La
page
blanche

La revue n° 65 poètes de service

poètes de service

Rachel Allaoui

Rachel Clément Allaoui est née en Isère. Vit au bord du Rhône, à Saint-Romain-en-Gal. Lit tout ce qui lui tombe sous la main. Enseigne. A été publiée dans la revue en ligne Recoursaupoème. Habite les paysages autant que les paysage l’habitent. Ecrit depuis longtemps. Toujours ?
Par intermittences, par bribes…
Aime creuser le blanc de la page avec le noir des mots, pour le dessin, pour le son. Aime l’écriture comme un maillage entre les gens. Comme un maillage entre les êtres et les choses. Partager le sensible. Regarder autrement, profondément.


Vanités

Nul ne viendra verser des pleurs

Cendrillon s’est déchaussée
ses tibias

empilés parmi les tibias blonds

des esseulées
si loin

des jardins de Bagatelle

si loin des neiges innocentes

 

elle a laissé

son bouquet virginal sur le velours

défroissé des jours

trop longs
Il n’y avait plus d’étals
et les noues étaient sans fonds

 

dans la gueule des fleurs

les pétales glissent

à l’arrêt

 

Il n’y aura plus de bals
adieu les chansons adieu les roses
son crâne est blond dans la maison
posée sur les étagères de la nuit
Et les airs sans bruit s’éloignent
presque aussi pâles que l’ennui

 

 

 

 

Joueuses d’osselets

Dans la chapelle les Ursulines

agitent leur doigts blancs

 

dessous les voûtes sombres

elles montent les os

ivoires glanés dans les boites

en bois

doublées de velours rouge

 

Elles ont des mains

plus diaphanes encore

que les squelettes venus de Rome

 

 

 

 

 

Bruissements

Sous la châsse en verre

repose le mystère

 

rêveur combattant

à qui l’on donne des poses

vêtues d’or

 

Et les Capucines chuchotent quel nom

quelle histoire

 

 

 

 

Mystères

Les os ont traversé les Alpes

des catacombes à la neige

et de la neige aux secrètes églises

 

Montés à cheval les hommes armés

gardent les regards creux

tous consacrés aux mains polies

des sœurs de clôture

 

 

 

 

Inventaire

Pantoufles velours gemmes

et sur la tête une gaze légère

Sortis des nappes terreuses

pour dix-huit mois d’un salaire moyen

Les os passent de l’ombre

à la lumière

pour s’habiller encore

de vanités

Pantoufles velours gemmes

pardessus en étoffe de France

et sur la tête une gaze légère

robe virginale fleurdelysée

poses de statues

Gestes cousus au fil d’or

et fémurs pris

dans la dentelle

Prenez celui d’un chat celui d’un chien

s’il manque un os

suturez les articulations de ficelle

remplissez d’ouate et de paille

tous les saintes et les saints Allons

assemblons les reliques

Pantoufles velours gemmes

et sur la tête une gaze légère

 

 

 

 

Alter ego

Ci-git un crâne jaune que mord l’azur de l’orbite

tout d’or installé

 

Et le corps dans la pénombre

enrobé de vertiges

descelle l’ombre des pèlerins qui le regardent

 

Les mains choisissent des phalanges

Quel nom donner

au saint qui s’échappe

de sous nos doigts - Ah

ce sera une sainte pour une fois

dans la soie lisse et damassée

Geneviève – je commence

Venue de l’Est elle était belle

dans les soirs et les soirs priant

Issant d’un dragon

elle s’en alla vers Compostelle

les mains rouges de sang

Aux pieds des festons d’épines