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POÈMES

TRADUCTIONS

MISSION TRADUCTION


Anglais - Français




Ana Maria Caballero

traduit de l'américain par Air


Mémoire



Quand j'étais plus jeune, la poésie me faisait peur.

Que pourrait-elle bien faire à mes nuits de démence ?


Ayant eu la chance d'apprendre auprès

des plus grands, je n'ai pas accepté.


me suis détournée pour examiner


Romans français et films latino-américains.


Bien qu’à ce moment-là 

Mes vies secrètes s'y déversaient toujours 


Maintenant je suis de retour,

de retour pour m'installer seule avec mes poèmes,


sans personne pour soutenir ma main

à cet âge avancé.


Que signifie ce retour en moi-même, de cette façon—


à part qu'il n'y a aucune alternative en dehors de soi 

et la crainte de ne pouvoir rien atteindre


d'autre.


*


Memoir



When I was younger, I feared poetry.

What would it do to my lunatic nights?


Given the chance to learn from

the greats, I declined,


turned away to examine

French novels and Latin American films.


Though even then

my secret lives were versed.


Now I am back, back 

to settle alone with my poems,


with none to cart my hand 

at this late age.


What can it mean to return to myself

 in this way—


other than there is no choice beyond self 

and the fear of arriving


at nothing else


***


MOSAB ABU TOHA

poète palestinien

Traduit de l'anglais par Air


mon grand-père et ma maison



i


mon grand-père comptait les jours jusqu'au retour sur ses doigts

avant d'utiliser des pour compter des pierres

ce n'était pas suffisant

il utilisa nuages oiseaux gens


l'absence s'est avérée trop longue

trente-six ans jusqu'à sa mort

plus de soixante-dix ans jusqu'à nous aujourd'hui


mon grand-père perdit la mémoire

il oublia les chiffres les gens

il oublia la maison



ii


j'aurais aimé être avec toi grand-père

j'aurais appris à t'écrire des poèmes

des volumes de poèmes et à peindre notre maison pour toi

avec le sol je t'aurais tricoté

un vêtement orné de plantes

et d'arbres que tu aurais fait pousser

je t'aurais fabriqué

du parfum à partir des oranges

et du savon avec les larmes de joie du ciel

impossible de penser à autre chose de plus pur


iii



je vais au cimetière tous les jours

je cherche ta tombe en vain

sont-ils sûrs de t'avoir enterré

ou t'es-tu transformé en arbre

ou peut-être t'es-tu envolé avec un oiseau vers le néant


iv



je place ta photo dans un pot en terre cuite

je l'arrose tous les lundis et jeudis au coucher du soleil

on m'a dit que tu jeûnais ces jours-là

pendant le ramadan je l'arrose tous les jours

pendant trente jours

ou plus ou moins



v


Quelle taille aimerais-tu pour notre maison ?

je peux continuer à écrire des poèmes jusqu'à ce que cela te convienne

si tu le souhaites je peux annexer une ou deux planètes voisines


vi


pour cette maison je ne tracerai ni frontières

ni de signes de ponctuation


*


my grandfather and home


i


my grandfather used to count the days for return with his fingers

he then used stones to count

not enough

he used the clouds birds people


absence turned out to be too long

thirty six years until he died

for us now it is over seventy years


my grandpa lost his memory

he forgot the numbers the people

he forgot home


ii


i wish i were with you grandpa

i would have taught myself to write you

poems volumes of them and paint our home for you

i would have sewn you from soil

a garment decorated with plants

and trees you had grown

i would have made you

perfume from the oranges

and soap from the skys tears of joy

couldnt think of something purer


iii


i go to the cemetery every day

i look for your grave but in vain

are they sure they buried you

or did you turn into a tree

or perhaps you flew with a bird to the nowhere


iv


i place your photo in an earthenware pot

i water it every monday and thursday at sunset

i was told you used to fast those days

in ramadan i water it every day

for thirty days

or less or more


v


how big do you want our home to be

i can continue to write poems until you are satisfied

if you wish i can annex a neighboring planet or two


vi


for this home i shall not draw boundaries

no punctuation marks



***


Emily Dickinson


*


How happy is the little Stone

That rambles in the Road alone,

And doesn’t care about Careers

And Exigencies never fears—

Whose Coat of elemental Brown

A passing Universe put on,

And independent as the Sun

Associates or glows alone,

Fulfilling absolute Decree

In casual simplicity—


Emily Dickinson




*


Comme elle est heureuse la petite pierre   qui se balade seule sur la route

ne se souciant pas des carrières    jamais ne craignant l'exigence

sa robe d'un brun élémentaire     l'univers l'endosse au passage

indépendante comme le soleil      elle s'associe ou brille seule

exécutant l'absolu décret      en indifférente simplicité


Trad. G&J





Émilie Dickinson


668 


La '' Nature'', c'est ce que nous voyons -

La Colline - l'Après-midi -

L' Écureuil - l'Éclipse - le Bourdon -

Non - la Nature, c'est le Paradis -

La Nature, c'est ce que nous entendons -

L' Ortolan - la Mer -

Le Grillon - le Tonnerre -

Non - la Nature, c'est l'Harmonie -

La Nature, c' est ce que nous connaissons,

Mais sans savoir bien l'exprimer

Tellement Notre Sagesse est entravée

Par sa Simplicité.


Emilie Dickinson

Trad G&J


668


"Nature" is what we see—

The Hill—the Afternoon—

Squirrel—Eclipse— the Bumble bee—

Nay—Nature is Heaven—

Nature is what we hear—

The Bobolink—the Sea—

Thunder—the Cricket—

Nay—Nature is Harmony—

Nature is what we know—

Yet have no art to say—

So impotent Our Wisdom is

To her Simplicity.




Italien - Français


Poèmes de Maria Borio traduits de l’italien par Lorenzo Foltran



I

Il peso si sente come i capelli sulle spalle

i pori che si stringono per non far passare l’acqua


 l’attrito sempre quando capita una coincidenza.


 Ma dicono che oggi il peso del tempo è irreale

assomiglia all’aria spostata dagli insetti


 che si nutrono di sangue e muoiono a volte

sotto il palmo della mano.


 II

La coscienza si stacca, sopra di noi è uno specchio

ci vede punti che galleggiano in una piscina


 vede la pelle sporca del sangue di tanti compresso in una macchia –

i mobili flessi sono dita vegetali, il circuito elettrico sciolto


un pensiero di sottomissione, il pensiero puro di ridarsi al tempo.


 III

Scompariamo nell’acqua. Le nostre case sono acqua

nascondono sul palmo la condensa di molti


 l’idea che osservandola ci trasformiamo

in molti schiacciati in una macchia.


 IV

Poi, per vedersi, la coscienza ha strappato un cavo

lo spezza coi denti, si scheggia le dita con il filo elettrico


 sente la macchia di sangue aperta –

ha immerso il filo nell’acqua…


 V

La coscienza separata dal corpo ha sentito il tempo pulirsi

nella casa come in una vasca una luce di fondale

mobili flessi sono dita vegetali, il circuito elettrico sciolto

una polvere, una prospettiva, un filo incandescente


 il tempo che è coincidenza, la storia di tutti e uno

trasparente fuori dal baricentro nell’acqua


 senza peso, vive e vede



I     

On ressent le poids comme des cheveux sur les épaules

les pores qui se resserrent pour ne pas laisser passer l’eau


 le frottement toujours lorsqu'une coïncidence se produit.


 Mais ils disent qu'aujourd'hui le poids du temps est irréel

il ressemble à l'air siphonné par les insectes


 qui se nourrissent de sang et parfois meurent

sous la paume de la main.


 II

La conscience se détache, au-dessus de nous un miroir nous voit, traces, flotter dans une piscine


 Il voit la peau sale du sang de tant de monde compressé dans une tache -

les meubles fléchis sont doigts végétaux, le circuit électrique dissous

une pensée de soumission, la pure pensée de se redonner au temps.


 III

Nous disparaissons dans l'eau. Nos maisons sont de l'eau

elles cachent sur la paume le condensat des personnes  


l'idée qu'en l'observant nous nous transformons

écrasés avec les autres dans une tache.


  IV

Puis, pour se voir, la conscience a déchiré un câble

elle le brise avec ses dents, les doigts ébréchés par le fil électrique


 elle ressent la tache de sang ouverte -

elle a trempé le fil dans l'eau...


 V

La conscience séparée du corps a ressenti le temps se nettoyer

dans la maison comme dans une baignoire une lumière de fond

les meubles fléchis sont doigts végétaux, le circuit électrique dissous

une poussière, une perspective, un fil incandescent


 le temps qui est coïncidence, l'histoire de tous et d'une personne

transparent hors du barycentre dans l'eau


 sans poids, il vit et voit





         È quasi pronto, sta per passare

la vita nell’aumento

della proprietà con un distacco, una ricompensa

fedele a sé, solo il giglio viola nel prato

non vale perché dura un giorno.

Potrebbero vederlo dalle finestre di notte,

se volesse potrebbe

consumarlo, raffilarlo la gente

come la punta di una matita.

Questo essere soli è essere di tutti,

il corpo ha odore, la proprietà ha odore,

l’affezione per una donna

che non ha odore, non ha proprietà

rientra nel cliché.

Lo descrivono come si racconta

la vita degli altri o si immagina

inesistente.

La storia dei prodotti

così viva nel minuto

che milioni cercano

la stessa parola, non lo sanno, lo fanno,

lui è il blog, il vlog, il tube

della proprietà isolata di sesso

maschile su cui appoggerebbe la testa

una donna di sesso femminile.

La casa senza io gli altri l’accumulo

degli anni e solo

la felicità del processo, non del fine.


 Potrebbe vederlo la gente

nella stanza a volte con il suo odore

e anche lei

che gli è madre vicino

abitualmente avendo speso insieme

una vita.

Si dorme in due.

Si stava immaginando nelle case

degli altri.




                     C'est presque prêt, elle arrive,

la vie en hausse

de la propriété avec un écart, une récompense

fidèle à elle-même, seulement le lys violet dans le pré

ne vaut pas car il dure une journée.

Ils pourraient le voir des fenêtres la nuit,

s'il voulait il pourrait

se faire consommer, aiguiser par les gens

comme la pointe d'un crayon.

Être seul, être de tous,

le corps a une odeur, la propriété a une odeur,

l'affection pour une femme

qui n'a pas d'odeur, n'a pas de propriété

s’inscrit dans le cliché.

Ils le décrivent comme on raconte

la vie des autres ou on l’imagine

inexistant.

L'histoire des produits

si vivante dans la minute

que des millions recherchent

le même mot, ils ne savent pas, ils le font,

lui il est le blog, le vlog, le tube

de la propriété isolée du sexe

masculin sur lequel une femme de sexe féminin reposerait sa tête.

La maison sans moi les autres le cumul

des années et seulement

le bonheur du processus et non de la fin.

 Parfois, les gens pourraient le voir

dans la chambre avec son odeur

et elle aussi

qui, proche, lui est mère

d’habitude, en ayant passé ensemble

une vie.

On dort à deux.

Il était en train de s’imaginer dans les maisons

des autres.



I                     

Una volta dicevi che ero io

io, che tu eri tu, che camminando

fra un argine e un altro potevamo vedere.


 Il fiume è lo spazio, i pesci bianchi si nascondono.

Una volta passavamo in equilibrio sui sassi

fino a che le nostre mani toccandosi si mordevano.


 Una volta immaginando dalla punta della collina

le differenze vedevamo contorni netti

scomparire nell’erba. Lì e qui


 portano un cosmo e noi fragili, indivisi

con i piedi nell’acqua bruciamo l’io

che può essere tu, il tu che può essere io.


 II

Lo spazio è un vetro,

l’interno e l’esterno.


 Io raccolgo il fiume freddo,

tu lo espandi in ologramma.


 Tu sono io nello schermo, io è tutti.


 IV

Tutto accade

un video ha imparato a riprodurlo.


 Tutto accade

i pesci bianchi nel fango

uscivano, entravano.


 Li inseguivi come cerchi

appaiono, scompaiono.


 V

A volte tu, io

vediamo ovunque

i contorni della violenza.


 Chi eri: nomi in codice. Chi sei:

io, tu, l’altro

a volte è bianco, nudo, perfetto.


 Il pavimento come il fiume si increspa:

entravano e uscivano i pesci

sbiancando.


 VIII

A volte tutto resiste in trasparenza:

esiste, muore?


 Tu attorno a io

lucina improvvisa, contemporanea.



I

Jadis, tu disais que c'était moi

moi je disais que c’était toi que nous pouvions voir 

en marchant entre une berge et l’autre


 La rivière est l'espace, les poissons blancs se cachent.

Jadis, nous étions en équilibre sur les pierres

jusqu'à ce que nos mains se touchent, se mordent.


 Jadis, en imaginant du sommet de la colline

les différences, nous voyions des contours nets

disparaître dans l'herbe. Là et ici


 ils portent un cosmos et nous, fragiles, indivis,

les pieds dans l'eau, brûlons le moi

qui peut être toi, le toi qui peut être moi.


 II

L'espace est un verre,

l'intérieur et l'extérieur.


 Moi je ramasse la rivière froide,

toi tu la développe en hologramme.


 Toi c’est moi dans l’écran, moi c’est tous.


 IV

Tout se passe

une vidéo a appris à le reproduire.


 Tout se passe

les poissons blancs dans la boue

sortaient, entraient.


 Tu les chassais comme des cercles

qui apparaissent, disparaissent.


 V

Parfois toi, moi

nous voyons partout

les contours de la violence.


 Qui tu étais : noms de code. Qui tu es :

moi, toi, l'autre

parfois c’est blanc, nu, parfait.


 Le sol, comme la rivière, se ride :

les poissons entraient et sortaient,

en blanchissant.


 VIII

Parfois tout résiste en transparence :

existe-t-il, meurt-il ?


 Toi autour de moi

petite lumière soudaine et contemporaine.





Anglais - Français



Poem


Don’t look.

The world’s about to break.

Don’t look.

The world’s about to chuck out all its light

And stuff us in the chokepit of its dark,

That black and fat and suffocated place

Where we will kill or die or dance or weep

Or scream or whine or squeak like mice

To renegotiate our starting price.


1995



Poème


Ne regarde pas.

Le monde est près de s’effondrer.

Ne regarde pas.

Le monde est près de balancer toute sa lumière

Et nous fourrer dans l’étouffoir de ses ténèbres,

Ténèbres et graisse et lieu étranglé

Où nous allons tuer ou mourir ou danser ou pleurer

Ou hurler ou gémir ou couiner comme des souris

Pour renégocier notre code de départ.



trad anonyme




Roumain- Français



Poèmes- blitz

***

L’amour,

Est au moment où

Les lignes de ma paume,

S’unissent

Avec celles de ta paume,

En devenant

Fils à haute tension.


***

Tomber amoureux

Signifie

Passer

Au fuseau horaire

D’un autre cœur.


***

Écrire de la poésie,

C'est comme si

Tu essayais de

Faire l’équilibre

Sur les lignes de la paume

De Dieu.


***

La poésie fonctionne

Comme une perfusion,

Lorsque je suis déshydraté

De tant de réalité.

***

L’enfant de moi

Me redessine

Tous les jours

Le cœur.


***

Je voudrais être

L’espace blanc

De tes inquiétudes.


***

Les rêves,

Attaques de panique

De l’imagination.


(Vol. ,,O cameră fără prize”, Casa de pariuri literare, București, 2021)


***

Lorsque je dors, 

Mon rêve 

Essaye maladroitement, 

Devant le miroir 

D’imiter ma voix. 


***

Lorsque j’écris de la poésie

Je joue à cache-cache

Avec la réalité.

***

La solitude commence

Avec le claquement de la porte

De la voiture,

Plus fort

Que d’habitude,

Signe

Qu’il est le temps

De

Changer le visage

De la journée,

La solitude commence

Lorsqu’on ouvre

Au hasard toutes sortes de boites

Et tu piques les nombrils de tes doigts

Là où, en fait,

Il n’y a aucune aiguille,

La solitude ressemble

A un silence accablant 

Apparu après une fissure

Sur l’entière surface

De la mémoire.

D’un mont à la retraite. 

Tu te sens seul, 

Que diriez-vous d’ouvrir une fenêtre 

Sur le bord de l’abîme !  

La solitude, qui dans le miroir,

montre son allure alors que la buée de ta respiration 

Réussit à incinérer la glace.  

Les solitaires avancent souvent

Soucieusement, 

Chaque chemin les étire

Comme un coup de couteau 

Ils sont les seuls qui peuvent effacer

L’aveuglement des yeux  

Et sur le dos des paumes 

Leur restent 

Pour longtemps, 

Des traces de cendre.


***


 

Savu Popa

Traduit par Andreea Bușe




Poeme 

Savu Popa


Poeme-blitz


***

Dragoste

E atunci când

Liniile din palma mea

Se unesc 

Cu cele din palma ta,

Devenind 

Fire de înaltă tensiune.


***

Să te îndrăgostești

Înseamnă

Să treci

Pe fusul orar

Al altei inimi.




***

Să scrii poezie

Ca și cum

Ai încerca

Să faci echilibristică

Pe liniile din palma

Lui Dumnezeu.


***

Poezia funcționează

Ca o perfuzie,

Când sunt deshidratat

De la atâta realitate.



***

Copilul din mine

Îmi redesenează 

Zilnic

Inima.



***

Aș vrea să fiu

Spațiul alb

Dintre neliniștile tale.



***

Visele,

Atacuri de panică

Ale imaginaţiei.







***

Când dorm,

Visul meu 

Încearcă stângaci, 

În fața oglinzii

Să îmi imite vocea.


***

Când scriu poezie

Mă joc de-a v-ați ascunselea

Cu realitatea.



***

Singurătatea începe

cu trântitul ușii

de la mașină,

mai tare

decât de obicei,

semn

că e timpul

pentru 

o schimbare la față

a zilei,

singurătatea începe

când deschizi

la întâmplare tot felul de cutii

și îți înțepi buricele degetelor

acolo unde, de fapt, 

nu se află niciun ac,

singurătatea seamănă

cu o tăcere covârșitoare

apărută în urma unei fisuri

pe întreaga suprafață

a memoriei

unui munte ieșit la pensie.

Te simți singur, 

ce-ar fi să deschizi o fereastră

pe marginea prăpastiei!

Singurătatea, doar în oglindă-și

arată chipul atunci când aburul respirației tale

reușește să incinereze sticla.

Cei singuri pășesc adesea

cu neliniște,

fiecare drum li se-ntinde-n față

ca o muchie de cuțit,

doar ei își pot șterge

de la ochi orbirea,

iar pe dosul palmelor 

le rămân,

pentru mult timp,

dâre de cenușă.



La traduction : Entretien Jacqueline Risset, grande traductrice de Dante

https://www.youtube.com/watch?v=H8EyFsQmjKQ


Après Babel - une poétique du dire et de la traduction

George Steiner - Ed Albin Michel



Espagnol - Français





Seulement toi  

(Solo tú, 2022)


Mon silence est plus létal que tes mots

Ta voix brise les forêts de la colère

Et de nouveau tu sors de nulle part

Après autant de promesses

il ne reste que toi, c’est toi

et l’univers de tes yeux

conspire contre le temps.

Nous sommes un instant dans ce monde

et le néant nous submerge encore

dans l’angoisse fébrile de la désuétude […]. 



Elías Mondragón Herrera

Traduit par. Adriana Dumitrescu



Solo tú


Mi silencio es más letal que tus palabras 

Tu voz quiebra lors bosques de la cólera 

Y de nuevo vuelves a aparecer de la nada 

Despues de tantas promesas 

Solo quedas tú , estás tú 

y el universo de tus ojos 

conspira contra el tiempo 

Somos un instante en este mundo 

Y la nada nos vuelve a abrumar 

En la angustia febril del olvido […]. 

Elías Mondragón Herrera, Solo tú (2022)



****




La guitare


Commence le sanglot    de la guitare    se brisent les verres 

de l’aube     commence le sanglot    de la guitare

inutile de la faire taire   impossible de la faire taire


Pleure monotone    comme pleure l’eau   comme pleure le vent

sur la neige   impossible de la faire taire   pleure pour des choses lointaines


Sables du Sud chaud    qui réclament des camélias blancs

pleure flèche sans cible     le soir sans matin

et le premier oiseau mort    sur la branche


Oh guitare ! Cœur très blessé par cinq épées.



Federico Garcia Lorca

Trad G&J




La guitarra


Empieza el llanto

de la guitarra.

Se rompen las copas

de la madrugada.

Empieza el llanto

de la guitarra.

Es inútil callarla.

Es imposible callarla.

 

Llora monótona

como llora el agua,

como llora el viento

sobre la nevada.

Es imposible callarla.

Llora por cosas lejanas.

 

Arena del Sur caliente

que pide camelias blancas.

Llora flecha sin blanco,

la tarde sin mañana,

y el primer pájaro muerto

sobre la rama.

 

¡Oh guitarra!

Corazón malherido

por cinco espadas.


F. Garcia Lorca

https://lyricstranslate.com/fr/la-guitarra-la-guitare.html#comments




Anglais - Français





"you said Is

there anything which

is dead or alive more beautiful

than my body,to have in your fingers

(trembling ever so little)?

Looking into

your eyes Nothing,i said,except the

air of spring smelling of never and forever.


....and through the lattice which moved as

if a hand is touched by a

hand(which

moved as though

fingers touch a girl's

breast,

lightly)

Do you believe in always, the wind

said to the rain

I am too busy with

my flowers to believe, the rain answered"


E.E Cummings



tu as dit Est-il 

quelque chose de vivant ou mort plus beau 

que mon corps, à tenir entre tes doigts 

( toujours un peu tremblants) ?

                         Te regardant dans 

les yeux Rien, ai-je dit, sauf 

l'air du printemps qui sent à jamais et pour toujours.


 


… et à travers la treille qui bougeait comme 

si une main était touchée par une 

main ( qui 

bougeait comme si 

des doigts touchaient le sein 

d’une fille, 

légèrement)

         Croyez-vous à toujours, demanda 

le vent à la pluie

Je suis trop occupée avec 

mes fleurs pour croire, répondit la pluie 



Trad. G&J





Français - Anglais



Gertrude Hall (poétesse américaine 1863-1961) a traduit les poèmes de Paul Verlaine en 1895, un article paru dans les New York Times souligne la qualité de ses traductions qui reste une référence aujourd'hui.



It weeps in my heart

As it rains on the town.

What is this dull smart

Possessing my heart?


Soft sound of the rain

On the ground and the roofs!

To a heart in pain,

O the song of the rain!


It weeps without cause

In my heart-sick heart.

In her faith, what? no flaws?

This grief has no cause. '


'Tis sure the worst woe

To know not wherefore

My heart suffers so

Without joy or woe.


Traduction de Gertrude Hall (1895)



IL PLEURE DANS MON COEUR


Il pleure dans mon coeur

Comme il pleut sur la ville ;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon coeur ?


Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un coeur qui s’ennuie,

Ô le chant de la pluie !


Il pleure sans raison

Dans ce coeur qui s’écoeure.

Quoi ! nulle trahison ?…

Ce deuil est sans raison.


C’est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon coeur a tant de peine !


Paul Verlaine



COSMOGONIE


  Dieu par son tonneau (il y a un Dieu) regarde

la terre ! Il la verra comme quelques dents cariées.

Mon oeil est Dieu ! Mon oeil est Dieu ! Les dents

cariées ont comme une goutte infiniment petite

qui les classe. Mon coeur est le tonneau de Dieu !

Mon coeur est le tonneau ! L’univers pour moi est

Comme pour Dieu.


Max Jacob

Le cornet à dés - Poésie Gallimard



COSMOGONY


  God by his barrel (there is a God) looks

the earth! He will see it as a few decayed teeth.

My eye is God! My eye is God! Teeth

decayed have like an infinitely small drop

which classes them. My heart is the barrel of God!

my heart is the barrel! the universe for me is

as for God.


Trad G&J




Italien - Français



Chante Cigale



La petite cigale chante / quand le soleil est à son comble, / et meurt en chantant sans sentir la chaleur. / Je chante, je vis, / et pourtant je sens dans mon cœur / plus de chaleur que lui. / Ainsi va mon destin. / Si je pouvais mourir en chantant, / comme je serais heureuse.


Orphée peut se déplacer impitoyablement en Enfer; / il pleure, il supplie, il soupire, / et implore pitié au son de sa lyre : / Je pleure et je supplie une belle cruelle, / trop résistante à l’amour. / Ainsi va mon destin. / Si je pouvais mourir en chantant, / comme je serais heureux.


Stefano Landi - Canta la Cicaleta

Trad G&J




Canta la cicaleta

Quand’è ‘l sol più cocente,

E si more cantando e non lo sente,

Io canto, e vivo,

E pur sento nel core

Di lei caldo maggiore.

Cosi vuole il mio fato,

S’io morissi cantando,

O me beato.


Muove Orfeo lempia Dite;

Piange, prega e sospira

Et impetra pietate al suon di lira:

Io piango e prego una crudele e bella,

D’amor troppo rubella.

Cosi vuole il mio fato,

S’io morissi cantando,

O me beato.







Anglais-Français




Litany in D Minor

Ana Maria Caballero


In the bedroom of my midlife, 

I summon god each night. 


What god?


How it feels: my skin shrinks from air, 

wishing to recede

into another realm,


but I cannot know what it means


I have no say in the way

I arrive, 

night after night,

to beg of this screen an answer

to offer to that factual world of other, 


as justification, yes, but also--

so god is my witness--


as gift.




Litanie en ré mineur 



Dans ma chambre de milieu de vie, 

j'invoque Dieu chaque nuit. 


Quel dieu ?


Voilà ce que je ressens: ma peau se contracte dans l'air

souhaitant se retirer

dans un autre royaume,


mais je n'arrive pas à comprendre ce que cela signifie

il n'y a rien à dire sur la façon dont

j'en arrive, 

nuit après nuit,


à implorer cet écran pour une réponse factuelle

à apporter à l'autre monde, 


comme justification, oui, mais aussi 

- que Dieu m'en soit témoin -


comme cadeau.


(traduction: Air)



***



668 


La '' Nature'', c'est ce que nous voyons -

La Colline - l'Après-midi -

L' Écureuil - l'Éclipse - le Bourdon -

Non - la Nature, c'est le Paradis -

La Nature, c'est ce que nous entendons -

L' Ortolan - la Mer -

Le Grillon - le Tonnerre -

Non - la Nature, c'est l'Harmonie -

La Nature, c' est ce que nous connaissons,

Mais sans savoir bien l'exprimer

Tellement Notre Sagesse est entravée

Par sa Simplicité.


Emilie Dickinson

Trad G&J


668


"Nature" is what we see—

The Hill—the Afternoon—

Squirrel—Eclipse— the Bumble bee—

Nay—Nature is Heaven—

Nature is what we hear—

The Bobolink—the Sea—

Thunder—the Cricket—

Nay—Nature is Harmony—

Nature is what we know—

Yet have no art to say—

So impotent Our Wisdom is

To her Simplicity.


Emilie Dickinson





laisser entendre, discrètement, qu’une grande déclaration doit être faite:

"Les mots sont plus chauds que la flamme », mais s’il y a trop de feu, tu finis avec rien.


J’écris des mots, et je dis de doux riens, mais les gens cessent de me croire non parce que je suis un menteur, mais parce que je suis le menteur des menteurs… mais parce que la vérité belle et toujours renouvelée, chaude, débordante, compréhensive, est fatigante.


Un meurtre et un cadavre dissous dans un acide puissant donne une vision fascinante, portée par les mots, ça ne peut que te brûler quand tu es déjà en feu, mais peut-être n’as-tu pas remarqué.


Et je peux dire qu’il fait chaud, qu’il fait clair, mais c’est trop de feu

et mes paroles ont brûlé dans le vide.


Andrew Nightingale

Trad. G&J


Le 31 juil. 2022 à 21:08, Andrew Nightingale <zweihanderdawg@gmail.com> a écrit :


let it be known, Anonymously 

That there is a grand pronouncement that must be made:

"Words are hotter than flame"

But if there is too much fire,

You end up with nothing.


I write words, and say sweet nothings

But people stop believing me

Not because I am a liar, I am the Liar of liars....

But because the beautiful, ever renewing truth

Warm, overflowing, understanding

Is tiresome.


A murder and a dead body dissolved in powerful acid

Is a riveting vision, brought by words,

That can only really burn you

When you are already on fire

But maybe didn't notice


And I can say that it is warm, that it gives light 

But there is too much fire

And my words burned into emptiness.


A.N.


****


Anglais - Français



ANA MARIA CABALLERO 



Room


 

i’m a different woman in every room             in the kitchen efficient              operative as fork quiet in the bedroom                tiptoe to avoid discourse          the weight of telling you

everything is fine       nothing happened        in the bathroom confessional                 thoughts bend

into curve hungry as the dip that concludes my spine          the volume of forward                 of

woman who stays        in the nursery nostalgic            i summon the past        a love of distant

animals            whales               i recall a birth in the city          but corridors and orbits circle me

further back to a village fit for a child              to music recitals           where grandmothers pace

with wet hair                and always a radiola wails argentine protest songs                    in the living

room watchful          caution girdles my methods          i observe the strawberry i drop on the floor

upon which another might slip             everything is hardwood            formica shelves new but

coated in dust                parked in the driveway generous        i prepare the wits and gifts to present

believe i will sleep unaided      formless and flexible  like the babe in my belly           like the shape

of my tongue about to commit              no one is lonelier          than the woman who is loved

 

   

 

Dans chaque pièce


 

je suis une femme différente dans chaque pièce              dans la cuisine aussi efficace et fonctionnelle             qu'une fourchette              silencieuse dans la chambre       sur la pointe des pieds pour éviter les discussions       le poids de te dire       tout va bien      il ne s'est rien passé              dans le confessional de la salle de bain              les pensées se tordent en courbe avide comme le creux qui conclut ma colonne         l’étendue à l’avant                 de la femme qui reste        à la crèche nostalgique        j'invoque le passé       un amour pour de lointains animaux           baleines              je me rappelle une naissance en ville         mais les couloirs et les orbites m’entrainent      plus loin dans un village pour enfant           dans des récitals de musique         où les grands-mères battent le rythme avec leurs cheveux mouillés                et toujours une radio qui hurle des chansons argentines engagées             vigilante dans le salon       avec mes gaines de soutien        j'observe la fraise que je lâche au sol          sur lequel quelqu’un pourrait glisser        du parquet partout        des  étagères en formica  neuves et pourtant couvertes de poussière              garée dans l’imposante allée              je prépare ma finesse d'esprit et tout ce que je pourrais offrir           en imaginant pouvoir dormir sans aide      souple et lisse        comme  le bébé dans mon ventre           comme la forme de ma langue sur le point de parler        personne  n'est plus seule         que la femme qui est aimée



****


Pointillism

 

Not the life I dreamed

is not an effective way to say—

this is not

the life I dreamed.

 

Preferable to deliver

the concept abstractly,

 

from the distant clean of metaphor:

 

the curt, indigo waves

of Lake Okeechobee

veil drifting alligators well.

 

But even allegory baits trouble.

 

Thoughts, like gators, if unprovoked,

glide by.

 

Better yet to not articulate—

to verbalize no

thing.

 

Or, to concede—

 

Honey,

I love you.

 

You are a terrific father,

a terrific man.

 

My nipples are bleeding

from feeding our baby.

 

That is all.

 

 

Pointillisme

 

Pas la vie dont j'ai rêvé

n'est pas une bonne façon de dire—

ce n'est pas

la vie dont j'ai rêvé.

 

Il vaudrait mieux accoucher 

du concept de manière abstraite,

 

depuis la lointaine netteté de la métaphore :

 

les brusques vagues indigo

du lac Okeechobee

masquent bien les alligators qui rôdent

 

Mais même l'allégorie pose problème.

 

Les pensées, comme les crocos, glissent quand on ne les provoque pas,

 

Mieux vaut donc ne pas articuler...

ne pas verbaliser

rien.

 

Ou concéder...

 

Chérie,

Je t'aime.

 

Tu es un père formidable,

un homme formidable.

 

Mes mamelons saignent

d'avoir nourri notre bébé.

 

C'est tout.


***


Sense of Humor

 

Even though I am not funny,

my son laughs.

His laughter does not make me feel funny,

but beholden—

like I owe him a joke now,

like I better get funny soon,

before he is old enough to remark

that mommy is not funny,

but somber—

a string pulled from its spool

into a snap horizon.

You need not drop your gaze.

If it becomes hard to see me

I will be the first to say—

turn away.



Sens de l'humour 


Même si je ne suis pas drôle 

mon fils rit

Par son rire je ne me sens pas drôle 

mais redevable—

comme si je lui devais maintenant une blague 

comme s’il vaudrait mieux rapidement devenir drôle,

avant qu'il soit en âge de se rendre compte 

que maman n'est pas drôle 

mais maussade

un fil tendu entre la bobine

et un horizon immédiat

Tu ne dois pas baisser les yeux.

Si cela devient difficile de me voir

Je serais la première à dire—

Éloigne-toi



 




Traduction: Air.








Night Shift


Night, also a coat. Pack sack on a chair in the empty theatre, red carpet and balcony surrounding your head spelling its busy mechanisms. Dialogues of great fur, business of eating still in the air. Candid twists. Outside winter add one more layer to the walls. Wind feels in a cage, ribs written by celestial bodies. Odds, prescriptions. Smile of the girl with wild teeth in the machines chamber, blanket waiting in your room, page of invalidity. Snow evolve by sandbox music. Orange lights on the street mean you will move the tired caravan again. Smoke of a cigarette bring comfort to the weightless pavements. A homeless sleep bare fists against the ice fallen against your front steps. Holiday carols, parlours, stubbornness of peers, on repeat. A small purse of hours lingering, to purchase self esteem. Cutted wrists of trees haunting the stillness of ideas. Idleness, borrowed fairies. I drink maintaining the locks. Covert tombstones, mute marble motions, stamps of madness. For love the cuteness of stuffed ropes. Bridges of pace in peace, snuff baskets. Which tune dial, which magical lens deal. Another headday, plastic numbers in the ice cubes mold. Vacuum cleaner. For rent. Dead leaves to buy heavens. Backyard recess. Delicious crust of flesh, sutras of fetishes. Factories chimneys and fetus lines. Baking the beads. Silksick.



Mathieu Frot



Quart de Nuit



Nuit, aussi un manteau. Sac à dos sur une chaise dans le théâtre vide, tapis rouge et balcon entourant votre tête épelant ses mécanismes engagés. Dialogues de grande fourrure, affaire à manger encore dans l’air. Contorsions candides. Dehors l’hiver ajoute une autre couche aux murs. Sensation de vent dans une cage, côtes écrites par des corps célestes. Cotes, prescriptions. Sourire de la jeune fille aux dents sauvages dans la salle des machines, couverture en attente dans votre chambre, page d’invalidité. Neige évolue par musique de sablier. Les feux oranges dans la rue impliquent de devoir encore déplacer la caravane fatiguée. La fumée d’une cigarette apporte son confort aux trottoirs en apesanteur. Un sans-abri dort poings nus contre la glace écroulée sur votre seuil. Chants de Fêtes, salons, entêtement des pairs, sur repeat. Une petite bourse d’heures qui s’attarde, pour se procurer de l’estime de soi. Poignets tranchés d’arbres hantant le silence des idées. Désœuvrement, fées d’emprunt. Je bois à la maintenance des verrous. Tombes dérobées, mouvements muets du marbre, timbres de folie. Pour amour le charme de cordes en bourre. Ponts de pas en paix, filets à éteindre. Sur quelle chanson arrêter, quelle lentille magique marchander. Un autre jour en tête, chiffres en plastique dans le moule à glaçons. Aspirateur. À louer. Feuilles mortes pour acheter le paradis. Jusant d’arrière-cour. Délicieuse croûte de chair, sutras de fétiches.  Cheminées d’usines et cordes à fœtus. Cuire les grains du chapelet. Mal de soie.


 trad. G&J


G&J





FRANÇAIS - ANGLAIS



 

La licate

 

Prenez par exemple un fruit. la licate. la licate est une chose délicate. 

elle est le fruit de la délicatesse. la délicatesse s'enracine rarement dans le cate. le cate est le produit du hasard. et le hasard ne se fissure pas comme du vulgaire béton. on trouve quelques fois de poussifs rameaux couverts de licates dans ses fissures.

 

 

La conlisse

 

Les licates. les conlisses. vous ne trouverez pas

ces mots dans le Robert & Collins puisque 

c’est moi 

qui les 

ai

in.ven.tés. ces mots.

 

 

 

L'amourlock

 

L'amourlock. ok mais après. si c'est tout c'est pas assez. c'est nul. 

mais fortitude en moi vaincra. je surmonterai l'obstacle. je le 

surmonterai dans la douleur. j'endurerai. j'irai au bout de ce que 

je ne voulais pas dire. pouvais pas dire. au fond de la douloureuse 

merde qui monte en moi. insupportable honte d'avoir à prolonger l’a-

gonie du texte. tant que je peux. et ce n'est pas chose facile. 

 

 

…vous vous en doutez.

 

 

  

 

Le conmot

 

Pour traduire le conmot avec respect il faut peser en premier le choix du mot dans la langue originelle. une fois qu’on a vu. écouté. comparé. senti, reniflé. compris. mémorisé quel était le choix du mot dans la langue d'origine alors on peut procurer un mot équivalent au mot. le seul. l’unique. l'originel. de façon à traduire le conmot avec respect.

 

 

 

 

Le verbissoir

À Maheva Hellwig

 

 

Qu'est-ce que le verbissoir sinon l'outil littéraire servant

à percevoir le dérisoire. la puissance illusoire du message 

apparu en noir sur écran blanc. spécialement pour toi.

 

 

 

La pourquoite

 

Quand des jeunes filles se trouvent entre elles que font elles.

elles causent. oui, mais encore. elles jacassent. oui. d’autres

choses encore. elles brillent. elles sont acides. quoi encore.

elles sont acides. mais encore. elles sourient. beaucoup.

énormément. pour trois fois rien. pourquoite.

 

 

 

Le détestaimer

 

La question c'est. soyez passive détendez-vous. détestez-vous autant que ça d’être aimée. non. la question. c'est. es-tu une personne aimée ou détestée d'une autre personne. non. la question. c'est. être ou ne pas être. voilà le point chaud chaud chaud. le reste n'est que résignation. déception. ou agacement.

 

 


L’interquitte


L’amour. l’amitié. même étreinte. même fin. entre qui et qui.

pourquoi fin. qu'une machine à tisser la toile à l’envers 

enroule le fil de lettres qui donne la réponse. exacte.

embobiné entre qui et qui le mot. 


 

Isabella Paparazzo

 


 

The licate

 

Take for example a fruit. the licate. the licate is a delicate thing. 

it is the fruit of delicacy. delicacy rarely takes root in the cate. 

the cate is the product of chance. and chance does not crack like ordinary concrete. there are sometimes dusty branches covered with licates in its cracks.

 

 

The conlisse

 

 

The licates. the conlisses. you won't find

these words in the Robert&Collins. since

i

have

in.ven.ted them. these words.

 

 

 

The amourlock

 

The amourlock. ok but afterwards. if that’s all it’s not enough. it’s null. 

but fortitude in me will overcome. I will overcome the obstacle. I will 

overcome it in pain. I will endure. I will go to the end of what I did 

not want to say. could not say. at the bottom of the painful shit that 

rises in me. unbearable shame of having to prolong the agony of the text. 

as long as I can. and it’s not easy. 

 

... you can imagine.

 

 

The conmot

 

To translate the conmot with respect. you must first weigh the choice of the word in the original language. once you have seen. listened. compared. felt. sniffed. understood. memorized what was the choice 

of the word in the original language then you can provide a word equivalent to the word. the only. the unique. the original . in order to translate the conmot with respect.

 

 

 

 

The verbissoir

To Andrew Nightingale

 

What is the verbissoir if not the literary tool serving

to perceive the derisory. the illusory power of the message 

appeared black on white on the screen. especially for you.

 

 

 

 

The whyoo

 

When young girls are between them what they do. they cause. yes.

but still. they gossip. yes. others things yet. they shine. they’re acidic. what else. they are acidic. but still. they smile. a lot. a lot. for three times nothing. whyoo.

 

 


The hatlove


The question is. be passive relax. hate yourself so much that being loved. no, the question is. are you a loved or hated person of another person. no, the question is. being or not being. voilà. a hot hot spot. the rest is resignation. disappointment. or annoyance.

 


The interquit


Love. friendship. same embrace. same end. between whom and whom.

why end. that a web weaving machine upside down wrap the string of letters that gives the answer. exact. rolled up between who and who the word. 

 

Izabella Paparazzo

Trad. Gilles&John

 





Anglais - Français



Come to me, My dream!




The words are heard with magical zeal


Demon is wished to make a deal,


confirming the agreement with a powerful seal,


Oh no, my dream is not Evil's meal.




I greedily pray to God,


my word is heard like a loud petard,


in hoping to get justified awed.




Come to me, My dream!


I've been waiting for You all my life


Just now I have only a beautiful wife.



Viatcheslav Konoval




Viens à moi, Mon rêve !




La parole s'entend avec un zèle magique on demande le démon au marché

pour l'accord confirmé de son puissant sceau oh non, mon rêve ce n’est pas le repas du Mal


Je prie le Dieu ardemment ma parole s'entend comme un pétard bruyant dans l'espoir d'en être impressionnée


Viens à moi, Mon rêve ! Je t’ai attendu toute ma vie à cette heure je n’ai qu’une belle dame.




Viatcheslav Konoval


Trad. de l’anglais Gilles&John







Kabyle berbère - Français


 

Ggulleɣ seg Tizi-wuzzu

armi d Akfadu

ur ḥkimen dg’ akken llan

 

A neṛṛez wal' a neknu

axiṛ daεwessu

anda ttqewwiden ccifan

 

Lɣwerba tura deg uqerru

welleh ard a nenfu

wala leεquba ɣer yilfan

 

Si Mohand 


 

J'ai juré que de Tizi-Ouzou 

 Jusqu'à Akfadou 

 Nul ne me fera subir sa loi 

 

 Nous nous briserons Mais sans plier 

 Plutôt être maudit

  Quand les chefs sont des maquereaux 

 

 L'Exil est inscrit au front 

Je préfère quitter le pays 

Que d'être humilié parmi ces pourceaux


trad. Marc Bedjai

                                  





Russe - Français



Во сне


Чёрную и прочную разлуку

Я несу с тобой наравне.

Что ж ты плачешь?

Дай мне лучше руку,

Обещай опять прийти во сне.

Мне с тобою как горе с горою…

Мне с тобой на свете встречи нет.

Только б ты полночною порою

Через звёзды мне прислал привет.


Анна Ахматова, 1946




En rêve


Cette séparation sombre et définitive,

Nous la portons ensemble.

Pourquoi pleures-tu?

Donne-moi plutôt la main

Et promets de venir me voir

En rêve.

Toi et moi, côte à côte comme deux montagnes...

Toi et moi, jamais sur Terre nous ne nous reverrons.

Puisses-tu au moins, au milieu de la nuit,

Me saluer par-delà les étoiles.


Anna Akhmatova, 1946


Traduction du russe par Air



***



О, как же я хочу…


О, как же я хочу,

Не чуемый никем,

Лететь вослед лучу,

Где нет меня совсем.


А ты в кругу лучись –

Другого счастья нет –

И у звезды учись

Тому, что значит свет.


Он только тем и луч,

Он только тем и свет,

Что шопотом могуч

И лепетом согрет.


И я тебе хочу

Сказать, что я шепчу,

Что шопотом лучу

Тебя, дитя, вручу...


О́сип Мандельшта́м, 1937




Ô comme j’aimerais

Invisible et captieux

Être absent du trajet

D’un rayon lumineux


Et quel plus grand bonheur

Qu’une voute étoilée ?

Apprends dans sa lueur

Le sens de la clarté


Tout juste un rai d’azur

A peine scintillant

Un tout puissant murmure

Un doux balbutiement


Et j’aimerais te dire

D’un souffle murmurant

Je te confie pour luire

Au rayon, mon enfant


Ossip Mandelstam, 1937


Traduction du russe par Air



Anglais- Français



Cinq Poèmes d'Andrew Nightingale pour la revue lpb

traduction de Gilles&John




L'origine de la couleur


Un bizarre rouge fut une fois découvert, le vermillon ortie, sur la plume d'un chapeau de dame.

L'enquête suggère qu'elle pourrait provenir d'un paon nourri d'un régime microphosphoreux.

Pour la plupart, cependant, les photons ne sont pas assez petits pour une description totale de l'iris humain, sans parler de l'iris mythique.


La couleur n'est pas une feuille.

Je ne la mettrais pas en bocal 

sans la raffiner en poudre blanche,

mais s’il te faut vraiment savoir, de multicolores nanoplastiques furent autrefois utilisés dans une mosaïque

Aussi grande que les sept océans réunis.

(Il est évident qu'une telle synthèse dépasse l'entendement)

La dynamique fluide de l'aquarelle peut être capturée même en mouvement.


C'était l'étoile fantôme rouge

Cela nous a montré que la première couleur primaire

était plus insaisissable qu'une pieuvre argentée de l’espace.

Cependant, il y a ces observateurs exaltés, observant la science avec la science, qui

se cloîtrent et méditent sur la pieuvre

Que le Vénérable Professeur Plénipotent Docteur Rodimus Vindicatus a une fois attrapée.

Il était pratiquement seul dans ses visions sur la couleur,

couleur vituelle s’il en est, 

surpassant même l'aigle naissant.


La danse des deux couleurs élémentaires, proto-rouge et electro-bleue,

Laisse une couronne vide qu’occupe la dualité neutro-verte/neutro-jaune.

La théorie générale relative aux minipigméspigmants,

qui sont eux-même plus atomiques que les atomes,

mais pas aussi atomiques que les subminipigméspigmants,

prend autant de tomes qu’il y a de pièces à Buckingham Palace.

La fondation de base

De cette théorie est soigneusement étayée par des données fantômes,

et par les gribouillis post-mortem du Dr Vindicatus lui-même,

avec une probabilité de un sur dix-mille.

Rien n’est sous-entendu, mais avec une probabilité aussi faible soit-elle,

Nous nous devions de la mentionner.


Le super-Walmart des idées, en gros,

A vu la théorie passer le test du consommateur,

qui sait que de telles théories prennent toute une vie à ne serait-ce qu'essayer de comprendre

et plus longtemps encore à communiquer. Avec instrospection dans un espace quadricolorimensionnel,

La multitude heureusement éduquée imagine qu'elle peut presque voir le rouge

tel qu'il est vraiment.


 


 


The origin of Colour


 An outlandish red was once discovered, the vermillion knide, on the feather of a lady’s hat. Investigation suggests it may have come from a peacock fed a diet of microphospherous. For the most part, however, photons are not small enough for the total description of the human iris, let alone the mythical iris.


Color is not a leaf.

I wouldn’t put it in a jar

without refining into white powder,

but if you must know, colorful nanoplastics were once used in a mosaic

As big as all seven oceans put together.

(it is well known that such a synthesis is beyond imagination)

The fluid dynamics of watercolor can be caught even in motion.


It was the red ghost star

That showed us the primary primary color

Was more elusive than a silver space octopus.

Yet there are those exalted observers, observing science with science, who

Cloister themselves and meditate on the octopus

That the Venerable Full Professor Doctor Rodimus Vindicatus once caught.

He stood virtually alone in his insight into color,

virtual color though it may be,

Surpassing even a fledgling eagle.


The dance of the two elemental colors, proto-red and electro-blue,

Leave a wreath-vacuum for the neutro-green/neutro-yellow duality to occupy.

The general relative theory of minipigmypigments,

which are even more atomic than atoms,

but not quite as atomic as subminipigmypigments,

take as many tomes as there are rooms in Buckingham Palace.

The base foundation

Of the theory is thoroughly supported by ghost data,

and the death scribblings of Dr Vindicatus himself,

with a probability of one in one ten-thousand.

Nothing is beneath mentioning, but with a probability that small,

we might as well mention it.


The super-Walmart of ideas, by and large,

has seen the theory last the test of the consumer,

who knows such theories take a lifetime to even try to understand,

and longer to communicate. With introspection into four-colordimensional space,

The many happily educated imagine they can almost see red

for what it really is.


 


 


Blue Shell


If every rhyme were true,

How blue the sky would be;

How i would know i were me

And not a vessel for a crowd.


"Did you say a cloud?"

"Thats your foggy cochlea speaking."

"White noise you mean?"

"Like the sound of the ocean,

Caught in our great blue shell."




Conque bleue


Si chaque rime était vraie

Combien le ciel serait bleu;

Combien je saurais que j’étais moi

Et pas la nef d'une foule.


« Tu as dit un nuage?"

"C'est ta cochlée brumeuse qui parle."

"Bruit blanc tu veux dire?"

"Comme le son de l'océan,

Pris dans notre grande conque bleue."



 



Sex and Dearth


 


When I was young I could be among rocks.


Their mystery was solid,


Forming a hidden creation story.


In the beginning, everything was


 


In the midsection, indifferent,


Now she is revealed,


Her solidity just another surface.


Oh to be among rocks again.


 


 


 


Sexe et manque


 


Quand j'étais jeune, je pouvais me tenir parmi les rochers.


Leur mystère était solide,


Formant une histoire cachée de la création.


Au début, tout était


 


Intermédiaire, indifférent,


Maintenant, elle s’est révélée,


Sa solidité, juste une autre surface.


Oh me tenir à nouveau parmi les rochers.


 



The Winnower


Winnowing the sand,

The fine ones sail first.

The subtleties do not stay.


A fresh easter wind will have hints,

Meaningless meanings of grass and pine.

To ignore these hints:

Even the wolf or bear does not live so brutally.


An awareness of things light

Keeps my foot off the gas peddle a little more

And saves the waif of an old man

From dying today.


Unseen for his tenuousness,

His mind of such strength

To direct his shaking foot 

In front of the other

As he walks transparent in front of my car.


The winnower sifts such minds off the face of the earth

By droves every day.


I do not know this presence in my mind

That keeps those on the verge of flight

Alight on this earth,


But it is these men and women

Who keep the winnower 

From taking the earth.


 

 

 

 

 

Le vanneur


Vanner le sable,

Les fins naviguent en premier.

Les nuances ne tiennent pas.


Un vent frais de Pâques en dira plus long,

Signification dénuée de sens d'herbe et de pin.

À ignorer ces indications :

Même le loup ou l'ours ne vivent pas si brutalement.


Une conscience des choses légères

Éloigne un peu plus mon pied de la pédale d'accélérateur

Et sauve l'épave d'un vieil homme

De la mort aujourd'hui.


Invisible pour sa ténuité,

Son esprit d'une telle force

Pour diriger un pied tremblant

Devant l'autre

Alors qu'il marche transparent devant ma voiture.


Le vanneur élimine de tels esprits de la surface de la terre

Tous les jours en masses.


Je ne connais pas cette présence dans mon esprit

Qui maintient ceux sur le point de fuir

Allumés sur cette terre,


Mais ce sont ces hommes et ces femmes

Qui gardent le vanneur

De prendre la terre.


 


 


Let's be birds in human bodies


 

Her mind crawled inside a chrysalis


With her verb nouned


 


"Let us suppose," says Socrates to Theatetus, "that the mind is an aviary"


And Timeas offers "Out of the innocent, light-minded"


Those with a clear sky for an aviary


"Transform into birds and grow feathers instead of hair.


 


And missiles in the air, as they are today,


Bring my sister flutters in her stomach


She says they are real butterflies


And that buzzing could be any electronic,


But for now it is still bees,


They are asking us to suppose


Our transmogration


Into a verb.


 


 


 


 


Soyons des oiseaux dans des corps humains


 

Son esprit a rampé à l'intérieur d'une chrysalide


Avec son verbe substantif


 


« Supposons » dit Socrate à Théatète, « que l'esprit soit volière »


Et Timeas propose "Hormis l'innocent, l’esprit léger"


À eux, au ciel clair pour volière,


« Transformez-vous en oiseaux, faites pousser des plumes au lieu des poils ».


 


Et des missiles en l'air, comme ils le sont aujourd'hui,


Font vibrer l’estomac de ma soeur


Elle dit que ce sont de vrais papillons


Et que ce bourdonnement pourrait être n'importe quoi d’électronique,


Mais pour l'instant ce sont encore des abeilles,


Elles nous demandent de supposer


Notre transmigration


En verbe.


***


Ket - Français


AIR

 


Langue en voie de disparition: poème en ket


 

Le ket est un idiome présent en Sibérie, dernier survivant de la famille des langues ienisseïennes. Il ne compte plus aujourd’hui qu'environ 200 locuteurs, ce qui fait craindre pour sa transmission au-delà de la deuxième génération.Langue

 

La sauvegarde de poème en langue ket soulève la question de la transcription et celle de la traduction. Un linguiste allemand, Heinrich Werner, spécialiste des langues ienisseïennes a créé à la fin des années 1980 un alphabet basé sur le cyrillique pour le ket. Il a également travaillé sur les méthodes d’enseignement de l’idiome dans les écoles et a composé en 1999 un ensemble de poèmes basé sur le folklore, les mythes locaux et l’histoire récente. Ce recueil a été écrit en ket et en russe, en vue d’être utilisé comme livre de lecture dans les classes.

 

La traduction en français d’un extrait de cet ensemble n’a été possible que grâce à celle écrite en russe par H. Werner lui-même; les qualités de linguiste et la sensibilité poétique de H.Werner ne sont sans doute pas étrangères à la clarté du poème après ces différents passages d’une langue à l’autre.

 

 

PRÉDICTIONS

 

En visitant la forêt, / Un endroit calme / Bordé de mélèzes anciens, / Mon frère a parlé / Avec l'Être invisible. / Il connaissait la destinée,/ Entière de son peuple / Et ce fardeau secret / Laissait sans repos / Son âme omniprésente. / Il lui a parlé des gens / Qu'il faudrait prévenir /n voi

Et pour qui viendra le tour / De baisser la tête / Et verser le sang d'innocents. / Leur chemin sera pénible: / En pleine force de l'âge / Quitter le monde, cette lumière, / Arroser le sol de sang / Et oublier la maison natale. / Il la voit, la horde / Plus effrayante que l'ancien maître / Défiler de nouveau / En hurlant des chants / Parsemés d'étoiles rouges. / Il la voit, cette foule, / Devant les portes grandes ouvertes / Puisant l'eau brûlante / Sans même aller chasser: / Elle a oublié ses enfants.e

 

Chanson sur mon frère, Heinrich Werner, 1999

Traduction du ket via le russe par Air