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E-poésies

E- Poésie 3 - L. Marsal - L. Marsal - L. Marsal _ P. Lamarque - Andre Nightingale - Damien Paisant

Luc Marsal


CONSTAT À L’AMIABLE

 

Je frôle la correctionnelle, la danse de rappel. J’ai l’âge de m’envoyer en l’air. De me faire la fête. De me tenir tête.

Aujourd’hui, je mène une vie de brouette. Avec une roue devant. Moi qui n’ai jamais porté d’enfant. Sec comme un poulet. Vide comme une bassine. 

Avec mes yeux brouillés. Mes doigts rouillés. J’écris des mots d’argent. Des mots que j’attrape à la volée, face au vent. Je les empile jour après jour. Comme des carnets d’amour.

Le soir je dors au fond du jardin. J’enchaîne les rêves. J’imagine demain. Ma vie d’après comme un avant. Je me rappelle l’épaisseur des gens. Le frottement des visages. L’odeur de leur regard. Les retrouvailles. 

Et le matin tout me revient. Chaque jour un peu moins.

Tout ça est déjà loin.


Luc Marsal



UNE VIE

 

J’allais le voir chaque semaine dans ce qui lui restait de vie. Lui apporter ce qui lui restait d’envie. Cinq ou six livres qui lui feraient la semaine. Et quelques photos de ses petits-enfants. Ses soleils.


Il avait fait placer son bureau face à la fenêtre dans ma chambre d’enfant qui était devenu la sienne.


Son lit, qui avait été le lit conjugal, se rabattait dans une armoire qui lui permettait de circuler librement dans la pièce. Jusqu’à ce qu’il abandonne, n’ayant plus la force d’actionner le système. Le laissant à jamais ouvert. Comme un livre ouvert. Le livre d’une vie.


Luc Marsal


UN GOÛT DE CENDRES

 

 

La ville transpire des âmes bleues

 

Je pars un instant 

et je reviens vers moi

 

Mon ombre couchée sur le flanc 

a comme un goût de cendres

 

Je me sens aussi fragile qu’une fleur coupée 

dans un vase d’opaline 

 

Le blanc des murs 

me rassure un peu 

 

La mémoire traîne – avec élégance

mes doigts glissent sur les coutures

 

Je flingue le temps avant 

qu’il ne me flingue 

 

Ma vie comme une flaque

ce qui me ronge – et tue

 

Je sais que je vais mourir demain 

ou peut-être aujourd’hui 

 

et ça ne me sert à rien  


Luc Marsal




Pierre Lamarque



Composition de lignes noires à dominante gris-blanc


Déroulement


un peu de joie sous une immense pluie

et des parapluies mauves à points blancs bleus verts

et des barques en repos sous un soleil de Vancouver

et couteau noir, pot jaune, boite jaune

et un grand dialogue sur la route 


Pliage



Pierre Lamarque

(Extrait de ‘Comme une lettre d’amour à Vincent Van Gogh')



***


Andrew Nightingale



Où est demain maintenant ?

"Les fleurs de demain sont très faibles aujourd’hui", dit la pluie


On fait une petite chose pour demain,

sans se souvenir de nos ancêtres

qui nous ont volé la joie de laver les vêtements à la main.


Tu crois que c’est une petite affaire ?


Certaines personnes travaillent toute la journée sur un tapis roulant en faisant de petits mouvements avec leurs mains.

Ces gens sont très utiles, et quand ils ont terminé, ils ont une énergie appelée mérite.

Ils ont un sommeil heureux, et un réveil heureux.


Peu importe le petit mouvement sur le tapis roulant,


combien il en reste, ce linge

Est mon linge, Sortez de mon chemin et laissez-moi le faire,


Le fier poète, regardant vers le bas sur ce petit acte de lessive,

Avec un air de "savoir ce que ça signifie."


parce que nous avons besoin de lessive, les deux tours de l’intellect tomberont 


Les gens ne trouveront pas la facilité,

Il n’y a pas de "comment" pour la facilité.


Seulement un refrain

Un mantra qui donne du mérite


Un refrain pour la vérité

Un refrain pour l’innocuité

Un refrain pour du bon sexe

Un refrain pour


Où est demain maintenant ?

"L’eau de demain est très faible aujourd’hui", dit la pluie


Demain est un espace que nous ouvrons aujourd’hui:

Un espace qu’on peut fermer,


Ce sujet fatigué ne peut pas lui-même entrer dans la vacuité parfaite :

lorsque l’espace est vide.


Oh spacieux, esprit généreux : Refrain, seulement

seulement un refrain


Un refrain pour la vérité

Un refrain pour l’innocuité

Un refrain pour du bon sexe

Un refrain pour


Oh spacieux, généreux esprit, où est demain maintenant ?

"Demain est très faible aujourd’hui »



Andrew Nightingale

Trad G&J



Where is tomorrow now?

"Tomorrow's flowers are very weak today", says the rain


We do one little thing for tomorrow,

without remembering our ancestors

who stole from us the joy of washing clothes by hand.


think this is a small matter?


Some people work all day at a conveyor belt making small motions with their hands.

These people are very useful, and when they are done, they have an energy called merit.

They have blissful sleep, and blissful waking.


No matter how small her movement on the conveyor belt,


how little left, this laundry

Is my laundry, Get out of my way and let me do it,


The proud poet, looking down on this small act of laundry,

With an air of "knowing what it means."


because we need laundry, both towers of intellect will fall 


People will not find ease easy,

There is no "how" for ease.


Only a refrain

A mantra that yields merit


A refrain for truth

A refrain for harmlessness

A refrain for great sex

A refrain for


Where is tomorrow now?

"Tomorrow's water is very weak today", says the rain


Tomorrow is a space we open today:

A space we can close,


This tired subject cannot Will itself into perfect vacuousness:

when space is positively empty.


Oh spacious, generous mind: Refrain, only

only a refrain


A refrain for truth

A refrain for harmlessness

A refrain for great sex

A refrain for


Oh spacious, generous mind, where is tomorrow now?

"Tomorrow is very weak today"


Andrew Nightingale




Andrew Nightingale



A human is an even number



And this ghoulish number that writes 


to self-curb


obscene flaps of skin,


makes light pen strokes that barely touch the page,


gestures of wings disappearing into the white sky,


A sneeze and a tissue to mop this face, afterwards,


the dream continues



Andrew Nightingale




Un humain est un nombre pair



Et ce macabre nombre qui écrit 


à auto-usage


d'obscènes lambeaux de peau,


donne de légers coups de stylo qui touchent à peine la page,


gestes d’ailes disparaissant dans le ciel blanc,


Un éternuement, et un mouchoir pour essuyer ce visage, ensuite 


le rêve continue.



trad G&J






signe en cascade


 

c’est après l’abîme que 

son chiffre se lave

des calculs qui le font naître


 cascade en signe



   *


sa rêverie opaque

fait tourner chaque réveil


une perspective dormante  

devance la lumière battante


qu’il retourne

pour trouver l’invisible

« derrière son visage »  


Damien Paisant