Le dépôt
Quand tout bouge roule doux
(2)
Peut-être alors le panopticon nous rendra-t-il vraiment heureux et bons (c’était quelquefois comme un doute qui le prenait) Le bon sauvage tant fantasmé des philosophes enfin debout ravi qui se déplace au cœur de la citadelle interactive et propre
Prairies de miel au bout des ongles — une sensation d’euphorie connectée au pigment-lumen ;
des routes larges, entrelacs doux aux véhicules autonomes La réserve nous y déambulons en souriant glabres et apaisés d’une alvéole à l’autre sous le regard maternel de la régie centrale et chacun de nos gestes est parfait : tous nos comportements sont d’une belle sérénité sans peine ou remord
Disons des cartographies pour chaque humeur et des plans millimétrés à la conquête de tes songes — (On jouera sur tes nerfs des mélodies à quatre temps) accords refrains pop « et cueille un à un les fruits, bon sauvage » (Ce sont les résultats des Hauts Vergers calibrés d’interactions)
Son désir était formulé dans le creux d’un calcul — et maintenant chacun de nos gestes est parfait : tous nos comportements sont d’une sage mesure sans douleur ni passion
(3)
Elle s’érigeait verticale et sauvage dressée comme un volcan d’acier — pierres et places profondes criblées de trajectoires hâtives
Animaux assoupis les monuments stoïques surveillent l’étendue des bosquets vitreux flanqués de rives solides franchissant des parcelles sous l’œil mort des hublots — On aménage ici, vois-tu l’almanach des bâtisses avec avant-gardisme le chantier bouge
pour qu’y saille mieux la vitesse la ville pue souvent malgré son cubisme orgueilleux
Les gens commercent dans des vallons de bitumes bleus qui se déplacent On aménage, tu sais l’on creuse — coupe scinde réunit les ruines ravaudées — tunnels et seuils des quartiers se transforment
Confins et configurations elle s’érigeait, vois-tu, verticale et sauvage pareille à une forteresse agitée — Un large origami de bronze, scindé d’axes où transitaient les centuries nomades…
(4)
Automation des mouvements — masses aux aguets dans le dédale synchrones dans l’attente
d’un devenir indiscernable (mais l’instant qui nous maintient dans son étreinte fait fi de toute projection)
— reste que reste ? quoi reste ?
L’allant-vers, mais sans havre l’errant dans l’errance insatiable — (flux et reflux se nouent encore Ô berceau des turpitudes… nodalité de coercition !) Nous nous mettons à rechercher nos sensations comme un courant perdu en quête de ses rives
Et moi aussi, pensais-je alors j’aurais vécu dans ce présent optimal — sur les berges désertées à la recherche de l’alètheia (la cendre des étoiles vaquant dans le vin étourdissant de l’au-delà)
Et c’étaient ces mêmes cargos pleins ce même trafic des esplanades alambiquées où la foule ignorait la foule où le destin vous serrait la poigne un billet à la main.
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Les poumons pleins des phéromones du grand archipel entropique — où d’ilot en ilot immédiat nous commentons les effluves réactifs J’aboie ma lunaison dans le cercle des hommes Je renifle les mégots du sacré tombés sur le trottoir —
Tout bouge roule doux sous le chiffre d’or (et ma solitude est la plus pure quand vous vous approchez de moi)
Dernier venu de l’Occident hollywood-caniveau : vacarme épaves idoles trônes, et des nuées dans la nuit auréolée d’argent et d’ennui
Castes mêlées dans le ventre urbain en quête de signaux lumineux — ce sont d’inénarrables points de fuite délimités par un demi point de croissance —
*
Persistance rétinienne impression de déjà-vu (Une vague lueur bleue diluée dans l’atmosphère) Et tu me disais ce soir-là : « un jour ils sauront ce qu’ils voient ils verront ce qu’ils sentent — Ils sentiront ce qu’ils savent… »
(À mi chemin de la vie à mi chemin du sommeil monte en moi le souvenir comme monte le soleil)
Et tu me disais ce soir-là : « combien furent-ils sourds au tocsin de la discorde à monnayer leurs dernières années ? »
Quand tout bouge roule doux sous le chiffre d’or (il y a comme un bruit de fond analogique
au bout d’une chambre d’écho noire)
Tu me disais : « je tente en vain de dormir en regardant le plafond — la pluie frappe
à ma fenêtre éclaboussée de néons. »