Le dépôt
Poésie
Extrait tiré de "La vie en pièces détachées"
Mon ivresse parle toute seule
Cette table n’a plus l’air d’elle-même
Les repas devant moi font naufrage
Entrailles débordantes d’ennui
L’huile des mots me trace un silence qui tache
Au mitan du visage
Sous la gouttière des lèvres
Je fais corps avec les rumeurs
Ext
rait tiré de "Corps à tue-tête"
Il eut voulu conjurer l’exactitude, ligoter les distances, mordre dans la nuit des temps. Essorer ses doutes et ses gaspillages
le caractère improbable de l’existence
Refaire chaque matin à son image
Bien sûr, on peint ce tableau avec le gris de la solitude. Le fumier d’un paramètre inéluctable.
En avance sur son temps
Extraits de "Lampes de fond"
Les jours qui suivirent furent dégagés, sans épaisseur ni durcissement. Léthargie de la surface plane. Pâleur du palimpseste... aux quatre vents de la respiration.
Pour que leur réclusion se déchiffre un jour, l’air s’était taillé une blessure impossible, sans forme.
Un visage reculé.
Exposé à tous les regrets.
*
Algèbre
Un mot n’est jamais exactement, par lui-même, cette variable qui se plie parfaitement à nos besoins particuliers, ni un opérateur essentiel à la résolution de nos propres inéquations.
Pour se convier, se résoudre à une plus simple expression, se rompre au doigt et à l’œil, mise à part la pulsation du geste, il nous manque encore le définitif , temps du verbe auquel nous échappons tous, où chaque part de silence nous appartient.
Pour que ces aspirations soient attentives aux déchirures, à la ténacité du cadastre, à l’impartialité du calcul, il y aura peut-être la patience de l’eau dans les yeux.
La souplesse du sourire.
L’intensité de la faille qui nous sollicite.
Nous sommes le produit d’un nombre fini de facteurs indépendants, considérant l’intangible possibilité que l’un d’eux seul soit nul.
Sans voix.
*
Table d’hôte
Chaque service doit supporter un minimum de paroles, l’armée des gestes déplacés, les langues pêle-mêle, les angles imprévus.
Couper les opinions en petits morceaux. Les faire revenir environ cinq minutes. Jusqu’à ce qu’elles deviennent lucides. Brasser régulièrement, jusqu'à capitulation de la sauce.
Délayer les manières brusques. Faire réduire les premières impressions. Introduire les cas douteux, les oublis. Chauffer les idées préconçues. Mélanger l'air de rien aux
promesses vides.
Prévoir les coups. Les regards aigus, disposés en papillotes autour de la table.
S'agiter inutilement devant la lourdeur des choses dites. Laisser mijoter les implications. Percer la paroi des excuses.
Voler quelques minutes au destin.
Servir sans explication.
Tous les mensonges possèdent une horlogerie.