Le dépôt
13 poèmes pour La Page Blanche - Commentaires de Pierre Lamarque
La douleur du vaincu
Nuit d'été
Ombre blessée
Tu chantes ma tristesse
Flamme liquide
L'air chaud suffocant
Plisse mon regard
Lourd
Dos au mur
Sans visage
Tes doigts agiles
Tissent mes journées
En robe de souffrances
Souffrir
comme un prisonnier
Un supplicié
Tombé d'un songe
À bout de force
Je t'aime de l’intérieur
Le premier poème, "La douleur du vaincu", chante une suite de formules magiques : la première établit le campement du poème. La seconde est un haïku utile pour faire le point de la situation. La troisième introduit le "je". La quatrième introduit l’ "autre". Les deux dernières font chuter le poème du je et de l’autre.
Je passe sur le second poème que je trouve un peu longuet et mal ficelé bien qu’il contienne de bonnes images. Le troisième, cœur nomade, je l’apprécie. Il est très bien rythmé. Il dit beaucoup en peu de mots, comme la poésie de monsieur Arnaud Vendès en général. Le quatrième poème, Parole ébène, me touche par ses petites propositions allusives indépendante empilées, c’est un texte qui me semble profond, plonge profondément dans l’intimité, me donne envie de le relire. Le Serment de l’amulette me touche par ses éclats d’images fulgurantes associées entre elles par le talent du poète pour faire un très beau poème plein de vie. Je n’ai pas compris pourquoi ce titre. Sixième texte, Têtes qui parlent, consummation du sentiment de l’amour en élément minéral, texte resserré du minimalisme, présent dans mon univers esthétique comme dans celui de nous tous, je pense…l’opposé de la narration, autre univers esthétique… Je vais envoyer le septième texte intitulé Une femme à Constantin, pour qu’il donne son avis sur ce texte… quand je dis que je donne 4 ou cinq étoiles à ces textes d’Arnaud Vendès, c’est plutôt cinq étoiles. Libre, comme toi ! ne serait-ce que pour cette image vaut cinq étoiles : « Je veux mordre cette nuit au cœur
Arracher l'envie de vivre » . Dans mes bras nus, le soleil : « A l'aube d'un regret mon soleil s'est pris au piège » , dernière phrase un peu… soutenue, d’un poème de l’illusion, illusion dont je trouve le rendu par les mots superbe. L'ombre du vide : si vous ne sentez pas la beauté des mots de ce poème, c’est que vous ‘naviguez en solitaires’… L'anneau de poussière : un poème qui parle d’amour et de temps qui passe. Je suis sentimental, j’aime les poèmes d’amour et surtout j’aime les poèmes subtilement érotiques « Ta peau se gorge du nectar de la nuit ». Exilé : ce poème me rappelle la poésie de mon ami Constantin Pricop, c’est celui-là que je choisis de lui montrer. J’espère ainsi raviver son goût créateur, il ne m’a plus jamais montré aucun poème après les poèmes en français qu’il a écrit à cheval sur le millénaire, alors que nous faisons connaissance à l’ambassade française du Canada et ensuite quand nous créons la revue Lpb. C’est un immense lecteur, il écrit relativement peu…
Notre histoire, le treizième poème de cet envoi raconte une vie amoureuse en quelques mots. J’imagine que l’auteur a écrit ses poèmes sur le coup de l’émotion d’une séparation.
Pierre Lamarque
Mon monde glisse
Dans tes yeux je vois ce que j'ignore
Les beau jours à venir
Courage, lâcheté
Les nuits dessinent ton visage
Je croise les îles sous le vent
Épuisées au souffle des points cardinaux
À mes tempes bat ton sourire
Chargé de nuit
Léché de brouillard
Je parle seul
Ne demande rien
Mon monde glisse
Rituel
Les masques tombent
Empilés pêle-mêle
Comment entrevoir le jour
Dissiper les ténèbres
C'est toi que je veux
Cœur nomade
Je regarde dans les yeux
Les os saillants du paysage
Je cherche l'empreinte de ton cœur
Décharnés sous les vents affamés
Dans le silence rongé des forêts d'altitude
Les pieds nus je cours à la vie
Livré au pillage
Les roches acérées des côtes déchiquetées
Sont mes armes blanches
Le ciel en flammes
L'ombre se courbe
Je ne peux retenir mes jours
Les algues en linceul conteraient notre histoire
Parole ébène
Fruit noir les femmes raniment ta flamme
Le désir
Sueur des plaisirs
Main de fille libre d'envie
Cheveux cuivrés
Lumière d'avenir
Ivresse d'abondance
À la face des vivants
Jeunesse ensevelie
Tu brilles
Parricide du jour
Fougue illégitime
J'habite le corps d'un autre
Eau de nuit
Rive inexplorée
Du vide renaissent les ombres
Années sombres
Cicatrices sans mémoire
Les dieux disparus
Le monde nouveau recommence
Soumission et servitudes
Le serment de l'amulette
Dans le feu
C'est mon corps qui fond
Sans atteindre le sol
Sur les années vertes
La poussière de mes os
Se dépose en un lit de terre rouge
Que tes doigts pétrissent en silence
Ma famille de chair
Vivait sous le ciel
Libre de porter plus loin
Les gestes de nos ancêtres
La pluie par ses veines
Nous jette à la face
Ses ombres mortes
Sous le sable repose
Les dalles de granit rose
Que le désert avale
Dans le sel ensanglanté
D'une mer disparue
Têtes qui parlent
J'ai le rire au bord de l'âme
Fenêtre ouverte sur le vide
Je me déchire
Je m'échappe
Je tombe en solitude
Tes couleurs s'effacent
Mon fidèle amour
Tu es pierre de liberté
Soleil de glace
Sourire d'ombre
La lumière se retire
Mon corps reconnaît la demeure de ton sang
Blanche est la paix qui baigne tes paroles
Fleur d'enfance partie en silence
Vide, vide est ma bouche
Seul, un sourire minéral nous consume
Une femme
Sur le quai du cœur
Je pleure des cordes au long cours
Sous moi, le vide s'étire
Je suis une étrangère en avenir
Le dessin sur le mur d'en face
Assommé sous les néons d'oubli
Ces fleurs de tristesse
Se tordent en lianes de plaisir
Creusées de mes mains
Les ombres disparaissent
Bras noués vers le ciel
Je bois le noir
Empreinte de ton corps
Les étoiles dansent
Supplice du cœur
Allume la ténébreuse sentinelle
Demande à l'enfant qui n'a pas sommeil
« Joue-moi l'ennui !»
Mon soleil coule vers le dernier âge
M'emporte loin du rivage
Sur le rideau noir de ma mémoire
Ce sentiment d'impunité
Je bascule en crépuscule
Libre, comme toi !
La silhouette de l'homme du soir
S'étire sur la nuque des grands chênes
La pluie tiède égoutte ses pleurs
Un fruit trop mûr
S'échappe vers l'horizon
Entraîne dans sa fuite
Le regard épais du ciel
Le vent poursuit les âmes désertées
Décombres d'un corps
Plus lourd que le fardeau des hommes
Sous son œil noir d'éclipse
Je veux mordre cette nuit au cœur
Arracher l'envie de vivre
Assoupi sur les marches de granit
Le soleil baigne les eaux libres
Des peuples endormis
Dans mes bras nus, le soleil
La nuit sans ombres
Avale les bruits de la ville
La Grand-place est déserte sous l'orage
Je sais que tu es là
L'herbe de fer brise tes pas
Je peux retenir mes bras
Te prier d'exister
Parle moi des jours passés sur l'autre rive
Quand le cœur glisse dans l'obscurité
Sous un ciel de vent
Le visage découvert
Transpercé de part en part
Cachée derrière la lumière absente
Tu prends mon corps
Je ris le cœur lourd
L'air frais calme le sang dans nos veines serrées
La nuit s'écroule
J'ai froid
A l'aube d'un regret mon soleil s'est pris au piège
L'ombre du vide
Avant toi, rien n’existait, rien n'avait de nom
Je suis né de la « femme orage »
La peau tatouée à l'encre de la vie
Un bol de soleil entre les mains
Si tes doigts sont des mots
Tous les langages du corps sont vivants
Les gestes s'estompent
Que dis-tu ?
J'aime l'encens du passé, doux, apaisant
Ces paysages familiers
L'amnésie des années
Que le temps reproduit à l'infini
Mais la chose vécue est plus réelle que le souvenir
Un silex frotté, une étincelle de vie
Les mains jointes dans le vide
Entre chair et peau
Entre violence et désir incandescent
Je navigue en solitaire
L'anneau de poussière
Je marche vers la source
Mangée par les siècles
Cité perdue où renaissent les fleurs
Au soleil des passions
Les dieux égarés
Des mythes apocryphes
Pour toi, prennent le masque des ténèbres
Leur parole donnée contre un morceau de lumière
Le chant du vent murmure ses promesses
Dans l'air, flottent les volutes de mots d'amour consumés
Au contour de tes yeux, se lit la tendresse des cieux
Toutes les histoires d'amour transpirent la peur du vide
Je passe à ton doigt « L'anneau de poussière »
Union éternelle, monnaie d'échange
Sous l'averse de ton cœur
Ta peau se gorge du nectar de la nuit
Exilé
Vieux voyageur
Au feu invisible
J'ai l'âge de l'oubli
Ma langue est différente
Mes pieds sont brûlés
Je suis en pays étranger
Le vent des naufrages
Trace une route
Plus grande que moi
Mes bras en archipel
Sous un morceau de ciel
J'ai oublié ton visage
Notre histoire
La terre sous mes ongles
ressemble à ta peau
parfum de tourbe
lettre d'adieu
Ta bouche
Goût d'amour
Rire d'ivoire
Discret
Amande douce
Lait couleur été
Mots de femme
Libre
Perdu
Fatigué de marcher
Tué à l'ennemi
Oublié
Aucune carte ne mène au bonheur