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blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index 1

7 - Simon A Langevin

Visite au Musée suivi de Visite au Zoo

Visite au Musée



Les dents


Sur un bloc de grès oblong, hérissé à la verticale, d’une hauteur de 187,4 centimètres, dont la base carrée est de 28 cm 2 et le sommet tronqué de 27,8 cm 2, repose, dressé sur ses pattes inférieures, un écureuil naturalisé. La tête pointée vers le ciel entre ses deux membres supérieurs tendus de chaque côté, il arbore une fourrure teinte d’un bleu poudreux ciel de midi. Tout son corps est farci de compote de pommes cueillies par des enfants albinos et ses yeux ont été remplacés par des petites boulettes de mie de pain de ménage. Entre ses dents jaunies, une noisette en verre poli. Juste au-dessus est suspendu par un fil de nylon une énorme sphère d’une circonférence de 187,3 centimètres faite d’écales d’arachides compressées.

Le tout se retrouve recouvert par une grande structure métallique octogonale drapée d’une courtepointe représentant les grandes lignes de l’histoire d’Haïti, depuis sa création lors de la défaite de l’armée du général de Rochambeau durant la bataille de Vertière en 1803, jusqu’à l’assassinat du Président Jovenelle Moise par des mercenaires colombiens, suivi de près d’un tremblement de terre meurtrier, lui-même suivi par l’ouragan Grace. Comme quoi un malheur n’arrive jamais seul. Du sol, une série de projecteurs disposés en cercle arrosent l’ensemble d’une lumière ultraviolet saccadée.



Apothéose embryonnaire d’une dichotomie non-euclidienne 


Sur une souche de chêne rouge de Saint-Praxède coupée à 60,6 centimètres du sol, une amphore romaine authentique contenant un mélange de guimauves et de noyaux de pêches sur lesquelles ont été déposés délicatement à l’aide de pincettes quelques poils pubiens, des cils et des sourcils de femmes obèses, est recouverte d’un kimono froissé. Tout autour, des patères auxquelles sont suspendues des cloches à vaches badigeonnées d’une décoction de résine de gaïac. Une musique de Bartok est diffusée en boucle soit au ralenti, soit en accéléré. Un vent aux effluves d’oxalis pes-caprae souffle doucement dans le sens contraire.



Le matin des bergères 


Un oeil de poulpe enveloppé dans un mouchoir de soie jaune est déposé sur un lutrin. En face de celui-ci, une chaise Louis XIV d’un rouge écarlate contient un amoncellement d’escarpins dépareillés. Certains contiennent des mégots de cigarettes prisonniers de l’ambre, d’autres des boucles de cheveux brûlés, d’autres encore des restants de soupe à l'oignon gratinée. Derrière, un peu plus loin, des mains de mannequins en plastique jaillissent du plancher. Certaines de ces mains tiennent des manches à balais, d’autres des nageoires de requins déshydratées , et d’autres encore des portraits fictifs d’Ottar Vendelkraka, roi de Suède, de la maison Scylfings (515-530). Toute cette scène est enfermée dans une pièce sans porte ni fenêtre et dont les murs ont été peinturés d’un blanc immaculé. Le plancher est pour sa part recouvert de paille fraîche à laquelle a été mélangé un peu de sucre en poudre. Dans le coin supérieur droit de la pièce, une simple ampoule nue diffuse une faible lueur orangée rappelant un coucher de soleil sur la savane africaine après l’orage. Huit drosophiles femelles et un mâle ont été libérés dans la pièce et ont les retrouve le plus souvent forniquant dans les restants de soupe. Une bague 14 carats sertie d’une briquette de bbq se cache quelque part.



Lecture obligatoire 


Une quenouille insérée à la page 163 de Ferdydurke de Witold Gombrowicz. Une sandale de plage placée volontairement à la page 87 de Porte de la paix céleste de Shan Sa. Un pénis en caoutchouc introduit entre les pages 228 et 229 de Fifth business de Robertson Davies. Un pinceau à poils de daim oublié à la page 33 de Evguenie Sokolov de Serge Gainsbourg. Un calmar frit entre quelques pages d’une édition originale du Gargantua de Rabelais. Au tout début du deuxième chapitre du Ueber die Wissenschaftlichen Behandlungsarten des Naturrechs, Seine Stelle in der Praktischen Philosophie und sein Verhaeltnis zu den Positiven Rechtswissenschaften de Georg Wilhelm Friedrich Hegel, on y retrouve un pneumatique de bicyclette de 26 pouces de diamètre. Aux pages 76, 132 et 155 du Venus Erotica d'Anaïs Nin, des comprimés de clozapine, nefazodone et d’ivermectin. Des écales de cacahuètes et des retailles d'hosties sont éparpillés entre les pages 1000 et 1001 d’Ulysse de James Joyce. Et tous ces livres se retrouvent pêle-mêle dans le coffre d’une Cadillac sedan deville 1959 accidentée de couleur blanche. Derrière le volant, une citrouille défoncée fait office de chauffeur. En-dessous de la voiture, un écoulement de jus de raisins macère des feuilles de partition de musique. Pour ceux qui savent lire les partitions on y reconnaît Sunglasses at night de Corey Hart. Un chapeau de cow-boy et des gants à vaisselle jonchent également le sol.



Portrait maritime


Une cabane à oiseaux remplie de pop-corn au beurre est apposée au mât d’un bateau. Ledit bateau, construit en papier plié, flotte dans une marre d’huile d’olives extra vierge. À bord, des mannequins faisant office de matelots homosexuels fument à la pipe des cigales enrobées de pétales de marguerites. Des bouteilles de bière vides importées de la Pologne et de l’Ukraine remplissent la cale sèche; certaines sont fracassées. Des bâtons de rouge à lèvres s’éparpillent sur le pont et roulent ici et là au gré de la houle entre les jambes des mannequins. D’ailleurs, des rames sculptées dans du bois d’érables dérivent tout autour du vaisseau sous un ciel divisé en deux: une moitié de celui-ci est composé d’un ciel bleu et pur sans soleil, tandis que de l’autre côté un amas de nuages noirs s’entassent et grondent avec violence annonçant un orage imminent. Un vent semble vouloir se lever alors qu’il n’y a aucun oiseau nulle part. Au loin le rayon d’une lumière pivote sur lui-même exposant ainsi l’existence d’un phare alors que l’on peut entendre au même moment l’écho d’une corne de brume déchirer le silence nautique.



Offrande II


Sur un socle de marbre d’une hauteur de 36 cm, d’une largeur de 136 cm et d’une longueur de 236 cm, une jeune femme blonde est couchée sur le dos, nue, sur une peau de yak, les jambes en l’air en forme de V. Une saucisse merguez est insérée dans son anus. Ses bras lâches sont étendus de chaque côté, les paumes de ses mains tournées vers le ciel et contenant chacune une balle de baseball signée par Gary Carter. Deux épingles à linges reliées par de la soie dentaire pincent l’un et l’autre de ses mamelons. Sur sa langue sortie, une sangsue suce son sang sans souci. Tout autour d’elle, pas moins de dix bougies blanches fabriquées à la main avec du suif de baleine et déposées dans des chandeliers simples en argent brûlent en dégageant une odeur de gingembre et de basilic.

Du plafond, un homme nu, suspendu et ligoté par des cordes, se retrouvent face à face avec la femme à environ 72 cm d’elle, bras et jambes écartés en forme d’étoile. À son pénis, a été attaché un nid de guêpes grouillant d’activité. Son corps, entièrement rasé, parfumé et huilé, a été assaisonné de fleur de sel himalayen. Une bille de billard, - la numéro 8, donc la noire - a été placée dans sa bouche et un foulard de soie nouée autour de sa tête l’empêche de tomber. Une carte routière de la région de Pyongyang a été pliée adéquatement et glissée entre ses fesses.



Pour emporter


Dans un bol à salade, des montres ajustées aux heures piles ayant mariné dans une vinaigrette faite à base de lait caillé, sont mélangées à des post-it sur lesquels sont inscrits les noms de ceux qui ont réussi une partie parfaite aux quilles dans la dernière année au quillo-rama de Saint-Anselme. À cela a été ajouté 100 ml de bière style ipa de la Nouvelle-Angleterre contenant les houblons ekuanot et palisade, des raisins secs, des confettis et des clefs usb vides. Le tout, touillé généreusement, incorporé par la suite d’un filet d’eau de pluie et d’écaille de perchaudes prises dans le fleuve Saint-Laurent, est renversé à plat sur un skateboard. Au sommet, est déposée une tumeur maligne, dans laquelle est plantée une chandelle non allumée. Tout autour, un coulis d’huile à moteur usée forme des serpentins amusants et brunâtres. Afin de déglutir le tout, un tournevis à tête étoilée et une branche de sapin sont déposés de part et d’autre du plat. En accompagnement, un verre de jus de sueur des dirigeants ayant participé à la cop26, - à Glasgow, sans grands résultats, à la grande déception du monde entier, - dans lequel flotte une griffe de chat malade. Le skateboard est ensuite lancé sur la route 66, à toute vitesse.



Petite expression de mes neurones au travail en ce moment


Un long cheveu blond est noué à un petit clou enfoncé à demi dans un bouchon de liège. Celui-ci est déposé sur un lit composé de quelque grains de sable noir et de cadavres de pucerons. À côté de celui-ci, un bouton de manchette en or trempé dans le caramel salé tourne à bonne vitesse sur une toupie. Une fine pluie de curcuma virevolte et se dépose lentement sur le tout. Autour, une bille translucide roule, décrivant un cercle parfait, surmontée d’un grillon faisant entendre sa musique tonitruante. Un verre à vin inversé recouvre le tout en guise de dôme transparent. 



Étude IV. C.7-73957.8

« La prospérité a un cortège de craintes et de déplaisirs; l’adversité de réconforts et d’espoirs. » Francis Bacon (1561-1626), dans Essais, de l’adversité.


Au centre d’un gymnase, une table de cuisine en pin massif trône à l’envers. Au sommet de chacune de ses pattes, une pièce d’échec, soit: un roi noir, une reine blanche, un fou noir et un cavalier blanc. À chacune d’elle, un fil dentaire relie celle qui lui est opposée, soit: le roi noir avec la reine blanche, et le cavalier blanc avec le fou noir. Ainsi, au centre de ce X formé par les deux fils tendus, un autre fil y est attaché, descendant cette fois-ci vers le bas, et au bout duquel, en suspension, pend une coquille d’escargot vernie. Juste en-dessous, au milieu, un aquarium de 12 gallons rempli à ras bord de lait de poule contient également des balles de golf et des ossements de hamster. À l’extérieur, devant chaque parois de verre, ont été ajoutées des clochettes dorées qu’il est possible d’agiter au besoin. 

Autour de la table, un train électrique circule inlassablement sur les rails décrivant une forme ovale. Tirés par la locomotive, quatre représentations de wagons de marchandises transportent dans l’ordre: un mélange de poivre sichuanais et de triticale, des pinces à cheveux enduites de gomme de sapin, des boutons de chandails polo de marque Lacoste baignant dans une solution à base de peroxyde et de peinture à l’huile de couleur rêve de Dresde, et finalement, de petits fagots de moustaches de chats emballés dans des morceaux de tapisseries médiévales d’Aubusson. Sur les bords extérieurs des rails, tout au long du parcours, s’étendent les débris de pneus déchiquetés et des flûtes à bec gorgées de mazout.

Dans l’un des coins du gymnase, un monticule de farine de blé intégrale et d’humus, dans lequel est plantée une canne pour aveugle, est délimité à sa base par une rangée de soldats de plomb renversés sur le dos. Au bout de la canne, flotte un t-shirt de Lionel Richie. 

Dans le coin suivant, une crèche, dont les personnages saints et sacrés ont été remplacés par des trous de beignes glacés à l’érable, s’édifie en haut d’un escabeau auquel ont été rajoutées des roulettes. À chaque échelon, des taser gun, des couteaux, des armes à feu et des grenades, témoignent de l’escalade de la violence dans le monde. Sur le plancher, d'innombrables gouttelettes de sang d'ornithorynque dessinent des éclaboussures.

Dans un autre coin, une barboteuse pleine de bottins téléphoniques et de coussins de soie bourrés de duvet de paons, accueille des baigneurs: des vieillards vêtus de soute de Ski-Doo.

Et dans le quatrième et dernier coin, un chevalet contenant une toile vierge sur laquelle ont été agrafées des factures de station-services, tourne sur lui-même grâce à une plateforme circulaire motorisée. Des journaux japonais tapissent le sol tout autour et des pierres tombales, alignées le long des murs, portent comme épitaphe: « Fere libenter homines id quod volunt credunt. » Des petits singes capucins courent partout. 

Du plafond, des lumières bleues illuminent le tout, tandis que des ballons rouge vif, gonflés à l’hélium, et auxquels ont été attachés des stérilets, dérivent tranquillement au gré des courants d’air générés par les conduites d’aération.





Sur la terre ferme - performance en nature


Dans une brouette en métal, pleine de jell-o à l’orange, ont été déposés des gyrophares de voitures de police. Des larves de papillons de nuit s’y promènent et creusent des sillons à la recherche de feuilles. À côtés, des bacs à fleurs remplis de cagoules et de faux ongles de couleur mauve, décorent le parterre. À l’aide d’un arrosoir, une femme répand une pluie de jus de pommes sur ces mêmes bacs. Plus loin, un homme ramasse des pansements souillés avec un râteau. Un tracteur, conduit par un rottweiler, roule dans un champ de mines qui se trouve derrière. De temps en temps, une explosion projette en l’air une volée de gelée de pruneaux. Sur une vieille clôture de bois, des cacatoès tentent d’imiter les coqs en chiant des dix sous. Des vaches broutent des tapis à poils longs. Des cochons se vautrent dans des photographies pornographiques mettant en scène des nains avec des aînés. Des poules picorent des aspirines et des suppléments vitaminiques et pondent des œufs de granite. Aux abords des champs, des enfants cueillent des framboises et des cubes rubik en chantant du rammstein, nus. À un certain moment, le soleil se cache pour mourir tandis que des nuages bleus s’amènent lentement, avant que ne tombe avec force une averse de krill soutenue. Après huit minutes et quarante-trois secondes, le soleil revient de plus bel et tout s’enflamme d’un coup avant qu’un tremblement de terre ne sévisse. 





Visite au Zoo



Le Quandilopiritase


À l’intérieur d’un enclos délimité par des murets de pierres surmontés d’un grillage en fer forgé, on peut apercevoir ces bêtes évoluer sur un parterre accidenté, parsemé de plaques de pelouse aplatie. Les ouvertures de nombreux trous apparaissent ici et là, dans lesquels ils nichent, à deux, à trois. On peut les voir girer, le jour, les uns contre les autres, raclant entre eux la peau grumeleuse de leur dos constellée d’anus humides. Leur corps, d’un vert véronèse, a une forme de chayotte, orné de trois paires de pattes qui ressemblent à des soupapes à tulipe, ce qui rend leurs déplacements cahotifs et fastidieux. Leur tête, tétragonale, munie d’une sorte d’appendice mandibulaire, semble inamovible sur ce corps pataud. 

Tous regroupés en peloton, ils farfouillent le sol de leur bouche préhensile. Leurs yeux, d’un brun profond, globuleux et côte-à-côte au sommet de leur tête, demeurent fixés droit devant, entre leurs oreilles qui ressemblent à des feuilles de rhubarbe. Ils mangent, on ne sait trop quoi, et de temps à autre, à tour de rôle, un de leurs anus éjecte une petite boulette de pâte molle, presque noire, qui leur roule sur le dos avant de choir au sol. Ils n’ont pas de queue et leur cri, qu’ils n’émettent que très rarement, rappelle le son de deux pièces de tôle rouillée que l’on frotte ensemble. On les retrouve dans les basses terres du sud du royaume d’Araucanie.



Le Yubal Unitorial


Le yubal est un animal solitaire. Au zoo, on le voit généralement dans une volière extérieure, puisque son odeur est des plus nocives. Pourtant de petite taille, - approximativement celle d’une main, - il dégage de puissants relents vinaigrés d’un mélange de fromage à fondue et de soufre. Son corps, de la forme d’une trompe de Fallope, est recouvert d’une sorte de pelage épineux d’un rouge vif. Sa tête, comme une noix de grenoble, arbore deux minuscules points noirs en guise de yeux, et ses naseaux dessinent les contours d’une serrure antique. Une paille courte lui sert de bouche et d’aspirateur. Il se nourrit exclusivement de dépôts organiques qu’il trouve un peu partout et qu’il détecte du haut des airs grâce à la détection chimique. Une membrane translucide, reliée à sa nuque, s’agite frénétiquement dans l’air, ce qui lui permet de « voltiger » comme bon lui semble en sifflant comme une bouilloire. Il ne se pose que très rarement, puisqu’il est totalement dépourvu de pattes ou de membres quelconques. On le retrouve dans la région montagneuse du Taygète.



Le Ghorgtalus à Rayures Doubles


Dans un bassin rappelant une cuvette remplie d’eau, entouré de parois de verre, se trouve le ghorgtalus à rayures doubles. Principalement aquatique, il lui arrive quelquefois de venir s’étendre sur les rebords ascendants du bassin, durant les jours ensoleillés. D’un poids et d’une taille considérables, la coque articulée de son corps craque à ses moindres mouvements laborieux sur terre, mais souples et gracieux sous l’eau. Et comme son nom l’indique, deux bandes de rayures doubles l’encerclent au milieu de son corps. Sa tête, qui ressemble étrangement à un gant de boxe, se coiffe d’une paire d’yeux sur le dessus, en avant, ainsi qu’une paire supplémentaire sur les côtés. Leurs pupilles noires, sur un fond d’iris d’un beige tadrart, ont la forme d’un + . Sa queue se compose de centaines de filaments noirs, de un à deux mètres de long, terminés à leur extrémité par un dard vénéneux mortel. Il vit surtout dans la zone bathypélagique océanique et peut aller jusque dans les profondeurs abyssales hadopelagiales.



La Glybptre


Dans les ténèbres froides et humides des grottes rocheuses Nakimu (« esprits grognons » en langue Secwepemc), vit la glybptre. Son corps mou et élastique, de forme tubulaire, émet une pâle lumière bleue. Sa tête, dépourvue d’yeux, arbore un orifice dentelé qui lui sert de bouche suceuse. Ses organes génitaux, surdimensionnés, - près de la moitié de son corps, - pendent sous son ventre en une masse informe et poreuse, suppurant une matière jaunâtre appelée glybptrotozoïde. Les femelles viennent s’y frotter continuellement en émettant une suite de cliquetis saccadés. Toutefois, ils ne réussissent qu’à se reproduire assez rarement. Il est difficile de les observer autant en captivité qu’en milieu naturel, puisqu’elles affectionnent les endroits fermés hautement concentrés en sulfure d’hydrogène et d’ammoniac, car ce sont des troglobies. Elles se nourrissent entre autres d’astyanax et de typhlobrixia namorokensis.



L’Akalax Trirtiritit


Sur les terres sablonneuses des régions arides du tropique du Capricorne, près du désert d’Atacama, on retrouve généralement l’akalax trirtiritit. Ici, dans ce vivarium éclairé d’une lumière infrarouge, on peut l’apercevoir sur une roche ou à demi enfoui dans les sables chauds. Long de  cinquante centimètres à l’état adulte, son corps filiforme d’aspect spongieux, d’un gris chaud et marqué de lignes sinusoïdales d’un orange vif, se métamorphose au gré des dangers. Sa tête, fine et élancée, que l’on prend à tort pour sa queue, est munie d’un crochet recourbé qui lui sert à harponner de petites proies. Sa queue, qui forme une collerette à la base du corps, d’un blanc franc, suinte une enzyme capable d’engendrer des mutations chez ses prédateurs. Les nuits de pleine lune, on peut entendre son cri stridulé: « Trirtiritit trirtiritit trirtiritit iiiiii! »




L’Holiathère des Brousses


Dans la forêt arbustive de l’Ol Doinyo Lengaï, la nuit, se rassemblent normalement les troupeaux d’holiathères. Comme ici, dans le parc aménagé à leur intention, ils se réunissent à la tombée du jour en grands groupes de centaines d’individus. Leurs yeux, d’un rouge lumineux, pointillent dans la noirceur de leur multitude. Leur face flasque, qui se prolonge par une gueule conique articulée par une mâchoire remplie de deux rangées de dents pointues et noires comme du charbon, peut se retourner sur elle-même. Leur corps écaillé, recouvert d’arêtes coupantes, protège leurs organes sensibles contenant un acide puissant capable de dissoudre toutes les matières existantes. Leurs pattes, articulées par deux genoux, permettent à l’holiathère de courir à plus de quatre-vingt kilomètres à l’heure malgré leur masse imposante. Derrière, leur queue en forme de feuille de palmier cache leur double anus et leurs organes reproducteurs dont les tissus demeurent sensibles à la lumière.



L’Yx


Dans les cimes des Thuja plicata de la Colombie-Britannique vit l’yx. Ce petit animal à fourrure phosphorescente, d’un vert smaragdin, passe toute sa vie aux arbres sans jamais toucher terre. Se nourrissant de larves de diprion à tête rouge et d’aphrophores, l’yx peut, avec ses dents cisaillantes, entamer le bois sans problème. Il creuse des cavités et des réseaux tunneliers dans les troncs, dans lesquels il se glisse aisément. De taille moyenne et d’allure rodentienne de type hystricomorpha, il peut aussi voler de branche en branche grâce à deux paires d’ailettes fixées à son dos. Sa queue, en forme de fourche, comme le Y de son nom, contient une biotoxine qu’elle peut propulser à la face de deux prédateurs à la fois sous forme de jet nuagique. Il passe la plus grande partie de la journée dans ses cachettes aux creux des arbres, mais, la nuit venue, on peut apercevoir sa silhouette auréolée d’une lueur verte se déplacer dans les airs de branche en branche, voire d’arbre en arbre.



Le Karbletodorexilaptoractite


Le karbletodorexilaptoractite est une bête étrange qui aime les milieux humides et les eaux boueuses peu profondes. Découverte pour la première fois dans les marécages Tylee, près de la rivière des Mille-Îles, elle a le corps long et bosselé, recouvert de deux couches d’écailles superposées, d’un brun de Bismarck, dont la particularité réside en son pouvoir de camouflage. Ses pattes avant possèdent deux longues griffes rectilignes qui lui servent de broches pour empaler ses victimes, tandis que ses pattes arrière sont palmées et font office de nageoires une fois dans l’eau. Elle se nourrit de canards et de cormorans, d’ibis et de hérons, qu’elle surprend en ratissant le fond des marais. Sa tête proéminente, pourvue d’une gueule démesurée, est perforée d’une paire d’yeux, d’un blanc eider, protégée par une membrane translucide. Sa queue, de la forme d’une lame de sabre, peut hacher en menus morceaux n’importe quel adversaire. Pouvant retenir son souffle durant des heures, elle éructe une sorte de cri guttural une fois sur la terre ferme. 



Le Pleiurq


Dans les rizières du Ban Pa Pong Piang, au pied du Doi Inthanon, près de Chiang Mai, se terre le pleiurq. Évoluant sous l’eau, il se nourrit presqu’exclusivement d’Oryza sativa. Longeant les rizières, il fait jaillir une sorte d’appendice fixé sur sa tête afin de se saisir des grains. Son corps, qui a la forme d’une outre à vin à moitié pleine, ou à moitié vide, est recouvert de plumes rétractiles qui peuvent se déployer comme des éventails. Le dessus de celles-ci sont d’un noir de jais tandis qu’un bleu gentiane colore le côté opposé. Il ne possède qu’une paire de pattes antérieures, très longues, terminées par des arborescences filamenteuses auto-régénérantes. Sa tête minuscule, blanche, qui ressemble à une sorte de disque boursouflé, cache en son centre une petite bouche aux lèvres concentriques capable de sucer les grains de riz apportés par cet habile appendice qui pendouille au-dessus de sa tête et qui fait penser à une perche flexible.



La Blhrtanwhkfts-Iouaïaumieuiouée


Lorsqu’elles s’attroupent durant l’hiver, en grands troupeaux de plusieurs centaines d’individus, les blhrtanwhkfts-iouaïaumieuiouées s’échauffent et cultivent un mauvais caractère litigieux. Sans cesse en train de chercher et/ou de provoquer le duel, la rixe devient vite le seul moyen d’expression. Leur corps imposant et bourru, tout en muscles puissants, arbore une longue fourrure de poils d’un gris lepus qui s’étend derrière elles telle une traîne de robe de mariée. Ne pouvant ainsi éviter de se marcher sur les poils les unes les autres, des combats et des bagarres d’une rare violence éclatent continuellement çà et là. La plupart du temps, d’immenses blessures parsèment leur corps, causées par les six paires de crocs qui jaillissent de leur gueule et les deux paires de cornes qui saillent de leur tête. Leur nasaux démesurés expulsent l’air à une vitesse phénoménale, et leurs yeux produisent un regard menaçant qui glace de terreur tout ce qu’elles fixent. Leurs pattes potelées permettent de petits pas pesants. Ainsi elles se déplacent et migrent doucement sur les terres glacées de Victoria, près du lac Fryxell, en Antarctique, 77° 37’ 00’’ S, 163° 11’ 00’’ E. Elles peuvent endurer des températures extrêmement basses, de l’ordre des moins soixante degrés Celsius. 







Simon A Langevin le 11 février 2022