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POÈMES

TRANSPROSE

La Transprose - (MDRDLPB)


« Disons donc que [la prosodie,] c’est l’art d’adapter la modulation​ propre de la langue que l’on parle, aux différens sens qu’on y exprime. Ainsi elle comprend non seulement tout ce qui concerne le matériel des accens & de la quantité, mais encore celui des piés & de leurs différens mélanges, celui des mesures que les repos de la voix doivent marquer, &, ce qui est bien plus précieux, l’usage qu’il faut en faire selon l’occurrence, pour établir une juste harmonie entre les signes & les choses […]


Colombe des Forêts



Donner la liberté au vers, c'est à peu près la même chose que donner la liberté à la nation russe. Tous les deux sont nés, et sont arrivés à leur forme actuelle sous des lois tyranniques. La liberté signifiera pour eux peut-être la renaissance mais peut-être aussi : la dissolution.


Rosalie Jacobsen - Enquête internationale sur le vers libre - F.T. Marinetti



« Toute innovation passe par trois stades: d’abord elle est ridiculisée; ensuite elle est violemment combattue ; et finalement , elle est considérée comme ayant toujours été évidente. » Arthur Scopenhauer (1788 - 1860)


« D’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, puis ils vous combattent, et puis… vous gagnez. » 

Gandhi (1869 - 1948)


Ici vous trouverez les interventions des chercheurs du MDRSLP (Mouvement De Recherches Sur La Page) qui vont de la plus ancienne (en haut) jusqu'à la plus récente (en bas)



Nous sommes plusieurs à Lpb (Matthieu Lorin, moi, Air, Patrick, Sandrine, Maheva ) à aimer la présentation que nous appelons présentation en « Transprose » - le terme a été inventé en juin 2022 par Patrick Modolo .


  La forme « vers libre » est un procédé qui a eu sa valeur au moment de sa présentation - mais pas du tout un siècle après…



La transprose est une mise en prose des vers qui respecte les vers originaux mais les dispose en lignes sur la page de façon aérée (ou pas : simple prose) plutôt que de façon traditionnelle en barreaux d'échelle.

Au départ nous pensions que ce procédé nous permettait d’économiser de la place dans la revue Lpb, puis nous nous nous sommes aperçus que c’était surtout beaucoup plus facile de lire des vers en lignes aérées, tandis que la lecture des vers échelonnés freine la lecture et la compréhension et diminue d’autant le plaisir de lire.

Enfin nous nous sommes dit que nous étions en train de découvrir, redécouvrir plutôt (cf LPB n° 60) ce type de disposition moderne et esthétique qui permet de saisir le sens d’un coup.


 textes en transprose = disparition de certaines majuscules de début de vers devenues inutiles / disparition de ponctuations devenues inutiles / lecture agréable.


P.L.




3 juin 2020 - Patrick Modolo


Un poème de Jean de la Ville de Mirmont en transprose

 



Je suis né dans un port


Je suis né dans un port et depuis mon enfance...................j’ai vu passer par là des pays bien divers.....................attentif à la brise et toujours en partance......

mon cœur n'a jamais pris le chemin de la mer....................Je connais tous les noms des agrès et des mâts...................la nostalgie et les jurons des capitaines......................le tonnage et le fret des vaisseaux qui reviennent.........et le sort des vaisseaux qui ne reviendront pas.................je présume le temps qu'il fera dès l'aurore.................la vitesse du vent et l'orage certain.........................car mon âme est un peu celle des sémaphores..............................des balises, leurs sœurs, et des phares éteints.................... les ports ont un parfum dangereux pour les hommes...................et si mon cœur est faible et las devant l'effort.....

s'il préfère dormir dans de lointains arômes............ mon Dieu, vous le vouliez, je suis né dans un port.


 


28 juin 2022 - Pierre Lamarque



Je suis convaincu que la prose facilite la lecture, parce que la lecture se fait en suivant les lignes des phrases, c’est pour cela que je suggère de prendre l’habitude de faire passer certains textes par l’opération transprose qui consiste à faire circuler les mots librement dans une phrase et au besoin à les aérer par des espacements. La phrase est à la base et au sommet de la poésie… on doit respecter et réhabiliter la phrase en poésie.


Pierre Lamarque





25 juillet 2022 - AIR


Interlude


ce visage endormi que tes yeux éclaboussent. de ce bleu si profond où la nuit    je ramasse ce qu’il faut de trajet de tes lèvres à ma bouche    pour pouvoir le matin s’arrêter   se suspendre au bord    du temps qui passe   comme deux grands oiseaux    alourdis par la pluie    font sécher au soleil    leurs plumes d’oreillers


Cécile Coulon, Les ronces

Transposé 




Interlude 


ce visage endormi que tes yeux éclaboussent

de ce bleu si profond où la nuit

je ramasse 

ce qu’il faut de trajet de tes lèvres à ma bouche 

pour pouvoir le matin s’arrêter 

se suspendre au bord 

du temps qui passe 

comme deux grands oiseaux 

alourdis par la pluie 

font sécher au soleil

leurs plumes d’oreillers


Cécile Coulon, Les ronces



Air.





Pierre Lamarque - 9 octobre 2022


par la transprose, l’oeil aide l’oreille à entendre



Guillaume Apollinaire

Les colchiques

(version transprosée)



Le pré est vénéneux mais joli en automne      les vaches y paissant

lentement s’empoisonnent    le colchique couleur de cerne et de lilas

y fleurit       tes yeux sont comme cette fleur-là         violâtres 

comme leur cerne et comme cet automne        et ma vie pour tes 

yeux lentement s’empoisonne


Les enfants de l’école viennent avec fracas    vêtus de hoquetons et 

jouant de l’harmonica    ils cueillent les colchiques qui sont   comme des mères filles de leurs filles      et sont couleur de tes paupières qui battent comme les fleurs battent au vent dément


Le gardien du troupeau chante tout doucement         tandis que 

lentes et meuglant les vaches abandonnent       pour toujours ce 

grand pré mal fleuri par l’automne


Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913





Les Colchiques


Guillaume Apollinaire


Le pré est vénéneux mais joli en automne

Les vaches y paissant

Lentement s’empoisonnent

Le colchique couleur de cerne et de lilas

Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là

Violâtres comme leur cerne et comme cet automne

Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne

Les enfants de l’école viennent avec fracas

Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica

Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères

Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières

Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent

Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne


Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913