Le dépôt
Zoom 7 - Sur le comité de lecture de la page b
ZOOM SUR LE COMITÉ DE LECTURE DE LA PAGE BLANCHE
Pierre Lamarque -- Je ne crois pas que les commentaires techniques - qui ne me ravissent pas personnellement car ce sont des reflets d’un formatage universitaire - fassent figures d’épouvantails… au mieux cela peut-il aider les auteurs étrangers à toute cette scolarité - car il s’agit d’une scolarité - à considérer autrement leurs textes… Dans l’ensemble je me suis souvent fait la réflexion - et je l’ai faite à Matthieu, que les commentaires du comité sont surtout le reflet de sensibilités profondes, intelligentes même si les avis divergent, non avariées mais variées, de la part des membres du comité… une indépendance d’esprit encouragée par l’anonymisation des commentaires…
Mais je suis d’accord avec Jérôme, l’essentiel n’est pas une question de technique qui s’analyse... Comme dit Isabelle H dans une notule, l’essentiel se trouve dans la présence, dans le sentiment de présence d’un auteur qui habite un poème…
Jérôme Fortin -- Ma critique était plus générale et ne visait pas à formellement à interdire ce genre de commentaires. C'est juste une impression que j'ai.
Contrairement à la musique, qui demande la connaissance d'un langage technique plus ou moins crypté pour être effectué professionnellement, la littérature est selon moi beaucoup plus empirique. De grands auteurs n'ont aucune de ces connaissances techniques formelles a priori. On peut les acquérir accidentellement, par expérience, si ça nous intéresse... mais ce n'est pas un prérequis, comme le solfège par exemple, ou l'algèbre pour comprendre les maths.
De jeunes auteurs peuvent être intimidés par ce genre de commentaires techniques, et se dire "je ne suis qu'un autodidacte qui ne comprend rien à ce langage, un écrivain naïf et primitif" et ainsi, en proie au "syndrome de l'imposteur", voir son processus créatif être complètement inhibé. Or, contrairement peut-être à d'autres formes d'art, la notion d'une littérature "naïve" (c'est à dire étrangère à toute connaissance théorique) n'existe pas à mon avis.
Matthieu Lorin -- Je comprends ta remarque et suis d'accord que l'aspect empirique est fondamental en poésie.
Une subjectivité qui parle à une autre, tout à fait.
Comme la musique, l'art plastique et autres, nul besoin chez certains de connaissances de base. En fait, et c'est le cas aussi chez certains auteurs, on n'écrit pas forcément en pensant à telle ou telle figure de style par exemple. Mais les découvrir ensuite, les faire remonter à la surface, c'est aussi cela qui est intéressant me semble-t-il. Justement, si le retour est positif, un novice peut se dire toucher au but puisque l'on peut relever des procédés stylistiques qu'il n'avait pas même conscience d'effectuer. En cela, ce peut être rassurant.
En tout cas, le débat est intéressant. Sûr que s'il y avait seulement une analyse stylistique froide, de type structuraliste par exemple, cela n'irait pas. La poésie exige la chaleur du corps à corps.
Jérôme Fortin -- L'analyse littéraire est certainement un champ d'étude intéressant. Je ne souhaite pas en diminuer l'intérêt. Elle peut, par exemple, être intéressante pour des notes critiques dans la revue.
Mais je ne suis pas sûr qu'elle soit souhaitable dans un processus d'évaluation de textes, poétiques en l'occurence. Ça donne l'impression qu'il existe des "règles" d'écriture (au-delà de la simple syntaxe et autres notions de base, comme le rythme, etc.).
Isabelle H - Connaitre n’est pas juger. Chacune et chacun a son propre jugement sur l’œuvre, c’est-à-dire l’action, les paroles, les textes, de chacun et chacune. Qu’on le veuille ou non on juge. Tout ce qui est de l’ordre du jugement est de l’ordre de l’opinion. Une opinion se partage ou ne se partage pas, ou ne se partage jamais. Connaître est plus que juger, connaître est comprendre. La connaissance se partage toujours, qu’on le veuille ou non.