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Zoom 2 - La folie
LA FOLIE
Comment dire
Folie —
folie que de —
que de —
comment dire —
folie que de ce —
depuis —
folie depuis ce —
donné —
folie donné ce que de —
vu —
folie vu ce —
ce —
comment dire —
ceci —
ce ceci —
ceci-ci —
tout ce ceci-ci —
folie donné tout ce —
vu —
folie vu tout ce ceci-ci que de —
que de —
comment dire —
voir —
entrevoir —
croire entrevoir —
vouloir croire entrevoir —
folie que de vouloir croire entrevoir quoi —
quoi —
comment dire —
et où —
que de vouloir croire entrevoir quoi où —
où —
comment dire —
là —
là-bas —
loin —
loin là là-bas —
à peine —
loin là là-bas à peine quoi —
quoi —
comment dire —
vu tout ceci —
tout ce ceci-ci —
folie que de voir quoi —
entrevoir —
croire entrevoir —
vouloir croire entrevoir —
loin là là-bas à peine quoi —
folie que d’y vouloir croire entrevoir quoi —
quoi —
comment dire —
comment dire
Samuel Beckett
PASSAGE PAR LA FOLIE
À chacun sa propre théorie sur la folie, la folie est l’affaire de tous. Elle nous concerne, elle nous cerne tous. J’ai entendu parler de la théorie poétique qui parle pour expliquer la folie de la "forclusion du nom du père ». La mienne théorie, prosaïque, c’est que la folie est inconscience. De là je déduis que la folie est la chose la mieux partagée au monde bien avant la raison. L’inconscience caractérise les humains dont il faut sans cesse rabattre la prétention comme l’a fait Pascal dans ses Pensées. Nul besoin de théorie pour expliquer la folie parce que chacun sait dès la naissance que la folie est inconscience, individuelle, collective. Pas de conscience sans inconscience, pas de raison sans folie. Folie, inconscience, délire sont des termes synonymes qui fondent notre réalité quand bien même nous ne voudrions pas voir la réalité, et que par là-même nous délirerions par volonté de délirer.
Voilà à peu près tout ce que je retiens de la folie après des années d’études patientes et studieuses sur la chose psy… On peut guérir diverses maladies, diverses crises, divers troubles, avec des médicaments et l’écoute - avec l’attention portée au malade, à ses paroles (et l’attention portée à la relation malade -médecin). Ce qui est soignant c’est l’attention portée à autrui autant qu’à soi. On peut guérir diverses maladies psychiatriques qui sont des folies, des inconsciences banales ou particulières - plus fréquentes chez les malheureux humains inconscients que chez les bienheureuses bêtes conscientes - ainsi la chatte Louloutte, qui fait un câlin le matin au réveil, qui ne répond pas quand on l’appelle, seulement quand elle y pense, la chatte est plus consciente que ses maîtres.
Mais on ne peut pas guérir la folie en tant que folie parce que la folie est nécessaire aux humains pour vivre raisonnablement. La folie est la substantifique moelle de la société. L’inconscience est notre réalité quotidienne commune, notre matière noire, traversée par des moments de prise de conscience fugitifs… Sigmund Freud l’a dit à sa façon et si je me trompe quand je fais cette remarque, c’est qu'à partir du discours freudien je délire sans m’en apercevoir, puisque je ne suis pas consciente de quelque vérité que ce soit, puisque que je m’exprime dans l’à peu près d’un raisonnement imparfait. Puisque je délire à cause de l’imprécision de mes dires. Puisque je suis une être humaine.
Pour moi Sigmund Freud est un génie. Je suis fan de son idée de divan, de son livre sur l’analyse des rêves, et j’aime sa théorie sur les névroses et sur le transfert qui sous-tend l’idée géniale du divan. En fait, sa théorie sur l’amour. Freud m’a beaucoup aidée à me comprendre et comprendre le monde en l’écoutant, en faisant attention au monde, à ses musiques et ses bruits, en me tournant vers le monde. Disons que Freud a été pour moi un analyste attentionné de l'humain, orienté vers le monde, la culture, la littérature, la poésie…
Donc s’il vous plait, ne faites pas de dichotomie raison-folie ou conscient-inconscient, les dichotomies nous aident simplement à raisonner mais la vérité des choses c’est la vérité des mots, et je préfère dans ce cas les mots qui désignent à la fois une chose et son contraire, je préfère le concept du mot et son contraire réunis en un seul mot. Et je préfère le concept au mot lui-même.
Isabelle H.
Commentaires
1. Chère Isabelle, Tout d’abord, permettez-moi de dire que je suis heureux que vous n’ayez pas été brûlée vive sur le bûcher. La folie... dans ma propre théorie, est un état d’agitation. La santé mentale est le repos. Mais comment nous reposer ? Si nous nous mettons au lit pendant 6 mois... ou contemplons le nihilisme pour nous empêcher de penser... nous ne serons pas reposés du tout. Mais assez de ma propre théorie, je veux répondre à la vôtre. Vous dites que la folie correspond à l’inconscience, et que c’est un principe fondamental de la société. Je suis tout à fait d’accord, parce que si vous n’êtes pas dans un état de concentration, il n’y aura pas de repos pour vous. La concentration est l’excellente conscience, du travail, des pensées, du corps, des gens. Toute conscience maintenue est le remède à la folie. Lorsque votre esprit s’égare dans des idées pas présentes - loin de la présentation de papillons ou de missiles explosant par des gens désespérés qui viennent à vous pour attirer l’attention, ce n’est pas la conscience. Je me donne peut-être l’air intelligent en ce moment, mais je suis incapable d’appliquer ce que j’ai appris, juste assez pour confirmer que la conscience est efficace contre la folie. Étrangement, c’est par la concentration sur le repos que le meilleur repos devient disponible, donc nos théories sont vraiment les mêmes. La conscience est le chemin vers la vraie quiétude et la paix.
"Je préfère les mots qui désignent à la fois une chose et son contraire" Je trouve cela assez profond. Il est vrai que les mots viennent toujours avec l’ombre de leur contraire. Nous pourrions parler de Keats et de sa "capacité négative" ou de Whitehead (qui était un foyer pour mon article sur la philosophie du temps) et de l’idée qu’un négatif ou l’opposé est la maison de l’esprit. Ce négatif peut se transformer en doute, et dans ce cas, il est toxique. Si l’on peut approcher un mot allemand, ou un brin d’herbe qui se présente, et convertir la capacité négative de l’esprit en attention et conscience positives, le cœur a l’occasion de grandir. Si le cœur grandit suffisamment, il se connectera avec le mental, et alors la compréhension réelle est possible, parce que la compréhension est en partie une sorte d’amour, tout comme la conscience. Quand l’esprit se remplit d’amour, il peut mieux comprendre les choses, il devient intelligent.
Mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas utiliser l’ombre des mots et des concepts parfois. Les mathématiques, par exemple, cachent bien leur ombre, et si vous acceptez les mathématiques comme absolument vraies, vous serez coupés de la croissance dont le cœur a besoin. L’esprit et le cœur sont coupés. C’est le but de mon livre, de montrer l’ombre des mathématiques. Les mathématiques sont une belle construction humaine, imparfaite dans le culte de la vérité et de la raison. Et si vous pouvez les mettre de côté au bon moment, elles vous apprendront la plupart des choses que vous devez savoir. "But" (mon père m’a toujours corrigé pour dire "Et" au lieu de "Mais" si seulement il était ici pour parler avec nous) à l’heure actuelle les mathématiques sont utilisées dans l’éducation pour couper l’esprit du cœur. Nous entrons dans un labyrinthe de constructions logiques, en essayant d’avoir des pensées formulées qui suivent les règles de la raison, et jamais en étudiant les mathématiques assez pour apprendre sur leur ombre. Cela paralyse la croissance des jeunes esprits et des cœurs, et rend les gens inconscients, afin que la société puisse poursuivre ses projets de domination.
Une autre façon, plutôt que de trouver la faute des mathématiques, est d’élever la poésie au même niveau qu’un champ de connaissance et d’exploration. Il y a beaucoup d’adorateurs des mathématiques qui pensent que la poésie est morte! Le lien entre les mathématiques et la poésie, l’esprit et le cœur, est vital, non seulement pour la survie, mais pour l’épanouissement humain.
Merci pour l’échange, Isabelle. Je vois votre ombre, et c’est assez réel pour moi.
Mon esprit est très fatigué... mais j’espère que nous pourrons continuer cet échange lentement, car une vieille âme doit boiter et déambuler avec les bras aidants de ses proches.
Livre d’Andrew Nightingale en cours de traduction par G&J : « Défense of poetry against the mathematicians » - Published in 2019 by Trial by Fire, printed by Amazon
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2. Je ne connais pas Freud. Mais je découvre comme Freud parle à Adèle H.
Tout ce que je trouve à opérer comme saut analogique, c'est de penser à la folie présentée en mode Erasme. Éloge de la folie : J'ai lu cette œuvre il y a bien longtemps. Et j'ai été convaincue par son approche humaniste de la folie. Oxygène.
J'ai seulement lu des extraits de l'histoire de la folie de Michel Foucault… très marquant. Oxygène.
Il y a aussi le tandem Deleuze-Guattari, et le peu que je parviens à en saisir me parle profondément. Nous sommes machines désirantes et vivre en ramifications rhizomatiques au monde, ça sauve. Oxygène.
Et, j'ai toujours aimé Artaud, instinctivement. Mais depuis que j'ai découvert l'approche de Françoise Bonardel, son approche, celle d'une forme poétique qui est une mystique gnostique, je suis profondément convaincue que l'œuvre d'Artaud est un véritable itinéraire de connaissance. Oxygène.
Sandrine Cerruti
3. Certes un concept difficile à définir que la folie. Je m'aventurerai à la décrire comme le niveau d'interférence entre une personne, ou un groupe de personne (car la folie peut être collective), et les phénomènes (c'est à dire ce qui se produit à l'extérieur de soi). En ce sens, je pense que la folie est davantage un gradient qu'un diagnostic binaire (l'expression être "à moitié fou" en témoignant). La question de l'art à travers tout ça est très intéressante, car le rôle de l'artiste est justement de rêver le monde, donc de faire interagir les phénomènes avec son propre filtre perceptif. En ce sens l'art est une forme de folie consciente. Il rêve le monde en sachant qu'il le rêve. Le "fou" (solitaire ou collectif) rêve le monde sans le savoir ni même le vouloir. Cette folie peut être induite par des névroses personnelles ou encore la propagande (gouvernementale, médiatique, publicitaire, etc.). Donc je crois en la possibilité de folies collectives induites, plus ou moins sévères. Et je pense que l'art, en tant que folie consciente et volontaire, peut également être un antidote à certaines de ces folies induites. L'artiste dans l'âme, sachant rêver le monde, a un esprit davantage réfractaire, je crois, aux manipulations mentales menant à ces diverses formes de folie collectives. De manière très générale bien sûr. Car des artistes embringués dans des dogmes et des sectes ça existe aussi bien sûr.
Jérôme Fortin