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AUTEUR-E-S - Index 1

7 - Simon A Langevin

Prose/Poésie Etc.


I.


il y a longtemps que je n’ai pas entendu toutes ces voix en même temps pourtant je n’ai qu’une seule tête dure comme la pierre comme le silence qui monsieur choque et deux oreilles qui ressemblent à des feuilles de caryer oui oh oui


mais qu’est-ce que je peux haïr le bruit de fond des réfrigérateurs qui ronflent la nuit le jour


aussi j’ai les ongles longs beaucoup trop longs ça me fait des doigts de femme pourtant je n’ai pas besoin d’autant de délicatesse aussi ma lèvre et les ailes de mon nez tremblotent un peu je respire le brenthium et les trigonelles sans le crier sur tous les toits vanity-case madame ça ne sert à rien du tout ce dont j’ai envie en cet instant ce n’est rien je n’ai pas l’esprit à la célébration non plus je parviens à peine à me frayer un chemin à travers les méandres quotidiens ah



II.


tout reste tranquille mes yeux demeurent fermés peut-être pourrait-il y avoir une envolée d’oiseaux vers le ciel ou un goût de porphyre dans ma bouche je flotte juste un peu au-dessus de tout ça et je me rends compte de mes limites 


je vois la lumière au bout du tunnel mais je ne peux pas l’atteindre hélas dites est-ce que je suis enfermé dans l’œuf primordial suis-je pris dans une boucle ou une roue point d’interrogation l’univers est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur n’est-ce pas c’est la plus belle simplification et c’est pour cela que j’ai peur de me perdre



III.


un poids flou me pèse m’embarrasse madame broie mes pensées et mes émotions jusqu’à en faire une pâte molle et consistante collante amalgame de tout ce que je suis et de tout ce qui m’empêche d’être aussi


tout ne fait plus qu’un sans plus pouvoir y déceler quoi que ce soit il n’y a plus vraiment rien de discernable rien n’est gagné ici et je me le cache on ne peut pas toujours tout dire je m’en fais pour des riens comprenez-vous


il y a des jours comme ça où il semble que tout ne va pas aussi rondement qu’on le voudrait alors on tourne les coins ronds afin de se donner l’illusion que tout va bien dans le meilleur des mondes mais c’est faux le temps est tellement relatif qu’il se forme et se déforme autour de soi avec une sorte de magie occulte ce qui n’est pas monsieur peu dire ça compte en bout de ligne non


de droite à gauche de A à B on doit vivre sa vie en droite ligne avec le mal au cœur et le vague-à-l’âme sinon il faut revenir à la case départ car durant la nuit tout se passe ailleurs derrière les paupières closes et là monsieur madame on peut devenir un faucon puis s’envoler tout de suite battre des ailes battre en retraite partir en maraude à l’affût sans bruit comme un chat et là sans chercher à savoir si c’est vraiment vrai je dirais que je vis je navigue et m’attarde en flâneur céleste entre les étoiles brillantes je suis un corps étranger dans l’oeil de mon voisin voisin que je ne connais pas de trop près il est vrai sinon je suis rien pour vous vous ne me connaissez pas non plus plus je disparais de votre regard flou flou flou



IV.


il y a tellement de façons de toucher et de rejoindre son dieu de répéter à petite échelle le miracle de la beauté que j’y tends sans cesse comme un arbre qui pousse ses racines dans les profondeurs de la terre et vous


l’important c’est de savoir quand tout devient à la portée d’un bras d’un geste puis d’empêcher les ténèbres de tout vaincre et de tout étouffer jusqu’à l’agonie ne sombrez monsieur pas dans le monde il faut s’interdire de disparaître anonymement de se noyer avec les autres dans l’un de ces remous déferlants qui déracinent et emportent tout sur son passage à vide dans son roulement du tonnerre et son grondement sourd de tout ce qui arrache crac


derrière moi la fin du monde me poursuit comme une meute de chiens enragés il vaut mieux alors commémorer ce qui ne meurt pas que je me dis donc


oui on doit savoir trier soupeser analyser et juger ce qui nous concerne de près et de loin l’établir le renverser l’examiner attentivement sur toutes les coutures avant de dire oui ou non j’accepte je refuse ou je m’en fous dès le début on connaît déjà la fin n’est-ce pas



V.


parfois les silences parlent davantage que les mots ne peuvent pas tout dire faut y penser être une vigile éviter de se faire un nœud dans les bras et de se mettre les pieds dans les plats prendre garde humer l’air d’abord tâter le terrain ensuite puis prendre le pas une génuflexion à la fois sinon comment en ayant les meilleures intentions du monde et de l’amour à partager est-ce que je peux me retrouver gardien tout en haut du phare sans cette lumière de tous les jours que l’on ne perçoit même plus à force d’en être aveuglé plein hein il me semble que c’est si  ________________  (placez ici un adjectif de votre choix monsieur madame)



VI.


j’attends que la paix déclare la guerre tout est cimenté coulé dans le béton armé il y a d’innombrables témoins immobiles et toujours cette même répétition morne et lancinante du banal quotidien je m’en souviens comme d’une suite duplicative rien n’a changé rien ne change chaque jour la même satanée reprise mais où est la beauté qui fait des enfants des enfants je pose la quelqu’un question


ça déclare les hostilités que je prenne mes distances ça avive les prises aux collets et les prises de becs je me marche sur les mains je parle dans le vide merci au ciel par je ne sais trop quel exploit je me tiens entre la vie et la mort entre le bien et le mal je suis gris entre le noir et le blanc j’habite monsieur cette zone grise assis entre deux chaises j’ai le cul dans la faille une fissure s’ouvre devant moi à mesure que je pénètre dans ce mystère seulement le temps n’est pas le même pour chacun de nous chacun sa fosse chacun son trou à prendre à chacun d’essayer de s’en sortir sans égratignures sans séquelles sans raison ce n’est pas donné à tout le monde d’éviter les pièges de ne pas se tirer dans le pied comme ça par négligence par manque de conscience ce n’est pas tout de dormir tout le temps debout



VII.


ceux qui se tiennent debout marcheront ainsi que ce soit en plein cœur du jour ou en plein creux de la nuit la vie regorge de jointures et de fragilités pliables et dans ces constructions souvent compliquées des décors trompeurs et derrière certains murs il y a tout ce que l’on ne veut pas voir arriver fonçant sur nous comme des taureaux à pleine vapeur têtes baissées les créatures sont là en prédation trépignantes sous nos pas au-dessus de nos têtes comme des épées de Damoclès de tous bords tous côtés prêtes à surgir crocs devant en un cri rauque effroyable à vous vider de votre sang et vous blanchir la peau dans le temps de le dire la sécurité ne s’acquiert qu’au prix de millions de torsions du cou à vous briser la nuque d’un coup sec crac pouf la tête qui roule


il est si difficile d’avoir des yeux tout le tour de la tête de regarder vers le bas où l’on marche et vers le haut où l’on va à part nulle part vers toi m’interroge-je oui toi



VIII.


je ne sais pas trop par quoi ni comment commencer ni non plus comment en finir je ne sais pas trop vers quoi je m’en vais encore errer je ne sais pas trop je ne sais pas pas trop c’est sans doute que je me suis perdu quelque part en chemin je ne sais pas trop je ne me situe plus je sonde voyageur assez


je me creuse les méninges et à la longue on dirait que ça m’abîme que ça me désagrège lentement mais sûrement que ça m’use à la corde sans m’amuser j’ai peur de me retrouver au bout de la corde au bout du rouleau mais comment joindre les deux bouts madame monsieur 


je me vide tranquillement en me dévoilant à moi-même ce dont je recèle gravement et qui demeurait jusque-là enfoui et caché même et surtout à mes propres yeux je me rince les yeux il faut que j’essaie de et d’y voir plus clair mieux tenter sans l’aide de personne de me rallier à mes origines et de retrouver ainsi les foyers de mes motivations je dois partir en exploration en voyage partir sans rien savoir sans rien dire de ce qui m’attend dans le détour de mon être aux portes de mon inconscient simplement j’abaisse me paupières sur le monde réel et je me plonge tête première au cœur de mes rêves et de ces animations qui me parlent en mon for intérieur je pars en voyage sans aucun déplacement c’est fort


c’est plus fort que moi tout est plus fort que moi il faut le dire je me laisse facilement emporter par n’importe quel vortex par n’importe quel ouragan je me laisse passer dessus par les rouleaux compresseurs qui me tapissent en affiche moche je ne représente plus au final qu’une plate forme d’être humain tellement mince dans son intrigue presque nul il va sans dire je suis sans histoire et pour cela j’ai envie de me coucher sur cette feuille de m’y étendre de m’y tartiner de m’y fondre à fond et de m’y vautrer aussi comme le font les cochons dans leur soue est-ce que ça étonne est-ce que ça prend quelqu’un par surprise je ne suis tellement pas conventionnellement semblable aux autres monsieur il me semble que je n’ai pas besoin d ele dire il n’y a qu’à voir regardez je suis là devant vous derrière vous autour de vous comme dieu est partout sauf que je n’ai rien d’une déité au contraire j’ai tout d’un homme d’un pauvre homme pauvre d’une âme comme pour exister par moi-même point



IX.


je suis sorti de nulle part ce ne peut donc pas n’être que le fruit du hasard comme une pomme ou une orange sortie tout droit de l’un des poèmes de Marie Uguay


mais qui peut bien me surprendre à l’endroit où moi et moi seul doit être car il y a une troisième partie qui complète le tableau quelque chose doit avoir son rôle à jouer dans cette histoire qui est la mienne et que je ne fais pas que me fabriquer car l’addition de deux unités en donne une troisième qui elle-même s’amalgame somme toute au tout et ne s’en dissocie plus ensuite qu’en habitant dans les pensées et les consciences des deux premières comme une plus-value oui je peux connaître le rythme des palpitations d’un cœur sans le toucher man



X.


une onde de choc s’est propagée dans les tréfonds des âmes dans les organes dans les rêves et dans l’univers y a-t-il eu des dommages des poussées des reconsidérations plusieurs tendances peuvent se développer et venir à bout de tout saloper et ça me pique au madame vif mais je me permets d’extravaguer pour voir de quoi est-ce que ça aurait de l’air si c’était en fin de compte différent



XI.


bien que jusqu’à cette coupure qui tranche la nuit du jour je patauge dans la marre je baigne dans l’huile je poiraute atrabilaire je me préfigure un autre espace-temps avec moi dedans et toutes les étincelles que ça ferait dans le noir de mon vide personnel et puis avec cette lumière diaprée je pourrais voir enfin combien je suis seul que tout me manque continûment faut croire


est-ce pour cela que dès que mes paupières s’abaissent d’elles-mêmes c’est comme si un rideau qui s’ouvrait sur un autre plan b


je possède toute cette diaphanéité requise qu’est la conséquence du feu qui rage c’est tout ce que j’ai à dire ouep



XII.


en ce moment quelque chose apparaît près de moi à ma portée physique que je pourrais toucher si je voulais mais je ne le fais pas je me contente seulement de me le représenter dans ma tête puisque le temps n’est pas encore venu l’instant fatidique n’est pas encore tout à fait arrivé pour moi que je le veuille ou non que je le sache ou que ne le sache pas il faut me laisser entraîner par le courant électrique par l’impulsion énergétique qui dirige et actionne tout à ce niveau surtout lorsque mon sort appartient au reste et à rien d’autre


inconsciemment nos membres bougent et agissent nos corps interagissent s’échangent interfèrent entre eux en un ballet de sensations bien plus intéressantes à subir qu’à prodiguer et tous les sacrifices ne sont à côtés qu’un prix modique à payer plusieurs tueraient pour un échantillon c’est que la vie est cruelle et beaucoup sont seuls avec eux-même c’est triste à la fois enfin je me dis qu’il y a toujours de l’espoir et de l’eau fraîche sacrifice



XIII.


les joues se creusent les hurluberlus sont éberlués la peur étend son règne jusqu’ici victorieux et que je n’aime donc pas ça


quoi faire quoi ne pas faire il y a une sorte de danger qui guette on ne sait jamais ce qui peut jaillir de l’ombre vous assaillir en une fraction de seconde pourtant est-il possible de dire que je ne crains rien à part monsieur









Simon A Langevin Limoilou 2022