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AUTEUR-E-S - Index 1

10 - Patrick Modolo

Short Message Stories

Short story message system


Il reçut ce S.M.S. un matin, au réveil. Ou plutôt le reçut-il dans la nuit, et ne l'avait-il vu que le matin à son réveil, car il laissait allumé son portable tout le temps. "Au cas où, tu sais..."


Aujourd'hui, vous mourirez. Bonne fin de journée.


Il pensa tout de suite à une mauvaise blague d'un mauvais élève. Une telle erreur, c'était vraiment une faute de goût.


Il rappela le numéro indiqué : "Votre opérateur vous indique que ce numéro n'est pas attribué."


Il reçut ce même S.M.S. à plusieurs heures de la journée. Avec de simples variantes horaires.


Vous avez passé la matinée. Aujourd'hui vous mourirez. Bonne fin de journée.


Vous avez passé le déjeuner...


Vous avez passé l'après-midi...


Et ainsi de suite jusqu'au soir.


Il avait porté plainte. Pour la forme. Contre X. Évidemment. Un comble, pour un prof de lettres, de porter plainte contre X.

À 23 heures, alors qu'il était couché, une nouvelle alerte S.M.S. retentit.

Vous mourrez avant minuit.


Ce message contrit son cœur d'horreur cette fois et le fit suffoquer, manquer d'air. Son téléphone sonna une dernière fois. Et la dernière chose qu'il vit de sa vie fut l'heure sur son mobile : 23h59.



Pain quotidien



La boutique était restée fermée. Ornée de toutes les décorations de Noël. Un air de fête s'y lisait.

On était fin février.

Il s'approcha de la porte de la boulangerie.

"Fermée pour cause de décès."

"Ah merde alors !"

Cette nouvelle le mit à terre.

"Où est-ce que je vais aller chercher mon pain maintenant ?"



Cavités


Il voulait absolument sourire. Sourire à pleines dents. Et moi, je n'y tenais absolument pas. Je l'en empêchais même. De tout mon sérieux. Ou du moins, j'essayais. Car je l'avais déjà vu sourire. A demi-mot.

Mais trop tard, il explosa de rire, à gorge déployée. Exposant des dents noires et creusées comme la grotte de Lascaux. L'art pariétal en moins.



Drôle de suicide / Œuvre d'art I


Il voulait faire de sa mort une œuvre d'art. Il se jeta du troisième et dernier étage du musée Guggenheim de Bilbao un jour de vernissage.



Les femmes et les enfants d'abord


"Les femmes et les enfants d'abord !"


Dans l'église, tous se serrent. Pourtant il ne fait pas froid, en ce jour de juin. La colère de Dieu est en train de s'abattre sur eux. Mais ce jour-là, Dieu n'existe pas. Il ne peut pas exister. Ce jour-là, Il n'existe pas. Il n'existe plus.

Ce jour-là, tous se serrent.

Enfants, à hauteur d'autel. Et leurs mères. Et des femmes pas encore mères, ou déjà grands-mères.


"Frauen und Kinder zuerst !"


On est le 10 juin 1944. À Oradour-sur-Glane.


Épilogue

Aujourd'hui, le dernier survivant est mort. Mais on verra encore longtemps ces impacts de balles sur l'autel, à moins d'un mètre du sol.



Historiette pythagoricienne et irrationnelle


                             À Dominique Boudou


Il était une fois une petite pie qui, à force de tourner en rond, n'arrivait plus à pondre d'œufs.

Et sans œufs, elle se transforma rapidement en statue de pierre.

Très peu de temps après, l'air lui manqua.

Elle suffoqua et se réincarna en nombre.

Ainsi naquit π.

 


Le vieux poète


Ce vieux monsieur était connu de tous dans le quartier. On l'appelait "le poète". Un peu péjorativement. Ce nonagénaire n'avait après tout publié qu'un seul recueil. Et encore, publié à compte d'auteur. 

On le raillait parfois, en criant en passant devant sa porte : " Eh Victor Hugo, c'est toi le misérable !"

Au moins cette jeunesse, toute prosaïque soit-elle, a une certaine culture littéraire...

Ce n'est qu'à sa mort qu'on découvrit le reste de ses écrits. Des manuscrits. Qu'un petit vaurien déroba. Et qu'il garda. Puis oublia dans un des recoins de sa chambre.

Le chenapan grandit. Baccalauréat. Études supérieures. De Lettres. Belle voie de garage. Mais quelle ne fut pas sa surprise quand il reconnut, estomaqué, le nom cité par son professeur qui allait lui faire passer son oral de fin d'études sur "L'Horizon chimérique". D'un certain Jean de La Ville de Mirmont. Dont il avait jeté un soir de débauche tous les feuillets, un par un, au feu, rien que pour le plaisir de les éteindre en pissant une dernière fois sur la mémoire du vieux poète.



Vous êtes la future élite de la Nation


L'accueil avait été dithyrambique.

"Bonjour à tous. Vous êtes la future élite de la Nation."

Et du haut de nos 18 ans, on y avait tous cru. Le cœur gonflé d'orgueil. Eux-aussi y croyaient. Mais on n'est pas sérieux, quand on a tout juste 18 ans.

À 20 ans, nous étions tous reçus aux concours des plus Grandes Écoles. La C.P.G.E. avait fonctionné. Mais l'ascenseur social marquait le coup parfois pour certains d'entre nous.

À 30 ans, nous occupions tous de hauts postes, dans les plus grandes entreprises. Et dans les plus prestigieuses administrations.

À 40 ans, on était enfin devenus l'élite de la Nation. On était tous dans le Périgord. A élever des chèvres. "Pour se reconnecter avec la Nature."



Séisme


Mehmet avait un rêve : visiter la Californie. Ses plages, ses paysages, ses grands espaces. Tout ce qu'il voyait dans les films.

Mais Mehmet avait aussi une terrible angoisse. Celle d'être victime, une fois là-bas, du Big One. La faille de San Andreas lui faisait peur. De cette peur réelle, mais irrationnelle, qui l'ébranlait littéralement. Comme si cette faille géologique réveillait ses propres failles émotionnelles.

À 20 ans, il n'avait donc pas osé réaliser son rêve. Et on ne sait jamais ce qui peut arriver si on ne réalise pas ses rêves.

En cette mi-février 2023, Mehmet mourut dans sa ville natale. Chez lui. Tragiquement. Dans son lit. Pendant son sommeil peut-être même. Emporté par ce terrible séisme qui faucha et ravagea une partie de la nation turque.



Point de chute


Ce pauvre aveugle n'y voyait pas clair. Sans être clairvoyant, il était pourtant médium. Il prévoyait l'avenir, à défaut de voir où se posait son prochain pas. En visite guidée, il en fit un, malheureux, de côté. Et tomba dans la cataracte.



Dionysiens


Les J.O. seraient une fête pour cette population de Saint Denis. Une véritable reconnaissance de ce "territoire". Ils ne seraient plus jamais les S.D.F. du sport et de la Nation. Enfin, une renommée mondiale, internationale les attendait. Cette "banlieue" serait sous les projecteurs de tous les médias, de tous les réseaux sociaux, au centre de l'attention planétaire. Et ces gens auraient enfin droit au sommet : à l'olympisme. La fête serait dionysiaque ! Une véritable consécration, pour Saint Denis et ses habitants.

L'engouement devant leur poste de télévision ne se ressentit pas. Contrairement à la ferveur à l'intérieur des stades. Dont l'accès était à des prix bien trop exorbitants pour eux.



Sans coup férir


Jean voulait se battre. Jean voulait défendre la Nation. Sa Nation. Sa mère patrie. Mais son corps l'en défendait. Extrême myopie. Et malingrerie.

Réformé deux fois, il s'était entêté. Il avait mangé des pâtes. Des plâtrées et des plâtrées. Et il avait exercé son corps. Heure après heure. Jour après jour. Avec cette idée fixe : partir pour la plus grande aventure de sa vie. Et il réussit.

Il mourut dans les premières semaines de la guerre. Le 28 novembre 1914. Enseveli par cet immense amas de terre projeté en l'air lors de cette explosion d'obus qui lui était instantanément retombé dessus, alors qu'il n'avait pas voulu rompre, n'écoutant pas les ordres de son supérieur, et attendant avec un zèle naïf cette relève qui n'en finissait pas de ne pas arriver.

Il ne décéda pas sur le coup. Sa nuque rompue, il laissa échapper des "Maman, Maman." Car c'est bien sa propre mère que l'on invoque quand votre mère patrie vous enterre vivant.

Quelques minutes plus tard, il mourut, aussi bêtement qu'il avait vécu. Sans avoir tiré une seule balle.



Amélie


Il y avait comme un air de fête à ses quarante ans ! Une belle et grande fiesta même. Elle avait bu, rigolé, dansé, chanté, bu encore. Entourée de ses proches, famille et amis réunies, la fête fut réussie. Un rituel de passage en bonne et due forme, comme pour mieux franchir le cap de ces quarantièmes rugissantes. Qu'elle se sentait vivante !

S'ouvrait à elle une nouvelle quarantaine. Plus festive que celle de 2020. S'offraient à elle les plus grandes résolutions. Même celle, pourquoi pas, de la quadrature du cercle...

Son mari et ses deux enfants de 4 et 8 ans l'entouraient. Elle avait tout pour être heureuse. Et elle l'était. Car l'avenir lui souriait.

Avec la cagnotte de ses 40 ans, elle avait prévu un tour d'Europe en train, en 40 villes. Car elle avait eu un joli petit pécule.

Ses rêves se brisèrent en même temps que sa colonne vertébrale dans le choc frontal.


Et le beau petit pécule ne couvrit même pas la totalité de ses funérailles.



Colette


Colette était désorientée. Déstabilisée. Et moi, j'étais devant elle. Décontenancé. Sa fille ? Où elle vit, votre fille, Madame ? Mais Bordeaux, c'est tout droit. C'est l'autre quai !

A cet arrêt de tram, je l'avais presque sauvée de la collision. Là, au moins, elle aurait percuté...

Mais attention, Madame, il ne faut pas traverser comme ça ! Voyons ! Vous avez perdu la tête ou quoi ? Vous risquez de vous faire écraser.

Ma fille. Elle est à Bordeaux. C'est où Bordeaux, déjà ? Comment ça, de l'autre côté ? Sur l'autre quai ? Mais il n'y a pas de quai ici, voyons, Monsieur. Et il n'y a même pas de fleuve. C'est par où déjà Bordeaux ?

Et elle souriait de ce sourire naïf qui vous perturbe. De ce sourire plein de bonté et d'innocence.

Oui, oui, Bordeaux, c'est par là. Ne bougez pas, je vais vous y accompagner.

Lorsqu'on arriva à bon port, à l'E.P.H.A.D. des "Coteaux de la Garonne, 32 avenue de Tivoli, 33110 Le Bouscat", suivant l'adresse indiquée sur le bracelet de son poignet, cela faisait bien deux heures que sa fille, qui venait la voir tous les samedis après-midi de deux heures à trois heures trente la cherchait partout.



Dernière demeure


Les cercueils étaient rutilants. Flambant neufs. Prêts pour l'incinération. Et en ronce de noyer, s'il vous plaît. Un dernier hommage en bonne et due forme pour cette petite centaine de corps de migrants que la mer avait rejetés, et qui, de toute façon, n'auraient pas fait long feu non plus dans ce pays qui lui aussi les aurait rejetés.



Le vieux mendiant


Tous les jours. A la même heure. Fidèle au poste. Par temps de pluie, par temps de gel, par beau temps, ou sous le plus fort des cagnards. Un sourire édenté. Mais vivant. Et cette main irrémédiablement tendue pour recevoir l'aumône. 70 ans. Ou plus... La pauvreté vieillit de toute façon les gens.

Et sur un carton, un écrit. Bourré de fautes d'orthographe.

Et moi, au sec, au chaud, parfois la vitre entrouverte, ou fermée, à cause de la clim. À le saluer d'un geste amical de la main. Et avec le sourire, en plus. Un sourire honnête. Humain. Gêné. Mais sans rien lui donner d'autre que ce sourire en guise de main tendue. Quand le feu rouge m'immobilise un instant à son niveau.



"Plus il y en a, moins on en voit"


"Plus il y en a, moins on en voit." Partant de ce principe, le vieux peintre amateur d'art décida de revenir chaque jour au musée, pour n'y "voir" qu'un seul des plus de deux mille tableaux que la collection de ce musée comptait. Et le regarder.



Diogène


Diogène était une entreprise en avance sur son temps qui fabriquait des voitures héliportées. Les "automobiles" avaient été reléguées au XXIème siècle pour laisser toute la place à des "hélicautos".

Ces véhicules d'un genre nouveau, cent pour cent écologiques avec leurs cellules photovoltaïques et des panneaux solaires qui recouvraient l'intégralité de la carlingue firent fureur. Enfin, l'écologie devenait rentable.

Peu à peu on avait pu revégétaliser toutes les routes, l'asphalte ayant été de préférence à chaque fois enfoui, à la discrétion des archéologues du quatrième millénaire, plutôt que détruit, pour moins polluer.

L'herbe avait donc repris ses droits en même temps que la Nature, bercée dans les premiers temps par la douce ventilation de silencieuses pales. En été même, ce charmant ballet au léger vrombissement de colibri faisait alterner au sol ombre délicate et lumière de plomb, cassant le cagnard aux heures les plus chaudes de la journée.

Très vite, le trafic se densifia, chaque être humain sur terre voulant posséder sa propre hélicauto. Un succès écologique aux bouchons titanesques, sur plusieurs strates.

L'herbe commença peu à peu à jaunir. Puis disparut complètement. Faute de lumière et de photosynthèse possible.



"Tout ça pour en arriver là..." / Willy aux mille vies


"Tout ça pour en arriver là !"


Willy avait un langage fleuri, que seuls ses quatre-vingt printemps passés autorisaient. Une gentille grande gueule. Un beau vieux, au regard bleu acier à la fois dur et charmant.

Dans sa jeunesse, il avait sauvé de la noyade un petit enfant sur une plage de Lacanau. Il avait sauvé une vie. Ce qui n'est déjà pas donné à tout le monde. En remerciement, subjugué par ces yeux bleu océan, le père de l'enfant lui offrit, lui, une seconde vie, de l'autre côté de l'Atlantique : Willy-belle-gueule intégra une célèbre troupe de music hall, côtoya les plus grands, les vedettes, les stars, les starlettes, de la flambant neuve Vegas jusqu'à Paris, en passant par Londres ou New York. Son ascension fut fulgurante.

La troupe coula, par la cupidité de l'impresario qui piocha un jour un peu trop dans la caisse.

Le regard bleu horizon de Willy sombra peu à peu dans la dépression à mesure qu'il s'enfonçait dans sa vieillesse, pour ne se relever que sporadiquement, pour contempler les toits de la ville depuis l'appartement qu'il louait au deuxième étage de cette tour qui en comptait quinze, qui lui rappelait un peu les gratte-ciel de ses mille autres vies.

Et ce fort en gueule à présent octogénaire laissait échapper, à chaque fois qu'il replongeait dans le livre de ses souvenirs, comme une ritournelle de sa propre vie, avec cet humour acerbe si caractéristique, qui le rendait touchant, et même sympathique, pour qui voulait bien creuser cette carapace : "Tout ça pour en arriver là..."



Post mortem


La petite culotte blanche avait été retrouvée par le maître de cérémonie dans la pochette de veste du corps. Délicatement maculée d'une substance à peine séchée de quelques jours. Un ultime hommage, juste avant la fermeture du cercueil. De taille 36.

La veuve pleurait de toutes les larmes de son corps son défunt mari, seul et unique amour de sa vie, qu'elle avait aimé jusqu'au dernier jour comme une folle. Si bien qu'il en mourut dans ses bras.

Une à une chaque larme coulait, recueillie précieusement dans le mouchoir blanc. Qu'elle tirait de son élégant pantalon noir de velours noir. De taille 40.



"Au moins, cela me fera une sortie"


Franck avait reçu la nouvelle avec cette légère excitation qui précède les rares et courts moments de liberté. Il faut dire qu'à 90 ans passés, les moments de solitude les remplaçaient la plupart du temps.


Bien consciencieusement, il choisit son plus beau costume. Il repassa avec autant de soin que de tremblements sa chemise blanche. Ce sont ces mêmes tremblements qui l'empêchèrent du reste de nouer avec précision sa cravate, si bien qu'il dut se résoudre à s'en passer. Puis il eut toute la peine du monde à cirer ses chaussures en cuir, qu'il ne mettait plus que pour les plus grandes occasions.


"Ah, tout de même, cela me fera voir un peu de monde. Au moins, ça me fera une sortie."


Le cœur léger de ses quelques battements lents et irréguliers, il prit son plus beau chapeau. La dernière fois qu'il s'en était couvert le chef, c'était pour l'enterrement de sa femme.

Là, c'était bien différent.

C'était son meilleur et plus vieil ami qu'il allait enterrer.



Œuvre d'art II


Elle avait toujours voulu faire de sa vie une œuvre d'art. Son veuvage prématuré y avait pourtant mis un point final.

Elle se jeta du dernier étage de la rotonde du Guggenheim de New York. Sous l'œil bienveillant de l'oculus qui baignait de la lumière du soleil d'été à son zénith la cervelle blanc écarlate, jusqu'à rendre les quelques morceaux épars reluisants.



Gardienne de musée


Elle passait son temps à attendre. Attendre que rien ne se passe. Et il ne se passait jamais rien. Justement. Et c'était tant mieux. Car elle était pointilleuse, et prenait à cœur son métier, malgré son jeune âge.

Mais cette latence, cette parenthèse ouverte lui donnait le temps de contempler ce tableau de Seurat jusqu'à en inscrire chaque point, même et surtout ceux peints à même le cadre, dans sa mémoire. Comme pour mieux les relier entre eux.



Promotions


Avec 25 pour cent de réduction pour deux achetés, et des prix réduits sur les petites tailles, ça valait vraiment le coup de se suicider en famille, avec de telles promotions sur les cercueils.



L'apprenti écrivain


Il était autoédité. En fait, il s'était plutôt autoédité. Avec Amazon, c'était devenu facile d'être auteur, sans même avoir recours à un éditeur. Il s'était donc fait imprimer un millier d'exemplaires de son recueil de poésie : De moi à moi-même.


Mille et un exemplaires, plus exactement, car il était fétichiste des nombres impairs et littéraires.


À 13 euros pièce, chiffre rond et symbolique, il avait réussi à en écouler un exemplaire dès son premier "salon". À sa mère, qui gentiment était venue le supporter. Puis il enchaîna les salons, sans maison d'éditeur. Un dimanche, même, il en avait refourgué deux ! Le début de la gloire.

Au bout d'un an de salons aux quatre coins de la pampa profonde, et même après de monstrueux soldes, où les prix cassés concurrençaient ceux bradés, il atteignit difficilement les 90 ventes. Déficit net de 911 bouquins. Il décida de s'arrêter sur ce chiffre, trop angoissé à l'idée d'atteindre les 666 invendus.



Moralité


Il était une fois, un professeur de lettres. Qui un jour, dit-on, aurait donné un sujet proche de celui du baccalauréat de français à ses élèves. Qui réussirent. Comme lui. Mais dans la politique. Maire d'une petite ville de "province", comme on disait alors. Avant. Avant d'appeler cela les "régions". Car enseigner en région rend la tâche moins pénible, certainement.

Monsieur le Maire professeur de lettres finit Ministre. À Paris. Au ministère de l'Éducation Nationale.



Moralité : aucune moralité quand il n'y a aucune morale.



Harem


Elle ne disait non à personne. Sans pour autant dire oui clairement. Les hommes voyaient donc en elle un consentement non-mutuel et profitaient autant d'elle que de la situation. Car elle possédait son harem personnel. Dont chaque membre la possédait tour à tour. Et parfois même simultanément.

Un jour, ou plutôt une nuit d'orgie, une fois tous ces corps masculins, musculeux et adipeux assoupis par le plaisir et quelques gouttes de G.H.B., et dans un état de surconscience, elle les émascula un à un. Prenant bien soin de détacher l'un de l'autre chaque testicule fautif.



Littérature de confinement


Depuis le confinement, tout le monde s'était mis à écrire, se trouvant un don inné pour la littérature. Bientôt même, il y eut plus d'écrivains que de lecteurs. Mais comme écrire prend bien plus de temps, plus personne ne continua à lire.



Au soleil


Ils avaient tous migré vers le sud pour y dilapider leur richesse et leur retraite. Pour se faire une place au soleil. Pour y couler leurs vieux jours à l'ombre des palmiers. Et face à la mer. Sur la côte d'Azur qui avait la couleur de cette eau qui ne tombait plus du ciel. Les condamnant à une sécheresse et à une canicule fatales. Et dorénavant, même la Bretagne et les Hauts de France étaient bien trop chers pour eux qui seraient bientôt enterrés dans la poussière.