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Poètes du monde

Li Bai - Gabriela Mistral - Rolaphton Mercure - Anna Akhmatova

Anna Akhmatova


Quand meurt un être humain, 

Ses portrait se transforment. 

Les yeux ont un autre regard, et les lèvres

Sourient d’un autre sourire. 

Je l'ai remarqué en revenant 

De l'enterrement d'un poète. 

Depuis, souvent je l'ai vérifié, 

Mon hypothèse c'est confirmée.



. 21 mai 1940. Anna Akhmatova

Requiem et autres poèmes - Poésie/Gallimard

 





Anna Akhmatova


La voix de la mémoire


       à O. A. Glebovaïa-Soudeïkina



Que vois-tu, de tes yeux vagues, sur le mur,

À l'heure où s'éteint le couchant ?


Une mouette sur la nappe bleue des eaux ?

Les jardins de Florence ?


L'immense parc de Tsarskoïé Siélo,

Où l'angoisse t'a coupé la route ?


Vois-tu à tes pieds ce captif 

Qui s'est donné à la mort blanche ?


Non, je ne vois que le mur, le reflet

Sur lui, des feux du ciel qui meurent.


          1913. Juin 

           Slepnevo


Anna Akhmatova 


Trad. Jean-Louis Backès

Extrait de Requiem

Poème sans héros et autres poèmes

Ed. Poésie Gallimard







Li Bai


Pensées d’une paisible nuit


Devant mon lit, dans un clair rayon de lune, 

j'ai cru voir du givre sur le sol 

Les yeux au ciel, j'ai contemplé la lune claire 

Les yeux baissés, je songe au pays natal


Li Bai (701/762 - Poésie Tang)


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Gabriela Mistral


La Rose


La richesse du centre de la rose

est la richesse de ton cœur.

À son exemple, effeuille-la :

Sa close rondeur est ton affliction

Effeuille-la dans un chant

ou dans un grand amour passionné.

la rose, ne la défends pas :

Elle te brûlerait de son éclat !


La Rosa


La riqueza del centro de la rosa

es la riqueza de tu corazón.

Desátala como ella:

su ceñidura es toda tu aflicción.

Desátala en un canto

o en un tremendo amor.

No defiendas la rosa:

¡te quemaría con el resplandor!


Tala, 1938


France Culture, « Les Chemins de la connaissance »

12 février 1992



Rolaphton Mercure


XVII (bis)


Chacun sirote son poison comme bon lui semble

Chacun saute sa cervelle avec le calibre qui lui sied 

D''une férocité désarmante 

Port-au-Prince déborde


Une forêt de moignons grandit dans la ville.


V


Poignard dans le dos 

Le peuple danse

Nos diplomates festoient dans les morgues

Les ambulances

La philosophie des punaises est irrémédiable


Le sang 

Fuit les artères du pauvre 

Glisse dans la panse des escrocs



XXXIX


Je n'ai pas désiré la goutte

ni le débordement 

Le vase s'est brisé 

La flaque est à nos pieds


On a que notre imprévoyance comme témoin 

D'un futur piétiné



Extraits de ‘Bel Ogou d’avant rouge’ de Rolaphton Mercure, jeune poète haïtien, publié chez Atlantiques déchaînés, maison d’édition révoltée et survoltée qui investit les champs de la pensée et de la littérature depuis une perspective caribéenne.