dans la chapelle les Ursulines
agitent leur doigts blancs
dessous les voûtes sombres
elles montent les os
ivoires glanés dans les boites
en bois
doublées de velours rouge
Elles ont des mains
plus diaphanes encore
que les squelettes venus de Rome
Bruissements
Sous la châsse en verre
repose le mystère
rêveur combattant
à qui l’on donne des poses
vêtues d’or
Et les Capucines chuchotent quel nom
quelle histoire
Mystères
Les os ont traversé les Alpes
des catacombes à la neige
et de la neige aux secrètes églises
Montés à cheval les hommes armés
gardent les regards creux
tous consacrés aux mains polies
des sœurs de clôture
Inventaire
Pantoufles velours gemmes
et sur la tête une gaze légère
Sortis des nappes terreuses
pour dix-huit mois d’un salaire moyen
Les os passent de l’ombre
à la lumière
pour s’habiller encore
de vanités
Pantoufles velours gemmes
pardessus en étoffe de France
et sur la tête une gaze légère
robe virginale fleurdelysée
poses de statues
Gestes cousus au fil d’or
et fémurs pris
dans la dentelle
Prenez celui d’un chat celui d’un chien
s’il manque un os
suturez les articulations de ficelle
remplissez d’ouate et de paille
tous les saintes et les saints Allons
assemblons les reliques
Pantoufles velours gemmes
et sur la tête une gaze légère
Alter ego
Ci-git un crâne jaune que mord l’azur de l’orbite
tout d’or installé
Et le corps dans la pénombre
enrobé de vertiges
descelle l’ombre des pèlerins qui le regardent
Les mains choisissent des phalanges
Quel nom donner
au saint qui s’échappe
de sous nos doigts - Ah
ce sera une sainte pour une fois
dans la soie lisse et damassée
Geneviève – je commence
Venue de l’Est elle était belle
dans les soirs et les soirs priant
Issant d’un dragon
elle s’en alla vers Compostelle
les mains rouges de sang
Aux pieds des festons d’épines