Le dépôt
Notes 2 - Avedegor Lourfique - J.M. Maubert - M. Hellwig - M. Lorin - T. Saja - A. Nightingale - T. Felix- P. Lamarque - Q. Gillier - Simon Langevin
L'OMBRE JAUNE
Imaginons le comateux se réveillant dans une jarre en janvier 2022. Imaginons le suffisamment statisticien pour ne pas confondre les pommes, les poires et les bananes; assez statisticien pour comprendre qu'une cloche est une distribution normale et que l'exaspération d'une asymptote est infinie. Bien qu'il ne soit ni médecin ni chamane, seulement câdre très moyen, Michel est quand même doté d'un cerveau apte à la réflexion scientifique. Il peut comprendre ces choses simples que sont, par exemple, les échanges hydriques entre mers et nuées; il comprend pourquoi les nuits sont froides dans le désert des Mojaves et pourquoi certaines roses fleurissent à travers le quartz. Il revient chez lui après cette longue absence, enlève son chapeau démodé de 2019, dépoussière son canapé et allume la télé. Il apprend, estomaqué, que la planète est ravagée par une horrible pandémie nécessitant un état d'urgence permanent et la mise en place de lourdes restrictions sanitaires. Essayez juste un instant (mais essayez vraiment - essayez, essayez, essayez de toutes vos forces) d'imaginer la brutalité du choc pour un cerveau encore épargné par ces deux années de propagande. Tous, grands et petits, femmes enceintes, hommes troncs, doivent obligatoirement se faire inoculer un produit dont le pauvre Michel n'a encore jamais entendu parler. Mettez-vous à sa place. Les gens de la télé parlent de vaccin, mais ce qu'ils décrivent ne correspond pas aux définitions qu'il a apprises à l'école de ce qu'est un vaccin. Car ce messager, comme ils disent, ce messager divin, ce messie, ne semble ni empêcher de contracter la maladie, ni même de la transmettre. Et en plus, on doit se le faire injecter obligatoirement tous les quatre mois! Pourtant Michel n'est ni gilet jaune ni particulièment méfiant envers le gouvernement; il croit même, ça vous étonne, que la terre est ronde et que le soleil est fixe par rapport à ses satellites. Mais Michou, son cerveau, eh bien il date de 2019; et à cette époque déjà lointaine il était normal de se poser ce genre de questions. Et dans sa volonté de comprendre le monde étrange et inquiétant dans lequel il s'est réveillé, il épluche rapports gouvernementaux et autres pommes de terres officielles, et découvre avec stupéfaction que ce virus n'aura été responsable, en France, en moyenne, en 2020, que de 3% des entrées hospitalières. Mais qu'a-t-il bien pu se passer sur cette planète de fous pendant ces deux années d'absence ? De plus en plus paniqué, il essaiera, en vain, de partager ses angoisses avec ses proches. Il parlera certainement de contrôle des populations, de mensonges d'état, de tyrannie, de totalitarisme, voire même de dictature sanitaire... Vous vous imaginez l'erreur ? Car on dira bien vite de lui: le cerveau de Michel a dû manquer de beaucoup oxygène durant son long coma. Lui qui était autrefois si intelligent, le voilà maintenant qui nie la science et sombre dans le complotisme. Et ces gens-là affirmeront plus tard, au musée, arborant avec fierté leurs passeports vaccinaux, qu'on sent très bien l'influence du graphisme mongol dans les toiles de Vladimir Kandinsky. Ce ne serait pas trop accablant dans la mesure ou ils n'auraient pas vanté les clairs-obscur de Rembrandt dix minutes plus tôt. Et c'est entouré de ces grands intellectuels que Michel, ressuscité d'entre les morts, devra passer le reste de sa vie de complotiste foutu.
Avedegor Lourfique
FORME ET MIMÈSIS. LE DANGER D’UNE RESTAURATION [partie 1]
Dans ma novella Pénombres [1] apparaît l’étrange figure de Gottfried B., qui est d’une certaine manière un double du médecin et poète Gottfried Benn. Benn est l’un des plus grands poètes expressionnistes. Il fait du poème un absolu ; le traite comme une forme solipsiste et intense, énigmatique. Ce poète violent, douloureux — fulgurant —, succomba pendant une courte période aux sirènes nationales-socialistes. On se souvient du triste épisode où il répondit (avec une terrible mauvaise foi) à Klaus Mann. Benn se rendra compte de son erreur (il écrira, avant la fin de la guerre, des poèmes anti-nazis, qu’il fera éditer à compte d’auteur). Adorno accordait un certain crédit à Benn, comme le montre ce passage d’une lettre au poète Peter Rühmkorf : « Benn a commis politiquement des horreurs, mais en un sens politique plus élevé il a toujours plus à voir avec nous que beaucoup d’autres [2]. » Quelle serait cette parenté, a priori fort improbable ?
Il est possible de faire l’hypothèse que la quête esthétique de Benn, de même que ses sinistres errements, peuvent être interprétés (en partie) à l’aune de la conception adornienne de la mimèsis.
L’oubli de la mimèsis est au cœur de La Dialectique de la Raison. La mise en tension critique de la science et de la magie, par exemple (à travers le rapport de cette dernière au sacrifice — l’animal sacrifié étant choisi pour ses particularités, son unicité, ce qui fait de lui un substitut et le sacralise), permet de montrer que « [dans] la science, (…) [la] possibilité de substitution devient fongibilité universelle. Un atome n’est pas considéré comme un élément de remplacement lorsqu’on le désintègre, mais comme échantillon de matière et le lapin ne va pas au laboratoire comme suppléant : c’est en tant que spécimen qu’il y est martyrisé. Du fait que, dans la science fonctionnelle, les différences sont si floues que toute chose se perd dans la matière une, l’objet de la science est pétrifié et le rituel rigide de jadis paraît souple, puisqu’il substituait une chose à une autre chose [3]. » La particularité, la non-identité des êtres, constitutives de la dimension mimétique, se trouvent effacées par l’objectivation instrumentale. Comme le dit Gilles Moutot : « [en] toute rigueur, il faudrait toujours entendre, lorsqu’Adorno parle de la mimèsis, le « comportement mimétique » d’un sujet apte à faire cette « expérience non réglementée » : être sensible — se rendre semblable — à l’"indéfinissable dans les choses" (selon le mot de Valéry qu’Adorno citait volontiers) plutôt que d’assimiler celles-ci aux déterminations de l’"objet" [4]. » L’art lui-même porte les stigmates de cette négation par la raison instrumentale de la dimension mimétique. En témoigne la dialectique du beau et du laid. Le laid a rapport avec la souffrance. Il exprime quelque chose de l’oppression [5]. Dans sa Théorie esthétique, Adorno élabore une dialectique complexe du beau et du laid au sein de laquelle il thématise le principe subjectif qui anime la raison comme violence de la forme (de la raison) exercée sur son (ses) autre(s) : la nature, extérieure et en nous (ce qui résonne avec les célèbres passages consacrés à Ulysse dans La Dialectique de la Raison). C’est le revers sombre du beau pensé comme principe d’harmonie. À l’encontre de l’art « harmonieux », l’art « authentique » montre/exhibe, à travers son travail sur les formes, la violence dont lui-même procède (celle de la raison, et de sa tendance totalitaire — penchant profond de la raison, identifié par Horkheimer et Adorno, et réalisé, exemplairement, dans le capitalisme tardif). Il ne s’agit pas pour l’art d’intégrer le laid pour le neutraliser, mais, au contraire, de l’intérioriser, le laisser « vibrer » par le biais de la dissonance (ce que l’idée du sublime laisse entrevoir) : l’art ne doit pas simplement pacifier ce que le laid fait entendre et laisse sourdre comme menace ; il faut le laisser gronder à travers la pureté même des formes. C’est ainsi que l’art dit quelque chose de cette contrainte/de cette violence de l’Esprit subjectif qu’est la raison instrumentale.
NOTES : [1] in Décombres, ed. de L'abat-Jour, 2021. [2] Stefan Müller-Doohm, Adorno. Une biographie, Paris, Gallimard, 2004, p. 381. Pour approfondir l’étude du « cas » Gottfried Benn (notamment son rapport à Nietzsche), on peut se reporter à l’article de Jacques Bouveresse : « Gottfried Benn, ou Le peu de réalité & le trop de raison », in Essais II. L’époque, la mode, la morale, la satire, Marseille, Agone, 2001, ainsi qu’au livre d’Alexandra Pignol : Gottfried Benn. Art, poésie, politique, Paris, L’Harmattan, 2010. On peut aussi lire en ligne l’article de Roger Coffin : « Gottfried Benn et le national-socialisme », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, 38-3, 1960, pp. 795-808. [3] Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, La Dialectique de la Raison, Paris, Gallimard, 1974, p. 28. [4] Gilles Moutot, Adorno. Langage et réification, Paris, PUF, 2004, p. 79. [5] « L’opprimé qui désire la révolution est vulgaire, selon les normes de la belle vie de la société laide, et rendu difforme par le ressentiment ; il porte tous les stigmates de la dégradation sous le fardeau de la servitude du travail, surtout manuel. » (Theodor W. Adorno, Théorie esthétique, Paris, Klincksieck, 1974, p. 78)
Jean-Michel Maubert
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Maheva Hellwig
Matthieu Lorin
Tom Saja
Grande question que l'anonymisation d'un texte. Toute perception artistique est influencée par un contexte précis. On se souviendra de ce virtuose du classique qui jouait des chefs d'oeuvres sur un Stradivarius hors de prix dans le métro et qui était boudé par les passants quand il remplissait des opéras le soir même pour jouer la même oeuvre sous ovation du public.
Pour en revenir à la poetry on se souviendra également du journaliste qui envoya anonymement les Chants de Maldoror aux éditeurs et se fit recaler.
Si l'ensemble des manuscrits étaient anonymes, la paysage poétique serait sans doute différent, certains auteurs qui arrivent à faire passer leurs textes car ce sont des quinzièmes, vingtièmes recueils avec la force et le pouvoir de vente d'un nom, se verraient recaler car leurs textes n'ont plus alors la puissance des premiers manuscrits. On y gagnerait en qualité peut-être, mais les maisons grinceraient des dents devant les chiffres de ventes.
Ce peut-être bénéfique, voir salvateur d'envoyer ses manuscrits anonymement, on sait alors que si l'on est choisi, ce n'est que pour son texte et non pour son nom.
Bon nombre de pseudonymes fleurissent sur LPB, c'est beau aussi, la pénombre de l'inconnu.
Andrew Nightingale
Altération de l’Univers
Le moustique, avec seulement un petit bout d’amour, fait tant de vie
tant de douleur, faim oui, mais vie aussi, une vie libre sur le vent,
parce que nous avons tous besoin d’un rappel pleurnichard de la liberté.
Pour sa résilience, je suis reconnaissant.
Et le cafard, qui continue quoi qu’il arrive et continue bien, préservateur de vie,
persistance dans l’épreuve de la vie, victime aussi. Parce que nous en souffrons tous,
je lui suis reconnaissant.
Et l’araignée, qui comprend le pouvoir mieux que quiconque, le trappeur féroce,
l’implacable, elle qui sait comment extraire notre essence même, elle peut nous
apprendre, elle n’a pas fini de nous enseigner. Pour sa sagesse, je suis reconnaissant.
Le ver, qui est aveugle, est un don dans les ténèbres, qui peut respirer avec sa peau
où il n’y a pas d’air, seulement la terre, le ver est le corps incarné, parce que nos
corps sont un don. De son corps je lui suis reconnaissant.
Le virus, le virus est le mot lui-même. Comment ça ? vous demandez.
Demandez au virus, et il vous indiquera comment il fait les choses.
Parce qu'il se répand comme le feu et cause troubles, malaise, insatisfaction.
C’est du fait que la parole se répand qu’elle peut façonner le monde.
Le sperme aussi est un virus, ne le saviez-vous pas ?
Sans le virus, nous ne serions pas du tout éveillés, même pas pour rêver.
Le néolibéralisme est un rêve, et le virus nous a secoués, allons-nous nous réveiller ?
C’est à cause du virus que nous pouvons faire le bien, nous sommes éveillés.
Pour cet éveil, je suis reconnaissant
Andrew Nightingale
Trad. G&J
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Notule sur les terrasses et leur vulgarisation.
" A Paris comme ailleurs, un virus à géométrie politique, sociale et économique s'est, depuis plus d'un an, payé de sacrées tranches de trottoirs. Il a bouffé, au pif au mètre et sur des kilomètres, 35 pour cent de piétons dont 9 pour cent d'espèces canines (peu de bâtards à Paname), 2 pour cent de rats, 5 pour cent de pigeons bizets, 9 pour cent de vieilles gens branlantes et duveteuses, 5 pour cent de handicapés avec béquille ou sans canne blanche, 3 pour cent d'enfançons désarticulés joueurs de ballon, 2 pour cent de mendiants venus de là-bas comme d'ici, porteurs de sombres nouvelles et un pourcentage résiduel d'insectes rampants délocalisés. Tout ce petit monde a été prié de se faire cuire un oeuf plus loin, de faire un écart, un détour, un saut dans le ruisseau, un bond sur la chaussée fumante pour laisser libre cours à un nouveau type de spectacle permanent à guichet ouvert. Ce virus municipal, au prétexte de rattraper les pertes subies par les cafetiers et restaurateurs à cause du confinement enculerrecodeur, a autorisé et encouragé l'expansion soudaine, pérenne et terrassante de terrasses en bois garnies majoritairement de buveurs barbus ou à couettes, percés et tatoués devant leurs pintes locales ou leurs verres de chardonnay élégant. Cette jeunesse avancée s'étale sur l'espace public qu'on lui a privatisé en le territorialisant. Elle s'expose au vent comme à la brise dans ses vitrines sans vitre, rutile, jubile, s'émulsionne, s'échauffe, se jauge, parade, échange ses enfants et ses bons plans pro, sous les yeux pressés, désargentés, nauséeux, usés ou désabusés des passants périphériques.
Je vous écris depuis la terrasse de mon convertible, un verre de whisky tourbé dans la goule.
Tristan Felix "
Tristan Félix
Pierre Lamarque
Quatre Ananké
Je propose une citation, aphorisme, maxime, écrite par Victor Hugo, pour la partie critique de la revue Lpb,
car je pense que la partie critique de notre revue polyphonique, comme sa partie poésie, n’est pas réservée
qu’aux auteurs de Lpb. Cette citation est une notule éclairante dans la mesure où Victor Hugo présente les
lois que se donnent les hommes sous le terme peu flatteur de préjugés, ce en quoi je l’approuve car les lois,
comme par exemple la Charte des Nations Unies, sont des préjugés, mais des préjugés nécessaires face à la barbarie.
Pour ma part j’aime caresser l’idée que les lois sont des préjugés. J’aime la relativité, le paradoxe, le koan,
je m’y sens à l’aise comme dans tout ce qui distingue l’éveil de l’égarement.
Pierre Lamarque
Notule de V. H.
«L’homme a affaire à l’obstacle sous la forme superstition, sous la forme préjugé,
et sous la forme élément. Un triple ananké pèse sur nous, l’ananké des dogmes,
l'ananké des lois, l’ananké des choses ».
Victor Hugo - Les travailleurs de la mer
La question des préjugés me semble très importante aussi bien dans l'espace de nos goûts que dans
celui de nos actions, nos paresses et nos abstentions…envisager les préjugés comme étant les fondements de la loi,
de toutes les lois, même des lois scientifiques, envisager les préjugés comme étant les fondements de la connaissance…
les préjugés masquent nos manques de jugement, masquent aussi nos silences paresseux ou pudiques.
Je crois qu’il y a un quatrième ananké qui pèse sur nous, pauvres humains, c’est notre réelle faiblesse intellectuelle,
en elle nous sommes tous égaux si nous ne le sommes pas en termes de force musculaire ou d’âge ou d’expérience
à travers les âges.
amitiés
Pierre
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ÉCRIRE
Raconter une histoire. Raconter des moments de vie saillants condensés en récit. Donner vie à des personnages, les inventer, les dessiner, les faire sortir du néant, et les regarder vivre, sans les asservir. Décrire le monde, le visible, l’invisible et l’au-delà. Figer le temps sur un instant si court qu’on pourrait difficilement croire qu’il a existé, ou sauter les siècles en une phrase. Mettre à plat sa subjectivité : se voir VOIR, se voir FAIRE. J’aime écrire, et découvrir en écrivant pourquoi j’écris. Pas forcément écrire ; réfléchir le monde comme on pourrait l’écrire, avec pour page blanche l’esprit et pour stylo, la pensée. Écrire, c’est extatique et douloureux. Douloureux, car c’est avoir l’inquiétude de la page blanche, le goût de l’insatisfaction, la peur de mal écrire, de ne pas trouver le mot juste, la bonne phrase, la bonne intrigue.C’est tenter de sortir de la discorde, du flou de l’imaginaire saupoudré du passé, tout ça mélangé dans une marmite abstraite pour créer du concret. Mais souvent, on est frustré de l’écart entre ce qui est rêvé et ce qui advient. Donc Réécrire ; se donner une seconde chance, réessayer, se sublimer, se réinventer. Se raconter en tant qu’écrivain ; lutter contre ses agonies pour tendre au sublime à partir de rien. Trier, dégager le bon, virer le mauvais, chercher, dégraisser, organiser, rythmer, fluidifier, couper ou clarifier. Mais aussi chercher la spontanéité, apprécier la fulgurance de l’éclair créatif, se laisser transporter par l’inspiration et se satisfaire simplement de la main qui saigne sur le stylo. Sortir de soi, se regarder écrire, lâcher prise, laisser l’inconscient parler et observer comme pour ne pas déranger. Être pris de plaisir quand les mots s’enchaînent, ainsi que de tristesse quand ils ne coulent plus. Ça, c’est mourir un peu, mais vivre beaucoup. Écrire, c’est entre le chaos et l’ordre, calme et colère, regarder et faire, lutter et laisser, c’est évanescent et concret. Mettre des mots sur ce qui n’en a pas, exorciser des sentiments, saisir les fantômes et les rêves... Vouloir finir de raconter, mais découvrir qu’on a toujours plus à dire.
Quentin Gillier
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Petite note à propos de la lune
«La lune n’est pas morte.» Cette phrase, en apparence anodine, recèle en fait une grande vérité. Astronomiquement, elle est considérée comme un astre «mort». Mais il n’en est rien. On sait qu’elle régit les marées; que la nuit, elle dévie pour nous l’éclat du soleil pour nous éclairer; qu’elle perturbe, selon qu’elle soit pleine ou nouvelle, notre sommeil (en tous cas, le mien) puisque nous sommes nous-mêmes constitués à plus de 80% d’eau. Elle est donc pour nous bien «vivante».
Pour moi, elle est comme ces défunts, comme ces êtres chers décédés qui, d’un «au-delà», d’un «ailleurs», continuent d’exercer sur nous une influence. Qui n’a jamais pris une décision ou fait quelque chose en songeant à un disparu, qui a fait quelque chose en leur mémoire, ou qui a agi selon ce que ces êtres aimés auraient souhaité ou tant voulu? Force est de constater qu’ils poursuivent leur influence sur nous au-delà de la mort, comme la lune.
Elle est toujours là à nous regarder, à nous montrer son unique visage. Elle est ainsi comme une mère ou un ange-gardien. Elle a la blancheur laiteuse d’un œil qui s’ouvre et qui se ferme sans cesse et qui a le pouvoir de percer la nuit la plus sombre pour nous observer sur tous les angles. Et à défaut de pouvoir se rendre à sa surface, - comme le font les astronautes, - tous ont la possibilité de se retrouver en elle. Qui n’a jamais été dans la lune? C’est à coup sûr un endroit merveilleux entre rêve et réalité. C’est un lieu privilégié où se rejoignent beaucoup de poètes et d’artistes.
Voilà pourquoi je dis que la lune n’est pas morte.
Le 21 janvier 2023, Limoilou, Simon A. Langevin