Le dépôt
L'IMAGINATION
Le rôle de l’imagination créative dans la vie psychique
Cédric Faure
Dans Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale 2015/1 (Numéro 105) https://www.cairn.info/
Associé fréquemment au chimérique, à l’apparence, au spéculaire, à l’erreur ou à l’inexistant, l’imaginaire reste encore aujourd’hui largement entaché d’une représentation négative dans les recherches scientifiques. Nous voudrions contribuer à en réhabiliter sa valeur créative et structurante en proposant d’ouvrir ici d’autres pistes pour penser l’imagination.
De quoi est faite l’imagination ? Comment se compose-t-elle aux sources de notre imaginaire ? Comment se font ces sources ? Avec l’imagination, nous ne pouvons pas ne pas revenir au temps de l’origine, à la fonction d’origine, à l’ombilic de la question.
Une hypothèse épistémologique fonde le statut de l’imaginaire : l’imaginaire suppose (avec la connaissance) l’expérience empirique (sensibilité, subjectivité) sans pour autant s’y réduire. C’est de l’expérience sensible que l’imaginaire reçoit originairement sa direction. L’objectivation (un théorème, une équation, une loi physique) ne prend sens qu’à partir des sensations produites par les interactions et expériences corporelles avec l’environnement, la vie, et ses soubassements. C’est dans l’épreuve singulière d’un « corps explorateur » que l’imaginaire et le monde s’éprouve et se découvre. Hume en avait déjà eu l’intuition en nous montrant comment tout ce qui est connu du monde est fonction de la manière dont l’homme s’y rapporte par l’expérience, toujours changeante, selon la disposition du corps : « la pensée la plus vivante est encore inférieure à la sensation la plus faible ». L’empirisme influent du philosophe écossais ouvrait la voie à une compréhension moderne de l’imaginaire qui se déploie, se combine, se crée dans des jeux d’association, à partir desquels se tissent et se détissent les pensées entre le monde et l’entendement humain. A sa manière, Gaston Bachelard nous montrera deux siècles plus tard, comment le « monde s’imagine dans la rêverie humaine » en puisant sa force de l’expérience sensible : « imaginer, c’est hausser le réel d’un ton (…) Il faut que l’imagination prenne trop pour que la pensée ait assez » (Bachelard, 1943).
Cette base empirique étant posée, et avec elle, les origines sensibles de l’imagination, il nous faut approfondir cette question en montrant comment l’imaginaire est à comprendre essentiellement comme un processus continu de transformation de l’expérience. Parler d’imagination, c’est parler de ce en fonction de quoi apparaissent les images, sans réduire leur apparaître à l’illusion. Un bon usage des représentations de la métapsychologie psychanalytique contemporaine peut nous y aider. Nous y convoquerons quelques-uns des auteurs qui nous permettront d’approcher plus précisément ce au contact de quoi nous met l’imagination. Nous verrons qu’aux sources de l’imaginaire on y rencontre indissociablement l’expérience sensorielle, corporelle, relationnelle ainsi que toute l’épaisseur de la mémoire qui n’existe pas sans images sensibles, sans traces mnésiques, de l’expérience du monde extérieur.
1 – Imagination et inscription de l’expérience
Avec le thème de l’imagination, de l’imaginaire, nous souhaitons en effet montrer comment « la pensée possède la capacité de rendre à nouveau présent ce qui a été une fois perçu, par reproduction dans la représentation, sans que l’objet ait besoin d’être encore présent au-dehors » (Freud, 1925). Autrement dit, nous souhaitons dans un premier temps, revenir à la manière dont l’expérience, propre à chacun, se perd dans notre mémoire pour y produire, à certaines conditions, des traces durables et transformables, comme autant de substituts corporels des sensations vécues dans notre relation au monde. Ces traces témoignent de l’inscription de nos expériences vécues dans nos différents systèmes de mémoire pour contribuer à organiser notre monde psychique.
L’imagination peut s’entendre à ce premier niveau comme auto-poèse, c’est-à-dire comme une retranscription psychique de l’expérience sensible à travers un travail de transformation de cette expérience dans un langage quasi physiologique : trajet, digestion, métabolisation et ancrage corporel des excitations sensitives (internes et externes) sous forme de traces dans la mémoire. Celles-ci seront ensuite réactivées, réanimées, à un deuxième niveau, par l’imagination, qui va « jouer » à les associer, les combiner, les réorganiser après-coup, indéfiniment, relativement à de nouvelles expériences, pour produire de nouvelles connexions, dans ce vaste réseau de la mémoire.
Ainsi, l’expérience originelle se perd en se transformant en signes, mais se conserve aussi sous une autre forme : ces traces psychiques seront investies, désinvesties ou contre-investies selon le plaisir ou déplaisir qu’elles procurent. L’imagination est donc une notion essentielle pour penser l’animation et la transformation de ce dont nous avons fait mémoire, c’est-à-dire des traces de l’expérience (en témoignage des sensations les plus élémentaires). L’imagination est un jeu avec cette plasticité neuronale et l’expérience esthésique déposée en elle. Elle est un jeu avec le destin de nos expériences : elle transforme la matière, transmute l’expérience et projette le corps dans la pensée. « Dans le passage de la présentation à la représentation, il y a un espace-temps parcouru. Ce passage implique des changements, des “transformations”, qui font la différence entre l’objet perçu et sa “présentification” dans la pensée : la chose perçue est un objet qui existe en image » (Resnik, 1984). C’est bien dans cet « espace-temps parcouru » que l’imagination fait son œuvre en produisant des images pour la conscience. En d’autres mots, la nature qui se présente et s’offre dès l’origine à nos organes des sens se présente une deuxième fois à nous, à notre pensée, par des images. Nous rencontrons ainsi la nature par nos sens et nous réinventons cette rencontre par notre imagination en l’introjectant, en la reconstruisant au dedans de soi.
Cela suppose, bien entendu, que nos expériences puissent effectivement s’inscrire, s’enregistrer dans l’intériorité de notre monde, et donc que les traces puissent se constituer en nous à partir des excitations externes et internes liées à l’attention et aux ressentis de ces expériences. Pour cela, l’expérience doit être suffisamment investie, érotisée, pour se pulsionnaliser et se reconstruire dans notre réalité intérieure. Les psychanalystes sont assez unanimes sur ce point pour en faire un premier modèle d’organisation libidinale au fondement du « narcissisme primaire » et des premiers « noyaux du moi ». Ainsi « l’itinéraire de la psychanalyse freudienne est-il celui d’une recherche qui, tout en évitant de se laisser prendre à l’illusion d’un réalisme du corps-fonction ou du corps-image ou encore du corps-vécu, se fait attentive à ce qui du corps réside dans les mots, s’inscrit dans les traces, reste gravé en mémoire au point de n’apparaître que comme réminiscence » (Fédida, 1971).
Ce faisant, nous venons d’introduire une question épistémologique complexe sur la participation du corps à l’imagination. Comment en effet le corps devient-il pourvoyeur d’images ? Comment les éprouvés du corps, à partir des excitations internes et externes, se donnent-ils des images ? La participation du corps à l’expérience et aux productions de l’imagination suppose en effet sa capacité à traiter des excitations qui le parcourent, en se donnant les moyens psychiques puis réflexifs (médiations imagières, langagières, etc.) d’accompagner ses sensations originaires. La place que tient le corps dans l’imagination joue donc un rôle fondamental, vital, dans cette réorganisation des traces, dans ce travail de métabolisation de l’expérience, c’est-à-dire dans la transformation d’une sensorialité en une pulsionnalité puis en des conduites instruites par l’activité psychique qui font naître les fantasmes et la pensée. L’imagination est la mémoire du corps qui met en jeu ses expériences sensorielles à travers les traces mnésiques, leur inscription, leur activation, leur frayage pulsionnel. Elle anime et transforme cette mémoire corporelle, décollée de l’expérience immédiate. Elle est une première médiation du corps. Un début de pensée corporelle instruite par les informations sensorielles et pulsionnelles qui la stimulent.
Mais à quelles conditions le corps peut-il réellement faire l’expérience de l’imagination ? Quelles sont les conditions nécessaires pour que le corps puisse imaginer le monde, et faire en sorte que la vie soit représentable ? Autrement dit, à quelles conditions le corps peut-il changer le quantitatif (trajet des excitations) en qualitatif (images construites à partir des empreintes corporelles) ? Ce passage du « somatique » au « psychique » conserve sa part d’énigme, mais l’intérêt de construire cette question est de mieux comprendre, une fois évoquées les racines corporelles de l’imagination, la participation de l’environnement primaire à l’imagination. L’élucidation de cette participation rejoint ici les préoccupations de la psychanalyse contemporaine qui pose clairement la double détermination biologique et culturelle de l’inconscient (notamment Green, 1995, 2002, 2012).
On sait aujourd’hui que c’est la qualité de la rencontre avec l’environnement qui détermine la qualité du destin de nos excitations, de nos sensations et de leur transformation. Lorsque cette rencontre est suffisamment satisfaisante (pas trop chaotique), les expériences sont assez investies et éprouvées par le corps pour se représenter et être retranscrites dans la mémoire (comme première inscription corporelle et expérience subjective). Cette rencontre correspond à l’expérience du « trouvé-créé », problématisée par Winnicott (1971), pour rendre compte du rapport qui se construit entre le sujet et ses objets d’investissement, à partir de cette tension qui les caractérise d’être à la fois objets internes (subjectifs, imaginaires) et externes, c’est-à-dire existant à part entière en dehors de soi. C’est parce que l’environnement premier au sujet s’ajuste « suffisamment » à lui que celui-ci a l’illusion de l’avoir créé. Cette illusion est une première forme embryologique de l’imaginaire de l’environnement. C’est une illusion imaginative qui crée un monde déjà là. Cette créativité primaire définie par Winnicott est constitutive de l’imagination créative. Les désillusions ne viendront que dans un second temps, avec prudence, progressivement, pour ne pas effacer trop tôt « l’aire d’illusion » et protéger le « narcissisme primaire ». C’est à cette condition que les perceptions du monde s’animent des perceptions oniriques en lien aux expériences originelles de satisfaction. En mettant l’accent sur la créativité, Winnicott entend rappeler que la perception est toujours animée d’un regard ; l’objet est créé par opposition à perçu. La perception effective, s’équipe ainsi avec l’imagination, de capacités de transformation, de métaphorisation du monde.
Aux sources corporelles et sociétales de l’imagination, les expériences se transforment, se rendent appropriables et s’intègrent à la construction identitaire du sujet. Dans cette confrontation entre monde interne et monde socialement construit chacun tente de s’y représenter en même temps que de se représenter le monde dans une quête de sens et de cohérence. L’expérience corporelle (avec la primauté des sensations) coexiste donc avec l’expérience de la relation à l’autre (et donc d’un début d’échange social) pour aider à l’intériorisation des expériences, créer l’imagination et l’instaurer dans les premières formes d’organisation primitives de la subjectivité. A ce double ancrage corporel et interactif de l’imagination, les « éprouvés corporels », en passant par le détour de l’autre, se transforment en « vécus mentalisés » (Golse, 2005). Aux sources de l’imaginaire, nous rencontrons ainsi les origines à la sémiotisation du monde et de soi. En ce lieu, l’imagination institue, avec l’aide de l’autre, une « narrativité sensorielle » (Nassikas, 1996) et secondairement une « enveloppe narratrice » (Stern, 2003). De ce lieu originaire, s’organise ainsi la mise en forme progressive des expériences vécues, leur traduction, leur harmonisation.
2 – Imagination et élaboration de la signification
Lorsque les expériences rencontrent les conditions favorables à leur authentique expérimentation, puis à leur élaboration par la médiation des images et des mots, elles gagnent sensiblement en réflexivité : des expériences vécues aux traces complexes, souvent énigmatiques, qu’elles laissent en nous et qui exigent leur appropriation et intégration subjective, le langage de l’imaginaire nous conduit au sens. Avec l’imagination, nous rencontrons donc en chemin la question de la signification. Comment l’imagination donne-t-elle un sens à nos expériences ? L’imagination est un travail de mise en sens de l’expérience, dans la mesure où elle est une exigence de travail de l’histoire se faisant, et des modalités d’interprétation de cette histoire. Elle inclut les premières tentatives d’élaboration de ce qui fait événement (relativement à la vie affective, fantasmatique, pulsionnelle). Les produits de l’imagination portent en eux cette mémoire vivante des expériences vécues (non réductibles aux souvenirs) et la manière dont ces expériences sont signifiées pour s’intégrer. Si elle est mémoire vivante de ce que nous vivons, elle l’est surtout de ce que nous faisons et signifions de ce vécu, contribuant ainsi à développer, lier, composer et recomposer continuellement le sens de nos expériences. L’origine et l’évolution des représentations est à penser comme ce saut dans le psychique des excitations qui vont s’élaborer, se transformer en images. Cette expérience est nécessaire aux premières constructions du fantasme à l’origine du pensable pour amortir « l’excès de vivant » de la sensorialité, de l’excitation, c’est-à-dire de l’intensité d’un réel brut. C’est la « traversée du fantasme qui conduit au développement du Je ». Le sens du Je ainsi conquis par des rebonds dans le psychique apporte un correctif au « principe de plaisir » tout en veillant à la satisfaction des sens (Green, 2013).
Les débats traditionnels en sciences humaines et sociales qui opposent ou articulent plus ou moins confusément le subjectif à l’objectif, l’individu au collectif, l’inconscient pulsionnel au relationnel intériorisé, sont en ce sens de faux débats à déconstruire. La notion d’imaginaire nous y aide en nous permettant de repenser la nature des liens entre l’intrapsychique et l’intersubjectif. En effet, cette toile de fond composée de traces mnésiques corporelles combinables, transformables (espace interne au sujet) fournit une « surface imaginaire » (Anzieu) à partir de laquelle s’expérimente le monde (espace externe au sujet). Le monde extérieur aide ainsi notre réalité intérieure à se construire tandis que celle-ci détermine notre représentation du monde extérieur. L’imagination créatrice fonctionne donc ainsi avec le développement de la rationalité objective et scientifique. Elle invente et construit la réalité à mesure qu’elle la découvre. C’est dire que la subjectivité ne s’oppose pas à l’objectivité, mais qu’elle se construit et se constitue à partir d’elle, et en même temps qu’elle. Le « langage de l’imaginaire » se déploie ainsi continûment, dialectiquement, dans l’interaction intérieur/extérieur, dedans/dehors, sujet/objet, en des « processus d’intériorisation de l’extériorité » et des « processus d’extériorisation de l’intériorité ».
3 – Imagination, création, rêve et inconnu
La création artistique et le rêve nous donnent une illustration assez précise du déploiement de ce « langage de l’imaginaire ». Dans les rêves, les « restes diurnes » se rencontrent avec les « sommes d’impressions » déjà mentalisées pour produire des images. Le rêve montre ici le rôle de l’imagination dans ce « processus d’intériorisation de l’extériorité » (ce travail de transformation des traces de l’expérience). L’expérience vécue se transforme en « langage du rêve » qui pourra devenir « récit de rêve ». L’appropriation subjective de l’expérience passe, avec la médiation du rêve, par plusieurs transformations : de « l’expérience vécue » au « rêve rêvé » puis au « rêve raconté », l’expérience est figurée dans le langage du rêve puis exprimé dans le langage verbal (Roussillon 2012). La métabolisation de l’expérience appelle et exige ainsi tout un « travail de l’imaginaire » qui inclut le rêve et le langage verbal. « La pensée commence à penser, nous rappelle Pierre Fédida, lorsqu’elle accueille en sa parole, l’inconnu du rêve ». Dans le sommeil du rêve, la vigilance et la perception sont temporairement abolies, l’activité et la motricité sont également inhibées (le corps quasiment immobile rend l’agir impossible) : reste alors ce « spectacle intérieur où la représentation visuelle dominera, mais qui pourra s’accompagner de sensations cénesthésiques et kinesthésiques, d’affects, de sentiments, de désirs, ce qui signifie que le sujet participe à cette scène imaginaire et n’est pas réduit à un rôle de spectateur » (Pasche). Les traces de l’expérience se stylisent ensuite en mots, à partir des traces mnésiques réinvesties. « La suspension de la motricité et de la perception “produisent” un jeu d’images intérieures qui se transfèrent et se transforment en cette dynamique interne des images et fantasmes puis se transfèrent dans l’appareil à langage verbal » (Roussillon, 2012). Des traces de l’expérience à l’image onirique puis à l’image verbale adressée, il y a donc cette série de transformations. Cette série de changements de scènes successifs. C’est à cette condition que les pulsions, images de rêves, de fantasmes, de désirs (non encore représentées) peuvent accéder au champ de la signification.
La création artistique montre le rôle de l’imagination dans le « processus d’extériorisation de l’intériorité » (dans un travail de socialisation de l’imagination). L’acte de création permet en effet de donner une représentation partageable à nos vécus corporels. A travers les médiations artistiques et culturelles (musique, peinture, photographie, modelage, écriture, dessin, etc.) nous percevons le travail de l’imagination à l’œuvre dans la matière des mots, des sons, des couleurs, des mouvements, dans la construction d’images, de sonorités, de chorégraphies (Brun, Chouvier, Roussillon, 2013). Les œuvres écrites, plastiques, sonores, dansées, deviennent la métaphore, comme dans le « langage du rêve », d’expériences sensorielles qui trouvent à s’externaliser dans la création. A travers la création, la sensorialité va ainsi progressivement s’élaborer, se signifier, prendre forme. L’imagination devient en ce sens un moyen d’exporter son monde intérieur à partir d’une rencontre avec le monde extérieur. Elle devient un facteur de libération des représentations des passions comme dans les créations artistiques. Les pulsions passionnelles sont inhibées quant au but (motricité) pour se mettre en scène, investir la représentation, se métaphoriser et se sublimer. Celles-ci existent dans et par la représentation. L’imaginaire est pris comme but pulsionnel.
L’imagination créative produit finalement des images contenantes et transformatrices de l’expérience. Elle favorise un mouvement de séparation et aide aussi à maîtriser les pertes quand elle est associée au champ du langage. Enfin, l’activité imaginaire n’est pas sans destinataire. Elle s’adresse à l’Autre. Elle est donc aussi une demande sur les origines, sur ses origines, sur sa provenance, sur le « quoi en son comment » : elle porte sur les désirs de l’autre, les images manquantes, les formes incomplètes, la fonction d’origine. L’imagination est à penser dans ce jeu avec l’absence, dans son rapport à l’inconnu. Elle vise l’autre de la représentation. L’énigme excite l’imagination qui devient en ce sens une réponse du sujet au réel. L’imagination est ici nécessaire à l’invention du roman privé, intime, pour « reconstruire ainsi la vie et les pensées des siens, leurs amours, leurs entreprises, leurs bonheurs réels ou rêvés, leurs déceptions, leurs projets inavoués ou inassouvis, leurs échecs, leurs jugements sur moi, sur eux (…) La vie autre de moi-même, la vie autre des autres » (Anzieu). L’imagination qui comprend en elle les expériences du rêve et de la création, transforme ainsi ce à quoi elle est confrontée : elle traite, lie, socialise les excitations et sensations originaires ; elle donne sens aux expériences et rend possible la création de symboles. Nous souhaiterions que les propositions théoriques énoncées ici sur la genèse de la formation de l’imaginaire (et sur les processus de métabolisation qu’opère le psychisme dans cette formation) inspire à l’avenir les recherches sur l’imagination créative. L’imaginaire, ainsi réhabilité et non opposé au réel ou à la réalité, pourra devenir un concept heuristique pour mieux comprendre les expériences subjectives et les créations sociales et culturelles.