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AUTEUR-E-S - Index I

102 - Iocasta Huppen

La Grâce

La grâce


 La grâce, ce sont les gouttes de pluie

qui s’attardent au bord des feuilles et des pétales,

avant les branches nues


Le chant d’un petit oiseau

dans un paysage de givre,

ce chant qui lui arrache

un soupçon de vapeur,

c’est la grâce


 La grâce,

c’est la mousse épaisse

qui s’égoutte au printemps,

en bord du fleuve irlandais Shannon


Regarder le vent,

le vent occupé avec un arbre

dans une prairie fleurie,

c’est aussi la grâce


La grâce,

c’est avancer en barque à travers des étendues bucoliques

et tendre le bras

pour toucher la consistance 

de tout ce vert


 Le bout des ailes des cygnes

qui frôlent l’eau au décollage,

c’est la grâce


 La grâce,

c’est le papillon

lorsqu’il imprime ses couleurs

sur le bleu du ciel,

au-dessus d’un repas de fleurs


 La lumière,

lorsqu’elle dévoile non seulement 

des fils d’araignée à travers la végétation

mais aussi le duvet des oisillons 

du Chevalier gambette,

c’est aussi la grâce


La grâce,

c’est l’arc-en-ciel,

peu importe la couleur du ciel


La goutte d’eau

dans le plumage d’une grive huppée 

qui couve ses œufs,

c’est la grâce


 La grâce,

c’est cette ile verte, 

une ile perdue dans l’immensité lacustre,

une ile, qui plus est, à la forme d’un cœur


Le vent qui s’amuse avec les akènes des pissenlits,

moment éphémère par excellence,

c’est aussi la grâce


La grâce,

c’est la façon de faire du martin-pêcheur 

lorsqu’il ressort de l’eau 

nimbé de gouttelettes


Les oiseaux qui traversent

le disque orange du couchant,

laissant l’être qui a regardé

en proie à la nostalgie,

c’est la grâce


 La grâce,

c’est le vol des éphémères

et la pause qu’ils s’accordent

sur l’eau  


Cette feuille de fougère 

qui a le mérite d’avoir changé 

la trajectoire à fleur d’eau

d’une chauve-souris, 

c’est aussi la grâce


La grâce,

c’est l’aigrette d’un blanc-pur

en train de s’arrimer à la branche d’un arbre


Le saut d’un écureuil,

dans les arbres qui sont les siens,

c’est la grâce


La grâce,

ce sont les nuées d’étourneaux sur fond de ciel rose

au-dessus du fleuve Shannon,

leurs mouvements créent des formes et des bruissements 

dont l’âme s’empare


La rame qui mélange le reflet de la lune, 

faisant glisser dans la masse brillante du fleuve 

la barque avec son « maitre »,

c’est aussi la grâce


La grâce,

ce sont tous ces moments fugaces

retenus pour l’éternité.   


(Iocasta Huppen)