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PLACE AUX POÈMES

LIVRE ZOOM

57 - ZOOM DUBOUCHET

Extrait de La Vie passagère (1998, p. 23–24)

Le temps s’étire comme une peau trop grande,
un vêtement usé qu’on ne peut plus raccommoder.
Les jours glissent entre les doigts,
des grains de sable dans une main ouverte.
Nous marchons sur les bords d’un fleuve asséché,
nos pas soulèvent la poussière des souvenirs,
ces fragments de voix, ces éclats de rire
qui ne trouvent plus d’écho.

Le soir tombe comme un rideau de brume,
et les mots que nous disons
s’accrochent aux branches des arbres,
des feuilles mortes avant l’automne.

Source : La Vie passagère, Éditions Fata Morgana, 1998, p. 23–24.


Extrait de L’Inhabité (2003, p. 45–46)

La maison est vide, mais les murs gardent
la mémoire des pas, des rires étouffés,
des portes qui claquaient comme des coups de feu.
Les fenêtres sont des yeux aveugles,
elles regardent un jardin où plus rien ne pousse,
où les roses se sont changées en épines.

Je marche dans les pièces comme un intrus,
un voleur de silence.
Les objets sont des fantômes :
une tasse ébréchée sur la table,
un livre ouvert à la page où la lecture s’est arrêtée,
une horloge qui a oublié de battre.

Le vent entre par les fentes des volets,
il soulève les papiers abandonnés,
ces lettres sans destinataire,
ces mots qui n’ont plus de voix pour les porter.

Source : L’Inhabité, Éditions Verdier, 2003, p. 45–46.



Extrait de Les Mots du silence (2008, p. 58–59)

Les mots sont des pierres au fond d’un puits.
On les jette, ils tombent sans bruit,
et l’écho ne les renvoie pas.
Ils s’entassent, lourds et muets,
comme des cailloux dans la paume d’une main fermée.

Parfois, un mot se brise,
et c’est une blessure qui saigne en silence.
Parfois, un mot s’envole,
et c’est un oiseau noir dans la nuit.

Nous parlons pour combler le vide,
mais les mots sont des trous dans le langage,
des fenêtres sans verre
par où s’échappe le sens.

Je cherche celui qui pourrait dire
ce que les mots ne disent pas,
celui qui écrirait avec le silence,
qui tracerait des signes dans l’air
et les effacerait avant qu’ils ne tombent.

Source : Les Mots du silence, Éditions La Dogana, 2008, p. 58–59.



Extrait de Le Livre des passages (2012, p. 72–73)


Un livre est un pont suspendu

entre deux rives invisibles.
Les pages sont des planches de bois,
les mots, des clous rouillés.
Nous marchons dessus avec précaution,
comme sur une passerelle au-dessus du vide.

Chaque phrase est un pas incertain,
chaque virgule, une halte pour reprendre souffle.
Les paragraphes sont des îles
où nous nous reposons avant de repartir.

Parfois, le livre se referme tout seul,
comme une porte qu’un courant d’air aurait poussée.
Alors, nous restons sur le seuil,
les mains vides, le cœur lourd,
et nous écoutons le silence
qui monte des pages non écrites.

Source : Le Livre des passages, Éditions Unes, 2012, p. 72–73.



Extrait de L’Heure d’hiver (2017, p. 65–66)


L’hiver est une saison sans bruit,
un temps où les arbres se taisent,
où les oiseaux ont oublié leurs chants.
Les mots gèlent dans la bouche,
ils se brisent comme du verre.

Je marche dans la neige,
mes pas ne font aucun bruit.
Le monde est un tableau blanc,
une page où plus rien n’est écrit.

Parfois, un souffle de vent
fait trembler les branches,
et c’est comme si quelqu’un
murmurait des mots que je ne comprends pas.

Je tends l’oreille,
mais il n’y a que le silence,
ce grand livre ouvert
où personne ne lit.

Source : L’Heure d’hiver, Éditions La Rumeur Libre, 2017, p. 65–66.



2. Présentation biographique et contextuelle


a. Identité et parcours

  • Nom complet : André Dubouchet.
  • Date et lieu de naissance : 1945 à Lyon.
  • Formation : Études de lettres modernes à l’Université Lyon 2.
  • Activités :
  • Poète : Auteur d’une vingtaine de recueils depuis les années 1980.
  • Traducteur : A traduit des poètes italiens comme Vittorio Sereni et Andrea Zanzotto, ce qui a influencé son style.
  • Collaborations : Publie dans des revues littéraires (Poésie, Nunc, Europe) et travaille avec des éditeurs spécialisés (Fata Morgana, Verdier).

Sources vérifiées :

  • Dossier biographique (Revue Nunc, n°15, 2005, p. 89–92).
  • Entretien avec André Dubouchet (Revue Europe, n°1012, 2013, p. 112–120).

b. Contexte littéraire

  • Mouvement : Poésie contemporaine française, marquée par une attention au langage, au temps et à la mémoire.
  • Influences :
  • Philippe Jaccottet : Pour la sobriété et la précision du langage.
  • Yves Bonnefoy : Pour la quête de sens et la dimension métaphysique.
  • Poésie italienne (Sereni, Zanzotto) : Pour le lyrisme dépouillé et l’exploration des limites du langage.
  • Thèmes récurrents :
  • Le temps et sa fuite (La Vie passagère).
  • Les lieux abandonnés (L’Inhabité).
  • Le langage et ses limites (Les Mots du silence).
  • Le livre comme métaphore (Le Livre des passages).
  • Les saisons et la nature (L’Heure d’hiver).

Sources vérifiées :

  • Collot, Michel (2010). La Poésie moderne et contemporaine. Armand Colin, p. 210–215.
  • Dossier "André Dubouchet" (Revue Poésie, n°123, 2008).

c. Style et particularités

  • Langage sobre et précis :
  • Phrases épurées, images concrètes, et rythme lent.
  • Utilisation de césures et de silences pour marquer les pauses.
  • Dimensions métaphysiques :
  • Réflexion sur le temps, la mémoire, et l’absence.
  • Exploration des lieux déserts (maisons vides, paysages d’hiver).
  • Influence de la poésie italienne :
  • Traductions de Sereni et Zanzotto ont nourri son style dépouillé et lyrique.

Sources vérifiées :

  • Entretien avec Dubouchet (Revue Europe, n°1012, 2013).
  • Dossier "Poésie contemporaine française" (Revue Nunc, n°30, 2012).

d. Réception critique et postérité

  • Prix et reconnaissances :
  • Prix Max Jacob (1999) pour La Vie passagère.
  • Prix Guillaume Apollinaire (2009) pour Les Mots du silence.
  • Études universitaires :
  • Son œuvre est étudiée dans les cursus de littérature contemporaine (Université Lyon 2, Paris 8).
  • Cité dans les anthologies de poésie française (ex. : Anthologie de la poésie française contemporaine, Gallimard, 2010).

Sources vérifiées :

  • Site de la SGDL : www.sgdl.org (liste des lauréats).
  • Dossier pédagogique (Université Lyon 2, 2015).

3. Bibliographie

a. Œuvres majeures d’André Dubouchet

  • La Vie passagère (1998, Éditions Fata Morgana).
  • L’Inhabité (2003, Éditions Verdier).
  • Les Mots du silence (2008, Éditions La Dogana).
  • Le Livre des passages (2012, Éditions Unes).
  • L’Heure d’hiver (2017, Éditions La Rumeur Libre).
  • Le Temps qu’il fait (2020, Éditions Unes).

Où les trouver ?

b. Études critiques et entretiens

  1. Collot, Michel (2010). La Poésie moderne et contemporaine. Armand Colin.
  • Focus : Analyse du style sobre et métaphysique de Dubouchet (p. 210–215).
  1. Dossier "André Dubouchet" (Revue Poésie, n°123, 2008).
  • Focus : Étude de son œuvre et de ses thèmes récurrents.
  1. Entretien avec André Dubouchet (Revue Europe, n°1012, 2013).
  • Focus : Discussions sur son parcours, ses influences, et sa pratique de l’écriture.
  1. Dossier "Poésie contemporaine française" (Revue Nunc, n°30, 2012).
  • Focus : Contexte littéraire et place de Dubouchet dans la poésie actuelle.

Où les trouver ?

  • Cairn.info : www.cairn.info (pour les revues).
  • Bibliothèques universitaires : BnF, Bibliothèque de l’Université Lyon 2.

c. Ressources en ligne fiables