Notes de...
Pascal Nordmann
Notes sur les notes
Note numéro 12. La note porte sur la manière dont les gens ferment les portes. Avec amour, dans la rage, jamais sans rire, sur la pointe des pieds, mille manières, mille façons de fermer une porte. Mais la note s’égare dans le labyrinthe de rues étroites qui forment le cœur de cette ville. Venelles, avenues pas plus larges que deux piétons, places où c’est tout juste si l’on peut déposer une orange, délicatement, en son centre, petits ponts aussi fragiles que brindille. Que cette ville est compliquée! On ne s’y retrouve plus. A bout de nerfs, épuisée, la note finit par se réfugier sous un porche. C’est le porche d’un grand éditeur. Justement, le grand éditeur sort de chez lui. Il aperçoit la note. ‘Mais que vous êtes bien faite! Le monde est dans vos portes fermées. Nous allons en faire un livre. Je prends.’
Note numéro 27. Un moineau s’essaie à écrire une note. Les harmonies de Beethoven comparées à celles de Haydn. L’animal a l’oreille fine. Une importante culture musicale. Dans sa jeunesse, il a songé à embrasser une carrière de chef d’orchestre. Surtout, le plus important, il a la passion de la musique. Le malheur, c’est qu’aucun moineau, jamais, n’a été engagé par une maison de renom. L’oiseau travaille tard. Peu après minuit, retentit un cri. Un cri d’alarme. Quatre à quatre, le moineau monte à l’étage du dessus. Il y surprend un cambrioleur qu’à coups de bec, il parvient facilement à mettre en fuite. ‘Merci, merci!’ lui dit le locataire de l’appartement. ‘Je suis un grand éditeur. Il paraît que vous avez écrit une note concernant Beethoven? Montrez-moi ça! Mais oui. Haydn versus Beethoven, bien sûr ! Harmonies et nuages. La douceur en plus! Nous allons en faire un livre. Je prends !’
Note numéro 42. Ce monsieur note la forme des oreilles des gens. ‘Celles de mon neveu ressemblent à un gros chien, celles de cette dame à un ours endormi, les oreilles du ramoneur de ce matin étaient des étoiles. Monsieur Rickenbacher en a deux larges, de belle taille en forme de mandragore, signe de grands pouvoirs. ‘L’oreille c’est essentiel. C’est peut-être même l’oreille qui fait le monde puisque, ce que l’on n’entend pas, personne ne peut certifier qu’il existe. Mais, en allant faire ses courses, l’auteur de cette note délicate et documentée, obnubilé par sa passion, emboutit la voiture d’un autre monsieur. Ce second monsieur est un grand éditeur. Il aperçoit la note du premier monsieur. La note sur les oreilles. ‘Mais tout cela est d’une grande justesse!’ s’exclame l’éditeur. Finesse, justesse, délicatesse. Un travail de grande valeur. Le monde est dans vos oreilles. Nous pourrions en faire un livre. Je prends.’