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Notule 3 - S. Cerruti - T. Felix - Isabelle H - C. Demangeot - Isabelle H - B. Giffard

Notule de... Sandrine Cerruti

 

« No notule »


·                  Pinter-Duras. Je suis réconfortée. Éclairée par leurs propositions. Ils permettent de ne pas se laisser écraser par ce que propose la citation « Aimer c’est donner ce qu’on n'a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ».

 

Il y a du possible homme-femme. Avec les limites. C'est très important.

Nous donner à entendre nos limites. la grandeur de la misère de la relation homme-femme. Ces auteurs permettent une projection en limites-partagées de condition. Du peu qu'il est possible. C'est magnifique. Nous pouvons peu. C'est là qu'est la grandeur de notre condition. Moi, ça me rassure. Rien ne me rassure plus que les répliques dans l'Amant de Pinter ou que le discours narrativise dans l'Amour Duras par ex.


Le génie de l'écriture donne un relief grandiose à la pauvreté de nos échanges ordinaires. De nos désirs si misérables. L écriture nous dit que nous y sommes presque. Elle magnifie nos pauvres mots. Oui. On y est presque. Regardez. Écoutez. Nous sommes ça. Nous sommes limités. Ne nous déchirons pas. Ça ne sert à rien. Nous partageons tous ces limites. Duras. Pinter. Ils aiment leurs personnages. Parce que, sans doute,

du moins c'est comme ça que je choisis de le lire, ils aiment leur propre condition, au plus pleinement-acceptée. J'adore leur faiblesse. Leurs personnages faibles. C'est là, précisément, que l'humanité vient se loger. 

 




Notule de... Sandrine Cerruti


la défaite des cages



fixe bien


bien riveter ses yeux à son cerveau ça va aller très vite 


ne pas rater le murmurer du petit secret inspiré-expiré au travers du coton gris celui des intermittences nocturnes (oui     le secret reste secret à cause de sa petite taille)


regarde bien dans ta cervelle     


pour commencer surtout ne force pas     ne rien forcer en imprudente (il n y a pas plus important pour dorer cette grande règle)


apprête-toi à bien entrevoir le secret


celui des cages 


de la porte des cages (oui rien que ça)


la porte des cages s'ouvre depuis l'intérieur           le mouvement s'effectue toujours vers l'en-dedans


surtout ne pas chercher à la pousser    pas pousser la porte en direction de l'en-dehors-des-choses    jamais


ce serait partir en dissolution  petite malheureuse    

                 éventée oui attention


c'est sans forcer que s'opère l'ouvre-monde    souplement   via l'en-dedans

 lors la béance facile celle de la circulation-dedans-hors-monde est à tout jamais obtenue  


garde-le bien ce secret dans ton cerveau qui a tout vu (oui c'est furtif c' est le secret des cages il passe vite comme seuls savent filer les vrais secrets)


c est vrai pour toutes les cages 


il n y a pas plus simple à forcer  


c est ça le secret 


              celui des cages défaites  






Notule de... Tristan Félix


Note sur la lecture

Mira profunditas


Le « sérieux » du texte qui vous fait face, vous inquiète, vous tient tête…


Qu'il y a là quelque chose à comprendre, que le passage ne se fera pas à vide.


Tout débute par un élan de confiance, confiance immédiate et spontanée mais qui possède néanmoins des fondements complexes.


J’admets par avance qu’il doit y avoir là quelques chose.


Cela ne veut pas rien dire. 


C’est une sensation qui n’est pas loin d’être tactile.

Celle d’une paroi aveugle, à pic, qui n’offre aucune prise.


D’autres cependant ont réussi à passer avant moi.





Notule de… Tristan Felix


L’Avenir sauvage


18/03/2023


L’avenir et sa gueule de revenant dépiautent les barbaques au bord des routes.


Faut pas traîner comme ça. Il s’excite sur tout ce qui l’engraisse, à pleine goule se prophétise et touille à tours de bras son vortex suicidaire.


L’avenir a de l’avenir, ça, mon vieux ! devant mais surtout derrière lui.

Il laisse ses crottes artificielles fumer la langue pour qu’elle soit très morte.


L’élégance de la réminiscence, l’or noir de la mélancolie, la tragédie des oubliés le plombent.


L’avenir a la brutalité de l’humaine espèce très spéciale,  de l’engeance du sans loi.


Contre son mur il jette les sales têtes qui font des fleurs de sang, ne fraie qu’avec ses cognes, trépigne de s’avaler vivant.`


Alors s’ensauvager contre ce qui dépeuple, faire parler l’os du corps qui craque.




NDLR - Le Troquet Sauvage, chez Fernando, le caviste du marché, au 105 rue Gabriel Péri, 93200 Saint-Denis. A 7 mn de Paris.. "Pte de Paris" ou ligne H/ RER D

http://www.tristanfelix.


Le Troquet Sauvage est un lieu de recherche et création poétique pratiquant des lectures courtes, impro, fantaisies pour tous, par tous, et illustrant un thème.

Un mastroquet est un marchand de vin… un troquet par extension est un lieu où on consomme du vin et par extension un bar, un café.


Sauvage, étymologiquement signifie : qui appartient à la forêt, et par extension sauvage désigne ce qui pousse naturellement, sans être cultivé, et, par extension, sauvage désigne les animaux ou les êtres humains qui ne sont pas domestiqués, dressés, éduqués.


Un troquet sauvage sera donc un café où l’on boit du vin, de préférence du vin sauvage, autrement dit de la piquette pas chère, et par extension un endroit qui réunit des gens sauvages, qui se plaisent à vivre seuls et qui, soit par bizarrerie soit par timidité, soit par indépendance ombrageuse, évitent la fréquentation du monde.


Un troquet sauvage est donc un endroit qui réunit ces gens primitifs, solitaires et peu aptes à une vie sociale, mais qui aiment bien picoler et déconner entre congénères… un lieu sauvage, à côté de la vie sociale et civilisée dite normale.


Ceci pour donner un cadre à ce texte et camper son lieu d’origine inspirant l’idée de l’avenir qui nous attend tous, un avenir sauvage…


Un avenir sauvage implique un avenir anarchique, absurde, dépourvu de sens, de croyances, de valeurs, congestionné, bruyant, chaotique et pollué…ce qu’est en train de devenir notre humanité mondialisée dans une ambiance rappelant par certains côtés l’état psychique naturellement psychotique et halluciné du bébé.


Il y a effectivement de quoi écrire une notule à partir de cela… la notule de Tristan Félix elle-même est donc une notule critique correspondant bien à ce qu’on attend d’une notule pour la revue Lpb digne d' inspirer ses lecteurs.


Cette notule est présentée comme une notule 'en forme d’averse', allusion à sa forme versifiée porteuse d'idées devenant flux de gouttes, en cascade dans l’esprit de la poétesse, avec un lexique et une pensée sauvage que nous lui connaissons bien, ce qui fait que même si le texte était présenté de façon anonyme et en prose nous reconnaitrions bien son autrice.


Pour une meilleure compréhension du sens de la notule par notre lectorat, je me permets, avec l’autorisation de l’autrice, de la présenter en prose simple et en strophes. Je me suis permis aussi d’ajouter un titre pour donner à notre lectorat un cadre au texte.


Pour la notule proprement et bien dite (sous forme prose) j’attribue une poignée d’étoiles à notre lucide Sibylle.


Pierre lamarque




Notule de... Isabelle H


La mise à la retraite à coup de pied au cul


La mise à la retraite à coup de pied au cul (quarante ans à serrer les fesses pour avoir moins mal), mais cela n'empêche pas d'avoir mal, ni la pointe du soulier d'entrer chaque fois un peu plus loin, et à chaque coup de pied c'est leur pauvre derrière qui leur cuit un peu plus, au sous-lieutenant, au professeur de littérature, ou à l'infirmière, et nous disons que l'Homo sapiens ne cherche pas la porte d'entrée du royaume millénaire, (ce ne serait pourtant pas mal, vraiment pas mal du tout), mais seulement pour pouvoir la fermer derrière lui et remuer la queue comme un chien content, en sachant que le pied de cette garce de vie est de l'autre côté, et bute contre la porte close, et qu'on peut, avec un soupir de soulagement, desserrer ses pauvres fesses, se redresser, et commencer à se promener au milieu des petites fleurs du jardin et s'asseoir pour regarder un nuage pendant cinq mille ans tout juste, ou 20 000 si on peut. Et si personne ne vient tout démolir, avec un peu de chance, rester à jamais dans ce jardin, à regarder les petites fleurs.




Notule de Cédric Demangeot



Une inquiétude 


Pour détourner, ou plutôt ajourner Adorno, posons-nous la question : comment écrire encore de la poésie à l'heure de la mondialisation du non-monde. À l'heure où toutes les puissances s'allient pour détruire la langue – pour absenter le corps. À l'heure mortifère de la « grande distribution du Rien (les ignoble ersatz). À l’heure de l'individualisme égaré, forcené, malade. Les camps de 42 préfigurent et rendent possible le non-monde contemporain – la marchandisation systématique de toutes les formes de vie, le triomphe universel de la Consommation-de-la-Mort, le totalitarisme du néant. Or, certes, nous ne manquons pas de poètes aujourd’hui – un bon nombre même se porte, à ce qu'on voit (à ce qu'on lit), diablement bien. Serait-ce qu'ils ne sont pas au monde ?


Les poètes du XXIe siècle ont du souci à se faire. À mon avis ils ne s'en font pas assez.


En attendant, on observe (source scientifique), une forte baisse de la production de spermatozoïdes chez l'homme. Le message est clair. L'espèce ne veut plus proliférer. L'espèce ne se sent plus la nécessité de perpétuer sa participation au monde.


Les Grecs ont admiré la parole – et l'ont empoisonnée. Rome a glorifié le suicide. Son agonie fut pourtant longue et poussive. Le christianisme a sanctifié l'amour : à grands renforts de fleuves de sang. Le communisme a inventé l'espoir politique, puis l'a ruiné. Le capitalisme se contente de spéculer sur la mort – une valeur sûre.


Le capitalisme est une pornocratie. Il s'applique à généraliser la prostitution, simultanément valeur absolue de sa morale, et moteur de son fameux « marché » .


La morale du capitalisme est une ligne courbe qui varie en fonction de la cote des corps en bourse.


Il n'y a pas si longtemps encore, on nous rappelait tout au long d'une vie qu'il fallait se racheter. On nous explique aujourd'hui qu'il est préférable de savoir se vendre.



Cédric Demangeot - Une Inquiétude - Flammarion 



Notule d'Isabelle H



FAUX




Rater sa vie, c'est accéder à la poésie - sans le support du talent.

Emil Cioran


Faux 



Redouter l'échec, c'est redouter le ridicule, il n'y a rien de plus mesquin. Aller de l'avant - c'est justement ne pas craindre de devenir la risée de ses semblables.

Emil Cioran


Faux



Objection contre la science : ce monde ne mérite pas d'être connu.

Emil Cioran


  

Faux



J'aime ton amour, et je désire ton désir.

Emil Cioran


Faux


La lâcheté rend subtil.

Emil Cioran


Faux


Plus encore que dans le poème, c'est dans l'aphorisme que le mot est dieu.

Emil Cioran


Faux


La vie est le roman de la matière.

Emil Cioran


Faux


On meurt depuis toujours et cependant la mort n'a rien perdu de sa fraîcheur.

Emil Cioran


Faux


Paris, point le plus éloigné du Paradis, n'en demeure pas moins le seul endroit où il fasse bon désespérer.

Emil Cioran


Faux




Notule de Bruno Giffard

 

Je regrette



On dirait que le printemps, le mois de mars a été gommé. Curieux que pour l'homme d'aujourd'hui un jardin, sinon un carré vert - j'en veux beaucoup à mon enclos de briques, au moins s'y trouve-t-il des branches pour pointer vers un soupçon d'étoiles, cette sueur échappée par le ciel de ville - soit un luxe. Et après le froid cette chaleur soudaine, appesantissante. J'ai aussi remarqué qu'ici le vent reste quasi continu. Un gros soupir de l'invisible? Je regrette pour le dire simplement que les punks encouragent Benson & Hedges au lieu de se tourner vers de la fumée sans additifs goudronnés (bien sûr on les détourne vers, comme on jette de l'héroïne aux soldats, aux yeux bridés (je ne trouve pas les guillemets sur ce clavier) lorsque nécessaire, continuant hypocritement la culture opiacée qui maintenant dégénère en produits de synthèse, mais occultant la simple plante en elle-même), je regrette qu'il n'existe pas des archipels où des pirates alternatifs offrant au monde l'exemple d'une énergie qui ne taxe pas l'atmosphère, etc. On assiste à une course systématique, autant chaotique que dirigée, et l'oppression tient moins à une matière manufacturée qu'à l'esprit d'ombre qui l'habite, oppressant le nid du souffle. Bon, j'imagine qu'il vaut mieux se concentrer sur les planches du radeau, et s'édifier en forteresse de paix, quitte à barrer plein de fenêtres oculaires. Prier Tesla (je parle de l'inventeur, qui disait qu'on n'était pas prêt pour la manne du génie).