Figures libres
À LA VERTICALE
Aux premiers temps de l’occupation, l’écriture entre dans la clandestinité active de la Résistance via le pouvoir agissant des mots. Leur puissance à pousser à l’engagement, à encourager les actes à lézarder les dispositifs, à corroder la structure collaborationniste en place. Les poètes, ceux au grand verbe, sont de la partie.
Debout, Aragon. La Rose et le Réséda : appeler à un par-delà indispensable en convoquant l’union sacrée des deux fleurs aux antipodes, celles diamétralement opposées les communistes et des ultraconservateurs. Dressée, Marianne Cohn. Je trahirai demain : les vers libres qui disent la torture plutôt que la trahison. Levé, Paul Eluard. Liberté : poème dont le titre initial, une seule pensée, est barré chez l’imprimeur pour imposer le mot Liberté. Présent, René Guy Cadou.
Les Fusillés de Châteaubriant : donner à ressentir l’incommensurable don des vies. Hissé,
Robert Desnos. Ce cœur qui haïssait la guerre : membre du réseau Agir, expert en faux papiers, déporté à Terezin, le poète meurt du typhus quelques jours après la libération. Bel et bien là,
Pierre Seghers. Octobre : le verbe contre les représailles. Ça, c’est pour le grand verbe.
Celui de poètes en Résistance. En grand verbe vertical. Poèmes en verticalité résistante
Et puis il y a eu un certain acrostiche. Présent à l’appel, l’officier Julien Clément.
Chef de musique du 99ème R.I.A., c’est au moyen d’un acrostiche qu’il entre en résistance provocatrice depuis le cœur de l’armée, le 1er janvier 1941. Sa prouesse insolente : obtenir un visa donnant l’autorisation du gouvernement de Vichy pour diffuser une ode au Maréchal Pétain. Un acrostiche de sa composition.
Totale cécité des censeurs. L’acte de résistance à la verticale est épinglé, sur délation, deux ans plus tard. Pour la gravité de son acte, Julien Clément est arrêté par la Gestapo en 1943 et incarcéré à la prison de Monluc à Lyon.
MERDE POUR HITLER
Depuis décembre 2001, une plaque de commémoration figure au Quartier-Général Sabatier à Lyon.
Verticalité du verbe en forme d’insulte à l’endroit du plus grand criminel de guerre de tous les temps.
Désobéissance civile. Acrostiche en verticalité résistante.
Références pour les poèmes cités
Louis Aragon, Jacques Perrin Postface, La Diane française, Seghers, Poésie d’abord, Juillet 2012
https://www.de-plume-en-plume.fr/histoire/la-rose-et-le-reseda
Marianne Cohn, « Je trahirai demain », 1943, repris dans Pierre Seghers, La résistance et ses poètes :
France, 1940-1945, Paris, Éditions Seghers, 1974.
https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/marianne-cohn/je-trahirai-demain/
https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah1-1997-3-page-96.htm
Paul Éluard, Poésie et Vérité, Paris, Éditions de la main à la plume, 1942.
https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/paul-eluard/liberte/
René-Guy Cadou, « Les Fusillés de Châteaubriant », in René-Guy Cadou, Pleine Poitrine, Périgueux,
P. Fanlac, 1946, repris dans Pierre Seghers, La Résistance et ses Poètes : France 1940-1945,
Paris, Éditions Seghers, 1974.
https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/rene-guy-cadou/les-fusilles-de-chateaubriant/
Robert Desnos, 1943 (paru dans L’Honneur des poètes), repris dans Robert Desnos,
Destinée arbitraire, Paris, Gallimard, 1975.
https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/robert-desnos/ce-coeur-qui-haissait-la-guerre
Pierre Seghers, « Octobre », 1941, repris dans Pierre Seghers, La résistance et ses poètes :
France, 1940-1945, Paris, Éditions Seghers, 1974.
https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/pierre-seghers/octobre/
Autre référence
https://books.openedition.org/pur/110918?lang=fr
texte intégral de Bruno Leroux, Jeux littéraires et chants des maquis
http://www.ardeche-resistance-deportation.fr/upload/presse/72.pdf
Béatrice Nizza