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POÈMES

TRADUCTIONS

Harold Pinter - Proses

Harold Pinter 

Poems and Prose

Ed. Eyre Methuen Ltd. London

Trad G&J




Sa première pièce, Kullus, a été écrite quand Pinter avait 19 ans - le volume dans son ensemble que nous avons traduit à partir du livre Harold Pinter Poems and Prose 1949 - 1977, paru chez Eyre Methuen Ltd. London, est révélateur à la fois de son développement en tant qu’écrivain et de la précision stylistique qu’il atteint constamment même en dehors du contexte plus familier de ses pièces.


33 poèmes et huit pièces de prose en tout, lisibles actuellement dans le dépôt de Lpb. Certains, comme sont intimement liés aux pièces. Avec d’autres, comme The Examination ou Kullus, la connexion est intrinsèquement séduisante. Mais ici aussi, par exemple, un poème écrit dans une ville des Midlands où Pinter était un acteur en représentation hebdomadaire, ou bien encore un affectueux, émouvant souvenir de l’acteur-directeur Anew McMaster.


La plupart des poèmes et des œuvres en prose furent publiés de façon fragmentaire dans de petites revues ou éditions limitées. Comme l’a écrit Irving Wardle dans le Times, « notre meilleur dramaturge », est, tout simplement, l’un des écrivains les plus accomplis en langue anglaise.


G&J





1 ) KULLUS



I



Je le laissai entrer par la porte de derrière.

La lune était vive.

-- Entrez.

Il entra dans la pièce en frappant ses mains.

-- Allez-y Kullus. Allez vers le feu.

il se pencha sur l'âtre et se dégourdit les doigts.

-- Vous n’aimez pas la chaleur,

dit Kullus

 -- Moi?

-- Il n’y a pas réunion. Il y a séparation.

-- Je n’ai aucun préjugé

-- Vous avez un préjugé,

répondit Kullus.

  Vous avez un parti pris envers le froid. Mais laissez le froid dehors et n'envisagez pas la chaleur.  Ceci ne peut en aucun cas être appelé un feu. Simplement un autre aspect de la lumière et de l’ombre cette pièce. Elle n’est pas engagée dans son activité ordonnée. Elle ne bouge pas 

 d’elle-même, faute d’une attention et d’un discernement nécessaires à sa croissance. Vous vivez  en évitant les deux éléments.

-- Asseyez-vous Kullus. Prenez un siège.

-- Je ne suis pas seul.

-- Oh?

-- Je dois appeler, si vous le permettez.

Je m'assis sur mon tabouret.

-- Appelez.

À la porte, Kulllus appela. Bientôt une fille fut dans la chambre, en foulard. Je hochai la tête. Elle hocha la tête. Elle se pencha sur l'âtre, resta là, se releva, regarda Kullus.

— Ici, dit Kullus.

Elle alla vers lui. Ils montèrent dans mon lit. J’installai une couverture sur la lampe, et regardai le plafond se précipiter vers le sol. Puis la pièce se déplaça vers la flamme de l'âtre. Je décalai mon tabouret et m'assis près de la flamme de l'âtre.



II


Kullus prit une chambre. La fenêtre était fermée si elle était chaude, et ouverte si elle était froide. Les rideaux étaient ouverts,s’il faisait nuit, et fermés s’il faisait jour. Pourquoi fermés ? Pourquoi ouverts ?

... j’ai ma nuit,

dit Kullus.

   J’ai ma journée à moi.

— Vivez-vous loin d’ici?

demanda la fille.

Kullus ouvrit alors les rideaux. Car les rideaux étaient ouverts s’il faisait froid et fermés s’il faisait chaud.

Je tendis mes doigts vers l'âtre.

Pourquoi ouvrir ? Pourquoi fermer ?

... je connais le froid,

dit Kullus

   Je connais son voisin. Asseyez-vous. Vous êtes seul.

Je m'assis donc sur le tabouret qu’il déplaça pour moi.

— Vous n’avez pas de feu ici,

dis-je. Kullus partit.

Je regardai la fille. Elle me parla à moi seul.

— Pourquoi n’emménagez-vous pas ici?

me demanda-t-elle.

— Est-ce possible?

— Pouvez-vous emménager ici ?

dit la fille.

... mais comment pourrais-je ?

... je vais fermer les rideaux,

dit la fille.

— Mais maintenant, il fait nuit.

... je ne peux pas les fermer seule.

— C’est la nuit de Kullus.

-- Quelle est votre chambre ?

dit la fille.



III



Les rideaux étaient fermés. Je m'accroupis loin du feu.

— Qu’est-il arrivé à Kullus?

demandai-je.

   Il a changé.

Dans sa chambre je m'accroupis loin du feu.

— Qu’est-il arrivé à Kullus?

Elle restait près de l'âtre.

... vous n’avez pas emménagé ici,

dit-elle.

— Non.

— Quelle est votre chambre?

dit-elle.

... je ne suis plus dans ma chambre.

Le froid a tourné au coin.

— Pourquoi êtes-vous en foulard ?

demandai-je à la fille et j’ouvris les rideaux.

La lune vive et le froid tournaient au coin.

— Que vous est-il arrivé?

dit la fille.

   Vous avez changé.

Le plafond s’enfonça jusqu’au sol.

— Vous n’avez pas ôté le manteau de la lampe,

dis-je.








I


I let him in by the back door.

There was a brisk moon.

-Come in.

He stepped inside, slapping his hands, into the room.

-Go on Kullus. Go to the fire.

He stooped to the grate and stretched his fingers.

-You do not welcome warmth,

said Kullus.

-1?

- There is no meeting. There is separation.

-I have no bias.

-You have a bias,

replied Kullus.

You arc biased towards cold. But you shut out cold and do not

acknowledge warmth. This can on no account be named a fire.

It is merely another aspect of light and shade in this room. It is not

committed to its ordained activity. It docs not move from itsclf,

for want of an attention and discernment neccssary to its growth.

You live an avoidance of both clements.

-Sit down Kullus. Take a seat.

-I am not alone.

-Oh?

_I am to call, should you permit it.

I sat down on my stool.

-Call.

At the door, Kullus called. Soon a girl wes in the room, shawled. I nodded.

She nodded. She bent at the grate, remained, rose, looked at Kullus.

-- Here, said Kullus

She went to him. They climbed into my bed. I placed a cover over the lamp, and watched the ceiling hustle to the floor. Then the room moved to the flame in the grate. I shifted my stool and sat by the flame in the grate.



II



Kullus took a room. The window was closed; if it was warm and open, if it was cold. The curtains were open, if it was night, and closed, if it was day. Why closed ? Why open ?

— I have my night,

said Kullus.

   I have my day.

— Do you live far from here ?

asked the girl.

Kullus then opened the curtains. For the curtains were open, if it was cold and closed if it was warm.

I stretched my fingers to the grate.

Why open ? Why closed ?

— I know cold,

said Kullus

   I know its neighbour. Sit down. You are alone.

And so I sat down on the stool, which he placed for me.

— You have no fire here,

I said. Kullus moved away.

I looked at the girl. She spoke to me alone.

— Why don’t you move in here ?

she asked.

— Is it possible ?

— Can you move in here ?

said the girl.

— but how could I ?

— I will close the curtains,

said the girl.

— But now it is night.

— I cannot close them alone.

— It is Kullus’s night.

Which is your room ?

said the girl.


III


The curtains were closed. I crouched far from the fire.

— What has happened to Kullus ?

I asked.

   He has changed.

In her room I crushed far from the fire.

— What has happened to Kullus ?

She remained close to the grate.

— You did not move in here,

she said.

— No.

— Which is your room ?

she said.

— I am no longer in my room.

The cold turned to the corner.

— Why are you shawled ?

Asked the girl, and opened the curtains.

The brisk moon and the cold turned to the corner.

— What has happened to you ?

said the girl.

   You have changed.

The ceiling hustled to the floor.

— You have not shifted the coat from the lamp,

I said.






2) LE BLACK AND WHITE


Je prends toujours le bus de nuit, six jours par semaine. Je marche jusqu'à Marble Arch et prends le deux-neuf-quatre, qui m’amène à Fleet Street. Je ne parle jamais aux hommes dans les bus de nuit. Puis je vais au Black and White à Fleet Street et parfois mon amie vient. Je prends une tasse de thé. Elle est plus grande que moi mais plus mince. Parfois, elle vient et nous allons nous asseoir à la table du haut. Je garde toujours sa place mais vous ne pouvez pas toujours la garder. Je ne leur parle jamais quand ils le prennent. Je n’écoute jamais certaines remarques. Un homme me glisse parfois le journal du matin, le premier. Il m’a dit ce qu’il faisait autrefois. Je ne descends jamais à l’endroit près du remblai. Je suis allé là-bas une fois. Vous pouvez voir ce qui se passe par la fenêtre près de la table du haut, si vous regardez. Il s’agit surtout de camionnettes. Elles sont toujours pressées. Ce sont le plus souvent les mêmes camionneurs, parfois ils sont différents. Mon frère était comme ça. Il était dans ce domaine. Mais je peux faire mieux sans la nuit, quand il fait noir il fait toujours clair au Black and White, certaines fois il fait bleu, je ne peux voir mieux. Mais je peux mieux sans le froid quand il fait froid. Il fait toujours chaud au Black and White, parfois c’est plein de courants d'air, je ne roupille pas. Cinq heures, ils ferment pour faire un grand ménage. je porte toujours ma jupe grise et mon foulard rouge, vous ne me voyez jamais sans rouge à lèvres.  Parfois mon amie vient, elle amène toujours deux thés. Si quelqu’un a pris sa place elle lui dit. Elle est plus âgée que moi mais plus mince. S’il faisait froid, je pourrais avoir de la soupe. Vous obtenez un bon bol. Ils vous donnent une tranche de pain. Ils ne feront pas cela avec le thé, mais ils le font avec la soupe. Donc, je pourrais avoir de la soupe, s'il fait froid. De temps en temps vous pouvez voir les bus de nuit descendre. Ils descendent tous là. J’ai jamais été dans l'autre direction, pas dans le sens où vont certains d’entre eux. J’ai été à Liverpool Street. C’est là que certains d’entre eux finissent. Elle est plus grise que moi. Les lumières vous descendent un peu. Une fois un homme se leva et fit un discours. Un flic entra. Ils le firent sortir. Puis le flic vint à nous. Nous lui en avons vite fait part, mon amie l'a fait. Je ne l’ai plus jamais revu depuis, ni l’un ni l’autre, Ils n'ont pas beaucoup de flics. Je suis un peu vieille pour ça, c’est ce que lui a dit mon amie. L'es-tu, a-t-il dit. Trop vieille pour toi, a-t-elle dit. Il est parti. Ça ne me dérange pas, il n’y a jamais trop de bruit, il y a toujours un peu de bruit. Les jeunes viennent des fois en taxi. Elle n’a pas aimé le café. Je n’ai jamais pris de café. J’ai pris du café à Euston, une fois ou deux, en revenant. J'aime mieux la soupe de légumes que celle à la tomate. ,Je prenais un bol alors et cet homme était penché de l’autre côté de la table, mort de fatigue, mais accoudé, se grattant la tête. Il envoyait des cheveux dans ma soupe, mort de fatigue. J’ai retiré mon bol. Mais à cinq heures ils ferment pour faire un grand nettoyage. Ils ne vous laissent pas rester. Mon amie ne parle jamais, si elle est là. Vous ne pouvez pas acheter une tasse de thé. J’ai demandé mais ils ne vous laissent pas vous asseoir, même pas avec vos pieds levés. Ils ne ferment que pendant une heure et demie. Néanmoins on peut attendre parfois quatre heures dehors. Vous pourriez descendre jusqu’à celle près du remblai, mais je n’ai été là-bas qu'une fois. J’ai toujours porté mon foulard rouge. Je ne suis jamais sans rouge à lèvres. Je leur jette un regard. Ils ne viennent jamais me chercher. Ils ont emmené mon amie loin en bus une fois. Ils ne l’ont pas gardée. Elle a dit qu’ils s'étaient pris de caprice pour elle. Je ne suis jamais allée pour ça. Vous vous gardez propre. Néanmoins, elle ne tolére rien de tout cela au Black and White. Mais ils n'essayent pas beaucoup. Je les vois regarder. Généralement personne ne regarde. Je ne connais pas beaucoup certains que j’ai vaguement vu. Une femme entre en grand chapeau noir et grandes bottes noires. Je ne sais jamais ce qu’elle fait. Il lui glisse le journal du matin. Ce n’est pas long. Vous pouvez aller, puis revenir. Quand il fait jour je m'en vais. Mon amie n'attendra pas. Elle s'en va. Ça ne me dérange pas. On m'a rendue malade. Venue en manteau de fourrure une fois. Ils vous font des injections, dit-elle, c'est ainsi à Whitehall, ils ont tout mis au point, qu'elle a dit, ils peuvent capter votre souffle, ils vous injectent les oreilles. Mon amie est venue plus tard. Elle était un peu nerveuse. Je l’ai fait taire. Ils pourraient l'emmener. Quand il fait jour, je marche jusqu’à l’Aldwych. Ils vendent le journal. Je l’ai lu. Un matin, je suis allée un peu après Waterloo Bridge. J’ai vu le dernier deux-neuf-six. Ça devait être  le dernier. Il ne ressemblait pas à un bus de nuit, en plein jour.




I always catch the all-night bus, six days out of the week. I walk to

‘Marble Arch and get the two-nine-four, that takes me to Fleet Strect. I

never speak to the men on the all-night buses. ‘Then I go into the Black

and White at Fleet Street and sometimes my friend comes. I have a cup

of tea. She is taller than me but thinner. Sometimes she comes and we

sit at the top table. I always keep her place but you can’t always keep it.

I never speak to them when they take it. Some remarks I never listen to.

A man slips me the morning paper sometimes, the fist one. He told me

what he was once. I never go down to the place near the Embankment.

I did go down there once. You can see what goes on from the window

by the top table if you look. Mostly it's vans. They're always rushing.

Mostly they're the same van-drivers, sometimes they're different. My

brother was the same. He used to be in on it. But I can do better without

the night, when it's dark, it's always light in the Black and White, some-

times it's blue, I can’t see much. But I can do better without the cold

when it’s cold. It’s always warm in the Black and White, sometimes it's

draughty, I don't kip. Five o'clock they close down to give it a scrub

round. I always wear my grey skire and my red scarf, you never see me

without lipstick. Sometimes my friend comes, she always brings over

two teas, If there's someone taken her place she tells him. She's older

than me but thinner. If it's cold I might have soup. You get a good bowl.

They give you the slice of bread. They won't do that with tea but they

do it with soup. So I might have soup, if it's cold. Now and again you

can see the all-night buses going down. They all ran down there. I've

never been the other way, not the way some of them go. I've been down

to Liverpool Street. That's where some of them end up. She's greyer

than me, The lights get you down a bit. Once a man stood up and made

a speech. A copper came in. They got him out. Then the copper came

over to us. We soon told him off, my friend did. I never seen him since,

either of them, They don't get many coppers. I'm a bit old for that, my 

friend told him. Are you, he said. Too old for you, she said. He went.

I don’t mind, there's not too much noise, there’s always a bit of noise.

Young people in cabs come in once. She didn't like the coffee. I''ve never

had the coffee. I had coffee up at Euston, a time or two, going back. I

like the vegetable soup better than the tomato, I was having a bowl then

and this man was leaning from across the table, dead asleep, but sitting

on his elbows, scratching his head. He was pulling the hairs out of his

head into my soup, dead asleep. I pulled my bowl away. But at five

o'clock they close down to give it a scrub round. They don’t let you

stay. My friend never says, if she's there. You can’t buy a cup of tea.

I've asked but they won't let you sit, not even with your feet up. Still,

You can get about four hours out of it. They only shut hour and a half

.You could go down to that one near the Embankment, but I've only

been down there once. I've always got my red scarf. I'm never without

lipstick. I give them a look. They never pick me up. They took my

friend away in the wagon once. They didn’t keep her. She said they took

a fancy to her. I've never gone in for that. You keep yourself clean.

Stil, she won't stand for any of it in the Black and White. But they

don’t try much. I see them look. Mostly nobody looks. I don’t know

many, some I've seen about. One woman in a big black hat and big

black boots comes in. I ever make out what she has. He slips her the

morning paper. It's not long. You can go along, then come back. When

its light I go. My friend won't wait. She goes. I don’t mind. One got

me sick. Came in a fur coat once. They give you injections, she said, i's

all Whitehall, they got it all worked out, she said, they can tap your

breath, they inject you in the ears, My friend came later. She was a bit

nervy. I got her quiet, They'd take her in. When it’s light I walk up to

the Aldwych. They're selling the papers. I've read it. One morning I

went a bit over Waterloo Bridge. I saw the last two-nine-six. It must

have been the last. It didn’ look like an all-night bus, in daylight


1954-55



3) L'EXAMEN



Quand nous avons commencé, je lui ai permis des pauses. Il n’a exprimé aucun désir pour celles-ci, ni aucune objection. Et donc j’ai pris sur moi-même d’évaluer leur attribution et leur durée. Elles n’étaient pas systématiques, mais avaient subi des modifications avec ce que je dois appeler le progrès de nos discussions. Avec une craie j’ai marqué les temps proposés sur le tableau, avant le début d’une session, à étudier pour lui, et pour offrir toute critique s’il se sentait motivé. Mais il n’a fait aucune objection, ni, au cours de nos discussions, exprimé aucunement le désir de faire une pause dans les délibérations. Cependant, comme je soupçonnais qu’elles pourraient nous être bénéfiques à tous deux, je lui ai laissé des pauses. Les pauses elles-mêmes, quand elles se sont produites, à quelque moment que ce soit, à n’importe quel moment crucial, précédées par n’importe quel point mort, se sont passées, naturellement, en silence. Il n’était pas rare qu’elles soient précédées

et suivies d’un silence égal, mais cela ne veut pas dire qu'en de telles occasions son usage fut choquant. Souvent, sa place était telle que peu serait accompli par insistance, ou persuasion.

Quand Kullus était disposé à se taire, j’acquièsais invariablement, et me félicitais moi-même à ces occasions de mon acuité tactique. Mais je n’ai pas considéré ces silences comme des pauses, car ils n’en étaient pas, et, je pense,  Kullus ne les considérait pas non plus ainsi. Car si Kullus se taisait, il ne cessait de participer. Jamais, à aucun moment, n’ai-je eu de raison de douter de sa participation active, par la parole et par le silence, de pauses en pauses, et je reconnaissais ce que je considérais comme sa dévotion réelle et sans équivoque, d’ailleurs, comme il me semblait, obligatoire. Et donc la nature de nos silences dans le cadre de notre examen, et la nature de nos silences en dehors du cadre de notre examen, étaient totalement opposées.

À mon annonce d’une pause Kullus changerait, ou agirait de manière à suggérer un changement. Son comportement, en ces occasions n’a pas été constant, ni, j’en suis convaincu, n’a été motivé par du ressentiment ou de l'’inimitié, bien que je soupçonne que Kullus était au courant de ma vigilance. Non pas que j'ai feint d’être autrement. J’étais dans l'obligation de remarquer, et, si possible, de vérifier, tout changement

dans son comportement, que ce soit hors du cadre de notre examen ou non. Et c’est sur ce point que je pourrais être accusé d’erreur. Car progressivement il semble que ces pauses se sont déroulées selon ses propres volontés. Et quand les deux, affectation et durée, avaient dépendu de moi, et étaient devenues mon choix, maintenant elles procédaient selon ses diktats, et devenaient son choix. 

Car il est passé de silence en silence, et je n’avais d’autre choix que

le suivre. Le silence de Kullus, quant il s'autorisait au silence, était compliqué de nombreuses caractéristiques, que j’ai dûment notées. Mais je ne pouvais pas toujours le suivre sur son terrain, et où je ne pouvais suivre, je n’étais plus son dominant.

La prédilection de Kullus pour les fenêtres n’était pas assumée. À chaque pause il se retirait à la fenêtre, et apparaissait à son avantage comme si cela coulait de source.

À l’approche initiale, lorsque la pause s'annoncait, il ne prêtait pas attention à une vision au-delà, que ce soit dans la journée ou dans la nuit. Et c'est seulement dans sa course automatique vers la fenêtre, et son manque d’intérêt pour une autre dimension, qu'il s'est montré constant.

La prédilection de Kullus pour les fenêtres n'était pas plus une dérivation d'anciens temps. J’avais souffert moi-même de son obsession lors d’occasions précédentes, lorsque l’ordre de sa chambre avait été maintenu par certaines dispositions de la fenêtre et du rideau, selon le jour et la nuit, et rarement à mon goût ou pour mon confort. Mais maintenant il ne maintenait pas un tel ordre et ne déterminait pas ouverture ou fermeture. Car nous n’étions plus dans la chambre de Kullus.

Et la fenêtre était toujours ouverte, et les rideaux étaient toujours ouverts. Bien que Kullus ne manifestât aucun intérêt pour cet arrangement constant, dans les pauses, qu'il aurait pu noter. Mais comme je présume qu’il était au courant de ma vigilance, je présume qu’il était conscient de mon dispositif.

Selon l’intensité de son silence je pouvais supposer et conclure, mais si son silence était trop profond pour faire écho, je ne pouvais ni soupçonner ni conclure. Et alors progressivement, quand cela s’est produit, j’ai commencé à me tenir sur le seul terrain ouvert à moi, et terminé les pauses arbitrairement, coupant court à la durée proposée, alors que je ne pouvais plus le suivre, et n’étais plus son supérieur.

Mais ce ne fut que plus tard.


Quand la porte s’ouvrit, quand Kullus de lui-même entra, que l'intervalle fut terminé, je me détournai de la lumière de la fenêtre, pour le prendre en considération.

Sur quoi, sans réserve ni hésitation, il s'éloigna de la porte comme d'un abri, et se tint dans la lumière de la fenêtre. J’ai donc regardé l’entrée se vider, qui avait été son abri. Et j’ai observé l’homme que j’avais accueilli, lui qui avait traversé ma frontière. De même que, maintenant, j’observe le terrain sélectionné, chaque chose à sa place; le tableau noir, la fenêtre, le tabouret. La porte est fermée et absente, et sans importance. L'imminence de son ouverture et de son accueil a occupé un moment.


Maintenant, le seul espace était d’assister à l’activité et de subir une procédure, elle seule était nécessaire et valide. Car la porte

fut fermée et bien fermée.

Sur quoi j’offris à Kullus un tabouret, que je lui avançais. Il ne montra, à ce moment initial, aucun mépris pour mes instructions; s’il ne le fit pas seulement pour obéir, il étendit sa coopération volontaire. C’était

suffisant pour mes besoins. Que j’aie détecté en lui un désir de

cumuler nos efforts parlait en faveur de l’avancement de notre examen.

Mon but était d’éviter l’apparence d'une soumission; une politique commune, telle que je la comprends pour les examens. Pourtant, j’étais naturellement supérieur, en tant que propriétaire de la pièce; il est entré par la porte je l'ai maintenant refermée. Pour être confronté aux propriétés particulières de ma demeure, suivant le sceau et la disposition de leurs locataires, donnant seulement droit à une reconnaissance de la part de mon visiteur, et par la reconnaissance à un remerciement, et par le remerciement à une satisfaction, et par la satisfaction a une subordination. Au moins, je croyais qu’un tel développement aurait lieu, et initialement j'ai cru qu’il en était ainsi. Il faut dire cependant, que ses manières, de temps à autre, semblaient à la frontière de l’indifférence, mais je n’ai pas été dupé par cela, ni offensé. Je l’ai vu comme une utilité, il a été contraint, et à bon droit, de se replier, et en même temps de rendre comme un hommage à ma perspicacité et ma patience. Et si alors je voyais cela comme une mesure tactique, cela me causait peu de souci. Car il semblait, à ce moment, que l’avantage était à moi. N’avait-on pas obligé Kallus à assister à cet examen ? Et sa présence n’était-elle pas l'aveu de cette obligation? Et son aveu n’était-il pas une reconnaissance de ma position? Et ma position par conséquent une position dominante ? J'estimais qu'il en était ainsi et rien ne m'amenait à réévaluer cette estimation. En effet, j’étais si confiant dans le résultat de nos discussions, que j’avais décidé de lui accorder des pauses.

Instituer ces périodes me semblait à la fois charitable et politique.

Car j’espérais que cela pourrait l’écarter d’une période sans demande, donc d'être mieux équipé pour les périodes de demande accrue qui suivraient. Et, pendant un moment, je n’eus aucune raison de douter de la sagesse de cet arrangement. En outre, le contexte de la salle dans laquelle Kullus se déplaçait durant les pauses m’était familier et sympathique, même s'il ne l'était pas autant pour lui. Car Kullus avait su, et maintenant ne savait plus, et prenait sa place là comme un

étranger, et quand chaque pause était prescrite, fut contraint de poursuivre convention et habitudes particulières dans son parcours, pour ne pas devenir un étranger sans espérance à l'intérieur de ce périmètre. Mais peu à peu, il devint évident que dans sa course automatique à la fenêtre, et son manque d’intérêt pour autre chose, il se montra constant.

Avant son arrivée, j’avais omis de me dire propriétaire de la

pièce, que je savais être familière pour lui, et susceptible de le mettre à l'aise. Et jamais il ne remarqua l’absence de flamme dans la cheminée. J'en conclus qu’il ne reconnaissait pas cette absence. Pour équilibrer cela, j’insistai sur la présence du tabouret, à cet effet placé pour lui, mais comme pas une fois il ne remarqua cette présence, j'en conclus que son soutien ne l’intéressait pas. Pas facile de déterminer en quoi son intérêt pourrait être mobilisé. Pourtant, dans les pauses, quand j’étais capable de l’observer avec peut-être un détachement plus fin, j’espérais le déterminer.  Jusqu’à ce que son inconsistence commence à m’alarmer, et son silence à me confondre.

Je ne peux que supposer que Kullus était au courant, à ces occasions, de l’examen minutieux dont il était l’objet, et se persuadait d’y résister, et d’agir contre lui. Il le fit en approfondissant l’intensité de son silence, et en suivant un parcours que je ne pouvais absolument pas suivre, afin de rester isolé et hors de son silence, et donc de son influence négligeable. Et ainsi je pris la seule voie ouverte, et qui mit fin aux pauses de façon arbitraire, raccourcissant la durée proposée, alors que je ne pouvais plus le suivre, et n’était plus son dominant.

Car là où les pauses avaient été de mon fait, elles devaient maintenant l'être du sien.

.Kullus ne s’opposa pas à cet ajustement, mais sans doute

il nota mon anxiété. Car je souffrais d’anxiété pour une bonne raison, sans souci du progrès de nos discussions, qui dès lors me semblaient en être affectées.

Je ne savais plus si Kullus participait à notre examen, ni n'étais certain de comprendre quel était l'objet de notre rencontre. De même, la nature de nos silences, distincts dans leur opposition, c’est-à-dire un silence dans le cadre de notre examen, et un silence hors du cadre de notre examen; silences me semblant opposés, en réalité indiscernables, un seul silence, dicté par Kullus.

Et ainsi vint le temps où Kullus initia des pauses selon sa propre inclination, et poursuivit ses pistes à volonté, et j’ai pu remarquer une certaine constance dans son comportement. Pour l’instant, je le suivais sans difficulté dans son parcours, et il n’y avait pas de durée particulière pour la pause ou l'examen, mais une durée, à laquelle je participais. Mon dévouement était réel et sans équivoque. J’étendis ma coopération volontaire, et ne fis aucune objection à la procédure. Car je voulais le cumul de nos efforts.

Et quand Kullus remarqua l’absence de flamme dans la cheminée, il fut tenu d'en convenir. Et quand il remarqua la présence du tabouret, j'étais également tenu. Et quand il effaça le tableau noir, je ne fis aucune critique. Et quand il ferma les rideaux, je ne m’y opposai pas. Car nous étions maintenant dans la chambre de Kullus.


1955


The examination


When we began, I allowed him intervals. He expressed no desire for

these, nor any objection. And so I took it upon myself to adjudge their

allotment and duration. They were not consistent, but took alteration

with what I must call the progress of our talks. With a chalk I kept I

marked the proposed times upon the blackboard, before the beginning

of a session, for him to examine, and to offer any criticism if he felt so

moved. But he made no objection, nor, during our talks, expressed any

desire for a break in the proceedings. However, as I suspected they might benefit both of us, I allowed him intervals.

The intervals themselves, when they occurred, at whatever juncture,

at whatever crucial point, preceded by whatever deadlock, were passed

naturally, in silence. It was not uncommon for them to be both preceded

and followed by an equal silence, but this is not to say that on such

occasions their purpose was offended. Frequently his disposition would

be such that little could be achieved by insistence, or by persuasion.

When Kullus was disposed to silence I invariably acquiesced, and prided

myself on those occasions with tactical acumen. But I did not regard

these silences as intervals, for they were not, and neither, I think, did

Kullus so regard them. For if Kullus fell silent, he did not cease to partici-

pate in our examination. Never, at any time, had I reason to doubt his

active participation, through word and through silence, between interval

and interval, and I recognized what I took to be his devotion as actual

and unequivocal, besides, as it seemed to me, obligatory. And so the

nature of our silence within the frame of our examination, and the nature of our silence outside the frame of our examination, were entirely opposed.

Upon my announcement of an interval Kullus would change, or act

in such manner as would suggest change. His behaviour, on these

occasions, was not consistent, nor, I am convinced, was it initiated by

motives of resentment or enmity, although I suspect Kullus was aware of my watchfulness. Not that I made any pretence to be otherwise. I was

obliged to remark, and, if possible, to verify, any ostensible change in

bis manner, whether it was outside the frame of our examination or not.

And it is upon this point that I could be accused of error. For gradually

it appeared that these intervals proceeded according to his terms. And

where both allotment and duration had rested with me, and had become my imposition, they now proceeded according to his dictates, and became his imposition.

For he journeyed from silence to silence, and I had no course but to

follow. Kullus's silence, where he was entitled to silence, was com-

pounded of numerous characteristics, the which I duly noted. But I could

not always follow his courses, and where I could not follow, I was no

longer his dominant.

Kullus's predilection for windows was not assumed. At every interval

he retired to the window, and began from its vantage, as from a source.

On approaching initially, when the break was stated, he paid no attention

to the aspect beyond, either in day-time or in night-time. And only in

his automatic course to the window, and his lack of interest in the aspect

beyond, did he prove consistent.

Neither was Kullus's predilection for windows a deviation from

former times. I had myself suffered under bis preoccupation upon previous

occasions, when the order of his room had been maintained by particular

arrangement of window and curtain, according to day and to night, and

seldom to my taste or my comfort. But now he maintained no such

order and did not determine their opening or closing. For we were no

longer in Kullus's room.

And the window was always open, and the curtains were always open.

Not that Kullus displayed any interest in this constant arrangement,

in the intervals, when he might note it. But as I suspect he was aware of

watchfulness, so I suspect he was aware of my arrangement.


Dependent on the intensity of his silence I could suspect and conclude, but

where his silence was too deep for echo, I could neither suspect nor

conclude. And so gradually, where this occurred, I began to take the

only course open to me, and terminated the intervals arbitrarily, cutting

short the proposed duration, when I could no longer follow him, and

was no longer his dominant.

But this was not until later.

When the door opened. When Kullus, unattended, entered, and the

interim ended. I turned from all light in the window, to pay him due

regard and welcome. Whereupon without reserve or hesitation, he moved

from the door as from shelter, and stood in the light from the window.

So I watched the entrance become vacant, which had been his shelter.

And observed the man I had welcomed, he having crossed my border.

Equally, now, I observed the selected properties, each in its place; the

blackboard, the window, the stool. And the door had closed and was

absent, and of no moment. Imminent upon opening and welcoming it

had possessed moment. Now only one area was to witness activity and

to suffer procedure, and that only was necessary and valid. For the door

was closed and so closed.

Whereupon I offered Kullus the stool, the which I placed for him. He

showed, at this early juncture, no disregard for my directions; if he did

not so much obey, he extended his voluntary co-operation. This was

sufficient for my requirements. That I detected in him a desire for a

summation of our efforts spoke well for the progress of our examination.

It was my aim to avoid the appearance of subjection; a common policy,

I understand, in like examinations. Yet I was naturally dominant, by

virtue of my owning the room; he having entered through the door I

now closed. To be confronted with the especial properties of my abode,

bearing the seal and arrangement of their tenant, allowed only for recognition on the part of my visitor, and through recognition to acknowledgement, and through acknowledgement to appreciation, and through appreciation to subservience. At least, I trusted that such a development would take place, and initially believed it to have done so. It must be said, however, that his manner, from time to time, seemed to border upon indifference, yet I was not deluded by this, or offended. I viewed it as a utility he was compelled, and entitled, to fall back on, and equally as a tribute to my own incisiveness and patience. And if then I viewed it as a tactical measure, it caused me little concern. For it seemed, at this time, that the advantage was mine. Had not Kallus been obliged to attend this examination? And was not his attendance an admise of that obligation? And was not his admission an acknowledgement of my position? And my position therefore a position of dominance? I calculated this to be so, and no early event caused me to re-assess this calculation.

Indeed, so confident was I in the outcome of our talks, that I decided to

allow him intervals.

To institute these periods seemed to me both charitable and politic.

For I hoped he might bench it from a period of no demand, so be better

equipped for the periods of increased demand which would follow. And,

for a time, I had no reason to doubt the wisdom of this arrangement.

Also, the context of the room in which Kullus moved during the inter-

vals was familiar and sympathetic to me, and not so to him. For Kullus

had known it, and now knew it no longer, and took his place in it as a

stranger, and when each break was stated, was compelled to pursue a

particular convention and habit in his course, so as not to become hope-

lessly estranged within its boundaries. But gradually it became apparent

that only in his automatic course to the window, and his lack of interest

in the aspect beyond, did he prove consistent.

Prior to his arrival, I had omitted to establish one property in the

room, which I knew to be familiar to him, and so liable to bring him

ease. And never once did he remark the absence of a flame in the grate. I

concluded he did not recognize this absence. To balance this, I empha-

sized the presence of the stool, indeed, placed it for him, but as he never

once remarked this presence, I concluded his concern did not embrace it.

Not that it was at any time simple to determine by what particular

his concern might be engaged. However, in the intervals, when I was

able to observe him with possibly a finer detachment, I hoped to deter-

mine this.

Until his inconsistency began to cause me alarm, and his silence to

confound me.

I can only assume Kullus was aware, on these occasions, of the scrutiny

of which he was the object, and was persuaded to resist it, and to act

against it. He did so by deepening the intensity of his silence, and by

taking courses I could by no means follow, so that I remained isolated

and outside his silence, and thus of negligible influence. And so I took

the only course open to me, and terminated the intervals arbitrarily,

cutting short the proposed duration, when I could no longer follow him,

and was no longer his dominant.

For where the intervals had been my imposition, they had now be-

come his imposition.

Kullus made no objection to this adjustment, though without doubt

he noted my anxiety. For I suffered anxiety with good cause, out of

concern for the progress of our talks, which now seemed to me to be

affected.

I was no longer certain whether Kullus participated in our

examination, nor certain whether he still understood that as being the

object of our meeting. Equally, the nature of our silences, which formerly

were distinct in their opposition; that is, a silence within the frame of

our examination, and a silence outside the frame of our examination;

seemed to me no longer opposed, indeed were indistinguishable, and

were one silence, dictated by Kullus.

And so the time came when Kullus initiated intervals at his own

inclination, and pursued his courses at will, and l was able to remark

some consistency in his behaviour. For now I followed him in his courses

without difficulty, and there was no especial duration for interval or

examination, but one duration, in which I participated. My devotion

was actual and unequivocal. I extended my voluntary co-operation, and

made no objection to procedure. For I desired a summation of our

efforts. And when Kullus remarked the absence of a fame in the grate,

was bound to acknowledge this. And when he remarked the presence of

the stool, I was equally bound. And when he removed the blackboard. I

offered no criticism. And when he closed the curtains I did not object.

For we were now in Kullus's room.


1955





4) Tea Party


J’ai écrit cette nouvelle en 1963 et, en 1964,  la B.B.C. m'a commandé une pièce pour l’Union européenne de radiodiffusion. J’ai décidé de traiter le même sujet sous la forme de pièce. À mes yeux , la nouvelle est plus réussie.

H.P.




Mes yeux sont moins bons.


Mon médecin mesure six pieds moins un pouce. Il y a une bande grise dans ses cheveux, une, pas plus. Il y a une tache brune sur sa joue gauche. Les abat-jours sont des tambours bleu foncé. Chacun a un bord doré. Ils sont identiques. Il y a une brûlure noire profonde dans son tapis indien. Son personnel porte des lunettes, réduit à une femme. À travers les stores, j’entends les oiseaux de son jardin. Parfois sa femme apparaît, en blanc.


Il est clairement sceptique au sujet de mes yeux. Selon lui mes

yeux sont normaux, peut-être même mieux que la normale. Il ne trouve aucune preuve que ma vue empire.


Mes yeux sont moins bons. Ce n’est pas que je ne vois pas. Je vois.


Mon travail se passe bien. Ma famille et moi demeurons des amis proches. Mes deux fils sont mes amis les plus proches. Ma femme est plus proche. Je suis ami avec toute ma famille, y compris ma mère et mon père. Souvent, nous nous asseyons et écoutons Bach. Quand je vais en Écosse, je les prends avec moi. Le frère de ma femme est venu une fois, et s'est montré utile dans le voyage.


J’ai mes passe-temps, dont un avec un marteau et des clous, ou un

tournevis et des vis, ou diverses scies, sur du bois, à construire des choses ou à rendre des choses utiles, à trouver un usage pour un objet qui semble n’avoir aucune valeur. Mais ce n’est pas si facile de le faire lorsque vous voyez double, ou quand vous êtes aveuglé par l’objet, ou lorsque vous ne voyez pas du tout, ou quand vous êtes aveuglé par un objet.


Ma femme est heureuse. Je me sers de mon imagination au lit. Nous aimons la lumière. Je la regarde de près, elle me regarde. Le matin ses yeux brillent. Je les vois briller à travers ses lunettes.


Tout l’hiver, le ciel était lumineux. La pluie tombait la nuit. Le matin,

le ciel était brillant. Mon retour de revers était mon arme la plus forte. Prenant position pour faire face au frère de ma femme, à travers la chère table, ma raquette légèrement serrée, mon poignet fléchi, j’ai attendu pour assouplir mon retour sur son coup droit, le regarder (choqué) lancer et être battu, s'effondrer et bouder. Mon coup droit n’était pas si puissant, si rapide. Comme on pouvait s’y attendre, il a attaqué mon coup droit. Il y avait un bourdonnement dans la pièce, un bruit de caoutchouc dans les murs. Comme prévu, il a attaqué mon coup droit. Mais une fois loin à droite sur mon coup droit, et ma masse bien placée, je pourrais me servir de mon retour main arrière, imparable, le regarder plonger, déraper et être battu. C'étaient des jeux serrés. Mais ce n'est pas aussi facile maintenant quand vous voyez double la balle de ping pong, ou ne la voyez plus du tout ou quand, se précipitant vers vous en vitesse, la balle vous aveugle.


Je suis content de ma secrétaire. Elle connaît bien l’entreprise et l’adore. Elle est digne de confiance. Elle passe des appels à Newcastle et à Birmingham en mon nom. Elle est toujours au fait, jamais dupe. Elle est respectée au téléphone. Sa voix est persuasive. Mon partenaire et moi convenons qu’elle a une valeur inestimable pour nous. Mon partenaire et ma femme en parlent souvent quand nous nous rencontrons tous les trois autour d'un café ou d'un verre. L’un comme l’autre, en parlant de Wendy, sont intarissables.


Par les beaux jours, qui sont nombreux, je tire les stores dans mon bureau pour dicter. Souvent je touche son gros corps. Elle lit à rebours,

tourne la page. Elle lance un appel téléphonique à Birmingham. Où que je sois pendant qu’elle parle (tenant le récepteur légèrement, son autre main prête pour des notes) pour toucher son gros corps, son appel sera toujours suivi de sa conclusion. C’est elle qui panse mes yeux, tandis que je touche son gros corps.


Je ne me souviens pas avoir été en rien comme mes fils quand j’étais petit. Leur réserve est remarquable. Ils ne semblent agités par aucune passion. Ils s’assoient silencieux. Un murmure étrange passe entre eux. Je ne peux pas vous entendre, entendre ce que vous dites, parlez, je dis. Ma femme dit la même chose. Je ne peux pas vous entendre, qu’est-ce que vous dites, parlez. Ils sont du même âge. Ils travaillent bien à l'école, il semble. Mais au ping pong les deux sont nuls. Garçon, j’étais bien éveillé, d’une curiosité passionnée, volubile, sensible, et ma vue était excellente. Ils ne me ressemblent en aucune façon. Leurs yeux sont évasifs et vitreux derrière leurs lunettes.


Mon beau-frère était témoin à notre mariage. Aucun de mes amis

n'était à cette époque dans le pays. Mon ami le plus proche, qui était le choix naturel, fut soudain appelé au loin pour affaires. À son grand regret, il a donc été forcé de s'excuser. Il avait préparé un superbe discours à prononcer à la cérémonie en l'honneur du marié. Mon beau-frère bien sûr ne pouvait pas le faire lui-même, puisqu’il faisait référence à l'amitié qui existait depuis longtemps entre Atkins et moi, et mon beau-frère en savait peu sur moi. Il a donc été confronté à un problème difficile. Il l’a résolu en faisant de sa sœur son point central de référence. J’ai encore le cadeau qu’il m’a donné, un taille-crayon sculpté, de Bali.


Le jour où j’ai rencontré Wendy, elle portait une jupe serrée en tweed. Sa cuisse gauche ne cessait de caresser sa cuisse droite, et vice versa. Tout se passait sous sa jupe. Elle me semblait une secrétaire parfaite. Elle écoutait mes conseils les yeux écarquillés et attentifs, ses mains calmement serrées, bombée, dodue, rose, grosse.

Elle était clairement en possession d’une intelligence active et curieuse.

Trois fois elle nettoya ses lunettes avec un foulard de soie.

Après le mariage, mon beau-frère demanda à ma chère femme de retirer ses lunettes. Il la regardait profondément dans les yeux. Vous avez épousé un homme bon, qu'il dit. Il vous rendra heureuse. Comme il ne faisait rien à l’époque je l’invitai à me rejoindre dans l’entreprise. En peu de temps il devint mon associé, si fervente était son activité, si pointu son flair en affaires.


Le bon sens de Wendy, sa clarté, sa discrétion sont d'une inestimable valeur pour notre entreprise .


Mon oeil au trou de la serrure j’entends leurs caquètements et leurs couinements. La fente est noire, seulement la coulissante déglutition de ma gorge, le chuintement et le clapet de leur béatitude. La chambre est assise sur ma tête, mon crâne a plié sous le laiton et la répugnante poignée que je n’ose pas tordre, de peur d'entendre le cri noir et le frottement de ma secrétaire se tordant aveuglément dans le ventre et la jungle de mon partenaire.


Ma femme s’est penchée vers moi. Tu m’aimes, qu'elle m'a demandé. Je t'aime oui, j’ai craché dans son oeil. Je vais te le prouver encore, je vais le prouver encore, quelle preuve encore, quelle preuve reste, quelle preuve pas encore donnée. Toutes les preuves. (Pour ma part, j’ai opté pour un stratagème plus rusé, plus allusif). M’aimes-tu, telle était ma riposte.


La table de ping pong striée de bave. Mes mains halètent pour gagner la balle. Mes fils me regardent. Ils m’encouragent. Ils sont bruyamment loyaux. Je suis déporté. Je retombe sous les coups, sous les gambits, depuis longtemps disparus, retournement, coupe, coup, expédition, bluff dans mes extrémités. Je joue la balle avec le nez. Les jumeaux saluent mes efforts avec enthousiasme. Mais mon beau-frère n’est pas idiot. Il claque encore, il claque encore une fois, profondément vers ma droite. J’ai dérapé, plongeon, regard non-voyant vers la fente de sa raquette.


Où sont mes marteaux, mes vis, mes scies ?


Comment allez-vous? demanda mon partenaire. Bandage à droite ? Nœuds serrés ?


La porte claqua. Où étais-je ? Au bureau ou à la maison ? Quelqu’un était-il entré tandis que mon associé sortait ? Était-il sorti ? Était-ce le silence que j'entendais, cette bagarre, ce grincement, ce cri, ce grattement, ce gargouillement, ce silence ? Le thé était versé. De lourds collants ( de Wendy ? ma femme ? les deux ? à part ? ensemble ? ) tremblaient sur des talons aiguilles. J’ai siroté le liquide. Il était le bienvenu. Mon médecin m'accueillit chaleureusement. Dans une minute, mon vieux, on va enlever ces bandages. Prenez du gâteau de roche. Je refusai. Les oiseaux sont au bain d’oiseaux, prévint sa blanche épouse. Tous se précipitèrent pour regarder. Mes fils envoyèrent valser quelque chose. Quelqu’un ? Sûrement pas. Je n’avais jamais vu mes fils en si bonne forme. Ils bavardaient, riaient, discutaient ardemment de leur travail avec leur oncle. Mes parents se taisaient. La pièce semblait très petite, plus petite que dans mes souvenirs. Je savais où tout se trouvait, chaque chose à sa place. Mais l'odeur avait changé. Peut-être parce que la salle était surpeuplée. Ma femme hoqueta dans un éclat de rire, comme elle avait l’habitude de le faire dans les premiers jours de notre mariage. Pourquoi riait-elle ? Quelqu’un lui avait dit une blague ? Qui ? Ses fils ? Improbable. Mes fils discutaient de leur travail avec mon médecin et sa femme. Je suis à vous dans une minute, me dit mon vieux médecin. Pendant ce temps mon associé occupait les deux femmes à moitié dénudées sur une estrade confortable. Quel corps le plus gros ? J’avais oublié. Je ramassai une balle de ping pong. C’était dur. Je me suis demandé jusqu’où il avait dépouillé les femmes. Les moitiés supérieures ou les moitiés inférieures? Ou peut-être levait-il maintenant ses lunettes pour voir l’enflure des fesses de ma femme, les seins gonflés de ma secrétaire. Comment pourrais-je vérifier ça ? Par mouvement, par contact. Mais cela était hors de question.  Une telle vision sous les yeux de mes propres enfants ? Continueraient-ils à bavarder et rire, comme ils le faisaient encore, avec mon médecin ? Guère. Cependant, c'était bon d'avoir un bandage à droite et ses noeuds serrés.




Tea Party



My eyes are worse.


My physician is an inch under six feet. There is a grey strip in his hair,

one, no more. He has a brown stain on his left cheek. His lampshades

are dark blue drums. Each has a golden rim. They are identical. 'There

is a deep black burn in his Indian carpet. His staff is bespectacled, to a

woman. Through the blinds I hear the birds of his garden. Sometimes

his wife appears, in white.


He is clearly sceptical on the subject of my eyes. According to him my

eyes are normal, perhaps even better than normal. He finds no evidence

that my sight is growing worse.


My eyes are worse. It is not that I do not see. I do see.


My job goes well. My family and I remain close friends. My two sons

are my closest friends. My wife is closer. I am close friends with all my

family, including my mother and my father. Often we sit and listen to

Bach. When I go to Scotland I take them with me. My wife's brother

came once, and was useful on the trip.


I have my hobbies, one of which is using a hammer and nails, or a

screwdriver and screws, or various saws, on wood, constructing things

or making things useful, finding a use for an object which appears to

have no value. But it is not so easy to do this when you see double, or

when you are blinded by the object, or when you do not see at all, or

when you are blinded by the object.


My wife is happy. I use my imagination in bed. We love with the light

on. I watch her closely, she watches me. In the morning her eyes shine.

I can see them shining through her spectacles.


All winter the skies were bright. Rain fell at night. In the morning the

skies were bright. My backhand flip was my strongest weapon. Taking

position to face my wife's brother, across the dear table, my bat lightly

clasped, my wrist fexing, I waited to loosen my flip to his forchand,

watch him (shocked) dart and be beaten, founder and sulk. My forehand

was not so powerful, so swift. Predictably, he attacked my forehand.

'There was a ringing sound in the room, a rubber sound in the walls.

Predictably, he attacked my forehand. But once far to the right on my

forehand, and my weight genuinely disposed, I could employ my back-

hand dip, unanswcrable, watch him flounder, skid and be beaten. They

were close games. But it is not now so easy when you see the pingpong

ball double, or do not see it at all or when, hurtling towards you at speed,

the ball blinds you.


I am pleased with my secretary. She knows the business well and loves

it. She is trustworthy. She makes calls to Newcastle and Birmingham on

my behalf and is never fobbed of. She is respected on the telephone.

Her voice is persuasive. My partner and I agree that she is of inestimable

value to us. My partner and my wife often discuss her when the three of

us meet for coffee or drinks. Neither of them, when discussing Wendy.

can speak highly enough of her.


On bright days, of which there are many, I pull the blinds in my office

in order to dictate. Often I touch her swelling body. She reads back,

flips the page. She makes a telephone call to Birmingham. Even were I,

while she speaks (holding the receiver lightly, her other hand poised for

notes) to touch ber swelling body, her call would still be followed to its

conclusion. It is she who bandages my eyes, while I touch her swelling body.


I do not remember being like my sons in any way when I was a boy.

Their reserve is remarkable. They seem stirred by no passion. They sit

silent. An odd mutter passes between them. I can't hear you, what are

you saying, speak up, I say. My wife says the same. I can't hear you,

what are you saying, speak up. They are of an age. They work well at

school, it appears. But at pingpong both are duds. As a boy I was wide

awake, of passionate interests, voluble, responsive, and my eyesight was

excellent. They resemble me in no way. Their eyes are glazed and

evasive behind their spectacles.


My brother in law was best man at our wedding. None of my friends

were at that time in the country. My closest friend, who was the natural

choice, was called away suddenly on business. To his great regret, he

was therefore forced to opt out. He had prepared a superb speech in

honour of the groom, to be delivered at the reception. My brother in

law could not of course himself deliver it, since it referred to the long-

standing friendship which existed between Atkins and myself, and my

brother in law knew little of me. He was therefore confronted with a

difficult problem. He solved it by making his sister his central point of

reference. I still have the present he gave me, a carved pencil sharpener,

from Bali.


The day I first interviewed Wendy she wore a tight tweed skirt. Her

left thigh never ceased to caress her right, and vice versa. All this took

place under her skirt. She seemed to me the perfect secretary. She listened, to my counsel wide-eyed and attentive, her hands calmly clasped, trim, bulgy, plump, rosy, swelling. She was clearly the possessor of an active and inquiring intelligence. Three times she cleaned her spectacles with a silken kerchief.


After the wedding my brother in law asked my dear wife to remove her

glasses. He peered deep into her eyes. You have married a good man,

said. He will make you happy. As he was doing nothing at the time I

invited him to join me in the business. Before long he became my

partner, so keen was his industry, so sharp his business acumen.


Wendy's commonsense, her clarity, her discretion, are of inestimable

value to our firm.


With my eye at the keyhole I hear goosing, the squeak of them. The

slit is black, only the sliding gussle on my drum, the hiss and flap of their

bliss. The room sits on my head, my skull creased on the brass and loath-

some handle I dare not twist, for fear of seeing black screech and scrape

of my sectetary writhing blind in my parter's paunch and jungle.


My wife reached down to me. Do you love me, she asked. I do lovè

you, I spat into her eyeball. I shall prove it yet, I shall prove it yet, what

proof yet, what proof remaining, what proof not yet giren. All proof.

(For my part, I decided on a more cunning, more allusive strategem).

Do you love me, was my counter.


The pingpong table streaked with slime. My hands pant to gain the ball.

My sons watch. They cheer me on. They are loud in their loyalty. I am

moved. I fall back on strokes, on gambits, long since gone, flip, cut,

chop, shtip, bluff to my uttermost. I play the ball by nose. The twins

hail my efforts gustily. But my brother in law is no chump. He slams

again, he slams again, deep to my forehand. I skid, flounder, stare sight-

less into the crack of his bat.


Where are my hammers, my screws, my saws?


How are you? asked my partner. Bandage on straight? Knots tight?


The door slammed. Where was I? In the office or at home? Had someone come in as my partner went out? Had he gone out? Was it silence I heard, this scuffle, creak, squeal, scrape, gurgle and muff? Tea was being poured. Heavy thighs (Wendy's? my wife's? both? apart? together?) trembled in stilletos. I sipped the liquid. It was welcome. My physician greeted me warmly. In a minute, old chap, we'll take off those bandages. Have a rock cake. I declined. The birds are at the bird bath, called his white wife. They all rushed to look. My sons sent something flying. Someone? Surely not. I had never heard my sons in such good form. They chattered, chuckled, discussed their work eagerly with their uncle. My parents were silent. 'The room seemed very small, smaller than I had remembered it. I knew where everything was, every particular. But its smell had altered. Perhaps because the room was overcrowded. My wife broke gasping out of a fit of laughter, as she was wont to do in the early days of our marriage. Why was she laughing? Had someone told her a joke? Who? Her sons? Unlikely. My sons were discussing their work

with my physician and his wife. Be with you in a minute, old chap, my

physician called to me. Meanwhile my partner had the two women half

stripped on a convenient rostrum. Whose body swelled most? I had

forgotten. I picked up a pingpong ball. It was hard. I wondered how far

he had stripped the women. The top halves or the bottom halves? Or

perhaps he was now raising his spectacles to view my wife's swelling

buttocks, the swelling breasts of my secretary. How could I verify this?

By movement, by touch. But that was out of the question. And could

such a sight possibly take place under the eyes of my own children?

Would they continue to chat and chuckle, as they still did, with my

physician? Hardly. However, it was good to have the bandage on straight

and the knots tight.


1963




5) Mac


Anew McMaster naquit dans le comté de Monaghan à noël 1894 et

a 16 ans fit sa première apparition en tant que 'L' aristocrate ' dans

Scarlet Pimpemel avec Fred Terry au New Theatre à Londres. Il est mort à Dublin en août 1962, quelques jours après être apparu dans la 'scène de rêve' des Bells à un concert Equity. Son active carrière avait parcouru la moitié d’un siècle et sa mort était la fin d’une époque. Il était le dernier des grands acteurs-directeurs sans contact avec le cinéma et la télévision.




J’ai été au toast des douze continents et huit hémisphères ! a dit Mac 

de son lit d’hôtel. Je ne verrai aucun de mes admirateurs avant midi. Marjorie, où sont mes dents ? Ses dents lui ont été apportées. Personne avant midi, a-t-il dit, et il a regardé par la fenêtre. Si le clergé appelle dites que j’étudie, le roi Lear et moi ne devons pas être dérangés. Depuis combien de temps étudiez-vous Le roi Lear, Mac ? Depuis que je suis un garçon, que je peux jouer le rôle. Il y a des lignes que je ne peut pas apprendre. C’est le problème. Une partie que je peux faire. Je pense. Qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que je peux le faire ? Je me demande si je suis sage de vouloir le faire ou pas ? Mais je le ferai. Je le ferai la saison prochaine.


N’oubliez pas que j’ai été acclamé pour ma performance dans Paddy The Next Best Thing. N’oubliez jamais ça. Dois-je emmener Othello à l’ambassade, Swiss Cottage? connaissiez-vous Godfrey Tearle laissé de côté ? Je n’ai pas fait le rapprochement. Je suis plus vieux que Godfrey Tearle. Mais je fais le rapprochement. N’est-ce pas ? Au moins je ne l’oublie pas. Quel est votre conseil ? Devrais-je amener Othello à l’ambassade, Swiss Cottage ? Regardez par la fenêtre cette ville. Quel infect marais puant abandonné de Dieu. Ce que je joue ce soir, Marjorie ? La Mégère apprivoisée ? Mais voyez-vous, une chose que la paysannerie irlandaise apprécie vraiment c'est le style, la grâce et l’esprit. Vous avez une belle compagnie, quelqu’un me l’a dit l’autre jour, une belle compagnie, les garçons comme les filles. Joe, les affiches sont-elles prêtes ? Allons-nous faire nos valises ? Je conduisais dans la ville et j’ai dû freiner sur un tas de bouses. Une vache a regardé par la fenêtre. Pas d’autographes aujourd’hui, ai-je dit. Allons, une goutte de whisky, bon sang.


Pat Magee m’a téléphoné d’Irlande pour me dire que Mac était mort. J’ai décidé d’aller à l’enterrement. À l’aéroport de Londres l’avion était très en retard. Je n’étais pas allé en Irlande depuis 10 ans. Le taxi est passé par Dublin. Nous avons passé le Sinn Fein Hall, où nous avions l’habitude de répéter cinq pièces en deux semaines. Mais je savais que c'était trop tard pour les funérailles. Le cimetière était vide. Je n’ai vu personne que je connaisse. Je ne connaissais pas l’adresse de Mme Mac. Je ne connaissais plus personne à Dublin. Je n'ai pu trouver la tombe de Mac.


J’ai tourné en Irlande avec Mac pendant environ deux ans au début des années 1950. Il annonçait aux acteurs dans 'The Stage' une tournée shakespearienne du pays. Je lui ai envoyé une photo et suis allé le voir dans un appartement près de Willesden Junction. À ce moment-là Willesden Junction me semblait un endroit comme un autre pour rencontrer un gestionnaire grâce à qui obtenir du travail. Mais après avoir connu Mac, notre premier lieu de rencontre est devenu plus difficile à accepter ou comprendre. Je me demande encore ce qu’il faisait à interviewer des acteurs à Willesden Junction. Mais je ne lui ai jamais demandé. Il m’a offert six livres par semaine, m'a dit que je pouvais obtenir un garni pour vingt-cinq shillings au plus, m'a dit que les cigarettes étaient bon marché et que je pouvais jouer Horatio, Bassanio et Cassio. C’était mon premier travail sur scène.



-- Ces deux-là ? ce doit être comme deux squelettes qui s’accouplent sur un lit en fil de fer. (L’acteur et l’actrice desquels Mac parlait étaient très minces). Il me coupe, dit-il, il tient à venir sous moi. Je suis celui qui devrait venir par-dessous. Je joue Hamlet. Mais comment puis-je jouer Hamlet s’il continue à venir sous moi tout le temps? Plus je vais en dessous plus il va dessous. Personne dans le public ne peut entendre un mot. Le bougre veut jouer Hamlet lui-même, voilà tout. Mais certainement pas tant que je suis vivant. Si je meurs j’espère mourir rapidement. Je ne pourrais pas faire face à des mois de bassins hygiéniques. Pur enfer. Des jours et des mois de bassins. Penses-tu que nous allons aller au ciel ? Je veux dire moi. Penses-tu que je vais aller au ciel ? Tu ne m’as jamais vu jouer le Cardinal. Mon manteau était superbe, de la longueur de la scène, pourpre. J’avais six garçons du village pour le porter. Ils avaient l’habitude de baiser ma bague tous les soirs avant notre entrée. Quand J’ai fait mon tour de l’Australie et de l’hémisphère sud nous étions invités d’honneur à un banquet municipal. Le maire s’est levé. Il a dit : Nous sommes honorés aujourd’hui d’accueillir dans notre ville l’un des plus célèbres acteurs du monde, un acteur qui a propagé un immense plaisir partout dans le monde, à la renommée mondiale. J'ai le grand privilège de vous présenter — Andrew MacPherson !


Joc Nolan, le directeur commercial, est venu un jour et a dit : Mac,

les cinémas de Limerick sont en grève. Que dois-je faire? Louer Limerick ! a dit Mac. Tout de suite ! Nous ouvrirons lundi. Il n’y avait pas de théâtre dans la ville. Nous avons ouvert le lundi dans un cinéma de deux mille places, avec Othello. Il n’y avait ni scène ni espace. C’était la nuit de St. Patrick. Le rideau devait se lever à neuf heures. Mais ce ne fut pas complet avant onze heures trente, de sorte que la pièce ne commença pas avant. Il était deux heures du matin passé quand le rideau est tombé. Les deux mille personnes du public étaient ivres. En dehors de cela, ils n’étaient pas habitués à Shakespeare. Pour la première moitié de la pièce, jusqu’à 'Je suis à vous pour toujours', nous ne pouvions pas nous entendre parler, nous ne pouvions pas entendre nos répliques. La troupe était inquiète. Nous nous attendions à ce que le public monte sur scène à tout moment. Nous avons gardé nos épées dans leur fourreau. Je jouais lago à l’époque. Je suis sorti de scène avec Mac à l’entracte en suffocant. Ne vous inquiétez pas, a dit Mac, ne vous inquiétez pas. Après l’entracte, il a commencé à se déplacer. Quand il a marché sur la scène pour le "Nu au lit, lago, et sans songer à mal " (son grand corps voûté, sa voix basse pleine de cran), ils ont fait silence. Il était déchirant dans sa crise. Il fit siens l'action et le lieu. Au moment où il avait atteint " C’est la faute à la lune ; Elle s’approche de la terre plus que de coutume, et rend les hommes fous" (le mot 'fou' soudain chauffé à blanc, laid, choquant) le public était tout à fait serein. Et sobre. J’ai félicité Mac. Pas mal, dit-il, n’est-ce pas? Pas mal. Godfrey Tearle n’aurait jamais fait une crise, tu sais.



Mac donna environ une demi-douzaine de magnifiques performances d'Othello pendant que j’étais avec lui. De même quand, à d’autres occasions, il conservait son énergie dans ce rôle, il en donna pour leur argent aux patrons . À son sommet il fut le meilleur Othello que j’aie jamais vu. Son âge a toujours été un mystère, mais j'imagine qu’il était dans la soixantaine à l’époque. Parfois, tard dans la nuit, après le spectacle, il paraissait très vieux. Mais sur scène en Othello il se tenait bien au-dessus de ses six pieds, nu jusqu'à la taille, ses gestes parfaits, suprême, rien d'irrégulier, son mouvement de la plus la plus grande précision : se tenant là, la mort au coeur du rôle, et le grand jeu symphonique panoramique pouvait commencer, d'une rare tension et libération en lui, le saisissement, la descente, la sauvagerie, la majesté et la tranquillité. Sa voix était unique : à ma connaissance d’une gamme inégalée. Une basse d’écho extraordinaire, son et tripes, et un balayage remarquable dans sa substance, quand la note frappait au fond de la galerie et revenait tout droit, un son brillant, bouleversant. Je me souviens de l'exécution de cette gamme : "Il me semble (basse) qu'il devrait y avoir maintenant une énorme (basse) éclipse (ténor) de soleil et de lune (baryton) et ce gant plein de crainte (basse) devrait bâiller (très profond, en abîme) au changement." Nous avons tous vu son envergure.


Il était capable, bien sûr, de nombreuses performances gauches et médiocres. Dans ces occasions, une dépression et une fatigue nerveuses pesaient sur lui. Il baragouinait à sa façon dans la pièce, il se démenait, sa voix fonctionnant sans lui, homme détaché de son acrobatie. Lors de telles occasions ses yeux se fixaient sur les autres acteurs, les évaluaient froidement, répandaient sur lui-même et sa compagnie un sombre mécontentement. Par la suite, en buvant un verre, il se confiait : « J’étais mauvais ce soir, n’est-ce pas, vraiment horrible, mais ce damné casting était encore pire. Quel ensemble !


Il n’a jamais été un bon Hamlet et, pour une raison ou une autre, il s’est rarement donné la peine de jouer Macbeth. Il était obsédé par l’éclairage de Macbeth et passait le plus souvent la moitié de son temps sur scène à regarder le coin bar. Pourtant il y avait beaucoup de Macheth en lui. Je crois que son aversion pour la pièce était si intense qu’il ne pouvait pas se résoudre à la jouer.


Il était logique avec lui qu’après de nombreux mois de cabotage à travers Shylock il prenne soudain feu dans son rôle lors d'une obscure matinée dans un village perdu; une performance effrayante. Par la suite, il m’a dit : Qu’est-ce que j’ai fait ? Avez-vous remarqué ? J’ai fait quelque chose de différent. Qu’en avez-vous pensé ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Il ne l’a plus jamais fait. Plus tout à fait. Qui s'en est aperçu ?



Parfois après une matinée de Macbeth et une soirée d’Othello nous restions tous sur scène, il se trouvait quelqu’un pour mettre un disque de Faust, disparaître derrière un rideau, réapparaître avec une longue perruque dorée et sans dents, mimer Marguerite tissant, mimer Faust et Mephistopheles, entonner à fond l’aria d'Othello 'Era La Notte e Cassio Dormia' de Verdi, tandis que le gardien balayait la poussière, puis dans un bar parler pendant des heures de Sarah et Mme Pat Campbell, avec délectation, malice et attachement. Je pense qu’il serait bon de parler encore d’eux maintenant, s’il n’était pas mort, parce qu’ils firent ces choses qu’il savait faire.


Afin de présenter Oedipe la compagnie devait recruter des figurants dans la ville ou le village où nous étions. Une nuit à Dundalk, Mac préparait son paroxysme aveugle quand l’un des figurants eut une crise d’épilepsie et s’effondra. Il fut traîné de côté où diverses femmes s'occupèrent de lui. Les bruits de leurs soins s'infiltrèrent sur la scène. Mac s’arrêta, se tourna vers le côté et cria : « Bon sang, ne voyez-vous pas que j’essaie de jouer ! »



Sa concentration était toujours complète dans Oedipe. Il était à son meilleur dans ce rôle. Il jouait la profonde 'infériorité' et la ténacité. Et il n’a jamais utilisé ses pouvoirs vocaux pour valoriser l'effet ou faire plus vrai. Il a joué selon la colonne vertébrale du rôle et ne s’en est jamais écarté. Comme dans ses deux autres grands rôles, Othello et Icare, il a compris et exprimé totalement la clarté finale de la tendresse tapie sous la tourmente, la cécité, l’angoisse. Pour moi son jeu à ces moments-là incarnait les paroles de Yeats : "Ils savent que Hamlet et Lear sont gais, la gaieté transfigure tout ce que l'on redoute". Naturellement, inévitablement, Marc pénétra cette gaieté tragique.


Il a joué Icare finalement. Première performance quelque part dans le comté de Clare, à Ennis, je pense. Il connaissait les maillons de la chaîne. Il était un vieil homme, têtu, fiévreux. Il voulait la tempête au plus fort. Nous avons tous étés frappés par les tôles de l'orage. Non, ils peuvent encore m’entendre. Frapper, frapper. Il était au-dessus du bruit. J’ai joué Edgar à Lear seulement quelques fois avec lui avant de quitter la compagnie. Au centre de son spectacle une perte terrible, la désolation, le silence. Il n’a pas pensé à le faire, il y est juste arrivé. Je l’ai fait et y suis arrivé.


Son épouse, Marjorie, était sa structure de soutien. Elle organisait les visites, supervisait l'agencement du travail, assise à la billèterie, mettait en ordre la distribution, courait la garde-robe, cousait, prenait soin de Mac, était son dressing, lui versait son whisky. Elle était forte, critique, cultivée, dévouée. esprit et croyance constituaient l’épine dorsale de l’entreprise. Il n’y aurait pas eu de compagnie sans elle.


L’Irlande n’était pas toujours dorée, mais elle l’était parfois et en 1950

c’était en tout un âge d’or pour moi et pour les autres. Les gens venaient le voir. Mac voyageait en voiture, et parfois certains d’entre nous aussi. Mais d’autres fois, nous sommes allés en camion avec matériel et accessoires. Aller à Bandon ou Cloughjordan trouverait la ville vide, endormie, les hommes assis debout dans les bars sombres, la paille des vaches, la boue, l'odeur de la tourbe, du bois, des vieux vêtements. Nous trouverions des piaules; lavabo et cruche, thé, boudin noir, et hors de la salle, mettrions en place une scène sur des câbles de tréteaux, quelques estrades, quelques tentures, des costumes à sortir des paniers, installer, et à la nuit jouer, pas toujours mais le plus souvent, pour une salle comble (d'où venaient-ils ? ) : gens qui écoutaient, qui attendaient de le voir, l'avaient déjà vu, soulevés par lui.


Mac n’était pas un rêveur. Il était loin du crépuscule celtique. Il gardait un œil sur les recettes au guichet. Il était ferme sur l'argent, était aussi déprimé que n’importe qui d’autre quand les affaires allaient mal. Là où il y avait un quelconque désaccord dans la compagnie il s’avérait insaisissable. Il s’éloignait facilement des problèmes indésirables. Mme Mac s'en occupait. Mac n’a jamais été un acteur chéri de la vieille école. Il était un travailleur. Il a respecté sa profession et n’a jamais cessé d'apprendre de lui-même et des autres.


À ceux qui l’aimaient et l’admiraient, il doit rester un grand regret; quand pour des raisons que je ne comprends pas, il a joué pour la dernière fois en Angleterre, à Stratford, en 1953. Le perdant fut le théâtre anglais.



Mac n’avait pas un tempérament « enfantin », comme certains l’ont dit. Il était évasif, fier, affectueux, malicieux, rusé, joyeux, cynique, triste, et pouvait être insensible. Mais il n’a jamais été aigre ou égocentrique. Sa vie était la scène. La vie avec un grand V passait en second. Il n’avait aucune patience avec ce qu’il considérait comme un monde de souffrances mesquines, aussi importantes puissent-elles sembler au porteur. Il était complètement insensible. Les ragots le régalaient, et en particulier les potins sexuels. Il se mouvait avec amusement et une grande flexibilité à travers l’Irlande catholique, grandement attiré par le rituel de l’Église. Il aimait parler de la mère du bienheureux Oliver Plunkett à Drogheda avec sa belle tache d’ambre sur le visage. Il se mêlait librement aux prêtres et aux religieuses, allant à la messe, parfois, mais méprisait l’atrophie religieuse, la rigidité et la complaisance avec lesquelles il se mêlait aux prêtres en partie parce qu’il aimait leur entreprise, en partie parce que son gagne-pain dépendait d’eux. Il

était réaliste. Mais il possédait une véritable libéralité d’esprit. Il était humble. Il était un fervent anti-puritan. Il était très grand pisseur. Il était un grand acteur et nous qui avons travaillé avec lui étions les gens les plus chanceux du monde et l’aimions.




Anew MeMaster was born in County Monaghan on Christmas Live 1894 and was 16 when he made hais first stage appearance as 'The Aristograt' in The Scarlet Pimpemel with Fred Terry at the New Theatre, London. He died in Dublin en August asth, 1962, a fev days after appearing in the 'dream scene' from The Bells at an Equity concert. His acting career had spanned half a century and his death was the end of an era. He was the last of the great actor-managers, unconnected with films and television.




Mac



I've been the toast of twelve continents and eight hemispheres! Mac said from his hotel bed. I'll see none of my admirers before noon. Marjorie, where are my teeth? His teeth were brought to him. None before noon, he said, and looked out of the window. If the clergy call say I am studying King Lear and am not to be disturbed. How long have you been studying King Lear, Mac? Since I was a boy. I can play the part. It's the lines I can't leam. That's the problem. The part I can do. I think. What do you think? Do you think I can do it? I wonder if I'm wise to want to

do it, or unwise? But I will do it. I'll do it next season. Don't forget I was acclimed for my performance in Paddy The Next Best Thing. Never forget that. Should I take Othello to the Embassy, Swiss Cottage? Did you know Godfrey Tearle loft out the fit? I didn't do the fit. I'm older than Godfrey Tearle. But I do the fit. Don't I? At least I don't leave it out. What's your advice? Should I take Othello to the Embassy, Swiss Cottage? Look out the window at this town. What a stinking diseased abandoned Godforgotten bog. What am I playing tonight, Marjorie? The Taming of the Shrew? But you see one thing the Irish peasantry really appreciate is style, grace and wit. You have a lovely company, someone said to me the other day, a lovely company, all the boys is like girls. Joe, are the posters up? Will we pack cut? I was just driving into the town and I had to brake at a dung heap. A cow looked in through the window. No autographs today, I said. Let's have a drop of whiskey, for Jesus' sake.


Pat Magee phoned me from Ireland to tell me Mac was dead. I decided

to go to the funeral. Àt London Airport the plane was very late leaving.

I hadn't been in Ireland for ten years. The taxi raced through Dublin.

We passed the Sinn Fein Hall, where we used to rehearse five plays in

two weeks. But I knew I was too late for the funeral. The cemetery was

empty. I saw no one I knew. I didn't know Mrs. Mac's address. I knew

no one any more in Dublin. I couldn't find Mac's grave.


I toured ireland with Mac for about two years in the early 1950's. He

advertised in 'The Stage' for actors for a Shakespearian tour of the

country. I sent him a photograph and went to see him in a Bat near

Willesden Junction. At the tire Willesden Junction seemed to me as likely

a place as any to meet a manager from whom you might get work. But

after I knew Mac our first meeting place became more difficult to accept

or understand. I still wonder what he was doing interviewing actors at

Willesden Junction. But I never asked him. He offered me six pounds a

week, said I could get digs for twenty-five shillings at the most, cold

me how cheap cigarettes were and that I could play Horatio, Bassanio

and Cassio. It was my first job proper on the stage.


"Those two? It must be like two skeletons copulating on a bed of cor-

rugated iron. (The actor and actress Mac was talking about were very

thin). He undercuts me, he said, he keeps coming in under me. I'm the

one who should come under. I'm playing Hamlet. But how can I play

Hamlet if he keeps coming under me all the time? The more under I go

the more under he goes. Nobody in the audience can hear a word. The

bugger wants to play Hamlet himself, that's what it is. But he bloodywell

won't while I'm alive. When I die I hope I die quickly. I couldn't face

months of bedpans. Sheer hell. Days and months of bedpans. Do you

think we'll go to heaven? I mean me. Do you think I'll go to heaven?

You never saw me play the Cardinal. My cloak was superb, the length

of the stage, crimson. I had six boys from the village to carry it. They

used to kiss my ring every night before we made our entrance. When

I made my tour of Australia and the southern hemisphere we were the

guests of honour at a city banquet. The Mayor stood up. He said: We

are honoured today to welcome to our city one of the most famous

actors in the world, an actor who has given tremendous pleasure

people all over the world, to worldwide acclaim. It is my great privilege

to introduce to you--Andrew MacPherson!


Joc Nolan, the business manager, came in one day and said: Mac,

the cinemas in Limerick are on strike. What shall I do? Book Limerick!

Mac said. At once! We'll open on Monday. There was no theatre in the

town. We opened on the Monday in a two thousand seater cinema, with

Othello. There was no stage and no wingspace. It was St. Patrick's night.

The curtain was supposed to rise at nine o' clock. But the house wasn't

full until eleven thirty, so the play didn't begin until then. It was well

past two in the morning before the curtain came down. Everyone

the two thousand people in the audience was drunk. Apart from that,

they weren't accustomed to Shakespeare. For the first half of the play,

up to 'I am your own for ever', we could not hear ourselves speak, could

not hear our cues. 'The cast was alarmed. We expected the audience on

stage at any moment. We kept our bands on our swords. I was playing

lago at the time. I came offstage with Mac at the interval and gasped.

Don't worry, Mac said, don't worry. After the interval he began to

move. When he walked onto the stage for the 'Naked in bed, lago, and

not mean harm' scene (his great body hunched, his voice low with grit),

they silenced. He tore into the fit. He made the play his and the place

his. By the time he had reached 'It is the very error of the moon; She

comes more near the earth than she was wont, And makes men mad:',

(the word 'mad' suddenly cauterized, ugly, shocking) the audience was

quite still. And sober. I congratulated Mac. Not bad, he said, was it?

Not bad. Godfrey Tearle never did the fit, you know.


Mac gave about half a dozen magnificent performances of Othello while

I was with him. Even when, on the other occasions, he conserved his

energies in the role, he always gave the patrons their moneysworth. At

his best his was the finest Othello I have seen. His age was always a

mystery, but I would think he was in his sixties at the time. Sometimes,

late at night, after the show, he looked very old. But on stage in Othello

he stood, well over six foot, naked to the waist, his gestures complete,

final, nothing jagged, his movement of the utmost fluidity and yet of the

utmost precision: stood there, dead in the centre of the role, and the

great sweeping symphonic playing would begin, the rare tension and

release within him, the arrest, the swoop, the savagery, the majesty and

repose. His voice was unique: in my experience of an unequalled range.

A bass of extraordinary echo, resonance and gut, and remarkable sweep

up into tenor, when the note would hit the back of the gallery and come

straight back, a brilliant, stunning sound. I remember his delivery of this

line: "Methinks (bass) it should be now a huge (bass) eclipse (tenor) of sun and moon (baritone) and that th'affrighted glove (bass) Should yawn

(very deep, the abys) at alteration." We all watched him from the

wings.


He was capable, of course, of many indifferent and off hand performances.

On these occasions an edgy depression and fatigue hung over him. He

would gabble his way through the part, his movement fussed, his voice

acting outside him, the man himself detached from its acrobatics. At suchtimes his eyes would fux upon the other actors, appraising them coldly, cianating a grim dissatisfaction with himself and his company. Afterwards, over a drink, he would confide: I was bad tonight, wasti't I,

really awful, but the damn cast was even worse. What a lot.


He was never a good Hamlet and for some reason or other rarely bothered to play Macbeth. He was obsessed with the lighting in Macbeth and more often than not spent half his time on stage glaring at the spot bar. Yet there was plenty of Macheth in him. I believe his dislike of the play was so intense he couldn't bring himself to play it.


It was consistent with him that after many months of coasting through

Shylock he suddenly lashed fullfred into the role at an obscure matinee

in a onehorse village; a frightening performance. Afterwards he said to

me: What did I do? Did you notice? I did something different. What

did you think of it? What was it I did? He never did it again. Not quite

like that. Who saw it?


In the trial scene in The Merchant Of Venice one night I said to him

(as Bassanio) instead of For thy three thousand ducats here is six, quite

involuntarily, 'For thy three thousand buckets here is six'. He replied

quietly and with emphasis: "If every bucket in six thousand buckets were

in six parts, and every part a bucket I would not draw them-I would

have my bond". I could not continue. The other members of the court

scene and I turned upstage. Some walked into the wings. But Mac stood,

remorseless, grave, like an eagle, waiting for my reply.


Sometimes after a matinee of Macbeth and an evening of Othello we all

stayed on stage, he'd get someone to put on a record of Faust, disappear

behind a curtain, reapper in a long golden wig, without his teeth, mime

Marguerite weaving, mime Faust and Mephistophelcs, deliver at full tilt

the aria from Verdi's Othello 'Era La Notte e Cassio Dormia', while the

carelaker swept the dust up, and then in a bar talk for hours of Sarah

and Mrs. Pat Campbell, with relish, malice and devotion. I think he

would still be talking about them now, if he wasn't dead, because they

did something he knew about.


In order to present Oedipus the company had to recruit extras from the

town or village we were in. One night in Dundalk Mac was building up to

his blind climax when one of the extras had an epileptic fit on stage and

collapsed. He was dragged to te wings where various women altended

to him. The sounds of their ministrations seeped onto the stage. Mac

stopped, turned to the wings and shouted: 'For God's sake, can't you

see I'm trying to act!’


His concentration was always complete in Oedipus. He was at his best

in the part. He acted with acute 'underness' and tenacity. And he never

used his vocal powers to better or truer effect. He acted along the spine

of the role and never deviated from it. As in his two other great roles,

Othello and Icar, he understood and expressed totally the final tender

clarity which is under the storm, te blindness, the anguish. For me his

acting at these times embodied the idea of Yeats' line: "They know that

Hamlet and Lear are gay, Gaiety transfiguring all that dread'. Mac

entered into this tragic gaiety naturally and inevitably.


He did Icar eventually. First performance somewhere in County Clare,

Ennis, I think. Knew most of the lines. Was the old man, tetchy, appalled,

feverish. Wanted the storm louder. All of us banged the thundersheets.

No, they can still hear me. Hit it, hit it. He got above the noise. I played

Edgar in Lear only a few times with him before I left the company. At

the centre of his performance was a terrible loss, desolation, silence. He

didn't think about doing it, he just got there. Me did it and got there.


His wife, Marjorie, was his structure and support. She organized the

tours, supervised all business arrangements, sat in the box office, kept the cast in order, ran the wardrobe, sewed, looked after Mac, was his dresser, gave him his whiskey. She was tough, critical, cultivated, devoted. Her spirit and belief constituted the backbone of the company. There would have been no company without her.


Ireland wasn't golden always, but it was golden sometimes and in 1950

it was, all in all, a golden age for me and for others.

The people came down to see him. Mac travelled by car, and sometimes

some of us did too. But other times we went on the lorry with the fats

and props, and going into Bandon or Cloughjordan would find the

town empty, asleep, men sitting upright in dark bars, cow-pads, mud,

smell of peat, wood, old clothes. We'd find digs; wash basin and jug,

tea, black pudding, and off to the hall, set up a stage on trestle cables, a

few rostra, a few drapes, costumes out of the hampers, set up shop, and

at night play, not always but mostly, to a packed house (where had they

come from?): people who listened, and who waited to see him, having

seen him before, and been brought up on him.


Mac wasn't any kind of dreamer. Hie was remote from the Celtic

Twilight. Hc kept a close eye on the box office receipts. He was sharp

about money, was as depressed as anyone else when business was bad.

Where there was any kind of company disagreement he proved elusive.

He distanced himself easily from unwelcome problems. Mrs. Mac dealt

with those. Mac was never a darling actor of the old school'. He was a

working man. He respected his occupation and never stopped learning

about it, from himself and from others.


For those who cared for him and admired him there must remain one

great regret; that for reasons I do not understand, he last played in

England, at Stratford, in 1933. The loser was the English theatre.


Mac wasn't ‘childlike' in temperament, as some have said. He was

evasive, proud, affectionate, mischievous, shrewd, merry, cynical, sad

and could be callous. But he was never sour or selfpitying. His life was

the stage. Life with a big L came a bad second. He had no patience with

what he considered a world of petty sufferings, however important they

might seem to the bearer. He was completely unsentimental. Gossip

delighted him, and particularly sexual gossip. He moved with great

flexibility and amusement through Catholic Ireland, greatly attracted by

the ritual of the Church. He loved to speak of the mummy of the Blessed

Oliver Plunkett in Drogheda with a lovely amber spot on its face.

He mixed freely with priests and nuns, went to Mass, sometimes, but

despised the religious atrophy, rigidity and complacency with which he

was confronted. He mixed with the priests partly because he enjoyed

their company, partly because his livelihood depended upon them. He

was a realist. But he possessed a true liberality of spirit. Hc was humble.

Ha was a devout anti-puritan. He was a very great piss-taker. He was a

great actor and we who worked with him were the luckiest people in

the world and loved him.


1966




6) La côte



Je l’ai revu aujourd’hui. Il avait l’air plus âgé.


Nous avons marché, comme toujours, le long de la promenade, jusqu’au quai, le long de la jetée, retour le long de la jetée, et retour. Il était plus ou moins plus ou moins le même, mais paraissait plus vieux. Je lui ai demandé si j’avais changé. Il a dit non, autant qu’il pouvait voir. J’ai dit non, probablement pas. Il a dit qu’il ne pouvait voir aucun signe en moi si quelque chose paraissait plus jeune. Je l’ai soupçonné de plaisanter. Il a dit non, que ce n’était pas le cas. Il a souligné qu’il avait utilisé la formule si quelque chose. Si quelque chose, a-t-il dit, et a tourné ses yeux, encore brillants, sur moi, si en quoi que ce soit vous paraissez plus jeune, si en quoi que ce soit. Si en quoi que ce soit vous paraissez plus vieux, j’ai dit. Pas de quoi que ce soit , répliqua-t-il, pas de quoi que ce soit.


Nous primes le chemin que nous avions toujours pris, plus humide que jamais le long de la falaise. Ça semble humide plus que jamais ici, dit-il, du chahut dans la Manche ? Comment pouvez-vous supporter un temps aussi mauvais ? Après toutes ces années ? Ne vous opprime-t-il pas ? Pas du tout, répondis-je. Des plus agréables, il me convient. Avez-vous encore des cauchemars? demanda-t-il. Je lui souriai dans le vent. Je n’ai pas fait un rêve depuis 1956, dis-je. Ces chocs sanglants de raquette que vous aviez l’habitude de faire, dit-il, noyant la conversation ou presque, Dieu quel ennui. Il cracha sur la touche. Une heure dans cette humide et sanglante fin de monde c'est assez pour moi, je ne sais pas comment vous avez survécu, mais néanmoins je suis heureux de vous voir fleurir. Fleurir, dis-je, non, pas tout à fait, vous plaisantez certainement. 


Mais il avait cessé de parler. Il regardait la mer, la mer qu’il avait si bien connue, le rugissement de notre jeunesse.


Il m’en a acheté dix à la gare. J’ai ensuite marché avec lui jusqu’à son train. «Heureux de savoir que vous avez trouvé vos marques, dit-il, heureux de voir que vous vous épanouissez. » Je lui serrai la main et je le remerciai d’avoir fait le voyage.







The Coast



I saw him again today. He looked older.


We walked, as we always used to do, along the promenade, up to the

pier, along the pier, back down the pier, and back. He was more or less

more or less the same, but looked older. I asked him if I had changed. He

said no, as far as he could see. I said no, probably I had not. He said he

could see no sign of it, if anything I looked younger. I charged him with

jesting. He said no he was not. He pointed out that he had used the

phrase if anything. If anything, he said, and turned his eyes,

still bright, on me, if anything you look younger, if anything. If anything you look older, I said. There's no if anything about that, he retorted, none whatsoever.


We took the path we always took, wetter than ever along the clif.

Seems wetter than ever down here, hc said, uproar in the Channel ? How

cau you put up with such louzy weather ? After all these years? Doesn't

it oppress you? Not at all, I replied, most congenial, suits me. Do you

still have nightmares? he asked. I smiled, into the wind. I haven't had a

dream since 1956, I said. Bloody shocking racket you used to make, he

said, drowning or something, God what an aggravation. He spat into

the fret. One hour in this bloody wet end of the world is enough for me,

don't know how you’ve survived, but nevertheless I'm glad to see you

blossoming. Blossoming, I said, no, not quite that, surely, you're jesting.


But he had stopped talking. He was looking down at the sea, the sea he

had known so well, the roar of our youth.


He bought me ten at the railway station. I then walked with him to his

train. Glad to see you've found your feet, he said, glad to see you're

blossoming. I clasped his hand and thanked him for making the journey.


I975




7) Problème



Le téléphone sonne. Je l’ignore. Il persiste. Je ne suis pas fou. Le stratagème que j'utilise me vient facilement. J'augmente le délai. Je ne dis rien. Une tonne de silence en fin de compte. Il replace son écouteur. Son du numéro recomposé singulièrement hostile.


Après avoir passé en revue quelques drôles de boulots je décide de faire l'appel téléphonique. Je vis au téléphone. Silence de mort. C'est inédit. Le réseau téléphonique de ma zone est normalement sans pareil. Au signalement de la moindre panne téléphonique les techniciens arrivent à toute hâte, ponctuels, pour réparer. Mais dans ce cas, problème palpable. Je ne peux pas téléphoner pour déclarer la panne, la panne est si vaste, si envahissante, elle dévore tant, elle est si finale qu’elle obstrue, sans rayon d’espoir, sans secours.


Téléphone silencieux. Nuit morte.

Le délai ? Téléphone décroché ? Délai téléphonique décroché ? 

J'enquête. Délai sécurisé, avec une certaine mollesse, en réseau. Je suis

perplexe. Pas seulement ça. Je prends un siège et m'assois perplexe.


Perplexe. Pas de tonalité. Nuit morte.


Ça sonne.


Je quitte la bibliothèque, je vais dans une cabine téléphonique et je compose le numéro de mon appartement. Numéro occupé.


Quelqu’un essaie de me tuer.





Problem



The phone rings. I ignore it. It persists. I'm not a fool. The stratagem I

employ comes easily to me. I lift the extension. I say nothing. Silence

ton, at his end. He replaces his receiver. Remarkably barsh dialling tone.

After seing to a few odd jobs I decide to make a telephone call. I life

the phone. Dead silence. Unprececented. The telephone system in iny

area normally sans pareil. At the report of the slightest fault telephone

technicians arrive post haste, on the dot, to correct. But in this case

problem palpable. I can't phone to declare the fault, the fault is so vast,

so pervasive, it so consumes, is so final, as to obstruct, without a chink

of hope, aid.


Silent phone. Dead night.

The extension? Phone of hook? The extension phone off hook? I

investigate. Extension secure, with a certain indolence, on hook. I am

nonplussed. Not only that. I take one of my scats and sit nonplussed.


Nomplused. No tone. Dead night.


It rings.



I leave the library, go into a phone box and dial my flat. Number

engaged.


Someone is trying to do me in.


1976




8) Lola



Après son départ, j’ai réfléchi à tout ce qu’évidemment il me cachait.

L’information que j'avais reçue de lui ne réussissait pas à faire plus 

que me proposer une analyse des plus globales et des plus superficielles.  L'information que j’avais reçue de lui, maigre, banale, rebattue, mensongère ou, plus précisément, insolite, me fit en vérité un sacré petit précieux bien. Il était dans un train, disait-il, quittant la gare de Lyon; des dizaines de voies croisées; un enchevêtrement exquis de trains, croisements, déviations, génuflexions, une chorégraphie des plus civiles jamais rencontrée par un spectateur, qui remarquait ensuite le vacillant train argenté, sans doute à destination de la Côte d’Azur, jouant à joue contre joue, et, dans la fenêtre azurée (coucher de soleil, ou aube, dispersés sur la vitre) la fille brune aux yeux sombres qu’il avait connue et aimée, avec le garçon, parti depuis longtemps, longue dernière scène, dansant si léger à son jeune bras, au milieu des plantes fleuries. À y voir de près c'était l’amour confirmé, tatoué entre eux sur les  fenêtres dorées (un moment où l'aube et le crépuscule pâlissent ensemble dans l'incontournable été), ses yeux à elle, ses cheveux perdus en fractions de secondes égratignées de lumière au départ d'un Paris disparu. Mais qui peuvent ne pas être tout. Il m’a laissé songeur sur tout ce qu’il m’avait caché.


J’ai revu Smith. Quelle ordure. Pourquoi j’y vais? Dans ses vieux escaliers, 

la longue attente pour que la porte s’ouvre, la porte s’ouvre, toujours l’hésitation, oh bonjour, porte laissée entrebâillée, oh bonjour, oh c’est toi, quelle surprise, j’ai pensé que c’était Lola, entre, on entre, on reste debout, j’ai pensé que c’était Lola, on ne sait jamais ce qu'elle pourrait se mettre en tête de projeter comme nouvelle saillie, asseyons-nous, s’asseoir, s’asseoir, se dire, bon gré mal gré, tout ce qui est important dans sa vie.


Je lui dis ceci : Je suis très heureux dans ma maison de campagne et ma vie de terrien. J’aime les longues promenades au bord de la rivière. C’est l’automne. La vie à la campagne me ravit, la vie des oiseaux, des canards. Je regarde les garçons pêcher. Ils pêchent souvent avec leurs pères, à leurs côtés des paquets de sandwichs coupés par leurs mères. Il n’y a pas de limite aux bateaux. Ils disparaissent en amont dans un long sillage. Si tranquille leur progression, si large leur sillage. Il n’y a pas de balafre dans mon paysage. Je ne garde aucun plaisir de mes voyages à Londres, en dehors de mon plus vieil ami, toi. Je reste si attaché à toi. Je pense à toi tard dans la nuit, dans ma veillée, avec mon brandy. Je t'imagine assis au milieu de tes bougies et de tes lys, continuant ta veillée solitaire. Nulle bougie que je sache ne sert comme tes bougies.


Je pense que je pourrais écrire sur toi, faire de toi la figure centrale d’un

modeste roman; à ma manière : puisque je doute que je pourrais jamais capturer pleinement le cœur de ton caractère, ne jamais précisément te serrer dans ma corde,  pour ainsi dire. Je te vois seulement dans le frisson des bougies, comme un vieil homme, un qui n’a jamais connu l’enfance, ni d'autres nuances de lumière. Mon respect pour toi repose dans le fait que tu ne vacilles pas, que ta patience ne doit pas vaciller, puisque ta vie diminuant rapidement, tu t'assieds dans ta chambre pour te payer une attention inébranlable à la Lola de tes bougies branlantes. Mon mépris pour toi découle de cela. Mon mépris pour toi repose sur le fait que tu attends seulement qu'elle entre, Lola à la jupe serrée, tu attends seulement la collision exquise entre toi et son rebondissant flamboyant cul, la collision qui signera ta fin.



Il répond : « Parle-moi davantage de l’incident du train.

Quel incident de train?

L’incident qui comprenait une fille aux yeux noirs et aux cheveux noirs, dans un train quittant Paris, dans une fenêtre passant. Un coucher de soleil couchant. Vous deux vous étiez aimé, l’année précédente. Elle te regardait, à travers la lumière rasante. Tu l'avais vue. Elle ne t’avait pas oublié. La dernière fois que tu l’as vue, elle a pleuré, tu as attrapé son poignet, elle a baissé la tête, tu as retiré ta main. Tout cela a eu lieu à des kilomètres de distance, bien avant que tu n'aies embarqué pour ton voyage vers cette pièce.


Puis-je encore souffrir les insultes qu'il me fait subir ?




Lola



After he had gone, I pondered on all he was evidently keeping from me.

The information I had reccived from him was insufficient for me to do

more than subject it to the broadest and most superficial analysis. The

information I had received from him, meagre, banal, threadbare, mis-

leading or, where precise, outlandish, did me in fact precious little damn

bloody good. He was on a train, he said, leaving the Gare de Lyon;

dozens of lines crossed; an exquisite arrangement of train upon train,

crossing, deflecting, genuflecting, quite te most courteous chore-

graphy ever encountered by the witness, who then remarked the

lurching silver train, undoubtedly bound for the Côte d'Azur, cheek to

check with his own, and in the azure window (sunset, or dawn, scattered

upon the pane) the darkeyed, darkhaired girl he had known, and loved,

when a boy, long gone, long last scen, dancing so lightly in his young

arms, amid flowering plants. It was love at second sight, confirmed,

tattoed between them on golden windows (a moment when dawn and

sunset glided together in summer must) her yes her hair so lost in

shocking seconds graze of light on departing Paris gone. But that can

not be all. He has left me to ponder on all he has kept from me.


Saw Smith again. What rubbish. Why do I go there? Up his old stairs,

the long wait for the door to open, the door opens, always the hesitation,

oh hello, door kept ajar, oh hello, oh it's you, what a surprise, thought

it was Lola, come in, we go in, we stand, thought it might be Lola, you can never tell when she might take it into her head to embark on another sally, sit down, sit, sit, tell me, willy nilly, all that is momentous in your life.


I tell him this: I am very happy in my house in the country and my life

as a countryman. I enjoy long walks by the side of the river. It is autumn.

The life of the countryside delights me, the life of birds, of ducks. I

watch boys fishing. They often fish with their fathers, at their side tins

of sandwiches cut by their mothers. There is no end to boats. They

disappear upstream in a long wale. So easeful their progress, wide their

wake. There is no scar on my landscape. I gain no pleasure whatsever

from my journeys to London, apart from seing my oldest friend, you.

I remain so closely interested in you. I think of you late at night, in my

study, over my brandy. I imagine you sitting amid your candles and

lilies, keeping your solitary wake. No candle I know holds a candle to

your candles.


I think that I might write of you, make of you the central fisgure of a

modest novella; modes: since I doubt I could ever fully capture the

heart of your character, never precisely clench you within my noose, 

so to speak. I see you only in the shuddering of candles, an old man, 

one who had never known boyhood, or other distinctions of light. My 

respect for you rests in the fact chat you do not waver, that your patience docs not waver, since, your life rapidly failing, you sit in your room paying unwavering attention to the Lola of your wavering candles. My contempt for you follows from this. My contempt for you rests in the fact that you wait only for tightskirted Lola to enter, wait only for the exquisite collision of you with her bouncing flamboyant bellbottomed bottom, the collision that will be the end of you.


He responds: Tell me more about the train incident.

What train incident?

The incident which contained a darkeyed darkhaired girl, in a train

leaving Paris, in a window, passing. A downing sunset. You both had

loved, year before. She looked at you, through grazing light. You saw.

She had not forgotten you. When you had last seen her she cried, you

touched her wrist, she buried her head, you withdrew your hand. All

this took place miles away, long before you embarked on your trip to

this room.


Can I for much longer tolerate the insults to which he subjects me?


1977