La
page
blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index 2

25 - Arnaud Vendes

13 poèmes pour La Page Blanche - Commentaires de Pierre Lamarque

La douleur du vaincu

 

Nuit d'été

Ombre blessée

Tu chantes ma tristesse


Flamme liquide

L'air chaud suffocant 

Plisse mon regard


Lourd

Dos au mur

Sans visage


Tes doigts agiles

Tissent mes journées

En robe de souffrances


Souffrir

comme un prisonnier

Un supplicié


Tombé d'un songe

À bout de force 

Je t'aime de l’intérieur

 

 

Le premier poème, "La douleur du vaincu", chante une suite de formules magiques : la première établit le campement du poème. La seconde est un haïku utile pour faire le point de la situation. La troisième introduit le "je". La quatrième introduit l’ "autre". Les deux dernières font chuter le poème du je et de l’autre.

 

Je passe sur le second poème que je trouve un peu longuet et mal ficelé bien qu’il contienne de bonnes images. Le troisième, cœur nomade, je l’apprécie. Il est très bien rythmé. Il dit beaucoup en peu de mots, comme la poésie de monsieur Arnaud Vendès en général. Le quatrième poème, Parole ébène, me touche par ses petites propositions allusives indépendante empilées, c’est un texte qui me semble profond, plonge profondément dans l’intimité, me donne envie de le relire. Le Serment de l’amulette me touche par ses éclats d’images fulgurantes associées entre elles par le talent du poète pour faire un très beau poème plein de vie. Je n’ai pas compris pourquoi ce titre. Sixième texte, Têtes qui parlent, consummation du sentiment de l’amour en élément minéral, texte resserré du minimalisme, présent dans mon univers esthétique comme dans celui de nous tous, je pense…l’opposé de la narration, autre univers esthétique… Je vais envoyer le septième texte intitulé Une femme à Constantin, pour qu’il donne son avis sur ce texte… quand je dis que je donne 4 ou cinq étoiles à ces textes d’Arnaud Vendès, c’est plutôt cinq étoiles. Libre, comme toi ! ne serait-ce que pour cette image vaut cinq étoiles : « Je veux mordre cette nuit au cœur

Arracher l'envie de vivre » . Dans mes bras nus, le soleil : « A l'aube d'un regret mon soleil s'est pris au piège » , dernière phrase un peu… soutenue, d’un poème de l’illusion, illusion dont je trouve le rendu par les mots superbe. L'ombre du vide : si vous ne sentez pas la beauté des mots de ce poème, c’est que vous ‘naviguez en solitaires’… L'anneau de poussière : un poème qui parle d’amour et de temps qui passe. Je suis sentimental, j’aime les poèmes d’amour et surtout j’aime les poèmes subtilement érotiques « Ta peau se gorge du nectar de la nuit ». Exilé : ce poème me rappelle la poésie de mon ami Constantin Pricop, c’est celui-là que je choisis de lui montrer. J’espère ainsi raviver son goût créateur, il ne m’a plus jamais montré aucun poème après les poèmes en français qu’il a écrit à cheval sur le millénaire, alors que nous faisons connaissance à l’ambassade française du Canada et ensuite quand nous créons la revue Lpb. C’est un immense lecteur, il écrit relativement peu…

Notre histoire, le treizième poème de cet envoi raconte une vie amoureuse en quelques mots. J’imagine que l’auteur a écrit ses poèmes sur le coup de l’émotion d’une séparation.



Pierre Lamarque 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon monde glisse


 

Dans tes yeux je vois ce que j'ignore

Les beau jours à venir

Courage, lâcheté

 

Les nuits dessinent ton visage

Je croise les îles sous le vent

Épuisées au souffle des points cardinaux

 

À mes tempes bat ton sourire

Chargé de nuit

Léché de brouillard

 

Je parle seul

Ne demande rien

Mon monde glisse

 

Rituel

Les masques tombent

Empilés pêle-mêle

 

Comment entrevoir le jour

Dissiper les ténèbres

C'est toi que je veux

 

 

 

Cœur nomade

 

Je regarde dans les yeux

Les os saillants du paysage

Je cherche l'empreinte de ton cœur

 

Décharnés sous les vents affamés

Dans le silence rongé des forêts d'altitude

Les pieds nus je cours à la vie

 

Livré au pillage

Les roches acérées des côtes déchiquetées

Sont mes armes blanches

 

Le ciel en flammes

L'ombre se courbe

Je ne peux retenir mes jours

 

Les algues en linceul conteraient notre histoire

 

 

Parole ébène

 

Fruit noir les femmes raniment ta flamme

Le désir

Sueur des plaisirs

 

Main de fille libre d'envie

Cheveux cuivrés

Lumière d'avenir

 

Ivresse d'abondance

À la face des vivants

Jeunesse ensevelie

 

Tu brilles

Parricide du jour

Fougue illégitime

 

J'habite le corps d'un autre

Eau de nuit

Rive inexplorée

 

Du vide renaissent les ombres

Années sombres

Cicatrices sans mémoire

 

Les dieux disparus

Le monde nouveau recommence

Soumission et servitudes

 

 

 

Le serment de l'amulette

 

Dans le feu

C'est mon corps qui fond

Sans atteindre le sol

 

Sur les années vertes

La poussière de mes os

Se dépose en un lit de terre rouge

Que tes doigts pétrissent en silence

 

Ma famille de chair

Vivait sous le ciel

Libre de porter plus loin

Les gestes de nos ancêtres

 

La pluie par ses veines

Nous jette à la face

Ses ombres mortes

 

Sous le sable repose

Les dalles de granit rose

Que le désert avale

Dans le sel ensanglanté

D'une mer disparue

 

 

Têtes qui parlent

 

J'ai le rire au bord de l'âme

Fenêtre ouverte sur le vide  

 

Je me déchire

Je m'échappe

Je tombe en solitude

Tes couleurs s'effacent

 

Mon fidèle amour

Tu es pierre de liberté

Soleil de glace

Sourire d'ombre

 

La lumière se retire

Mon corps reconnaît la demeure de ton sang

 

Blanche est la paix qui baigne tes paroles

Fleur d'enfance partie en silence

Vide, vide est ma bouche

 

Seul, un sourire minéral nous consume

 

 

 

 

 

Une femme

 

 

Sur le quai du cœur

Je pleure des cordes au long cours

Sous moi, le vide s'étire

Je suis une étrangère en avenir

 

Le dessin sur le mur d'en face

Assommé sous les néons d'oubli

Ces fleurs de tristesse

Se tordent en lianes de plaisir

 

Creusées de mes mains

Les ombres disparaissent

Bras noués vers le ciel

Je bois le noir

Empreinte de ton corps

 

Les étoiles dansent

Supplice du cœur

Allume la ténébreuse sentinelle

Demande à l'enfant qui n'a pas sommeil

« Joue-moi l'ennui !»

 

Mon soleil coule vers le dernier âge

M'emporte loin du rivage

Sur le rideau noir de ma mémoire

Ce sentiment d'impunité

Je bascule en crépuscule

 

 

 

Libre, comme toi !

 

La silhouette de l'homme du soir

S'étire sur la nuque des grands chênes

La pluie tiède égoutte ses pleurs

 

Un fruit trop mûr

S'échappe vers l'horizon

Entraîne dans sa fuite 

Le regard épais du ciel

 

Le vent poursuit les âmes désertées

Décombres d'un corps  

Plus lourd que le fardeau des hommes


Sous son œil noir d'éclipse

Je veux mordre cette nuit au cœur

Arracher l'envie de vivre

 

Assoupi sur les marches de granit

Le soleil baigne les eaux libres

Des peuples endormis

 

 

Dans mes bras nus, le soleil

 

La nuit sans ombres

Avale les bruits de la ville

La Grand-place est déserte sous l'orage

Je sais que tu es là

 

L'herbe de fer brise tes pas

Je peux retenir mes bras

Te prier d'exister

 

Parle moi des jours passés sur l'autre rive

Quand le cœur glisse dans l'obscurité

Sous un ciel de vent

 

Le visage découvert

Transpercé de part en part

Cachée derrière la lumière absente

Tu prends mon corps

 

Je ris le cœur lourd

L'air frais calme le sang dans nos veines serrées

La nuit s'écroule

J'ai froid

 

A l'aube d'un regret mon soleil s'est pris au piège

 

L'ombre du vide

 

Avant toi, rien n’existait, rien n'avait de nom


Je suis né de la « femme orage »

La peau tatouée à l'encre de la vie

Un bol de soleil entre les mains


Si tes doigts sont des mots

Tous les langages du corps sont vivants

Les gestes s'estompent

Que dis-tu ?


J'aime l'encens du passé, doux, apaisant

Ces paysages familiers

L'amnésie des années

Que le temps reproduit à l'infini


Mais la chose vécue est plus réelle que le souvenir


Un silex frotté, une étincelle de vie

Les mains jointes dans le vide

Entre chair et peau

Entre violence et désir incandescent


Je navigue en solitaire

 

 

 

L'anneau de poussière


Je marche vers la source

Mangée par les siècles

Cité perdue où renaissent les fleurs

Au soleil des passions


Les dieux égarés 

Des mythes apocryphes

Pour toi, prennent le masque des ténèbres

Leur parole donnée contre un morceau de lumière


Le chant du vent murmure ses promesses

Dans l'air, flottent les volutes de mots d'amour consumés

Au contour de tes yeux, se lit la tendresse des cieux


Toutes les histoires d'amour transpirent la peur du vide 

Je passe à ton doigt « L'anneau de poussière » 

Union éternelle, monnaie d'échange

Sous l'averse de ton cœur


Ta peau se gorge du nectar de la nuit

 

 

Exilé

 

Vieux voyageur

Au feu invisible

J'ai l'âge de l'oubli

 

Ma langue est différente

Mes pieds sont brûlés

Je suis en pays étranger

 

Le vent des naufrages

Trace une route

Plus grande que moi

 

Mes bras en archipel

Sous un morceau de ciel

J'ai oublié ton visage

 

 

 

Notre histoire

 

La terre sous mes ongles

ressemble à ta peau

parfum de tourbe

lettre d'adieu

 

Ta bouche

Goût d'amour

Rire d'ivoire

Discret

 

Amande douce

Lait couleur été

Mots de femme

Libre

 

Perdu

Fatigué de marcher

Tué à l'ennemi

Oublié

 

Aucune carte ne mène au bonheur