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POÈMES

TRADUCTIONS

Greta Thunberg - Discours Inédits


 Greta Thunberg – traduction G&J


Un livre sur les traductions de discours de Greta Thunberg jusqu'ici non publés en français - présentées ci-dessous - est en cours de publication aux éditions LPB sous le titre "Poétique d'un désatre annoncé" , ouvrage collectif alternant dix discours de Greta Thunberg et des textes écrits par des auteurs invités au dépôt de Lpb, sous la houlette de Rémi Drobycheff (Air).



Un monde étrange


Prix du cinéma et de la télévision Goldene Kamera

Berlin, le 30 mars 2019


(Je dédie ce prix à tous ceux qui luttent pour protéger la forêt de Hambach. Ainsi qu’aux militants qui se battent partout pour que les combustibles fossiles restent dans le sol.) 

 Nous vivons dans un monde étrange, où nos connaissances scientifiques montrent qu’il nous reste seulement onze ans avant de déclencher une réaction en chaîne irréversible au-delà du contrôle humain, et qui sera probablement la fin de notre civilisation telle que nous la connaissons. 

 Nous vivons dans un monde étrange, où les enfants doivent sacrifier leur propre éducation pour protester contre la destruction de leur avenir.

 Où ceux qui ont le moins contribué à cette crise en seront les plus touchés.

 Où les politiciens affirment que sauver le monde coûte trop cher, en même temps qu’ils dépensent des milliards d’euros à subventionner les combustibles fossiles.

Nous vivons dans un monde étrange, où personne n’ose regarder au-delà du système politique actuel, même s’il est clair que les solutions recherchées ne se trouveront pas dans la politique actuelle.

 Où certaines personnes semblent plus préoccupées par la présence à l’école de certains enfants que par l’avenir de l’humanité. 

 Où chacun peut choisir sa propre réalité et acheter sa propre vérité. 

 Où notre survie dépend d’un petit budget carbone qui disparaît rapidement, et dont presque tout le monde ignore l’existence.  

 Nous vivons dans un monde étrange, où nous pensons que nous pouvons acheter ou construire notre chemin hors d’une crise qui a été créée par l’achat et la construction de choses. 

Où un match de football ou un gala de cinéma reçoit plus d’attention médiatique que la plus grande crise que l’humanité ait jamais affrontée.

 Un monde où les célébrités, les stars du cinéma et de la musique qui ont toujours combattu les injustices ne se lèveront pas pour défendre notre environnement et la justice climatique car cela nuirait à leur droit de voyager autour du monde et de fréquenter leurs restaurants, plages et retraites de yoga préférés.


 Éviter une catastrophe climatique, c’est réaliser ce qui paraît impossible. Et c’est ce que nous devons faire.

 Mais voilà la vérité : nous ne pouvons pas le faire sans vous tous ici présents ce soir.

 On vous perçoit comme des dieux. Vous influencez des milliards de personnes. Nous avons besoin de vous.

 Vous pouvez utiliser votre voix pour sensibiliser le monde à la crise mondiale. Vous pouvez aider à transformer les initiatives individuelles en mouvements de masse. Vous pouvez nous aider à réveiller nos dirigeants - et leur faire prendre conscience que notre maison brûle.

 Nous vivons dans un monde étrange.

 Mais c’est le monde dont ma génération a hérité. C’est le seul monde dont nous disposons.

 Nous sommes maintenant à la croisée des chemins dans l’histoire.

 Nous sommes en train d'échouer, mais nous n’avons pas encore échoué.

 On peut encore arranger ça.

 C’est à nous de décider.



Le temps des cathédrales


Parlement européen

Strasbourg, le 16 avril 2019


Je m’appelle Greta Thunberg. J’ai seize ans. Je viens de Suède. Et j’aimerais que vous paniquiez. J’aimerais que vous agissiez comme si votre maison était en feu. Je l’avais déjà dit, et beaucoup de gens m’ont expliqué depuis que c’est une mauvaise idée. Nombre de politiciens m’ont dit que la panique ne mène à rien de bon. Et je suis d’accord. À moins d’y être obligé, paniquer est une mauvaise idée. Mais lorsque votre maison est en feu et que vous devez l’empêcher de brûler, alors il devient nécessaire de paniquer.


 Notre civilisation est tellement fragile qu’elle est presque comme un château construit sur du sable. La façade est très belle mais les fondations sont loin d’être solides.

 Nous sommes allés trop vite.


 Hier, le monde a regardé avec tristesse et désespoir les flammes dévaster Notre-Dame de Paris. Certains bâtiments sont plus que de simples bâtiments. Mais Notre-Dame sera reconstruite. J’espère que ses fondations sont solides. J’espère que nos fondations sont encore plus solides. Mais je crains qu’elles ne le soient pas.


Vers l’an 2030 - dans 10 ans, 259 jours et 10 heures - nous aurons atteint le point où nous déclencherons une réaction en chaîne irréversible qui mènera très probablement à la fin de notre civilisation telle que nous la connaissons. C’est ainsi, à moins que pendant de cette période, des changements durables et sans précédent aient eu lieu dans tous les domaines de la société, y compris une réduction d’au moins 50% de nos émissions de CO2. Et notez bien que ces calculs dépendent d’innovations qui n’ont pas encore été inventées à grande échelle. Des innovations censées libérer notre atmosphère de quantités astronomiques de dioxyde de carbone.


 De plus, ces calculs ne tiennent pas compte des points de basculement et des boucles de rétroaction, comme le puissant méthane s’échappant des permagels arctiques qui dégel rapidement. Ils n’incluent pas non plus le réchauffement induit par la pollution atmosphérique, et ne tient compte ni de l’équité, ni de la justice climatique, pourtant énoncée clairement dans l’Accord de Paris, et qui est absolument nécessaire pour un fonctionnement à l’échelle mondiale. Nous devons garder à l’esprit également qu’il s’agit d’estimations, ce qui signifie que le point de non-retour peut se produire un peu plus tôt que prévu. Personne ne peut le savoir avec certitude. Nous pouvons toutefois être certains qu’ils se produiront plus ou moins dans ces délais puisque ce sont des calculs et non des opinions ou des conjectures farfelues. Ces prédictions sont étayées par des faits scientifiques, conclus par toutes les nations du GIEC. Presque tous les grands organismes scientifiques du monde entier s'appuient sans réserve sur le travail et les conclusions du GIEC.

 Nous sommes au cœur de la sixième extinction de masse et le taux d’extinction est jusqu’à 10000 fois plus rapide que ce qui est considéré comme normal: jusqu’à 200 espèces qui disparaissent chaque jour. Érosion des sols fertiles. déforestation de nos grandes forêts, pollution atmosphérique toxique, perte d’insectes et de faune, acidification des océans. 

 Toutes ces tendances désastreuses sont amplifiées par un mode de vie que nous, dans cette partie du monde favorisée financièrement, considérons comme un droit.

 Mais peu de gens prennent conscience de ces catastrophes et comprennent qu’elles ne sont que les premiers symptômes de la dégradation écologique et climatique. D’ailleurs comment le pourraient-ils ? On ne leur a rien dit. Ou plus important encore, ils n’ont pas été informés par les bonnes personnes, de la bonne manière.

 Notre maison est en train de s’effondrer et nos dirigeants devraient commencer à agir de concert, et pourtant ils ne le font pas.

 Si notre maison était en train de s’effondrer, nos dirigeants n’agiraient pas comme vous le faîtes aujourd’hui. Vous changeriez radicalement votre comportement, comme vous le feriez en cas d’urgence. Si notre maison était en train de s’effondrer, vous ne voleriez pas autour du monde en classe affaires, discutant ici et là sur la façon dont le marché va résoudre cela avec des solutions astucieuses à des problèmes spécifiques et isolés; vous ne parleriez pas d’acheter et et de produire pour sortir d’une crise qui a été créée par l’achat et la production

 Si notre maison était en train de s’effondrer, vous ne tiendriez pas trois sommets d’urgence sur le Brexit, et aucun sur la dégradation des écosystèmes climatiques. Vous ne vous opposeriez pas à l’élimination progressive du charbon dans les 15 ans.

 Si notre maison était en train de s’effondrer, vous ne célébreriez pas le fait que l’Ireland soit le seul pays qui puisse bientôt se désengager des combustibles fossiles. On ne se réjouirait pas que la Norvège ait décidé d’arrêter de forer à l’extérieur de la station balnéaire des îles Lofote, mais qu’elle continue de forer pour tous les autres types de pétrole, et ce pendant des décennies. Ce genre de célébrations a trente ans de retard.

 Si notre maison était en train de s’effondrer, les médias ne parleraient de rien d’autre.La crise climatique et écologique en cours ferait la une des journaux. 

 Si notre maison était en train de s’effondrer, vous ne diriez pas que vous avez la situation en main, et vous ne ne placeriez pas les conditions de vie futures de toutes les espèces dans les mains d’inventions qui ne sont pas encore inventées. Et vous ne passeriez pas tout votre temps, en tant que politiciens, à discuter des impôts ou du Brexit. 

 Si les murs de notre maison s’écroulaient vraiment, vous mettriez sûrement vos différences de côté et vous commenceriez à coopérer. 

 Eh bien, notre maison est en train de s’effondrer. Et nous manquons cruellement de temps. Et pourtant, rien ne se passe. Tout doit changer; tout le monde doit changer. Alors pourquoi gaspiller un temps précieux à se disputer pour savoir qui ou quoi doit changer en premier? Tout doit changer; tout le monde doit changer. Mais plus vous avez de l’influence, votre responsabilité est grande. Plus votre empreinte carbone est élevée, plus votre devoir moral est important

 Quand je dis aux politiciens d’agir tout se suite, la réponse la plus commune est qu’ils ne peuvent rien faire de drastique car ce serait trop impopulaire parmi les électeurs.

Et ils ont raison, bien sûr, puisque la plupart des gens ne savent même pas pourquoi ces changements sont nécessaires. C’est pourquoi je ne cesse de vous dire de vous unir derrière la science. Faites de la connaissance scientifique le cœur de la politique et de la démocratie.

 Les élections européennes approchent et la plupart de ceux qui seront les plus touchés par cette crise, des gens comme moi, ne sont pas autorisés à voter. Nous ne sommes pas non plus en mesure de façonner les décisions en matière d’affaires, de politique, d’ingénierie, de médias, d’éducation ou de sciences. Parce que le temps nécessaire pour nous éduquer à cela n’existe tout simplement plus. Et c’est pourquoi des millions d’enfants descendent dans les rues, en grève de l’écolepour attirer l’attention sur la crise climatique. 

 Nous ne pouvons pas voter, alors vous devez nous écouter.

 Vous devez voter pour nous, pour vos enfants et petits-enfants.

 Ce que nous faisons maintenant ne pourra bientôt plus être défait.

 Dans cette élection, vous allez voter pour les conditions de vie futures de l’humanité.

 Et même si la politique nécessaire n’existe pas aujourd’hui, certaines alternatives sont certainement moins pires que d’autres. J’ai lu dans les journaux que certains partis politiques ne voulaient même pas que je prenne la parole aujourd’hui parce qu’ils ne veulent absolument pas parler du changement climatique.

 Notre maison est en train de s’effondrer. L’’avenir, comme ce que nous avons accompli par le passé, est littéralement entre vos mains maintenant. Mais il n’est pas trop tard pour agir. Il faudra du courage. Il faudra une farouche détermination pour agir maintenant, pour poser les fondations alors nous n’aurons peut-être pas tous les détails sur la façon de façonner le plafond. 

 En d’autres termes, il faudra penser comme pour bâtir une cathédrale.

 Je vous demande de bien vouloir vous réveiller et de faire les changements nécessaires.

 Faire de votre mieux n’est plus suffisant.

 Nous devons tous faire ce qui semble impossible.

 Et vous pouvez refuser de m’écouter.

Je ne suis qu’une écolière suédoise de 16 ans. Mais vous ne pouvez pas ignorer les scientifiques, ou la science, ou les millions d’écoliers qui font grève de l’école pour leur droit à un avenir.

 Je vous en supplie, n’échouez pas.





Ensemble, nous faisons la différence


Rassemblement de Extinction Rébellion

Londres, 23 Avril 2019



Je viens de Suède, et là-bas c'est presque le même problème qu'ici, comme partout, rien n'est fait pour arrêter la crise climatique et écologique, en dépit des belles paroles et des promesses.

Nous sommes maintenant confrontés à une crise existentielle - la crise climatique, la crise écologique - qui n'a jamais été traitée comme une crise auparavant.

Elles ont été ignorées pendant des décennies. Et pendant trop longtemps les hommes politiques et les gens au pouvoir s'en sont tirés sans la moindre action pour lutter contre la crise climatique et la crise écologique. Mais nous veillerons à ce qu'ils ne s'en tirent plus de cette façon. 

L'humanité se trouve maintenant à la croisée des chemins. Nous devons maintenant choisir quelle voie nous voulons emprunter. À quoi voulons-nous faire ressembler les futures conditions de vie de toutes les espèces ? 

Nous nous sommes rassemblés ici aujourd'hui et dans de nombreux autres endroits à Londres et dans le monde parce que nous avons choisi la voie que nous voulons emprunter, et maintenant nous attendons que d'autres suivent notre exemple.

Nous sommes ceux qui faisons la différence. Nous, les gens d'Extinction Rébellion, et ceux en grève de l’école pour le climat, nous faisons la différence. 

Ce ne devrait pas être comme ça, mais puisque personne ne fait rien, nous devrons le faire.

Et nous n'arrêterons jamais de nous battre, nous n'arrêterons jamais de nous battre pour cette planète, pour nous-mêmes, notre avenir, pour l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. 



M’entendez-vous ?


Chambres du Parlement

Londres, le 23 avril 2019



Je m’appelle Greta Thunberg. J’ai seize ans. Je viens de Suède et je parle au nom des générations futures.

  Je sais que beaucoup d’entre vous ne veulent pas nous écouter - vous dites que nous ne sommes que des enfants. Mais nous ne faisons que répéter le message du consensus scientifique.

  Beaucoup d’entre vous semblent préoccupés par le fait que nous perdons un temps précieux, mais je peux vous assurer que nous retournerons à l’école dès que vous commencerez à tenir compte de ce que dit la science et que vous nous donnerez un avenir. Est-ce trop demander ?

En 2030, j’aurai vingt-six ans. Ma petite sœur, Beata, en aura vingt-trois. Comme beaucoup de vos propres enfants ou petits-enfants. C’est un bel âge paraît-il, quand vous avez toute votre vie devant vous. Mais je ne suis pas sûr qu'il sera si beau pour nous.

J’ai eu la chance de naître dans un lieu et à une époque où tout le monde nous a dit de rêver grand; je pouvais devenir ce que je voulais. Les gens comme moi avaient tout ce dont ils avaient besoin et même plus encore. Des choses dont leurs grands-parents ne pouvaient même pas rêver. Nous avions tout ce que nous souhaitions et maintenant nous n’avons peut-être plus rien.

 Maintenant, nous n’avons probablement plus d’avenir.

  Parce que cet avenir aura été vendu pour qu’un petit nombre de personnes puissent amasser des sommes d’argent considérables . Notre avenir aura été volé chaque fois que vous avez dit que tout est possible, et que vous n’aviez qu’une vie.

Vous nous mentiez. Vous nous avez donné de faux espoirs. Vous nous disiez qu’il fallait se tourner vers l’avenir. Et le plus triste dans tout ça, c’ est que la plupart d’entre nous n’ont même pas conscience du sort qui nous attend. Nous ne comprendrons que quand il sera soit trop tard. Et pourtant, nous sommes les plus chanceux. Ceux qui seront le plus durement touchés en subissent déjà les conséquences. Mais leurs voix ne sont pas entendues.

Mon micro est-il allumé? M’entendez-vous? 

Vers l’an 2030, à 10 ans 252 jours et 10 heures d'ici, nous serons arrivés à un point où nous déclencherons une réaction en chaîne irréversible, qui mènera très probablement à la fin de notre civilisation telle que nous la connaissons. À moins qu’au cours de cette période des changements durables et sans précédent n’aient eu lieu dans tous les domaines de la société, y compris une réduction d’au moins 50% des émissions de CO2.

 Et notez bien que ces calculs dépendent d’innovations qui n’ont pas encore été inventées à grande échelle, des innovations qui sont censées absorber des quantités astronomiques de dioxyde de carbone dans l'atmosphère.

  De plus, ces calculs ne tiennent pas compte des points de basculement non prévus et des boucles de rétroaction, comme le puissant méthane s’échappant du pergélisol arctique qui dégèle rapidement.

  Ces calculs scientifiques n’incluent pas non plus le réchauffement déjà caché par la pollution atmosphérique. Ni l’aspect d’équité - ou de justice climatique - clairement énoncé par l’Accord de Paris, et qui est absolument nécessaire pour le faire fonctionner à l’échelle mondiale. Il faut aussi se rappeler que ce ne sont que des calculs. Des estimations. Cela signifie que ces 'points de non-retour' peuvent survenir un peu plus tôt ou plus tard qu’en 2030. Personne ne peut le savoir avec certitude. Nous pouvons cependant être certains qu’ils se produiront à peu près dans ces délais, parce que ces calculs ne sont pas des opinions ou des conjectures farfelues.

 Ces projections sont étayées par des faits scientifiques, conclus par toutes les nations par l’intermédiaire du GIEC. Presque tous les grands organismes scientifiques nationaux du monde entier appuient sans réserve les travaux et les conclusions du GIEC.

 Avez-vous entendu ce que je viens de dire? Mon anglais est-il correct? Le microest-il allumé? Parce que je commence à me poser des questions.

 Au cours des six derniers mois, j’ai parcouru l’Europe pendant des centaines d’heures dans les trains, les voitures électriques et les autobus, reprenant sans cesse ces mots qui ont changé ma vie. Mais personne ne semble en parler, et rien n’a changé. En fait, les émissions continuent d’augmenter.

Quand je voyage pour parler dans différents pays, on m’offre toujours de l’aide pour écrire sur les politiques climatiques spécifiques des pays. Mais ce n’est pas nécessaire. Parce que le problème fondamental est le même partout. Et le problème fondamental est que rien n’est fait pour arrêter - ou même ralentir - la rupture écologique du climat, malgré toutes les belles paroles et promesses. 

Le Royaume-Uni est, cependant, très spécial. Non seulement pour sa dette de carbone historique époustouflante, mais aussi pour sa façon très spéciale de comptabiliser ses émissions actuellement.

  Depuis 1990, le Royaume-Uni a réalisé une réduction de 37% de ses émissions de carbone, selon le Global Carbon Project. Et cela semble très impressionnant. Mais ces chiffres ne comprennent pas les émissions provenant de l’aviation, du transport maritime, ni celles associées à l’importation et à l’exportation. Si ces chiffres sont inclus, la réduction est d’environ 10% depuis 1990 - soit une moyenne de 0,4%, en accord avec Tyndall Manchester.

 Et la principale raison de cette réduction n’est pas une conséquence des politiques climatiques, mais plutôt une directive de 2001 sur la qualité de l’air qui a forcé le Royaume-Uni à fermer ses vieilles centrales au charbon extrêmement sales et à les remplacer par des centrales au gaz moins sales. Et passer d’une source d’énergie désastreuse à une source d’énergie un peu moins désastreuse entraînera bien sûr une diminution des émissions.

  Mais l’idée fausse la plus dangereuse au sujet de la crise climatique est que nous devons 'réduire' nos émissions. Parce que c’est loin d’être suffisant. Nos émissions doivent cesser si nous voulons rester en dessous de 1,5 à 2 °C de réchauffement. La réduction des émissions est bien sûr nécessaire, mais ce n’est que le début d’un processus rapide qui doit conduire à un arrêt dans quelques décennies, ou moins. Et par 'stop', j’entends la carboneutralité - et même bientôt des chiffres négatifs. Cela exclut la plupart des politiques d’aujourd’hui.


 Le fait que nous parlions de 'réduire' au lieu de 'stopper' les émissions est peut-être la plus grande force poussant à la poursuite des activités. Le soutien actif et actuel du Royaume-Uni à la nouvelle exploitation des combustibles fossiles - comme l’industrie britannique de la fracturation de gaz de schiste, l’expansion de ses champs pétroliers et gaziers de la mer du Nord, l’expansion aéroportuaire ainsi que l’autorisation de planification d’une toute nouvelle mine de charbon - est au-delà de l’absurde.


On nous dit toujours que nous, moi et ces millions de grévistes scolaires, devrions être fiers de nous pour ce que nous avons accompli. Mais la seule chose que nous devons regarder, c'est la courbe des émissions. Et je suis désolé, mais elle est toujours en hausse. Cette courbe est la seule chose que nous devrions regarder.

Chaque fois que nous prenons une décision, nous devons nous demander comment cette décision va affecter cette courbe. Nous ne devrions plus mesurer notre richesse et notre réussite à l'aune du graphique qui indique la croissance économique, mais à celle de la courbe qui indique les émissions de gaz à effet de serre. Nous ne devrions plus seulement nous demander : "Avons-nous assez d'argent pour aller jusqu'au bout ?" mais aussi : "Avons-nous assez de budget carbone pour aller jusqu'au bout ?". Cela devrait et doit devenir le centre de notre nouvelle monnaie.



 Beaucoup de personnes disent que nous n’avons pas de solutions à la crise climatique. Et ils ont raison. Parce que comment pourrions-nous? Comment 'résoudre' la plus grande crise que l’humanité ait jamais affrontée ? Comment 'résoudre' une guerre ? Comment 'résoudre' d'aller sur la lune pour la première fois ? Comment 'résoudre' le fait d’imaginer de nouvelles inventions ?

  La crise climatique est à la fois le problème le plus facile et le plus difficile auquel nous ayons jamais été confrontés. Le plus facile parce que nous savons ce que nous devons faire: nous devons mettre fin aux émissions de gaz à effet de serre. Le plus dur parce que notre économie actuelle est encore totalement dépendante de la combustion des combustibles fossiles, détruisant ainsi les écosystèmes afin de créer une croissance économique durable.

 Alors vous, les écoliers en grève pour le climat, vous 

 nous demandez «comment pouvons-nous résoudre cela?»  

 Et nous disons : « Personne ne sait avec certitude. Mais nous devons arrêter de brûler des combustibles fossiles. Nous devons régénérer la nature et faire bien d’autres choses que nous n’avons peut-être pas encore comprises.»  

 Vous dîtes : “Ce n’est pas une réponse !”

 Nous disons donc : "Nous devons gérer la crise comme une crise - et agir même si nous n’avons pas toutes les solutions." 

 “Ce n’est toujours pas une réponse “ répondez-vous

 Nous commençons à parler d’une économie circulaire et de la nécessité d’une transition équitable. Alors vous ne comprenez pas de quoi nous parlons.

 Nous disons que ces solutions nécessaires ne sont connues de personne et donc nous devons nous unir derrière la science et les trouver ensemble dans le long chemin. Mais vous n’écoutez pas. Parce que ces réponses sont là pour résoudre une crise que la plupart d’entre vous ne comprennent pas complètement. Ou ne veulent pas comprendre.

 Vous n’écoutez pas la science parce que vous n’êtes intéressés que par des solutions qui vous permettaient de continuer comme avant. Comme maintenant. Et ces solutions n’existent plus. Parce que vous n’avez pas agi à temps. Éviter le gouffre climatique nécessitera de penser de la même manière que pour bâtir une cathédrale. Nous devons jeter les bases alors que nous ne savons peut-être pas encore exactement comment construire le plafond.

 Parfois, nous devons simplement trouver un moyen. Dès que nous décidons de réaliser quelque chose, nous pouvons tout faire. Je suis sûre que dès que nous nous comporterons comme dans un cas d’urgence, nous pourrons éviter les catastrophes climatiques et écologiques. Les humains sont très adaptables : nous pouvons encore y remédier. Mais l’opportunité de le faire ne durera pas longtemps. Nous devons commencer dès aujourd’hui. Nous n’avons plus d’excuses.

 Nous, enfants, ne sacrifions pas notre éducation et notre enfance pour vous écouter nous dire ce que vous considérez comme politiquement possible dans la société que vous avez créée. Nous ne sommes pas descendus dans la rue pour que vous preniez des selfies avec nous; dites plutôt que vous admirez vraiment ce que nous faisons.

 Nous, enfants, faisons cela pour réveiller les adultes. Nous, enfants, faisons cela pour que vous mettiez vos différences de côté et que vous commenciez à agir comme vous devez le faire en temps de crise. Nous, enfants, faisons cela parce que nous voulons retrouver nos espoirs et nos rêves. J’espère que mon micro était allumé. J’espère que vous m’avez tous entendue.




La solution la plus simple est sous vos yeux

       

       

Sommet mondial autrichien

      Vienne, le 28 mai 2019

       

Je m'appelle Greta Thunberg. Je suis une activiste climatique suédoise et depuis neuf mois, je fais la grève de l’école pour le climat chaque vendredi devant le Parlement suédois.

       

Nous devons changer la façon dont nous traitons la crise climatique.

       

Nous devons changer la façon dont nous parlons de la crise climatique.

       

Et nous devons l'appeler par son nom. Une urgence.

       

Je suis certaine que la plupart des personnes ici présentes sont généralement conscientes de la situation. Mais mon expérience la plus marquante au cours de ces neuf derniers mois est qu’en général, les gens n'en ont pas la moindre idée.

       

Beaucoup d'entre nous savent que quelque chose ne va pas, que la planète se réchauffe à cause de l'augmentation des gaz à effet de serre, mais nous n'en connaissons pas toutes les conséquences. La grande majorité d'entre nous en sait beaucoup moins que nous le croyons.

       

Et cela ne devrait pas être une surprise.

On ne nous a jamais montré les graphiques qui montrent de combien les émissions de CO2 doivent être réduites pour que nous restions en dessous de la limite de 1,5°C.

       

On ne nous a jamais expliqué la signification de l'aspect "équité" de l'accord de Paris - et pourquoi il est si important. On ne nous a jamais appris ce que sont les boucles de rétroaction ou les points de basculement - ni ce qu'est l'emballement de l'effet de serre.

       

La plupart d'entre nous ne connaissent pratiquement aucun des faits de base.

D’ailleurs comment le pourrions-nous ? On ne nous l'a pas dit. Ou, plus important encore, nous n'avons jamais été informés par les bonnes personnes.

       

Nous sommes Homo sapiens sapiens. De la famille des hominidés. De l'ordre des primates. De la classe Mammalia. Du royaume Animalia. Nous faisons partie de la nature. Nous sommes des animaux sociaux. Nous sommes naturellement entraînés par nos dirigeants.

       

Ces derniers mois, des millions d'écoliers ont fait la grève des écoles pour le climat et ont attiré l'attention sur la crise climatique. Mais nous, les enfants, ne sommes pas des dirigenats. Les scientifiques non plus, malheureusement. Mais beaucoup d'entre vous ici aujourd'hui le sont. Présidents, célébrités, politiciens, patrons et journalistes. Les gens vous écoutent. Ils sont influencés par vous. Ils vous suivent. Et par conséquent, vous avez une énorme responsabilité. Et soyons honnêtes. C'est une responsabilité que la plupart d'entre vous n'ont pas su prendre.

       

Vous ne pouvez pas compter sur le fait que les gens lisent entre les lignes ou cherchent eux-mêmes les informations comme lire le dernier rapport du GIEC, suivre la courbe de Keeling ou garder un œil sur le bilan carbone du monde qui disparaît rapidement.     

       

Vous devez expliquer cela, à plusieurs reprises. Aussi dérangeant ou peu rentable que cela puisse être.

       

Et oui, un monde transformé comportera de nombreux avantages. Mais vous devez comprendre cela: il ne s'agit pas d'une opportunité de créer de nouveaux emplois verts, de nouvelles entreprises ou une croissance économique verte. Il s'agit avant tout d'une urgence, et pas n'importe quelle urgence. Il s'agit de la plus grande crise que l'humanité ait jamais connue. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut liker sur Facebook.

       

Lorsque j'ai entendu parler pour la première fois de l'effondrement du climat et de l'écologie, je ne croyais pas que cela pouvait arriver.

       

Parce que comment cela pourrait-il être possible ? Comment pourrions-nous être confrontés à une crise existentielle qui menacerait notre survie même, et qui serait notre première priorité ?

       

S'il y avait vraiment une crise de cette ampleur, alors nous parlerions que très rarement d'autre chose. Dès qu’on allumerait la télévision, tout n’aurait trait qu’à ça. Les gros titres, la radio, les journaux. On ne lirait ou n'entendrait presque jamais parler d'autre chose.

       

Et les politiciens auraient sûrement déjà fait le nécessaire, non ?

       

Ils organiseraient sans cesse des réunions de crise, déclareraient des urgences climatiques partout et passeraient toutes les heures disponibles à gérer la situation et à informer les gens de ce qui se passe.

       

Mais il n'en a jamais été ainsi. La crise climatique a été traitéecomme n'importe quel autre problème, même moins que ça. Chaque fois que vous avez entendu un politicien en parler, il n'a jamais parlé d'urgence. Selon eux, il y avait toujours d'innombrables technologies et solutions simples qui, une fois mises en place, allaient tout résoudre.

       

À un moment, les politiciens disent que "le changement climatique est le sujet le plus important, nous allons faire tout ce que nous pouvons pour l'arrêter". Et dans la seconde qui suit, ils veulent agrandir les aéroports, construire de nouvelles centrales à charbon et des autoroutes, puis ils s'envolent en jet privé pour assister à une réunion à l'autre bout du monde.

       

Ce n'est pas ainsi que l'on agit en cas de crise. Et les humains sont des animaux sociaux, nous ne pouvons pas échapper à cela. Et tant que vous, dirigeants, agirez comme si tout allait bien et comme si vous aviez les choses en main, les gens ne comprendront pas que nous sommes dans une situation d'urgence.

       

Vous ne pouvez pas continuer à parler uniquement de solutions spécifiques isolées à des problèmes spécifiques isolés. Nous devons avoir une vue d'ensemble.

       

Si vous dites que nous pouvons "résoudre" cette crise simplement en augmentant ou en diminuant certaines taxes, en éliminant progressivement le charbon en dix ou quinze ans, en installant des panneaux solaires sur les nouveaux bâtiments ou en fabriquant davantage de voitures électriques, alors les gens penseront que nous pouvons "résoudre" cette crise avec quelques réformes politiques, sans que personne ne fasse de réel effort.

       

Et c'est très dangereux. Parce que les solutions spécifiques et isolées ne suffisent plus, et vous le savez.   

            

Nous devons maintenant changer pratiquement tout. Nous avons maintenant besoin d'une toute nouvelle façon de penser.

       

Je sais que vous êtes désespérément à la recherche d'espoir et de solutions. Mais la plus grande source d'espoir et la solution la plus simple est juste devant vous, et elle l'a toujours été. Il s’agit de nous, les gens, et c’est quelque chose que nous ne savons pas.

       

Nous, les humains, ne sommes pas stupides. Nous ne ruinons pas la biosphère et les conditions de vie futures de toutes les espèces parce que nous sommes mauvais. Nous ne sommes tout simplement pas conscients. Mais une fois que nous comprenons, une fois que nous réalisons la situation, alors nous agissons, nous changeons. L'être humain est très adaptable.

       

Donc, au lieu d'être uniquement obsédés par la recherche de solutions à un problème dont la plupart d'entre nous ignorent même l'existence, vous devez également vous attacher à nous informer sur le problème réel.

       

Nous devons reconnaître que nous ne maîtrisons pas la situation et que nous n'avons pas encore toutes les solutions.

       

Nous devons admettre que nous sommes en train de perdre cette bataille.

Nous devons cesser de jouer avec les mots et les chiffres.

Parce que nous n'avons plus le temps pour cela, et pour reprendre les mots de l'auteur Alex Steffen, "Gagner lentement est la même chose que perdre".

       

Plus nous attendons, plus il sera difficile de renverser la situation. Alors n'attendons plus. Commençons à agir.

       

Pendant trop longtemps, les gens au pouvoir s'en sont tirés en ne faisant rien pour arrêter la dégradation du climat et de l'environnement.

  

Ils ont réussi à nous voler notre avenir et à le vendre à des fins lucratives.

Mais nous, les jeunes, nous nous réveillons.

Et nous vous promettons que nous ne vous laisserons plus vous en tirer comme ça.        

       


Vous ne pouvez pas inventer vos propres faits


Assemblée nationale française

Paris, le 23 juillet 2019


Merci à tous d’être venus.

J'ai de bonnes et de mauvaises nouvelles concernant l'urgence climatique. Je vais commencer par les bonnes nouvelles. La fin du monde – comme un petit nombre de personnes l'ont dit ces derniers temps – n’arrivera pas dans onze ans.

La mauvaise nouvelle cependant est qu'aux alentours de 2030, si nous continuons comme si de rien n'était, nous serons probablement dans une position où nous pourrions franchir plusieurs points de basculement. Alors nous ne serions plus en mesure d’inverser la dégradation irréversible du climat.

Beaucoup de gens, beaucoup d’hommes politiques, de chefs d'entreprise, de journalistes disent qu'ils ne sont pas "d'accord" avec ce que nous, les enfants, disons. Ils disent que nous exagérons, que nous sommes alarmistes.

Pour répondre à cela, je voudrais renvoyer à la page 108, chapitre 2, du dernier rapport du GIEC.

Vous y trouverez toutes nos « opinions » résumées. Parce que vous y trouvez notre budget de dioxyde de carbone restant.

Là, il est dit que si nous voulons avoir 67 % de chances de limiter la hausse de la température mondiale à moins de 1,5 °C, il nous restait, au 1er janvier 2018, 420 gigatonnes de dioxyde de carbone dans notre budget CO2. Et bien sûr, ce nombre est beaucoup plus faible aujourd'hui. Nous émettons environ 42 gigatonnes de CO2 chaque année.

Aux niveaux d'émissions actuels, ce budget carbone restant est épuisé en environ 8 ans et demi.

Ces chiffres sont aussi réels que possible. Bien qu'un grand nombre de scientifiques suggèrent qu'ils sont trop optimistes, ce sont ceux qui ont été acceptés par toutes les nations par l’intermédiaire du GIEC.

Et pas une fois, pas une seule fois n'ai-je entendu un homme politique, un journaliste ou un chef d'entreprise ne serait-ce que mentionner ces chiffres. C'est comme si vous ne saviez même pas qu'ils existent, comme si vous n'aviez même pas lu le dernier rapport du GIEC, dont dépend l'avenir de notre civilisation.

Ou peut-être que vous n'êtes tout simplement pas assez mûrs pour dire les choses telles qu’elles sont.

Parce que même ce fardeau vous le laissez à nous, les enfants. Nous devenons les méchants qui doivent dire aux gens ces choses dérangeantes, parce que personne d'autre ne veut ou n'ose le faire.

Et juste pour avoir cité ces chiffres - ces faits scientifiques - et agi en conséquence, nous recevons des quantités inimaginables de haine et de menaces. Nous sommes moqués et calomniés par des élus, des parlementaires, des chefs d'entreprise, des journalistes.

Voilà ce que je voudrais vraiment demander à tous ceux qui s'interrogent sur nos soi-disant « opinions », ou pensent que nous sommes extrêmes : avez-vous un autre budget carbone pour avoir au moins une chance raisonnable de rester en dessous de 1,5°C de réchauffement ? Existe-t-il un autre groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique ? Existe-t-il un accord secret de Paris que nous ne connaîtrons pas ? Celui qui n'inclut pas l'aspect d’équité?

Parce que ce sont ces chiffres qui comptent. Ce sont les meilleures connaissances scientifiques disponibles à l’heure actuelle. Vous ne pouvez tout simplement pas inventer vos propres faits, juste parce que vous n'aimez pas ce que vous entendez. Il n'y a pas de juste milieu face à l'urgence climatique et écologique.

Bien sûr, vous pourriez dire que nous devrions opter pour une voie plus risquée, comme l'alternative de 580 gigatonnes de CO2 à partir du 1er janvier 2018, qui nous donne une chance sur deux de limiter la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5°C. Cette quantité de dioxyde de carbone s'épuisera dans environ douze ans au rythme actuel. Mais pourquoi devrions-nous faire cela ? Pourquoi devrions-nous accepter de prendre ce risque ? Jouer les futures conditions de vie pour l’humanité à pile ou face? 

Il ne reste que 420 gigatonnes de CO2 à émettre. Et aujourd’hui, ce nombre est tombé à moins de 360 ​​gigatonnes.

Et notez bien que ces chiffres sont globaux et ne disent donc rien sur l'aspect d'équité, clairement énoncé tout au long de l'Accord de Paris, et qui est absolument nécessaire pour que cela fonctionne à l'échelle mondiale. Cela signifie que les pays les plus riches doivent parvenir plus rapidement à zéro émission - afin que les habitants des régions les plus pauvres du monde puissent améliorer leur niveau de vie en construisant certaines des infrastructures que nous avons déjà construites. Tels que les routes, les hôpitaux, l'électricité, les écoles et l'approvisionnement en eau potable.

Et parce que vous avez ignoré ces faits, parce que vous et à peu près tous les médias, continuez à les ignorer jusqu'à maintenant – les gens ne savent pas ce qui se passe.

Si vous respectez la science, si vous comprenez la science, alors cela suffit. Il ne restait que 420 gigatonnes de CO2 à émettre au 1er janvier 2018 pour avoir 67% de chances de rester en dessous d'une hausse de température globale de 1,5°C, selon le GIEC.

Dans l'Accord de Paris, nous n'avons signé que pour rester en dessous de 1,5 à 2 °C de hausse de température. Et cela nous donne bien sûr un budget carbone restant plus important. Mais le dernier rapport du GIEC montre que viser moins de 1,5°C réduirait considérablement les impacts climatiques, et sauverait très certainement d'innombrables vies humaines.

Voilà tout ce dont il est question. C'est tout ce que nous disons. Mais je vais aussi vous dire ceci, vous ne pouvez pas résoudre une crise sans la traiter comme une crise, sans voir la situation dans son ensemble.

Vous ne pouvez pas laisser la responsabilité aux individus, aux hommes politiques, au marché ou à d'autres parties du monde. Cela doit inclure tout et tout le monde.

Une fois que vous réalisez à quel point la taille de notre budget carbone restant est douloureusement petite ; une fois que vous réalisez à quelle vitesse il disparaît; une fois que vous vous rendez compte qu’à peu près rien n'est fait à ce sujet ; et une fois que vous vous rendez compte que pratiquement personne n'est même conscient de l’existence du budget carbone… alors dîtes-moi - qu'est-ce que vous faîtes exactement? Et comment le faire sans paraître alarmiste ?

C'est la question que nous devons nous poser, et que les personnes au pouvoir doivent se poser.

La science est claire. Et tout ce que nous, les enfants, faisons, c'est communiquer et agir sur les bases de ce consensus scientifique.

À présent, les dirigeants politiques de certains pays commencent à parler. Ils commencent à déclarer des urgences climatiques et à annoncer des échéances pour la soi-disant «neutralité climatique». C’est bien de déclarer une urgence climatique.

Mais ne faire que fixer de vagues dates lointaines, et dire des choses qui donnent l'impression que des choses sont faites et que des actions sont en cours feront probablement plus de mal que de bien. Parce que les changements nécessaires ne sont toujours pas en vue. Ni en France, ni dans l'UE. Nulle part.

Et je crois que le plus grand danger n'est pas notre inaction. Le vrai danger, c'est lorsque les entreprises et les politiciens donnent l'impression qu'une action réelle est en cours, alors qu'en fait pratiquement rien n’est fait, à part une comptabilité intelligente et des relations publiques créatives.

L'urgence climatique et écologique est là, en ce moment. Mais cela ne fait que commencer. Ça va empirer.

Il ne restait que 420 gigatonnes de CO2 à émettre au 1er janvier 2018 pour avoir 67 % de chances de rester en dessous d'une hausse de température globale de 1,5 °C.

Et aujourd’hui, ce chiffre est déjà tombé à moins de 360 ​​gigatonnes.

Aux niveaux d'émissions actuels, ce budget restant sera épuisé dans environ 8 ans et demi.

En fait, depuis que j'ai commencé ce discours, le monde a émis environ 800 000 tonnes de CO2.

Et si quelqu'un trouve encore des excuses pour ne pas écouter, ne pas agir, ne pas s'en soucier, je vous demande encore une fois : existe-t-il un autre groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique ? Existe-t-il un accord secret de Paris dont nous n’aurions pas connaissance ? Celui qui n'inclut pas l'aspect de l'équité? Avez-vous un budget carbone différent pour avoir au moins une chance raisonnable de rester en dessous de 1,5°C de hausse de la température mondiale ?

Certaines personnes ont choisi de ne pas venir ici aujourd'hui, certaines personnes ont choisi de ne pas nous écouter. Et ça tombe bien, nous ne sommes après tout que des enfants. Vous n'êtes pas obligé de nous écouter. Mais vous devez écouter le consensus scientifique. Les scientifiques. Et c'est tout ce que nous demandons - unissons-nous derrière la science.




Où que j’aille, j’ai l’impression qu’on me raconte des histoires


Congrès des États-Unis, Washington, DC, 18 septembre 2019


Je m'appelle Greta Thunberg, j'ai seize ans et je viens de Suède. Je suis ravie d'être parmi vous, ici, aux États-Unis. Une nation qui, pour beaucoup de gens, est le pays des rêves. J’ai moi aussi un rêve.


Le rêve que les gouvernements, les partis politiques et les entreprises saisissent l'urgence de la crise climatique et écologique et s'unissent malgré leurs différences - comme on le ferait en cas d'urgence - et prennent les mesures nécessaires pour sauvegarder les conditions d'une vie digne pour chacun sur terre. Alors, nous, les millions de jeunes élèves en grève, pourrions retourner à l'école.


Je rêve que les gens au pouvoir comme les médias commencent à traiter cette crise comme l'urgence existentielle qu'elle est. Afin que je puisse rentrer chez moi auprès de ma sœur et de mes chiens. Parce qu'ils me manquent.


En fait, j'ai beaucoup de rêves. Mais nous sommes en 2019. Ce n'est ni le moment ni l'endroit pour rêver. C'est le moment de se réveiller. C'est le moment de l'histoire où nous devons être bien réveillés.


Et oui, nous avons besoin de rêves, nous ne pouvons vivre sans rêves.

Mais il y a un temps et un lieu pour tout. Et les rêves ne peuvent pas nous empêcher de dire les choses telles qu'elles sont.


Et pourtant, où que j'aille, j’ai l’impression d’être entourée de contes de fées. Des chefs d'entreprise, des élus de tout bord passent leur temps à inventer et à conter des histoires rassurantes pour nous rendormir. Des récits réconfortants qui racontent comment nous allons tout arranger, comment tout sera merveilleux lorsque tout sera "résolu". Mais le problème auquel nous sommes confrontés n'est pas notre incapacité à rêver ou imaginer un monde meilleur. Le problème actuel est que nous devons nous réveiller. Il est temps de se confronter à la réalité, aux faits, à la science.


Et la science ne parle pas seulement de "grandes opportunités pour créer la société que nous avons toujours voulue". Elle parle de souffrances humaines silencieuses, qui ne cesseront de s'aggraver à mesure que nous tarderons à agir - à moins que nous ne commencions maintenant. Et oui, bien sûr, un monde nouveau et durable comportera de nombreux nouveaux avantages. Mais il faut bien comprendre: il ne s'agit pas d'une opportunité de créer de nouveaux emplois verts, de nouvelles entreprises ou une croissance économique verte. Il est avant tout question d’ urgence, et pas de n'importe quelle urgence. Il s'agit de la plus grande crise à laquelle l'humanité ait jamais été confrontée.


Et nous devons la traiter en conséquence. Pour que les gens puissent comprendre et saisir l'urgence. Car on ne peut pas résoudre une crise sans la traiter comme telle. Arrêtez de dire aux gens que tout ira bien alors qu'en fait, dans l'état actuel des choses, cela n’ira pas très "bien". Ce n'est pas quelque chose que vous pouvez emballer, vendre ou "aimer" sur les réseaux sociaux.


Arrêtez de prétendre que vous, votre projet d’entreprise, votre parti politique ou votre plan va tout résoudre. Il faut nous rendre compte que nous n'avons pas encore toutes les solutions. Loin de là. Sauf si ces solutions impliquent que nous arrêtions tout simplement de faire certaines choses.


Changer une source d'énergie désastreuse pour une autre légèrement moins désastreuse n'est pas un progrès.

Exporter nos émissions à l'étranger n'est pas réduire nos émissions.

La comptabilité créative ne nous aidera pas. En fait, c'est le cœur même du problème.


Certains d'entre vous ont peut-être entendu dire que nous avons douze ans à compter du 1er janvier 2018 pour réduire de moitié nos émissions de dioxyde de carbone. Mais je suppose qu'aucun d'entre vous n'a entendu dire qu'il s'agit d'une chance sur deux de rester en dessous d'une augmentation de la température mondiale de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Une chance sur deux.


Et ces calculs scientifiques, les meilleurs disponibles à l’heure actuelle, ne tiennent pas compte des points de basculement non linéaires ni des boucles de rétroaction imprévues, comme le méthane, gaz extrêmement puissant qui s'échappe en raison du dégèlement rapide du permafrost arctique.


Ni du réchauffement additionnel caché par la toxicité et la pollution de l’air. Ni de l'aspect d’équité ou de justice climatique.

Ainsi, une chance sur deux - un tirage à pile ou face- ne sera certainement pas suffisante. Ce serait impossible à défendre moralement.

L'un d'entre vous monterait-il dans un avion s'il savait qu'il a plus de 50 % de chances de s'écraser ?

Plus précisément : mettriez-vous vos enfants sur ce vol ?


Et pourquoi est-ce tellement important de rester sous la limite de 1,5°C ? Parce que c'est ce que la connaissance scientifique préconise, pour éviter de déstabiliser le climat, pour ne pas déclencher une réaction en chaîne irréversible échappant au contrôle de l'homme. Même à 1°C de réchauffement, nous constatons d’inacceptable perte de vies et de moyens de subsistance.


Alors par où commencer ?

Je propose de commencer par le chapitre 2, page 108 du rapport SR15 du GIEC publié l'année dernière.

Il y est dit que si nous voulons avoir 67 % de chances de limiter l'augmentation de la température mondiale à moins de 1,5 °C, il nous restait, au 1er janvier 2018, environ 420 gigatonnes de CO2 à émettre dans ce budget carbone. Et bien sûr, ce chiffre est beaucoup plus bas aujourd'hui puisque nous émettons environ 42 gigatonnes de CO2 chaque année, si l'on inclut l'exploitation des sols.


Avec les niveaux d'émission actuels, ce budget restant sera épuisé en moins de 8 ans et demi. Ces chiffres ne sont pas mon point de vue. Ils ne sont l'opinion de personne et n’ont aucune visée politique. Il s'agit des meilleures connaissances scientifiques disponibles à l’heure actuelle. Bien qu'un grand nombre de scientifiques les jugent encore trop modérés, ce sont ceux qui ont été acceptés par toutes les nations à travers le GIEC.


À noter que ces chiffres sont globaux et ne disent rien de l'aspect d'équité, pourtant clairement énoncé dans l'Accord de Paris, aspect absolument nécessaire pour un fonctionnement à l'échelle mondiale. Cela signifie que les pays les plus riches doivent faire leur part du travail et parvenir à zéro-émission beaucoup plus rapidement, afin que les habitants des pays les plus pauvres puissent améliorer leur niveau de vie, en construisant certaines des infrastructures que nous avons déjà construites comme les routes, les hôpitaux, les écoles, l'eau potable et l'électricité.


Les États-Unis sont le plus grand pollueur en matière de carbone de toute l'histoire. C'est aussi le premier producteur mondial de pétrole. Et pourtant, vous êtes la seule nation au monde à avoir annoncé votre ferme intention de quitter l'accord de Paris.


Parce que, je cite, "c'était un mauvais accord pour les États-Unis".

Il restait quatre cent vingt gigatonnes de CO2 à émettre au 1er janvier 2018 pour avoir 67 % de chances de rester en dessous d'une hausse de 1,5 °C de la température mondiale.

Aujourd'hui, ce chiffre est déjà descendu à moins de 360 gigatonnes.


Ces chiffres mettent mal à l’aise. Mais les gens ont le droit de savoir. Et la grande majorité d'entre nous ne sait même pas que ces chiffres existent. En fait, même les journalistes que je rencontre ne semblent pas en connaître l’existence.

Sans parler des politiciens.

Et pourtant, ils semblent tous certains que leur projet politique va résoudre la crise dans son intégralité.


Mais comment pouvons-nous résoudre un problème que nous ne comprenons même pas dans son ensemble ? Comment pouvons-nous mettre de côté les meilleures connaissances scientifiques disponibles à l’heure actuelle ?

Je crois qu'agir ainsi présente un grand danger. Et qu’importe le contexte politique de cette crise, elle ne doit pas rester une question de politique partisane. La crise climatique et écologique est au-delà de la politique politicienne. Et notre principal ennemi aujourd’hui n'est pas notre adversaire politique. Notre principal ennemi désormais c’est la physique. Et nous ne pouvons pas conclure d’ "accord” avec la physique.


On dit que faire des sacrifices pour la survie de la biosphère - et pour garantir les conditions de vie des générations actuelles et futures - est une chose impossible à faire.

Les Américains ont pourtant déjà fait de grands sacrifices pour surmonter de terribles obstacles.


Pensez aux courageux soldats qui se sont précipités sur le rivage dans la première vague sur Omaha Beach le jour du Débarquement.

Pensez à Martin Luther King et aux 600 autres défenseurs des droits civiques prêts à tout risquer pour marcher de Selma à Montgomery.

Pensez au président John F. Kennedy annonçant en 1962 que l'Amérique "choisirait d'aller sur la lune au cours de cette décennie et de faire d’autres choses encore, non pas parce qu'elles sont faciles, mais parce qu'elles sont difficiles".


C'est peut-être impossible.

Mais si l'on regarde ces chiffres - si l'on regarde les meilleures données scientifiques disponibles actuellement, signées par chaque nation - je pense que c'est précisément ce à quoi nous sommes confrontés.

Mais il ne faut pas passer votre temps à rêver, ni voir cela comme un combat politique qu’il faudrait gagner.

Et vous ne devez pas jouer l'avenir de vos enfants à pile ou face.


Au contraire, vous devez vous unir derrière la science. Vous devez agir.

Vous devez faire l'impossible.

Parce qu'abandonner ne sera jamais une solution envisageable.



Le monde se réveille


Assemblée générale des Nations Unies

New-York, le 3 septembre 2019


Mon message, c’est que je vous surveille.

Rien ne va. Je ne devrais pas être ici. Je devrais être de retour à l’école de l’autre côté de l’océan. Vous venez encore demander de l’espoir aux jeunes ? Comment osez-vous!


Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos discours creux. Et encore, je fais partie des plus chanceux. Les gens souffrent, les gens meurent, des écosystèmes entiers sont en train de s’effondrer. Nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent et des contes de fée de la croissance économique éternelle? Comment osez-vous!


Depuis plus de 30 ans, la science a été on ne peut plus claire. Comment osez-vous regarder ailleurs et venir dire ici que ce que vous faîtes est suffisant, alors qu’aucune politique ou solution nécessaire n’est encore en vue?


Vous dites que vous nous entendez et que vous comprenez l'urgence. Mais peu importe combien je suis triste ou en colère, je ne veux pas y croire. Car si vous compreniez vraiment la situation mais que vous continuiez à ne rien faire, alors vous seriez malveillants, et cela je refuse de le croire.


L'idée répandue de réduire de moitié nos émissions dans les 10 ans nous donne seulement 50% de chance de rester sous les 1,5 degrés, et le risque de déclencher des réactions en chaîne au-delà de tout contrôle humain. Cinquante pour cent peut vous sembler acceptable. Mais ces chiffres n'incluent pas les points de basculement, la plupart des boucles de rétroaction, le réchauffement additionnel caché par la pollution et la toxicité de l'air, ni les aspects d'équité ou de justice climatique. Cela renvoie aussi à ma génération le fait d'extraire de l'air des centaines de milliards de tonnes de votre C02 avec des technologies qui existent à peine.


C’est pourquoi un risque de 50% n’est tout simplement pas acceptable pour nous - nous qui devrons vivre avec les conséquences.

Pour avoir 67% de chance de rester sous les 1,5 degrés d’augmentation globale de la température - taux le plus optimiste donné par le GIEC- le monde ne pouvait au 1er janvier 2018 plus qu'émettre 420 gigatonnes de CO2. Aujourd’hui ce chiffre est déjà descendu en dessous des 350 gigatonnes.


Comment osez-vous prétendre résoudre cela comme les “affaires courantes” ou avec quelques solutions techniques? Avec les niveaux d’émission actuels, le potentiel de CO2 restant sera entièrement utilisé en moins de 8 ans et demi.


Il n’y aura aucune solution ni aucun plan présentés en lien avec ces chiffres ici aujourd’hui, parce que ces chiffres mettent trop mal à l’aise. Et vous n’êtes pas encore assez matures pour dire les choses telles qu’elles sont.

Vous nous décevez. Mais les jeunes gens commencent à comprendre votre trahison. Le regard des générations futures se porte sur vous. Et si vous choisissez de nous décevoir, je dis: nous ne vous pardonnerons jamais.


Nous ne vous laisserons pas aller plus loin dans cette voie. Nous traçons la ligne rouge, ici et maintenant. Le monde se réveille, et le changement arrive, que ça vous plaise ou non.


Merci.


***


Nous sommes le changement, et le changement arrive



Semaine pour le futur, grève pour le climat

Montréal, 27 septembre 2019


Bonjour Montréal! Je suis très heureuse d'être ici au Canada, au Québec. Merci beaucoup!

Alors plus de 500000 personnes aujourd’hui! Vous pouvez être très fiers, et je ne pourrais pas vous remercier assez d’être là.

Au quatre coins de la terre, des millions de personnes sont en train de marcher. C’est incroyable d’être uni de cette manière pour une cause commune. C’est super, non? 

Et c’est super aussi d’être au Canada. C’est un peu comme revenir à la maison, car vous ressemblez beaucoup à la Suède, d’où je suis originaire.

Vous avez des élans, et nous avons des élans. Et vous avez des hivers froids, beaucoup de neige et des sapins. Et nous avons des hivers froids, beaucoup de neige et des sapins.

Vous avez le caribou et nous avons le renne. Vous jouez au hockey sur glace et nous jouons au hockey sur glace.

  Vous avez du sirop d’érable et nous avons… euh… j’ai oublié ce que nous avons!

On prétend que vous êtes une nation leader en matière de climat. La Suède aussi est prétendument une nation leader en matière de climat. Et dans les deux cas cela ne veut malheureusement rien dire. Parce que dans les deux cas ce sont des mots en l’air. Et aucune politique nécessaire n’est encore en vue.

Nous sommes donc à peu près les mêmes!

La semaine dernière, plus de 4 millions de personnes à travers 170 pays se sont mis en grève pour le climat.

Nous avons marché pour une planète vivante et un futur sûr pour chacun.

Nous avons parlé des connaissances scientifiques et demandé que les personnes au pouvoir écoutent et agissent sur des bases scientifiques.

Mais nos dirigeants politiques ne nous ont pas écoutés.

Cette semaine, les dirigeants mondiaux se sont réunis à New-York pour le sommet d’action pour le climat des Nations Unies. Ils nous ont à nouveau déçu avec leur discours creux et leurs actions inefficaces. Nous leur avons dit de s’unir derrière la science, mais il n’ont pas écouté.

Alors aujourd’hui nous sommes des millions à travers le monde à nous mettre en grève et à marcher de nouveau. Et nous continuerons à le faire jusqu’à ce qu’ils écoutent. Si les personnes au pouvoir ne prennent pas leurs responsabilités, alors nous les prendrons. Cela ne devrait pas être à nous de le faire, mais il est nécessaire que quelqu’un le fasse.

Ils disent que nous ne devrions pas nous inquiéter, et nous tourner vers un avenir prometteur. Mais ils oublient que s' ils avaient fait leur travail, nous n’aurions pas besoin de nous inquiéter. Si ils avaient commencé à temps alors la crise ne serait pas celle que nous connaissons aujourd’hui. Et nous promettons: une fois qu’ils auront commencé à faire leur travail et à prendre leurs responsabilités, nous arrêterons de nous inquiéter et retournerons à l’école ou au travail. Et encore une fois, nous ne transmettons ni opinion ni point de vue politique d’aucune sorte. Le climat et la crise écologique sont au-delà des partis politiques. Nous transmettons les meilleures connaissances scientifiques disponibles à l’heure actuelle.

Pour certaines personnes - en particulier ceux qui ont créé cette crise de bien des façons - il est bien trop dérangeant de se confronter à cette connaissance scientifique. Mais nous qui devrons vivre avec les conséquences - et ceux qui vivent déjà avec la crise écologique et climatique - nous n’avons pas le choix. Pour rester en dessous des 1,5°C - et nous donner une chance d’éviter le risque de déclencher des réactions en chaînes humainement incontrôlables - nous devons dire la vérité, et la dire telle qu’elle est.

Sorti l’année dernière, le rapport SR15 du GIEC stipule page 108, chapitre 2, que pour avoir 67% de chance de rester sous les 1,5°C d’augmentation de température - taux le plus optimiste donné par le GIEC - le monde ne disposait plus que de 420 mégatonnes de CO2 à émettre au 1er Janvier 2018.

Aujourd’hui ce chiffre est déjà descendu sous les 350 gigatonnes.

Avec le niveau d’émission actuel, ce budget carbone restant sera totalement épuisé en huit ans et demi.

Je vous prie de remarquer que ces calculs ne tiennent pas compte du réchauffement additionnel caché par la pollution et la toxicité de l’air, des points de basculement non linéaires, de la plupart des boucles de rétroaction ni des aspects d’équité ou de justice climatique.

Ils laissent aussi à ma génération le soin d'extraire de l'air des milliards de tonnes de CO2. avec des technologies qui existent à peine.

Et pas une fois, pas une seule fois n'ai-je entendu un homme politique, un journaliste ou un homme d'affaire ne serait-ce que mentionner ces chiffres.

Ils disent qu’il faut laisser les enfants être des enfants. Nous sommes d’accord, laissez-nous être des enfants. Faîtes votre part du travail, transmettez ce genre de chiffres au lieu de nous en laisser la responsabilité. Alors nous pourrons à nouveau “redevenir enfants”.

Certains disent que nous perdons du temps pour apprendre ; nous disons que nous sommes en train de changer le monde pour que nous puissions dire quand nous serons plus vieux que nous avons fait tout notre possible. Et nous n’arrêterons jamais de le faire. Nous ne cesserons jamais le combat pour la planète et pour notre futur.

Nous ferons tout ce qui est à notre portée pour que cette crise n’empire plus, même si cela veut dire rater l’école ou ne pas aller au travail. Parce que cela est plus important.

On nous a si souvent dit que cela ne servait à rien de faire cela, que nous n’avons aucun impact, que cela n’aurait aucun effet. Je pense qu’à l’heure qu’il est nous avons prouvé que c’était faux.

 À travers l’histoire, les changements les plus importants dans la société sont venus d’en bas, de la base. Les derniers chiffres sont encore en train d’arriver, mais il semble que plus de 6,6 millions de gens ont participé à la Semaine pour le Futur, et aux grèves vendredi dernier. C’est une des plus grandes démonstrations de l’histoire. Les gens se sont exprimés et continueront à le faire jusqu’à ce que leurs dirigeants les écoutent et agissent. Nous sommes le changement et le changement arrive.