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blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index 1

6 - Jean-Michel Maubert

CREUSER [poème]

creuser comment c'est seul creuser ramper proche de la surface d'abord s'enfoncer persévère image dehors collines blocs de ferrailles ciel balbutiant grincements ça frotte casse roulements et cogne s'écrasent tôles compression creux cette glaise bassin cratère boue buvant l'eau au bord chien lapant silhouette découpée noire mâchoire s'ouvre baille vers une haute lueur étouffée cet aplat l'éclat froid ciel gris œil noir qui te regarde t'enfoncer interrogateur creuse c'est un début



entre les arbres robe noire ton corps somnolant un autre état puis masquée de blanc accroupie un chemin entre les arbres nus des bancs vides une main passe devant ton visage cheveux front bouche fenêtre rectangle de lumière blanche visage statue voilé transparence des feuillages secs cassants dans la main dentelles noires tes yeux soulignés d'ombre forêt tronc d'arbre écorce grumeleuse une maison ventre clos à l'arrière plan feuilles jonchant le sol lumière voilée soleil de terre noire tourbillon creux corneilles maison oubliée délabrement abîme bois une silhouette se dégradant vers l'invisible dans la lumière granuleuse sa poussière ville bombardée brûlée immeubles décomposés bus renversé sur le côté voitures fracassées blancheur du matin aveuglante un oiseau ailes déployées comme suspendu un instant



une jeune femme emmitouflée et un âne dans la brume maison blanche fantôme au loin arbres avalés par l'opacité le silence

des oiseaux sortent de ta poitrine comme s'échappant de ta cage thoracique peau pâle dénudée

le daim à tes côtés dans le lit matin lumière froide grise vaguement bleutée solitude tes long cheveux sur ta peau nue tes côtes apparentes le drap fragment mur en dégradé de gris le jour devenu rêve fragile apparition des larmes lumières secrètes la solitude au fond des nuits

sous-bois l'humidité matière ombreuse l'oubli tableau de l'homme papillon animalcule inachevé petite tête blanche comme un masque d'outre-monde brindilles



cagoule tête visage terreux plâtreux à peine les orbites se dessinent corps de terre malaxé mains griffues pointes posées sur la poitrine

jeune femme tête bandée masque blanc brindilles tiges poussant sur le crâne le sein devenant terre crevassée

hurler visage se déformant défiguré au sein d'une forme cassée en désagrégation ce fantôme ainsi glaise du visage devenant son cri cet étirement feu toxique dur son ciel mourant grince brûlé à blanc



explosante fixe casse ce gramme d'air une forme planète caillasse mur crucifié veaux crochets sang caillé hurle loin feu au creux des reins sel membres dispersés éclats une mine artère chue bouche s'enfouir le trou cœur amour opère le sein aréole feu blême charrue drap boue terne chair draine la peur mur cette mare salée elle se noie broyer sec cette lumière minérale chambre du mort