Le dépôt
Hommage aux Nabis -The Pont-Aven Suite - Art by Gregg Simpson Curated by Allan Graubard
Fin avril, une exposition de l'art de Gregg Simpson, dont je suis le commissaire, ouvrira ses portes au musée de la Fondation Eugenio F. Granell, à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. Gregg, qui est né et a grandi à Vancouver, a des racines dans le jazz (en tant que percussionniste) et le surréalisme (en tant qu'artiste). J'ai joint le catalogue très simple qu'il a réalisé pour l'exposition.
. Juste après la clôture de l'exposition de Gregg, une autre exposition sera inaugurée, organisée par deux amis (l'artiste Rik Lina et le poète/artiste Miguel de Carvalho), pour célébrer le 100e anniversaire du manifeste surréaliste, avec ma participation (un poème sur le mur). Cette exposition a déjà été présentée dans une grande institution artistique à Paredes, au Portugal.
HOMMAGE AUX NABIS - THE PONT-AVEN SUITE
Art by Gregg Simpson curated by Allan Graubard
Des êtres végétaux dans des chorégraphies luxuriantes. Des processions tournant en rond. Un jardin d'Hermès, héraut des dieux, créateur des arts et des sciences, où les métamorphoses se multiplient. Tout près, les esprits de l'eau virevoltent, grappes amphibies en combustion magmatique. La lune se lève pour Max ( Ernst) avec sa pénombre jaune-verdâtre au-dessus de lointaines montagnes avachies et leur géologique écriture par les métaux graveurs de falaises. Les couples, exubérants et chaleureux, se rapprochent, s'étreignent pour chanter leurs triomphes, leurs luttes, leurs espoirs et leurs désespoirs. Ce sont des personnages parés de bijoux, toujours en duo dans des paysages biscornus. Plus loin, à la bifurcation d'une route
bretonne, se trouve la flèche qui indique Pont-Aven. Au moyen de pinceaux, d'huiles, d'acryliques, de gouaches et de pastels, Gregg Simpson s'approprie ces horizons glorieux et lumineux.
Originaire de Pont-Aven et installée ensuite à Paris, un petit groupe d'artistes, inspirés par Gauguin et par des maîtres des sciences
occultes et hermétiques, cherchaient dans la couleur la libre expression de l'émotion à la fin du XIXe siècle. Ils se sont appelés les Nabis, mot hébreu qui signifie prophète, et ont animé la transition vers l'abstraction, qui a lancé l'art moderne.
Jetant des ponts entre les époques et les lieux, la danse continue. Simpson, attiré dès le début par les sciences occultes et hermétiques, qui l'ont amené à fonder le premier groupe surréaliste à Vancouver en 1977, rend hommage à la fois à un art qui a existé et au paysage et à la culture qu'il y a trouvés, regorgeant de formes changeantes et de charmes lyriques. Tout au long de ce chemin, des êtres hiératiques animés se lèchent les lèvres, ajustent leurs costumes et entrent en scène, à droite ou à gauche. Une « danseuse cyclopéenne » immobile nous regarde presque sinon directement, son unique œil solaire brûle dans la noirceur de l'espace. Son sourire bleu, qui se déploie de l'aube au crépuscule, maintient le rythme temporel tandis que, derrière elle, d'un autre sujet, le bras levé en signe de bénédiction, poussent des efflorescences vertes et violettes. Là où ils sont regroupés, Simpson ne nous dit pas ce qu'ils sont. Est-ce important ? Non. Un vent marin se lève. Et dans ce vent, éclairés d'une teinte saline, même si ce n'est que pour un instant, nous pouvons nous rappeler ce qui s'est passé, quand et comment nous avons riposté, seuls ou avec d'autres personnes que nous aimons ou que nous méprisons ou que nous apprécions simplement pour ce qu'elles sont, amis, famille, connaissances, étrangers ou ennemis.
Qu'est-ce donc que ce « Paysage hermétique » avec ses arbres ployant sous les vents, ses vagues lointaines scintillantes, sa baigneuse en bikini entraînée par la ronde et le balancement d'un océan qui relie les continents, mais qui, en la croisant, entre les deux, la laisse libre d'évoquer ce qu'elle veut, ce qu'elle peut, heureuse qu'elle est de rêver les yeux ouverts.
« Sunshine Arch », avec sa courbe tête d'oryx, de bouquetin ou de gazelle en équilibre entre ses cornes jumelles, nous transporte dans un paysage imaginaire dont les harmonieuses couleurs réverbèrent celles de notre étoile porteuse de vie. Simpson a-t-il créé une arche picturale contre les éléments destructeurs dont nous sommes la proie à mesure que notre siècle évolue ? Ou s'agit-il d'un hommage aux mains du temps néolithique, aux images secrètes d'animaux et d'êtres humains dessinées dans des grottes, qui nous ont ébahis lorsque nous les avons découvertes pour la première fois, aussi dessinées sur les premiers rochers sur lesquels elles ont fait leur apparition ?
À vous de choisir.
Mais quelque soit votre choix, sachez que dans cette exposition, l'art de
Simpson plonge ses racines et s'épanouit dans la Bretagne ainsi créée, avec ses fantômes celtiques et ses spectres généreux, ses sabbats féminins, ses escarpements sculptés par le vent et ses pinacles de roche tordues et sculptées par les vagues, ses cycles lunaires radieux, ses communes agraires et ses célébrations saisonnières dans tel ou tel village, ville ou cité comme si, réunis, ils avaient créé « Les Paradis Artificiels » à partir de deux ensembles, la nature et la culture ; chacun transfigurant l'autre. La terre, l'air, la lumière et l'eau dont nous sommes issus et les valeurs que nous leur rendons et échangeons entre nous...
En ce sens, Hommage aux Nabis de Simpson : 'The Pont-Aven Suite' répond à nos besoins et à nos désirs, en les révélant à nouveau.
Contemplant son art, les fenêtres brillent et les portes s'ouvrent sur une demeure aussi transparente que le cristal : un hommage rituel qui se joue... d'alors à maintenant, de là à ici.
Allan Graubard, New York, 2025