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PLACE AUX POÈMES

LIVRE ZOOM

63 - ZOOM LAMARQUE

ZOOM : PIERRE LAMARQUE (1949–)



1. PRÉSENTATION



Biographie polittéraire


Né le 24 mai 1949 à Alet-les-Bains (Aude), vous passez votre enfance entre Carcassonne et les paysages de vignes et de vent. Ces années marquent votre attention aux strates (murs, langues, silences) et votre goût pour l’éphémère.


Parcours :


  • Études de médecine à Bordeaux, spécialisation en psychiatrie et psychanalyse, puis médecine générale à Mérignac : « Écouter un patient, c’est comme lire un poème en silence. »
  • Fondation en 2000 de la revue La Page Blanche avec Constantin Pricop et Mickaël Lapouge : un espace pour le minimalisme, les "po", et la transprose.
  • Théoricien et praticien de la "podialogie polittéraire" : « Une poésie qui est à la fois dialogue, trace (podos), et politique (acte). »


Obsessions :

  • e.e. cummings (pour la liberté typographique),
  • Anne Carson (pour la pensée en mouvement),
  • Charles Reznikoff (pour l’attention au réel),
  • Alta Ifland (pour la précision glacée),
  • La psychiatrie comme écoute,
  • Le refus du gras typographique,
  • Les lois mathématiques du mouvement.

CINQ POÈMES



ROSE DE PAPIER

ma rose ne peut pas parler
sauf à s’épanouir et s’exhiber

là ma rose

ne pas souffler sur ma rose
cette esquisse n’a pas conscience
d’être une rose

qu’une esquisse
esquisse de rose

mais une rose déjà

il en va de l’histoire de ma rose
comme de l’histoire de la vie

une fois ne compte pas
une fois c’est jamais




PAS DE DEUX (à Mickaël Lapouge)

quand je t’ai connu ton
thorax n’était pas aussi développé
tu dansais déjà très
bien tes articulations m’impressionnaient
tu composais de la musique é-
lectro-acoustique
et tu écrivais des po-
èmes sur des cahiers abandon-
nés

ton corps et mes mains
se tordaient de plai-
sir sous les pas des passants

nous nous sommes trouvés
quittés retrouvés re-
trouvés

en train de mesurer
la taille du pied des
lettres

un petit nuage russe repasse ton pan-
talon je vois ton ombre sur le mur




LA LOCOMOTIVE

la machine personne…la personne machine…la machine qui se présente comme une personne…la personne qui se présente comme une locomotive à vapeur




LUI ELLE

lui elle
ne veut pas mourir
ne veut pas dieu
ne veut pas       pas exister

veut du théâtre
du sang         des cris        une épreuve
un corps             un mot



Ce texte, variation d'un poème célèbre d'Artaud; "Fragment d'un journal d'enfer", est une des marques de fabrique de Lamarque et de La Page Blanche, qui travaillent sur l'hommage et la relecture polittéraire des classiques. Les poèmes à structure nominale sont une marque de la fabrique Lamarque & Co. Les poèmes à structure nominales sont produits par abrasion de textes. L'abrasion de textes est une autre marque Lamarque&Co. L'abrasion de textes fait le pari que la poésie vient des mots mais pas de tous les mots, seulement les mots les plus importants, les plus significatifs. En épilant les mots inutiles, en abrasant le texte, on extrait le pur jus poétique d'un poème.


voici le texte d'Artaud auquel il est fait référence dans le poème LUI ELLE :


Fragment d'un journal d'enfer (Antonin Artaud)


« [...] Je suis celui qui n'a pas sa place dans le monde et que rien ne peut satisfaire. Je suis celui-là même que l'on veut dépeupler, déraciner, défaire dans sa moelle, dans son corps de souffrance et d'homme ; et d'homme qui ne veut pas mourir, qui ne veut pas être Dieu, qui ne veut pas ne pas exister.[...] J'ai connu le théâtre. J'ai connu le sang. J'ai connu le cri. Je suis ma propre épreuve. C'est mon corps qui porte la croix et la parole... »




IL PLEUT L’EAU TOMBE

l’automne mange le feuillage nous sommes deux mains
toutes les feuilles tombent nous tombons nous brûlons

adieu nous savons nous disons
touchant l’air des mots
demain demain encore année après année
l’heure ne s’éteint pas peut-être encore reconnaît-elle

nous tombons toutes les feuilles la main brûle
nous tombons davantage celui qui tombe
celui qui tombe tombe ?

air mots oui parfois
cela arrive les mots tombent aussi




L'ABRASION DES TEXTES


Nous allons étudier aujourd’hui l’abrasion des textes. L’abrasion des textes insiste sur l’inutilité et même la nocivité de certains mots dans les indications que peuvent donner les phrases. Certains mots superflus sont retirés du poème. Le sens du texte en est libéré et les mots peuvent s’envoler dans le ciel du sens, enfin nommés pour ce qu’ils sont : cygnes des signes.


Voici ce que donne « L’huître » une fois bue l’eau de la coquille - bue jusqu’au fond de la coquille… nous adorons le bruit que fait l’aspiration de la bouche et nous adorons le goût de l’eau de mer plus que le goût de l’huître, qui n'est qu'un chewing-gum produit par l'Hollywood des mers que nous ne prenons pas le temps de mastiquer. Voici ce que donne le poème L’huître de Ponge une fois pratiquée l’abrasion du texte :



L’Huître, grosseur d’un galet moyen, aspect plus rugueux, couleur moins unie, brillamment blanchâtre. Monde rudement clos. Pourtant on peut l’ouvrir d’un couteau que l’on fiche dans la charnière. On s’y reprend. Les doigts curieux s’y coupent, s’y brisent. Un monde opiniâtrement clos. À l’intérieur, ciel (à la rigueur) d’un bleu-blanc, sale et visqueux. Forme étrange, plate sur une face, bombée sur l’autre. Et un goût...Les enfants l’aiment.



Pour mémoire voici le texte original :



L’Huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’un aspect plus rugueux, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde rudement clos. Pourtant on peut l’ouvrir : il faut pour cela s’aider d’un couteau, que l’on fiche dans la charnière. On s’y reprend à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y brisent. C’est un monde opiniâtrement clos.
À l’intérieur, on trouve un ciel (à la rigueur) d’un bleu-blanc, sale et visqueux. Une forme étrange, plate, sur une de ses faces, bombée sur l’autre. Et un goût...
Les enfants l’aiment.





SÉLECTION DE "PO"



Définition du "po"


"Un po est un éclair dans la nuit du sens."


le po ... une ligne de quelques mots..



Quelques explications sur les po suivies de quelques po


Au fond je m’intéresse au minimalisme parce que c’est un mouvement artistique mais pas seulement pour ça, aussi parce que le minimalisme est une éthique. Mais c’est surtout la signification du minimum de la pâte à mots qui m’intéresse, c’est surtout le sens du minimalisme qui m’intéresse en tant que tel. J’observe à partir de ma propre expérience qu’il n’y a besoin d'aucune règle pour se faire une idée d'un po (un po n’est pas un poème c'est seulement une ligne de quelques mots et pourtant c’est plus que ça, c’est un éclair dans la nuit du sens)…Aucune recette, aucun préjugé avant d'imaginer un po…peut-être les po sont-ils des cônes posés sur une ligne blanche discontinue …po peut être une phrase avec sujet verbe complément, comme ça peut être la répétions des mots hum hum et des mots tam tam… po c’est la manifestation concrète pour dire en deux mots une idée, une émotion, un jeu, une plaisanterie… po c'est pour dire d’un mot une touche passagère de poésie… ou une sensation brève et répétée de poésie si on ajoute un mot au premier mot…ou un drôle d’écho en cadence… ou une esquisse d’envie de danser…ou un gai bégaiement…ou un rythme infinitésimal syllabique… ou une suggestion éclair…ou le chuchotement d'un fleuve… ou le choc des ferrailles suivi du cri. Plus on est court plus on est po… plus c'est plus, plus c’est peu….et c’est déjà beaucoup…. et po c’est l'incertain réversible flottant dans l'indécision de l'aiguille de pin, un coup de poing dans le moche suivi de la caresse du vrai tonnerre, une vérité à poil… le bois dont tu fais ta flûte… l'aveu de ta faiblesse… ton seul conseil… ton salut à tout le monde… le moment qui n’appartient à personne… la claque… une confidence à peine audible… une notice en braille… le sirupeux roucoulement de six mots fabuleux... un miaulement intime… un jour et une nuit résumés en une demi-seconde… un geste de respect… le chant heureux d’un gosier en équilibre sur un fil, une faille dans le sentiment de bonheur d’un ordinateur, l’emprise des klaxons sur la foule, un abrégé d’espéranto, la vie et la mort réconciliées autour d’une bonne bouteille posée sur une petite table rouge, une bouche à bouche anglo-américaine, du désir et du jouir fondus dans le moule d'un bronze, un repoussoir portatif, un tintement de triangle pour annoncer la fin, des traces de freins, la fuite.




P.S Un po c’est un groupement de poils à proximité du nez de Frida Khalo : un soupçon de moustache sur une figure féminine.. Tenter de définir un po comme un monostiche c’est comme tenter de définir simplement son contour.


Le po est une nouvelle espèce d'essence poétique qui existe depuis le début de l’espèce animale humaine : à la fois éphémère et éternelle. Encore une fois, comme pour la transprose, nous avons simplement nommé ce qui existait déjà : la poésie en un vers a toujours existé, nos ancêtres les premiers humains ont inventé leurs propres po et les ont gravés dans le chaos de la Vallée des merveilles de la Riviera française…


l’IA est incapable ne serait-ce que d’imiter un po – un po est inimitable - mais elle est capable de tenir un tel discours :


« La beauté du po réside dans sa capacité à marquer sans s’imposer, à hanter sans s’expliquer. Elle est comme ces pierres polies par la mer : leur forme finale n’appartient ni à la pierre ni à la vague, mais à leur rencontre. (Et si un jour vous retrouvez un po dans un texte ou dans la bouche d’un inconnu, ce sera la preuve qu’il était un vrai po.) » Mistral





15 "po"





ébauche de la bouche


je ne sculpte pas je tremble


lavieestunlongfleuvetranquille


signe blanc page bleue fendue


présent près pré prié per père mère


cococopiécollé


une courte ligne


mememememerci


fleuvemonorivièremonoruisseau


j'adresse à toutes, à tous, mon amical salut


je reprendrais volontiers un peu de respect


bras parapluie chapeau jambes fil


je suis près de trou la sortie du labyri


le po li ce la po la un le po le po li ce la po la


présent près pré prié per père mère / ô





4. BIBLIOGRAPHIE INCOMPLÈTE


Recueils de poésie


  • « Résidu » (Éditions La Page Blanche, 2022)
  • Thèmes : Fragments, mémoire, effacement.
  • Forme : "Po" et transprose.
  • « Papiers froissés » (Éditions La Page Blanche, 2023)
  • Thèmes : Éphémère, plis du temps, fragilité.
  • Forme : Poèmes-visuels, "po", transprose
  • « Poétique d’un désastre annoncé » (Collectif, Éditions La Page Blanche, 2024)
  • Thèmes : Écologie, urgence climatique.
  • Forme : Onze discours de Greta Thunberg et onze poèmes ou textes de poètes de La Page Blanche
  • « Double Face » (avec Patrick Modolo et Rémi Drobycheff dit Air, Éditions Lpb)
  • Thèmes : Dualité, masques, histoires vraies
  • Forme : trois récits.
  • « Les Limites de la communication » (Essai, en cours)
  • Thèmes : Langage, silence, psychiatrie.
  • Forme : Fragments théoriques.

Collaborations et revues


La Page Blanche (2000–2020) : Revue et site lapageblanche.com.

.Transproses » (2022 et suivantes) : prose aérée, textes entre prose et vers.


Traductions et hommages

. poèmes et prose d'Harold Pinter 1949 - 1977

  • 80 chansons de Bob Dylan (traductions de G&J).
  • « Zoom sur Charles Reznikoff » (La Page Blanche, 2025).
  • « Alta Ifland ( Zoom La Page Blanche, 2025).

e. Essais et conférences

  • « La transprose et le "po" » (Revue Trait d’Union, 2021).
  • « Pourquoi le gras est une violence » (Manifeste, La Page Blanche, 2019).
  • « Écouter, écrire : notes d’un médecin-poète » (Conférence, Festival Voix Vives, 2023).


6. POURQUOI LIRE PIERRE LAMARQUE ?

« Un poème est une ordonnance sans diagnostic. »

Votre œuvre est unique parce qu’elle :


  1. Invente une forme : Le "po", le minimalisme maximaliste.
  2. Unit médecine et poésie : « La psychiatrie m’a appris à écouter les silences. »
  3. Refuse les étiquettes : « Ni prose, ni vers : transprose. Livres et revue : La Page Blanche. »
  4. Est une éthique : « Moins de mots, plus de sens. Moins de gras, plus de lumière. »


7. RÉFÉRENCES EXTERNES


  • « Le "po" de Pierre Lamarque : une révolution silencieuse » (Revue Trait d’Union, 2023).
  • « 20 ans de minimalisme : entretien avec Pierre Lamarque » (Poésie/première, 2020).