simple poème
La vie d’un type en soixante pitchs
C’est l’histoire d’un type que la vie brouille.
C’est l’histoire d’un type que la vie broie, que la vie noie, que la vie roule.
C’est l’histoire d’un type que la vie rouille.
C’est l’histoire d’un type que la vie rince ; il n’en finira pas de s’égoutter.
C’est l’histoire d’un type que la vie prend pour un autre.
C’est l’histoire d’un type que la vie confond avec son frère.
C’est l’histoire d’un type que la vie démonte ; le voilà plus facile à transporter.
C’est l’histoire d’un type que la vie dévisse.
C’est l’histoire d’un type que la vie dilapide ; elle le jette par les fenêtres sans souci du
lendemain.
C’est l’histoire d’un type que la vie laisse jouer dehors à condition qu’il soit de retour
avant la nuit.
C’est l’histoire d’un type que la vie presse et le voilà sorti d’un tube ainsi qu’une pâte ; ceci
explique cela.
C’est l’histoire d’un type que la vie ramasse ; elle le trouve assez plat pour tenter des
ricochets sur la surface étale du lac.
C’est l’histoire d’un type que la vie écosse, que la vie écale, que la vie pèle.
C’est l’histoire d’un type que la vie cache dans un tiroir comme si c’était un revolver.
C’est l’histoire d’un type que la vie pose contre son sein en disant « tète mon petit gars ».
C’est l’histoire d’un type que la vie garde en réserve.
C’est l’histoire d’un type que la vie dégoupille avant de le jeter sur d’autres.
C’est l’histoire d’un type que la vie gratte jusqu’au sang.
C’est l’histoire d’un type que la vie cherche activement ; elle montre sa photo mais
personne ne l’a vu.
C’est l’histoire d’un type que la vie loue le temps de sa vie, mais qu’elle devra restituer.
C’est l’histoire d’un type que la vie monte en épingle.
C’est l’histoire d’un type que la vie entasse en attendant les directives.
C’est l’histoire d’un type que la vie a laissé être ; t’en assumeras les conséquences.
C’est l’histoire d’un type que la vie raccompagne jusqu’au seuil ; charge à lui de s’aventurer
dans la nuit noire.
C’est l’histoire d’un type que la vie a décongelé mais il n’a plus aucune saveur.
C’est l’histoire d’un type que la vie n’a pas prévu et qu’elle peine à intégrer.
C’est l’histoire d’un type que la vie garde en souvenir.
C’est l’histoire d’un type que la vie ménage en vue d’une autre vie.
C’est l’histoire d’un type que la vie ne mentionne pas dans son rapport ; assez
d’emmerdements comme ça.
C’est l’histoire d’un type que la vie fume en cachette.
C’est l’histoire d’un type que la vie tâte du bout du pied en mesurant le vide sous elle.
C’est l’histoire d’un type que la vie pêche mais qu’elle préfère remettre à l’eau.
C’est l’histoire d’un type que la vie tabasse ; sa tête ne lui revient pas.
C’est l’histoire d’un type dont la vie a égaré le mode d’emploi.
C’est l’histoire d’un type à qui la vie tresse des louanges et puis qu’elle laisse tomber ainsi
qu’une vieille chaussette.
C’est l’histoire d’un type dont la vie tombe amoureuse ; il s’enfuit et nul jamais ne le
revoit.
C’est l’histoire d’un type que la vie dresse contre lui-même.
C’est l’histoire d’un type que la vie régurgite.
C’est l’histoire d’un type que la vie greffe sur la vie.
C’est l’histoire d’un type que la vie met en joue dans l’attente du moindre faux pas.
C’est l’histoire d’un type que la vie voudrait bien tirer au clair.
C’est l’histoire d’un type dont la vie écope mais elle n’a pas d’argent sur elle.
C’est l’histoire d’un type que la vie vérifie pour en avoir le cœur net.
C’est l’histoire d’un type que la vie siffle avec une paille.
C’est l’histoire d’un type que la vie laisse couler à pic.
C’est l’histoire d’un type que la vie a transfusé dans la vie d’un autre type.
C’est l’histoire d’un type que la vie efface par mégarde.
C’est l’histoire d’un type que la vie renie ; un cas on ne peut plus rare, peut-être un
ou deux par siècle.
C’est l’histoire d’un type que la vie refuse de laisser entrer.
C’est l’histoire d’un type que la vie refuse de laisser sortir.
C’est l’histoire d’un type que la vie aime raconter à la fin des repas ; elle s’embrouille et la
chute est dévoilée d’emblée.
C’est l’histoire d’un type que la vie a oublié de paramétrer.
C’est l’histoire d’un type que la vie tient en respect avec son arme ; sitôt qu’elle baisse la
garde, il essaie de se détacher.
C’est l’histoire d’un type que la vie s’est contentée de copier-coller.
C’est l’histoire d’un type que la vie scie.
C’est l’histoire d’un type que la vie regarde passer avec mépris.
C’est l’histoire d’un type que la vie ne cesse de contredire ; le type reste sur sa ligne.
C’est l’histoire d’un type que la vie condescend à raboter car il ne passera pas les portes.
C’est l’histoire d’un type que la vie ponce ; ses alentours sont pleins de rouille.
C’est l’histoire d’un type dont la vie s’ampute afin de demeurer la vie.
Julien Grandjean