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AUTEUR-E-S - Index 2

37 - Amanda Spierings

Poèmes

Tentation


Elle n’était jamais ouverte

 

Les saisons passaient sans que les rideaux soient tirés

Sans qu’aucune ombre ne ternisse le vitrage

Sans qu’un cri ne ricoche contre les carreaux

 

La fenêtre était toujours fermée et son regard sans cesse attiré

 

Il y plongea d’abord les yeux au passage

Puis ralentit sur le chemin

Jusqu’à ce que, s’enhardissant

Il arrête d’être passant

 

Il avait sauté pour tenter d’accrocher

Un détail qui aurait pu révéler

 

Quelque chose

 

Rien

 

Rien que le reflet de son crâne et son ellipse dans le ciel

 

N’y tenant plus il

Se fit un échafaudage des poubelles

Grimpant sans grâce jusqu’à l’étage

Les doigts crispés sur la corniche

 

Sous ses yeux, une pièce abandonnée

Sans même les traces fantômes

Des meubles qu’on a donnés

 

La fenêtre n’était pas ouverte mais elle n’était pas verrouillée

Alors il poussa lentement le battant

Et devant lui s’étendit enfin

Enfin étendu à même le sol

Le secret de ses nuits d’enfant

 

Mort, assassiné

Horriblement grimé

 

Immémoré

 

Le vide l’appelait

L'aspirait

 

N’y tenant plus

Il tendit et tomba

Capitulant par la fenêtre

Tomba trébucha croula dedans

Jusqu’au cou à la lie

 

La fenêtre, elle ne s’est plus jamais ouverte

 

Les saisons passent

Les ombres aux traits tirés retiennent leurs cris

Les carreaux de verre ont finalement terni





Enroulement

 

Pris dans l'essieu de la musique

le disque lâche dans l’air

des sons qui font des notes

des sons qui creusent des flaques

dans la route des souvenirs

 

Je ne sais plus danser

Je connais tous les pas qui ponctuent la chanson

mais je n'ai pas les bons souliers

Mes membres fantômes refusent de me porter

 

Le disque tourne, tourne, tourne

et mon grand cœur me démange

J'ai les hanches qui chaloupent

dans mon nouveau fauteuil

Nous ne nous quittons plus

depuis qu'il a coupé l'herbe

sous mes pieds

 

Le disque tourne, tourne, tourne

et je ne sais plus danser

Je n'arrive plus à gratter, sous mes pieds

l'envie de courir et de sauter

 

Mais, si mes jambes sont rayées

mes roues peuvent encore tourner

Je plie le coude pour y déposer

la goutte d’huile

qui forme et reforme

la patine des mélodies

 

La roue tourne, le temps se remet à tanguer

la vie s’enroule autour du blues

des jantes et des moyeux

des silences à-demi avoués

Je tends la main pour faire le premier pas

Vous voudrez bien m’accompagner ?



S’épargner

 

Dans le réduit

Les semelles de tes chaussures

Ne sont pas émoussées

 

Dans la tirelire

Tes sous sont empilés

Tes billets repassés

 

Dans l’armoire

Tes habits des grands jours

N’ont jamais pris le soleil

 

Toi aussi

On t’a mis dans une boîte

Soigneusement fermée

Ta place étiquetée

Ton corps bien rangé

Sous la terre remuée

 

Tu ne risques plus de dépasser