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POÈMES

LA SERRE

5 - Johan Milan Heude

Présentation


Né en 1988, en Seine Saint Denis, j'y ai grandi puis enseigné les lettres classiques pendant onze ans, collège puis lycée. J'aime l'escalade, et l'Antiquité, la Grèce en particulier. J'ai consacré ma thèse à sa langue érotique. Cela se lit probablement dans ce que j'écris : lyrisme et quotidien diffracté - je chemine -, tenter de recueillir ce qui s'effondre en nous et soutenir, quête âpre et tenace, forcenée, de la joie, dans les doutes et les replis du jour, routes de désirs, d'amour, sans cesse, bien que hantés d'ombres.



2023



Juillet




J’arrive

(extrait)



Sache te méconnaître

Murmurait le velours élimé

Les salles vibraient de marches anonymes 

Peuple de fantômes

Ballets sublimes

On ne savait plus rien de l'heure ni du jour

Alphabet trouble grevé d'oubli

Je recomposai peu à peu les syllabes désapprises 

Rougi de la ferveur des nouveaux convertis 

Réécrivis mon nom lentement et fébrile 

D'arabesques inconnues me déliant les muscles 

Les lignes tatouées

Du désir sismographes

Voilà que j'apprenais

À part moi

Autrement

Un frisson

Et le goût de la fièvre




Août


Rallume

le feu attise souffle le vide n'existe pas un leurre ce battement manqué tu as oublié ce qui dansait faisait à l'ombre la guerre l'amour ce qui subtil court sous la peau


Reprends 

la quête brûlante du jour recommence efface fébrile grave les pierres - le gel la nuit une eau trop claire dans les fissures et tout explose - au matin prendre garde les chemins ont changé les sentiers cheminées dévorées de buissons à recouvrir de signes et de cigognes la blancheur nids de fumée


Reprise 

la toile de l'aube points de croix enflammés déchirés à la lame au crochet croc de boucher sur les tonneaux les torches tissu rayé des heures forçats enfuis enfouis puis retrouvés avancer sous la poix résine


Renoue dialogue

avec la braise remplis la fosse de tes yeux purifie les charniers c'est un temps de salpêtre tu ne savais plus rêver ni moi retenir la rosée sur tes cils ni la boire l'aurore se bat au cœur de l'ombre crucifiée pelletées de terre tout passer à la chaux fouiller dans les cendres les décombres


Racle sur ta peau 

sombre la sueur des mauvais rêves des mauvais mots les images déformées un mauvais sel incrusté et combien de naufrages les mots avaient paru mentir ce n'était que des bouches dents ébréchées tranchantes malgré les lèvres closes ce qui résonne en toi mieux lire mieux dire


Retrouve 

le phare le bûcher chahuté au sommet des falaises la craie brille sur la mer les algues phosphorescentes pendues à tes paupières plaine d'échos languide une hutte brave seule l'obscurité foyer tremblant quand tout vacille l'hésitation pourtant


Pourtant


La foudre a traversé tes yeux.



Septembre


Et les murs sont épais surfaces rugueuses parfois polies miroir cristal couvert de croûtes comme une peau

Je tente

Une percée gratter ongles cassés ça s'accumule ces anneaux bruns une auréole lunules rongées et même la matrice cuillère brisée pas sûr que ça repousse

Le temps nous a trahis tu penses

Nous a ici et là le temps

N'existe pas

Du verre pilé trace des lignes à tes narines mille tessons forment écueils déchirent la peau et rien ne coule

Ichor boueux la nuit noircit le jour tout s'indiffère

Comment nager

Des cendres dans la paume comme on patauge comme on décline mains maculées les souvenirs nous blessent psaumes et micelles en suspension nous sauveront-ils

Salive et solutions salines

Les murs autour partout les tours sont sans fenêtres qu'intérieures arches scellées

À court de danse désormais j'oscille à peine léger tremblé presque au fusain et dans les coins l'attente obstinée des briques

Depuis quand cette bête fragile

Léchant ses plaies porcelaine vertébrale ses griffes sont une mousse amère

Où sa superbe - la honte du devenir

Tu

as

Oublié

Comment vivre

Et je ne sais plus crier