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Zoom 1 - Abdellatif Laäbi
Zoom sur...
Lpb N° 60 - Abdellatif Laâbi
Note sur Abdellatif Laâbi : exercice de transpose
Formalisée par l’un des fondateurs de la revue La Page Blanche pour répondre à une contrainte de place au sein de la revue, la transpose est une traduction spatiale du poème, répondant à la parution croissante de poèmes en prose découpées en vers. Il s’agit en premier lieu d’abolir le retour à la ligne systématique et d’insérer de l’espace entre les vers originaux afin de garantir l’unité d’énonciation du vers transprosé ainsi formé. Avant d’être rigoureusement identifiée et définie, la transprose a fait son apparition dans diverses expérimentations poétiques au cours du XXème siècle: elle peut donc être utilisée et pensée dès la création du poème.
Dans sa fonction de traduction, la sensibilité du traducteur joue un rôle non négligeable dans la réussite du procédé, pour savoir où le retour à la ligne s’impose et ne pas trahir la pulsation du poème original par exemple. À mesure qu’elle est utilisée et améliorée (taille des espaces, saut de ligne, choix de ponctuation), la transprose s’émancipe de sa contrainte première (la place) pour s’imposer comme un procédé stylistique permettant d’améliorer la cohérence poétique d’un texte, d’où l’idée de passer certains grands textes contemporains à la transprose (ici trois poèmes d’Abdellatif Laâbi) pour comparer les effets obtenus, et interroger l’auteur sur son sentiment après la traduction spatiale de certains de ses poèmes.
Air
PRIÈRE
Pourvu qu’un enfant croise ton chemin et te gratifie d’un sourire entendu
Qu’une femme inconsciente de sa splendeur t’initie en passant à la poésie de son parfum
Qu’un ami mort il y a des années surgisse au coin de la rue et vienne se jeter dans tes bras
Qu’un oiseau d’une espèce disparue se pose sur le barreau de ta fenêtre et se mette à parler comme dans les fables apprises à l’école
Que le jasmin qui t’a donnée des inquiétudes au cours de l’hiver fasse ne serait-ce qu’une fleur ce matin
Pourvu qu’aucune catastrophe n’intervienne entre le début de cette rêverie et la fin vers laquelle elle s’achemine et tu auras remporté sur ta vie en sursis une petite victoire
Abdellatif Laâbi,
Presque riens - Transprose : Air
VERS L’AUTRE RIVE
Je sais où conduit ce chemin tracé par la main d’acier trempé dans la forge des ténèbres
Ce que signifient
ces murs d’eau gelée et d’argile
ce vide mesurable et palpable
cette lumière déclinante évadée du mirage
cet air que l’on ne peut respirer qu’à moitié
ces douleurs qui cultivent leur férocité dans l’avers et le revers du corps
Je sais où la houle muette m’entraîne
Je devine les récifs de l’autre rive
là où la nuit n’engendre plus le jour
là où les yeux ouverts ou non
cessent de voir
Abdellatif Laâbi,
Presque riens - Transprose : Air
(EXTRAIT)
Venez nos seigneurs emportez-nous vers cette terre où la danse
si elle ne nourrit pas son homme le transfigure lui donne la grâce
des êtres libérés des besoins immédiats le rend beau de l’intérieur
troublant de l’extérieur ressemblant étrangement à la terre que
voilà que voici gagnée sur le chaos d’un seul geste sculptée
dans le tourbillon toujours disponible sachant partager le peu du
rare noblesse des humble oblige
Abdellatif Laâbi,
L’arbre à poèmes – p 159 - Poésie Gallimard
Transprose : Pierre Lamarque
Le point de vue d’Abdellatif Laâbi, en réponse aux questions de Air pour « La page blanche »
La disposition spatiale de mes textes poétiques a constamment évolué avec le temps. Si vous vous reportez à mon premier recueil «Le Règne de barbarie», vous verrez qu’il y a déjà plus de cinquante ans, je pratiquais celle dont vous me parlez. Par la suite, d’autres considérations sont entrées en ligne de compte. Mais s’il y a une constante chez moi, c’est l’exigence que j’ai toujours eue de garder à la poésie sa dimension orale, ou sa dimension première, fondatrice si vous voulez. La question de la rime ne s’est jamais posée pour moi. La modernité poétique l’avait résolument écartée, et cela me convenait tout à fait. Par contre la rythmique, ou la musicalité du texte était primordiale pour moi. Derrière mes textes, il y a toujours un ou plusieurs instruments qui jouent en sourdine et parfois de façon très audible.
Abdellatif Laâbi
Poèmes composés directement en transprose
LE RÈGNE DE BARBARIE (1966 – 1967)
EXTRAITS
royaume désert
désert royaume
désert nain sang de naphte Désert force armes et
royalties Désert tabou d’espace Désert circule
dans le cercle Embrasse la main et prends ta part
O désert en exil concentrationnaire
désert
goudron rabattu sur nos têtes
désert arrête les vagues de mirages Désert mural
Syntaxe de ma folie Désert j’ai trouvé ton absur-
dité au fond d’un puits Désert ne m’oublie pas
Désert je te maudis Désert je peux ce
que j’écris Désert cercueil de plomb
Passoire de ma haine Désert de Pierre Noire et
de Chant Désert ma double chair
nous de désert
cette torpille
voguant
Abdellatif Laâbi,
Inéditions Barbare
N° 61 Zoom sur... MANDELSTAM
Ossip Mandelstam (1891-1938) est un poète russe, représentant de l’acméisme - poésie concrète s’opposant au symbolisme - jusqu’à la révolution russe de 1917. Pendant la période sovié- tique, il devient un poète contre-révolutionnaire aux yeux du parti, notamment pour son célèbre et provocant poème Épi- gramme contre Staline, qualifié de « poème terroriste » et qui lui vaudra d’abord relégation puis déportation. Il mourut lors de son transfert vers le camp de la Kolyma
Dans ses Récits de la Kolyma, Chalamov rend hommage à Ossip Mandelstam, en prolongeant sa vie au-delà du jour de sa mort : un pas vers l’immortalité ?
« Il mourut vers le soir. Mais on ne le raya des listes que deux jours plus tard. Pendant deux jours, ses ingénieux voisins par- vinrent à toucher la ration du mort lors de la distribution quoti- dienne de pain : le mort levait le bras comme une marionnette. C’est ainsi qu’il mourut avant la date de sa mort, détail de la plus haute importance pour ses futurs biographes. »
La poésie de Mandelstam est avant tout sonore (lui-même créait ses poèmes à voix haute), et s’est transmise presque ex- clusivement de façon orale dans les dernières années de sa vie, échappant ainsi à la censure soviétique. Aussi c’est un poète difficile à appréhender dans une autre langue, et la traduction est primordiale pour rendre compte de la puissance poétique et esthétique de ses poèmes.
Voici quatre poèmes de la période d’exil, extraits des Cahiers de Voronej écrits en relégation dans cette ville située à 500 km au sud de Moscou. L’aspect politique s’estompe au fil des poèmes pour laisser place à une poésie concrète qui prépare le poète au dernier voyage qu’il pressent.
Le poète est une voix, les lèvres qui remuent donnent vie au poème. A ce titre le poète selon Mandelstam est à mi-chemin entre le poète et le chanteur.
C’est un « песнотворец », véritable compositeur de musique poétique dont il est question dans le poème suivant :
1.
En m’enlevant les mers, et l’envol et l’élan
Pour mettre sous mes pieds le sol et sa contrainte Qu’avez-vous obtenu ? Un résultat brillant :
Ces lèvres qui remuent sont hors de votre atteinte
1935
Traduction : Henri Abril
2.
Comme brûlent les bijoux féminins argentés Aux prises avec l’oxyde et les impuretés ; Finissent par s’abimer d’une peine discrète Et la charrue de fer, et la voix du poète.
1937 Traduction : Air
Comme le travail agricole, le travail du poète est laborieux
et difficile, mais le résultat est à la hauteur des plus beaux bijoux. Hélas la charrue comme l’argent finissent par s’oxyder et Ossip Mandelstam se sent usé et fatigué par le travail
dans ces conditions. Son esprit s’éloigne de la terre et de l’acméisme de ses premières années, et il entrevoit un monde plus léger :
3.
Ô comme j’aimerais Invisible et captieux Être absent du trajet D’un rayon lumineux
Et quel plus grand bonheur Qu’une voute étoilée ? Apprends dans sa lueur
Le sens de la clarté
Tout juste un rai d’azur A peine scintillant
Un tout puissant murmure Un doux balbutiement
Et j’aimerais te dire D’un souffle murmurant Je te confie pour luire Au rayon, mon enfant
1937 Traduction : Air
Le poète flotte, à cheval entre deux mondes qui rendent nécessaire le per- sonnage des « passeuses », ces femmes qui dans sa vie auront transmis sa poésie d’un support à l’autre, et qui le soutiennent encore aux portes de la déportation.
4.
Il y a des femmes parentes du sol humide,
Et chacun de leur pas est comme un grand sanglot : Escorter les défunts, et ceux qui ressuscitent,
Les accueillir les premières – tel est leur lot.
C’est un crime d’en exiger de la tendresse,
Mais à l’envie de les quitter nul ne succombe.
Ange d’aujourd’hui, demain ver de la tombe,
Et puis après-demain, simple trace qu’on laisse...
Le pas qui nous porte sera hors de portée. Immortelles les fleurs. Le ciel demeure entier.
Et ce qui adviendra n’est rien qu’une promesse. om su
1937
Traduction : Henri Abril
Les cahiers de Voronej s’arrêtent sur cette promesse, le poète mourra l’an- née suivante. Nous devons à sa veuve Nadejda Mandelstam la transcription et la transmission et de ces poèmes appris par coeur et dont la structure et les sonorités ont permis de survivre au régime soviétique....
Zoom sur... Jean de la Ville de Mirmont
Par Patrick Modolo
D’abord, quelques poèmes de Jean de la Ville de Mirmont tirés de L’Horizon chimérique
I
Je suis né dans un port et depuis mon enfance, j’ai vu passer par là des pays bien divers.
Attentif à la brise et toujours en partance, mon cœur n'a jamais pris le chemin de la mer. Je connais tous les noms des agrès et des mâts, la nostalgie et les jurons des capitaines, le tonnage et le fret des vaisseaux qui reviennent et le sort des vaisseaux qui ne reviendront pas. Je présume le temps qu'il fera dès l'aurore, la vitesse du vent et l'orage certain, car mon âme est un peu celle des sémaphores, des balises, leurs sœurs, et des phares éteints. Les ports ont un parfum dangereux pour les hommes et si mon cœur est faible et las devant l'effort, s'il préfère dormir dans de lointains arômes, mon Dieu, vous le vouliez, je suis né dans un port.
V
Vaisseaux, nous vous aurons aimés en pure perte ; le dernier de vous tous est parti sur la mer. Le couchant emporta tant de voiles ouvertes que ce port et mon cœur sont à jamais déserts. La mer vous a rendus à votre destinée, au-delà du rivage où s'arrêtent nos pas.
Nous ne pouvions garder vos âmes enchaînées ; il vous faut des lointains que je ne connais pas. Je suis de ceux dont les désirs sont sur la terre. Le souffle qui vous grise emplit mon cœur d'effroi, mais votre appel, au fond des soirs, me désespère, car j'ai de grands départs inassouvis en moi.
XIII
La mer est infinie et mes rêves sont fous. La mer chante au soleil en battant les falaises
et mes rêves légers ne se sentent plus d’aise de danser sur la mer comme des oiseaux soûls.
Le vaste mouvement des vagues les emporte, la brise les agite et les roule en ses plis ;
jouant dans le sillage, ils feront une escorte aux vaisseaux que mon cœur dans leur fuite a suivis. Ivres d’air et de sel et brûlés par l’écume de la mer qui console et qui lave des pleurs,
ils connaîtront le large et sa bonne amertume ; les goélands perdus les prendront pour des leurs.
XIV
Je me suis embarqué sur un vaisseau qui danse et roule bord sur bord et tangue et se balance. Mes pieds ont oublié la terre et ses chemins ; les vagues souples m’ont appris d’autres cadences plus belles que le rythme las des chants humains. À vivre parmi vous, hélas ! avais-je une âme ? Mes frères, j’ai souffert sur tous vos continents. Je ne veux que la mer, je ne veux que le vent pour me bercer, comme un enfant, au creux des lames. Hors du port qui n’est plus qu’une image effacée, les larmes du départ ne brûlent plus mes yeux. Je ne me souviens pas de mes derniers adieux… Ô ma peine, ma peine, où vous ai-je laissée ? Voilà ! Je suis parti plus loin que les Antilles, vers des pays nouveaux, lumineux et subtils.
Je n’emporte avec moi, pour toute pacotille, que mon cœur… Mais les sauvages, en voudront-ils ?
ÉPITAPHE
Un peu plus tôt, un peu plus tard, lorsque viendra mon tour, un soir, Amis, au moment du départ, en chœur agitez vos mouchoirs ! Un peu plus tard, un peu plus tôt, puisqu’il faut en passer par là, vous mettrez sur mon écriteau : « Encore un fou qui s’en alla ! »
1/ Jean et Bordeaux : « Je suis né dans un port, et depuis mon, enfance / J'ai vu passer par là des pays bien divers ».
Le petit Jean naît donc dans ce Bordeaux maritime le 2 décembre 1886. Le Parc bordelais n'existe pas encore et ne sera inauguré que deux ans après. Mais Sophie Malan, son écrivaine de mère, l'y a amené s'y promener. Après tout, ils habitaient non loin, même si aucune plaque commémorative n'orne la maison familiale au 15 de la rue de Caudéran. Et il y a fort à parier que sa mère, auteure de contes, notamment de Contes pour Noël, le berça de mots autour des mares aux canards.
A l'opposé de la ville, ce sont les quais, qui respirent les Outre-Mers, et où les bateaux battent le flanc de ce port négrier qui s'est tellement enrichi par ce commerce depuis le XVIIIème siècle. Jean, adolescent, les arpente inlassablement. Il voyage en voyant les navires mouillant à quais et autres « steamers à l'ancre », partant « plus loin que les Antilles », ou revenant de « lointains arômes », qui répondent à ses « départs inassouvis [en lui] ». Il voyage sans quitter ces quais, ses quais. Voyage immobile donc. Mais voyage mu par la force de son imagination.
2/ Jean et les Etudes : homme de lettres, homme de loi...
Il fait des études « classiques » pour l'époque, mais en double cursus : à Bordeaux, il étudie les lettres, et soutient son mémoire sur Les Essais de Montaigne. Toute son humanité, et sa sympathie pour les ouvriers qu'il fréquentera plus tard dans son restaurant parisien préféré, s'explique peut-être par l'étude approfondie de l'Humanisme du philosophe bordelais. C'est « sur les bancs » de cette même Université de lettres, alors dans le vieux Bordeaux, qu'il fréquente Mauriac, de loin. En parallèle, il entame un cursus en droit, qu'il complétera à Paris.
3/ « J'ai refait connaissance, ces derniers temps, avec Mauriac » : Jean de La Ville à Paris, avec Mauriac.
La Ville de Mirmont « monte à Paris » en 1903 à 17 ans à peine, pour finir ses études de droit et s'y installer. Mais il ne fait vraiment la connaissance de Mauriac que par hasard, en 1909, grâce à une rencontre fortuite sur le boulevard Saint-Michel.
Arrivé donc à Paris en 1903, il ne le recroise, au sens propre du terme, qu'en 1909. De là, naît une forte amitié, littéraire aussi. Promenades parisiennes, échanges littéraires et épistolaires, vacances landaises rythment leur jeunesse commune. De l'aveu même du futur Prix Nobel de Littérature, c'est Mirmont qui souffle à un Mauriac en panne d'inspiration le titre de son recueil de poésie : Les mains jointes. Peu à peu, il s'éloignera de Mauriac, surtout lorsqu'il s'installera sur l'île Saint-Louis, une île au cœur de Paris, une île qui répond tant à ses désirs de voyages immobiles, impossibles..
4/ La Ville de Mirmont : un homme « de vers... »
L'Horizon chimérique est un recueil très baudelairien, paru à titre posthume grâce à la force d'une mère qui veut redonner vie à son fils. Son unique recueil poétique est écrit alors que son métier de fonctionnaire parisien, rédacteur à la Préfecture de la Seine, le lui en laisse le temps. Il fait paraître néanmoins certains poèmes divers dans quelques revues, mais aucun poème ne trouve d'éditeur. D'une écriture poétique très exigeante, travaillée et retravaillée toujours et encore, il ne cède jamais à la facilité.
Exact contemporain d'Apollinaire, au destin similaire, il vit et écrit dans le dix-neuvième siècle romantique et dans le sillage de la modernité d'un Baudelaire ou d'un Verlaine, dans le passé de la Poésie, alors qu'Apollinaire la propulse dans l'avenir et le modernisme avec Alcools et ses vers libres publiés en 1913. Le dernier aura plus de lumière que le premier, à en juger par la postérité.
5/ Les dimanches de Jean Dézert : Jean Dézert de La Ville de Mirmont ? Mirmont : un homme « ...de prose[1] » qui rate sa vie comme il rate sa mort ?
A sa mère, il confie dans une de ses lettres : « J'ai imaginé un petit roman qui m'amuserait beaucoup. Le héros de l'histoire serait absurde et tout-à-fait dans mes goûts. »[2] Ce sera sa seule publication à compte d'éditeur, éditeur qui sera le libraire Jean Bergues.
Les Dimanches de Jean Desert est un court roman sublime qui frappe les esprits au même titre que des romans courts du XXème siècle devenus des grands classiques de la littérature française du XXème siècle comme Mes amis, d’Emmanuel Bove, et Le diable au corps de Raymond Radiguet, pour ne citer que quelques romans courts, une forme courte appréciée, parce qu’il s’en dégage une atmosphère de poésie particulière, presque comme si le peu faisait le mieux.
6/ Autres écrits/récits[3] : contes, nouvelles et poèmes...
City of Benares restera comme le premier écrit achevé, et publié, de notre jeune auteur. Un « conte », comme il aime à les appeler, mais un conte dans la mouvance de ceux, presque philosophiques, de la Bécasse ou du jour et de la nuit d'un Maupassant qui verse dans le fantastique jusqu'à finir par écrire Le Horla. Ce City of Benares, navire fantôme, sera le porte-étendard du Mirmont nouvelliste. Entretien avec le diable, ou encore Les matelots de « La Belle-Julie » convaincront les plus curieux.
Par ailleurs, d'autres poèmes, écrits avant et après L'Horizon chimérique, ne trouveront pas de place dans un second recueil, et resteront méconnus, malgré certains d'excellente facture, comme La soif de vivre ou encore Puisque tout s'étrique.
7/ L'homme de guerre si peu aguerri, mort sans coup férir.
Mirmont meurt le 28 novembre 1914. Alors qu'il ne voulait pas suivre l'ordre de rompre de son capitaine. Préférant attendre encore et encore cette relève qui n'en finissait pas d'être en retard. Toujours cette même histoire de départ qui ne se fait pas... Il se fait ensevelir par un obus qui éclate tout près de lui et de ses deux hommes, et qui déverse sur son corps robuste tant de terre, jusqu'à en rompre ses cervicales et l'enterrer vivant. Encore en vie, lorsqu'il fut déterré, et dans un dernier souffle, il murmure et répète ce mot, qui sera pour lui son tout dernier : « Maman, Maman ».
8/ Une œuvre majoritairement posthume, mais qui accède à la postérité.
On a parlé de la volonté de sa mère de faire ressusciter son fils en exhumant ses écrits. Pour lui redonner vie. Comme pour mieux l'immortaliser. Et son entreprise ne fut pas vaine. Gabriel Fauré s'empara de L'Horizon chimérique en musique. Bien plus tard, c'est le Julien Clerc attiré par les îles qui fixera le poème XIV du recueil, « Je me suis embarqué sur un bateau qui danse » dans un rythme à la fois lancinant et presque lascif. Sans parler de Jérôme Garcin, qui transforme sa biographie en roman avec Bleus horizons, paru en 2013. Enfin, pour le centenaire de la Grande Guerre, des stèles poétiques ancrent sa vie et son œuvre, poétique et romantique, sur les quais de la rive droite bordelaise. Une manière de lui rendre un peu cette épitaphe que le temps soustrait à sa tombe !
[1]Voir l'article de Jean-Noël Cordier, ancien vice-président de la Société des Poètes Français, Les départs inassouvis de Jean de La Ville de Mirmont, à l'occasion de la Commémoration de la Première Guerre mondiale et du centième anniversaire de sa mort. C'est lui qui qualifie cet écrivain d' « homme de vers et de prose ».
[2]Michel Suffran : Jean de La Ville de Mirmont, Oeuvres complètes, éditions Champ Vallon, 1992, p.213
[3]J'emprunte ce titre, Ecrits/récits, aux œuvres intégrales de Pierre Fanlac, rassemblées sous ce titre, aux éditions du même nom.
[4] Clown à retrouver sur le net en tapant « BrutdeCrustace » ou « TristanFelix viméo ou daylimotion »