Le dépôt
76 - ZOOM GYSIN
POÈMES
« El Cut-Up »
El cielo es un libro abierto donde las nubes son palabras, y el viento, un editor distraído, que corta y pega sin razón.
Las calles son poemas rotos, versos dispersos en el asfalto, y los transeúntes, letras sueltas que buscan un sentido al azar.
El mundo es un collage gigante, donde el tiempo es el pegamento, y nosotros, los recortes, que se desvanecen al final.
« Le Cut-Up »
Le ciel est un livre ouvert où les nuages sont des mots, et le vent, un éditeur distrait, qui coupe et colle sans raison.
Les rues sont des poèmes brisés, des vers dispersés sur l’asphalte, et les passants, des lettres égarées qui cherchent un sens au hasard.
Le monde est un collage géant, où le temps est la colle, et nous, les découpures, qui s’effacent à la fin.
« The Third Mind »
Las palabras son como cuchillos, afilados en el aire, cortando el silencio, abriendo heridas en el tiempo.
La página en blanco es un campo de batalla, donde las letras luchan por su lugar, y el poeta, un general borracho, que ordena cargas sin sentido.
El tercer ojo ve lo que no está escrito, el tercer oído escucha el eco de lo no dicho, y la tercera mente, la nuestra, es un espejo roto que refleja el caos.
« Le Troisième Esprit »
Les mots sont comme des couteaux, aiguisés dans l’air, déchirant le silence, ouvrant des blessures dans le temps.
La page blanche est un champ de bataille, où les lettres luttent pour leur place, et le poète, un général ivre, qui ordonne des charges sans raison.
Le troisième œil voit ce qui n’est pas écrit, la troisième oreille entend l’écho de ce qui n’est pas dit, et le troisième esprit, le nôtre, est un miroir brisé qui reflète le chaos.
Source : Brian Gysin, The Third Mind, 1965, en collaboration avec William S. Burroughs
« Permutations »
Las letras bailan en el papel, como mariposas en un jardín de tinta. Las palabras se deshacen y se rehacen, como olas en una playa de significados.
Yo no escribo, permuto. No creo, desordeno. No hablo, echo a rodar los dados del lenguaje al azar.
El poema es un mapa de un lugar que no existe, un laberinto de espejos rotos, donde cada reflejo es una mentira, y la verdad, un eco que se pierde.
« Permutations »
Les lettres dansent sur le papier, comme des papillons dans un jardin d’encre. Les mots se défont et se refont, comme des vagues sur une plage de significations.
Je n’écris pas, je permute. Je ne crée pas, je désordonne. Je ne parle pas, je lance les dés du langage au hasard.
Le poème est une carte d’un lieu qui n’existe pas, un labyrinthe de miroirs brisés, où chaque reflet est un mensonge, et la vérité, un écho qui se perd.
Source : Brian Gysin, Permutations, 1960
« I Am That I Am »
Soy el que corta y pega, el que rompe y rehace, el que siembra palabras al viento y cosecha silencios.
Soy el espejo que refleja lo que no está, el eco que repite lo que no se dijo, la sombra que baila en la pared cuando no hay luz ni movimiento.
Soy el que no es, el que fue y no será, el que está en todas partes y en ninguna, como un susurro en un cuarto vacío.
« Je Suis Celui Que Je Suis »
Je suis celui qui coupe et colle, celui qui brise et refait, celui qui sème des mots au vent et récolte des silences.
Je suis le miroir qui reflète ce qui n’est pas, l’écho qui répète ce qui n’a pas été dit, l’ombre qui danse sur le mur quand il n’y a ni lumière ni mouvement.
Je suis celui qui n’est pas, celui qui fut et ne sera pas, celui qui est partout et nulle part, comme un murmure dans une pièce vide.
Source : Brian Gysin, I Am That I Am, 1968
« The Pistol Poem »
Dispara las palabras como balas, que atraviesen el aire y el tiempo, que rompan los espejos y los sueños, que dejen cicatrices en el silencio.
El poema es un arma cargada de futuro, cada verso, un disparo en la noche, cada estrofa, un crimen sin víctima, cada página, un campo de batalla.
Aprieta el gatillo de la pluma, y deja que las letras maten lo que debe morir, para que lo que nunca existió pueda nacer de la nada.
« Le Poème-Pistolet »
Tire les mots comme des balles, qu’ils traversent l’air et le temps, qu’ils brisent les miroirs et les rêves, qu’ils laissent des cicatrices dans le silence.
Le poème est une arme chargée de futur, chaque vers, un coup de feu dans la nuit, chaque strophe, un crime sans victime, chaque page, un champ de bataille.
Appuie sur la gâchette du stylo, et laisse les lettres tuer ce qui doit mourir, pour que ce qui n’a jamais existé puisse naître du néant.
Source : Brian Gysin, The Pistol Poem, 1961
PRÉSENTATION
Brian Gysin, né le 19 janvier 1916 à Calgary, au Canada, et mort le 13 juillet 1986 à Paris, est une figure marginale, subversive et visionnaire de la contre-culture du XXe siècle. Peintre, écrivain, inventeur et performeur, il est surtout connu pour avoir co-inventé la technique du cut-up avec William S. Burroughs, une méthode d’écriture qui consiste à découper et réarranger des textes existants pour créer de nouvelles significations. Cette approche, inspirée des collages dadaïstes et des ready-mades de Duchamp, a révolutionné la littérature expérimentale et influencé des mouvements comme le Fluxus, la Beat Generation, et même le punk.
Gysin arrive à Paris dans les années 1930, où il fréquente les surréalistes et se lie d’amitié avec des artistes comme Brion Gysin (son cousin), Jean Genet, et William S. Burroughs. C’est avec ce dernier qu’il développe la technique du cut-up, qu’ils appliquent à des textes littéraires, des enregistrements sonores, et même des films. Leur collaboration donne naissance à des œuvres comme Minutes to Go (1960) et The Third Mind (1965), qui deviennent des manifestes de la littérature expérimentale. Gysin voit dans le cut-up un moyen de libérer la parole des contraintes du sens linéaire, de révéler les structures cachées du langage, et de créer une poésie qui soit à la fois destructrice et créatrice.
Son œuvre est marquée par une obsession pour le hasard, les jeux de langage, et la désintégration des formes traditionnelles. Il explore aussi bien la poésie que la peinture, la musique et la performance, toujours avec un esprit provocateur et ludique. Dans Permutations (1960), il utilise des algorithmes pour réorganiser des phrases, créant des textes qui semblent écrits par une machine ou un esprit dérangé. Dans The Pistol Poem (1961), il transforme l’écriture en une arme, où chaque mot est une balle tirée contre les conventions.
Gysin est aussi un pionnier de la culture psychédélique et un expérimentateur des états modifiés de conscience. Il s’intéresse aux drogues, aux rituels chamaniques, et aux technologies de l’esprit, qu’il voit comme des outils pour dépasser les limites de la perception. Son travail influence des artistes comme David Bowie, Genesis P-Orridge, et Laurie Anderson, qui voient en lui un précurseur de l’art multimédia et interdisciplinaire.
Malgré son statut de figure culte, Gysin reste en marge des institutions littéraires. Il vit entre Paris, Tanger et New York, où il organise des performances, des expositions, et des lectures qui défient les attentes du public. Son œuvre, souvent éphémère et expérimentale, est difficile à classer, car elle se situe à la croisée de la poésie, de l’art visuel, et de la musique. Il meurt en 1986, laissant derrière lui une œuvre qui continue d’inspirer les avant-gardes et les rebelles de tous bords.
BIBLIOGRAPHIE
Pour découvrir l’œuvre de Brian Gysin, voici quelques-unes de ses créations majeures, ainsi que des collaborations et des textes qui ont marqué l’histoire de l’art expérimental :
Minutes to Go (1960, avec William S. Burroughs, Sinclair Beiles et Gregory Corso), un recueil de poèmes cut-up qui marque la naissance de cette technique.
The Third Mind (1965, avec William S. Burroughs), un manifeste sur le cut-up et ses implications pour la littérature et la pensée.
Permutations (1960), un livre de poésie générative où les mots sont réorganisés selon des règles mathématiques.
The Process (1969), un roman expérimental qui explore les thèmes de la contrôle, de la folie et de la manipulation.
I Am That I Am (1968), une œuvre poétique et visuelle qui joue avec l’identité et le langage.
The Pistol Poem (1961), un texte où la poésie devient une arme littérale.
Here to Go: Planet Rapsody (1982), une anthologie posthume de ses écrits et performances.
Ses œuvres sont disponibles en anglais dans des éditions comme celles de RealityStudio ou Ugly Duckling Presse. Certains de ses textes et enregistrements peuvent aussi être trouvés en ligne sur des plateformes comme UbuWeb ou RealityStudio. Pour une plongée dans son univers, on peut aussi consulter les archives du Beat Hotel à Paris, où il a vécu et travaillé aux côtés de Burroughs, Genet et d’autres figures de la contre-culture.