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blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index 1

67 - Pierre Andreani

Commentaire perpétuel 1 & 2 (2015)


1


   J'espère demain connaître le jour naissant et prenant la serpe, tracer l'ornière au front du champ, 

une cicatrice que les éléments et le temps ensemble ne pourront que caresser sans érosion. 


L'aventure… Sera-t-elle douce ? Sera-t-elle âpre ? Délire pandoréen me pousse au crime sur la raison. 


J'ai vu la mer et ce sourire et les falaises attenantes, m'enivrant de la fraîche odeur qu'exhalait la nuit, fixant de mes yeux de loup

(arborés pour l’occasion)

la lune souveraine 

dont le halo divin chatouillait alentour les étoiles, ses gardiennes


… en cet instant si parfait d'espérance retrouvée, je me jurais avec solennité que tout irait bien, une main glissant sur le mur de ciment effrité

il n'y avait pourtant pas, en vérité, de sensation plus déplaisante que du bout des doigts toucher cette matière vile et de constater sa friabilité 

avec la peur au ventre 

que le monde entier s'écroule.


 Voilà les effets de l'environnement, toujours il s'impose à nous

et l'on s’affuble, 

sans en vouloir, de cette peau de bitume, 

déprimant derme gris.



2


Voilà ce que je crois : la vie est un long voyage à couvrir en diariste, 

le nez sur l'azur, si l'on ne veut pas trébucher… les jours ouvrables gravés sur le marbre.

C'est forcément une mosaïque bien bancale, une cithare désaccordée.

Il faudrait craquer au bon endroit, pondre le monde en permanence comme le poète maudissant, boursouflé, suintant, essoufflé, 

aveugle pour comprendre ce que c'est que de vivre et de pourrir en même temps.

« Connaissez-vous ceux qui, de nos jours, sont le fer de lance de la profession ? »

« Oui »

« Qu'en pensez vous ? »

« Eh ! Ils glapissent mujeintement en octosyllabes flasques »

Expressions feintes d'y avoir compris quelque chose, mais le mot n'existait pas.

Relecture du pamphlet aux aurores...

Une flamme bleue brûle en moi du feu immortel de l'inspiration.

Souvent elle m'arrache à la sérénité lugubre du monde.

Pourtant je la déconseille. Et à genoux prie, pour respirer, à nouveau.

« Écrire alors, mais qu'est-ce ?

– Tombeau dit-on, testament, homélie, compilation de sursaut, chaque entrave recyclée. »

De hurlements en scansions fausses, j'ai épuisé ma mandoline.

Et la foule, unanime, souvent moins par médiocrité que par goût pour la modération : « Quelle farce… écrivaillon ! »

La vilaine ambition qui chagrine les parents qui voudraient pour le môme la quiétude du lac.

Je sonde mon âme.

Cette vibration, c'est devenu mon ouvrage, ce avec quoi l'on ne rit pas.

Le lieu de l'analyse et de la finesse nécessaire à l'homme qui, poussé par les circonstances, s'animalise à faire pâlir.


Il n'a jamais été question, des travaux pénibles s’affranchir.

Observer pour seule passion, de s’enrichir. 

On ne peut être sûr qu'un tel malheur nous tombe dessus, alors que…

Somptueuse beauté tragique ! avant comme après, 

contre cent sous de musique, le poème est fait.