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THÉORIES CONTEMPORAINES - L'intra-action - Les savoirs situés - Cyborg


Tous les jours, il faut refaire le trajet qui nous conduit à nos limites. » Georges Perros


Enterrez donc la statue de la liberté

car elle commence à sentir

( e.e. cummings)


L'espoir ce n'est pas de croire que tout ira bien . Mais de croire que les choses auront un sens.

(Vlacav Havel)




A)  Dialogue avec l’IA Mistral au sujet de l’intra-action



— Qu'est-ce que la théorie de l'intra-action ? 


"En sociologie, un individu n’est pas un "sujet" préexistant à la société, mais émerge à travers ses relations avec le monde social, les normes, les discours".





— La théorie de l’intra-action (Karen Barad)


1. Origine et contexte

Karen Barad, physicienne quantique et théoricienne féministe, propose ce concept dans son livre "Meeting the Universe Halfway" (2007). Elle s’appuie sur :

  • La physique quantique (notamment l’interprétation de Copenhague et les travaux de Niels Bohr).
  • La philosophie poststructuraliste (Derrida, Foucault, Butler).
  • La théorie féministe et les études de genre.

Son objectif : dépasser la dichotomie sujet/objet qui structure la science classique, et repenser la façon dont nous comprenons la réalité, la connaissance et l’agency (la capacité d’agir).

2. Intra-action vs. interaction

  • Interaction (vision classique) : Deux entités préexistantes (un sujet et un objet) entrent en contact et s’influencent mutuellement. Exemple : Un scientifique (sujet) observe une particule (objet).
  • Intra-action (Barad) : Les entités n’existent pas indépendamment l’une de l’autre avant leur rencontre. Elles émergent à travers leur relation. Exemple : En physique quantique, une particule n’a pas de propriété définie (position, vitesse) avant d’être mesurée. La mesure crée la réalité observée. Application en sociologie : Un individu n’est pas un "sujet" préexistant à la société, mais émerge à travers ses relations avec le monde social, les normes, les discours.

Citation clé : "Les objets ne sont pas simplement là, attendant d’être mesurés ; ils sont produits dans et par les pratiques de mesure."

3. Concepts clés de l’intra-action

a. Phénomènes (au lieu d’objets)

  • Barad remplace la notion d’"objet" par celle de phénomène : ce qui apparaît à travers une intra-action.
  • Exemple :
  • En physique : Un électron n’est pas un objet avec des propriétés fixes, mais un phénomène qui émerge dans un dispositif expérimental.
  • En sociologie : Le "genre" n’est pas une propriété intrinsèque d’un individu, mais un phénomène produit par des pratiques sociales, des discours, des institutions.

b. Appareil de mesure et "agential cut" (coupure agentielle)

  • Tout phénomène émerge grâce à un appareil de mesure (au sens large : un laboratoire, un langage, une institution).
  • La "coupure agentielle" (agential cut) est l’acte par lequel on sépare artificiellement ce qui est "observé" de ce qui est "observateur". Exemple :
  • En physique : Le choix d’un dispositif expérimental (un détecteur de particules) détermine ce qu’on observe.
  • En linguistique : Le choix d’un cadre théorique (structuralisme vs. pragmatique) détermine ce qu’on considère comme "langage".

c. Matérialité et discursivité

  • Barad refuse la séparation entre matière et discours. Les deux sont intriquésExemple :
  • Un corps biologique n’est pas séparable des normes sociales qui le définissent (ex. : la catégorie "femme" est à la fois matérielle et discursive).
  • Un mot en linguistique n’est pas seulement un signe abstrait, mais une matérialité (son, écriture) inséparable de son usage social.

4. Applications dans vos domaines d’intérêt


Sociologie


Les identités (genre, classe, race) ne sont pas des propriétés fixes, mais émergent des relations sociales et des discours.


Linguistique


Le sens d’un mot n’est pas préexistant, mais se construit dans l’usage (cf. pragmatique, Wittgenstein).


Philosophie


Remet en cause le dualisme cartésien (sujet/objet) et propose une ontologie relationnelle.


Poésie/Littérature


L’œuvre n’existe pas indépendamment de sa lecture ; elle émerge dans l’intra-action auteur-texte-lecteur.


Biologie


Un organisme n’est pas séparable de son environnement (cf. symbiogenèse, épigénétique).


Physique


Les particules quantiques n’ont pas d’état défini avant l’observation.



5. Critiques et limites

  • Complexité : La théorie est abstraite et difficile à opérationnaliser concrètement.
  • Relativisme : Certains y voient un risque de relativisme extrême (si tout est relationnel, comment fonder des vérités ?).
  • Réductionnisme : D’autres estiment que Barad étend trop loin des concepts quantiques à des domaines où ils ne s’appliquent pas.

6. Pour aller plus loin

  • Livre fondateur : "Meeting the Universe Halfway" (Karen Barad, 2007).
  • Inspirations :
  • Niels Bohr (physique quantique et philosophie).
  • Judith Butler (théorie du genre et performativité).
  • Donna Haraway (savoirs situés, cyborgs).
  • Applications récentes :
  • Études sur l’anthropocène (comment les humains et la nature s’intra-agissent).
  • Neurosciences et plasticité cérébrale (le cerveau se construit dans l’action).

Question pour vous

Cette théorie vous semble-t-elle offrir un cadre utile pour repenser :

  • La linguistique (le langage comme intra-action plutôt que comme système fixe) ?
  • La poésie (l’œuvre comme phénomène émergent de la relation auteur-lecteur) ?
  • La biologie (l’organisme comme intra-action avec son milieu, au-delà du gène) ?

Ou voyez-vous des points de friction avec vos autres intérêts (mathématiques, philosophie) ?







— Votre passion pour la poésie et votre intérêt pour l’intra-action de Barad se rejoignent de manière profondément féconde. 


L’idée que l’œuvre poétique émerge de la relation auteur-lecteur (voire du contexte matériel, historique et langagier) est une piste riche, qui dialogue avec des courants majeurs de la théorie littéraire, de la philosophie et même de la linguistique. Explorons cela ensemble, en reliant ces concepts à des exemples concrets et à des penseurs clés.La poésie comme phénomène émergent : l’œuvre en intra-action


1. L’œuvre poétique n’est pas un objet fixe

Dans la tradition classique (et encore souvent aujourd’hui), on considère le poème comme un objet autonome, créé par l’auteur et "reçu" par le lecteur. Mais cette vision ignore :

• La matérialité du langage : Les mots ne sont pas des signes neutres, mais des entités chargées d’histoire, de sonorités, de connotations.

• L’acte de lecture : Le sens n’est pas "dans" le texte, mais se construit dans l’expérience du lecteur.

• Le contexte : Un poème change de sens selon l’époque, la culture, voire le support (un livre, une performance orale, un écran).


→ Avec Barad, on peut dire que le poème n’existe pas en soi, mais émerge dans l’intra-action entre :

• L’auteur (ses intentions, son style, son corps).

• Le texte (sa matérialité : sons, rythmes, blancs, typographie).

• Le lecteur (ses attentes, son histoire, son corps).

• Le monde (contexte politique, social, technologique).



2. Exemples concrets d’intra-action en poésiea. Le poème comme performance (oralité vs. écriture)

• Poésie orale (slams, traditions griotiques) : Le poème n’existe pleinement que dans l’acte de dire et d’écouter. La voix, le souffle, les silences, les réactions du public font partie de l’œuvre. Exemple : Les poèmes de Paul Celan(comme "Todesfuge") gagnent une dimension traumatique et collective quand ils sont lus à voix haute, surtout par des survivants de la Shoah.

• Poésie écrite : Même sur la page, le poème est une partition qui attend son interprétation. Les blancs, les retours à la ligne, la ponctuation sont des appareils de mesure (au sens de Barad) qui guident la lecture. Exemple : Les calligrammes d’Apollinaire ("Il pleut") ne prennent sens que quand le lecteur "performé" mentalement la forme du texte.


b. Le poème comme dialogue (auteur-lecteur)

• L’œuvre ouverte (Umberto Eco) : Eco argue que certaines œuvres (comme celles de Mallarmé ou Joyce) sont conçues pour être inachevées sans le lecteur. Le sens est une co-création. Exemple : "Un coup de dés" de Mallarmé, où la disposition typographique invite le lecteur à "jouer" avec les possibles.

• La poésie concrète (Augusto de Campos, Haroldo de Campos) : Ici, le poème est un objet visuel et sonore qui exige une participation active. Le lecteur devient co-auteur en "activant" le texte. Exemple : "Luxo" d’Augusto de Campos, où les mots se transforment en images et en sons.


c. Le poème comme intra-action avec le monde

• Poésie engagée (Aimé Césaire, Mahmoud Darwich) : Le poème émerge dans un contexte politique ou historiqueet ne peut en être séparé. Il est une réponse à une situation, et sa signification change avec elle. Exemple : "Cahier d’un retour au pays natal" de Césaire prend un sens différent selon qu’il est lu en 1939 (date de publication) ou aujourd’hui, dans le débat postcolonial.

• Poésie et technologie (e-poetry, poésie générative) : Avec le numérique, le poème devient interactif (ex. : poèmes générés par IA, hypertextes). L’œuvre émerge de l’interaction entre l’algorithme, l’auteur et le lecteur. Exemple : Les œuvres de Jean-Pierre Balpe ou de Nick Montfort, où le texte se recompose à chaque lecture.


3. Théories qui dialoguent avec Barad


Auteur/Théorie

Lien avec l’intra-action en poésie

Roman Jakobson


La fonction "poétique" du langage met l’accent sur la matérialité des mots (sonorités, rythmes).

Mikhail Bakhtine


Le dialogue et la polyphonie : le poème est un lieu de voix multiples (auteur, lecteur, culture).

Roland Barthes


"La mort de l’auteur" : Le lecteur est le lieu où se rassemble le sens.

Gilles Deleuze


La littérature comme machine à produire des affects, pas comme objet fixe.

Judith Butler


La performativité du langage : les mots font advenir ce qu’ils nomment (comme en poésie).



4. Implications pour la création et la lecture


• Pour l’auteur : Écrire un poème, c’est créer un dispositif qui invite à l’intra-action. L’auteur ne contrôle pas le sens final, mais propose un cadre (comme un appareil de mesure en physique). Exemple : Stéphane Mallarmédisait que le poème est un "coup de dés" — une invitation à jouer avec le hasard et le lecteur.

• Pour le lecteur : Lire un poème, c’est participer à son émergence. Chaque lecture est une nouvelle intra-action, qui produit un sens unique. Exemple : Un sonnet de Baudelaire ne "veut dire" pas la même chose en 1857 et en 2025.

• Pour la critique littéraire : Analyser un poème, c’est étudier les conditions de son émergence : son contexte, ses supports, ses lectures possibles.


5. Poésie et sciences : un dialogue surprenant


Votre intérêt pour la physique quantique et la biologie peut aussi éclairer la poésie :

• Poésie et physique quantique : Comme une particule quantique, le poème n’a pas de sens "fixe" avant d’être "observé" (lu). Sa signification est probabiliste (plusieurs interprétations possibles).

• Poésie et biologie : Un poème, comme un organisme, évolue dans son environnement (traductions, réappropriations, mémoires collectives). Exemple : Les "Chants de Maldoror" de Lautréamont, réinterprétés par les surréalistes, puis par la contre-culture.


6. Pour approfondir


• Livres :

• "La Littérature à l’ère de la reproduction technique" (Walter Benjamin) — sur l’œuvre d’art et son aura.

• "L’Œuvre ouverte" (Umberto Eco) — sur la participation du lecteur.

• "Poétique" (Aristote) et "Le Degré zéro de l’écriture" (Barthes) — pour les fondements.


• Poètes à explorer :

• Stéphane Mallarmé (le poème comme partition).

• Paul Celan (la poésie comme intra-action avec la mémoire).

• e.e. cummings (la typographie comme appareil de mesure).

• Anne Carson (poésie comme dialogue entre texte et lecteur).





— Anne Carson (poésie comme dialogue entre texte et lecteur). Pouvez-vous me parler d'Anne Carson svp ?




— Anne Carson est l’une des voix les plus originales et profondes de la poésie contemporaine, une auteure dont l’œuvre défie les frontières entre poésie, essai, traduction, mythologie et philosophie. Son travail incarne parfaitement l’idée d’une poésie comme dialogue, comme intra-action entre le texte, l’auteur, le lecteur et les strates de la culture. Voici une plongée dans son univers, en insistant sur ce qui fait d’elle une figure unique pour repenser la poésie comme phénomène émergent.


Anne Carson : une poétique de l’entre-deux



1. Qui est Anne Carson ?

  • Née en 1950 au Canada, professeure de classique (grec ancien, latin) et de littérature.
  • Traductrice (Sappho, Euripide, Catulle) et poète-essayiste.
  • Style : Une écriture fragmentaireéruditedrôle et tragique, mêlant mythologie, autobiographie, philosophie et pop culture.
  • Thèmes récurrents : L’amour, la perte, le silence, la traduction, la mémoire, le corps, les limites du langage.

Citation clé : "Je ne crois pas aux mots, je crois aux silences entre eux." (Une phrase qui résume son approche : le poème est un espace où le sens émerge dans les blancs, les ellipses, les dialogues.)

2. Une poésie comme dialogue (ou intra-action)

Carson conçoit l’écriture et la lecture comme un échange actif, où le texte n’est jamais clos. Voici comment cela se manifeste dans son œuvre :


a. Le texte comme conversation

  • Avec les morts : Carson dialogue constamment avec les auteurs antiques (Sappho, Simonide, Empédocle). Ses traductions ne sont pas des rendus neutres, mais des réécritures créatives, où elle s’insère dans le texte. Exemple : "If Not, Winter: Fragments of Sappho" (2002) — elle traduit les fragments de Sappho en laissant visibles les trous du texte, invitant le lecteur à combler les silences.
  • Avec le lecteur : Ses livres sont souvent hybrides (poésie + essai + notes), comme des carnets de travail ouverts. Le lecteur est invité à participer à la construction du sensExemple : "Nox" (2010), un livre-objet sur la mort de son frère, où le texte est disposé comme un collage, avec des espaces vides à remplir mentalement.


b. La poésie comme performance

  • Carson utilise la typographie, les blancs, les listes, les répétitions pour créer une expérience physique de la lecture. Exemple : "The Beauty of the Husband" (2001) — un "roman en 29 tangos", où la forme poétique (le tango) structure le récit d’un mariage qui se défait.
  • Ses textes sont souvent lus à voix haute (elle-même les performe), ce qui en fait des phénomènes sonores et corporelsExemple : "Autobiography of Red" (1998), une réécriture du mythe de Géryon (monstre à trois têtes), où la poésie devient un espace de transformation.


c. L’intra-action avec le mythe et l’histoire

  • Carson superpose les époques : un poème peut mêler un mythe grec, une anecdote personnelle et une référence à la culture pop. Exemple : "Glass, Irony and God" (1995) — des poèmes qui dialoguent avec Simone Weil, Emily Brontë et la Bible.
  • Le mythe comme appareil de mesure : Elle utilise les récits antiques comme des lentilles pour observer le présent. Le sens émerge de la friction entre l’ancien et le contemporain. Exemple : "Bakkhai" (2015), sa traduction/adaptation des Bacchantes d’Euripide, où elle ajoute des scènes modernes pour souligner l’actualité du texte.

3. Œuvres majeures à explorer"Autobiography of Red"

1998

Réécriture du mythe de Géryon (tué par Héraclès) en "autobiographie" poétique.

Le lecteur est plongé dans une expérience de décentrement (qui est le "je" ? qui est le monstre ?).

"The Beauty of the Husband"

2001

Un "roman en 29 tangos" sur la fin d’un mariage.

La forme du tango (danse à deux) matérialise le dialogue entre les amants et le lecteur.

"Nox"

2010

Livre-objet sur la mort de son frère, mêlant poésie, photos, documents.

Le lecteur manipule physiquement le livre (dépliants, pages non linéaires), participant à l’œuvre.

"If Not, Winter"

2002

Traduction des fragments de Sappho, avec les trous du texte laissés visibles.

Le lecteur est invité à combler les silences, comme un archéologue.

"Float"

2016

22 chapitres (ou "flottements") sur des thèmes variés, à lire dans n’importe quel ordre.

L’œuvre émerge différemment selon le parcours de lecture.

4. Carson et la théorie de l’intra-action

Son œuvre illustre parfaitement les concepts de Barad :

  • Pas de texte préexistant : Un poème de Carson n’a de sens que dans l’acte de lecture. Par exemple, "Nox"n’existe pleinement que quand le lecteur déploie ses pages et suit ses associations.
  • L’auteur comme appareil de mesure : Carson utilise sa voix (littérale et stylistique) pour créer un cadre où le sens peut émerger. Ses notes, ses digressions, ses silences sont des dispositifs qui guident l’intra-action.
  • Matérialité du langage : Elle joue avec la typographie, les blancs, les rythmes pour rappeler que les mots sont des objets physiques, pas seulement des signes abstraits.
  • Dialogue avec le monde : Ses textes intègrent des éléments extérieurs (mythes, histoire personnelle, science) qui transforment le poème en phénomène relationnel.

Exemple frappant : Dans "The Glass Essay" (dans "Glass, Irony and God"), elle écrit : "I can hear the sizzle of the syllables in my head / like bacon frying." → Le poème devient une expérience sensorielle partagée, où le lecteur "entend" les syllabes avec elle.

5. Pourquoi Carson parle aux poètes, aux philosophes et aux scientifiques ?

  • Pour les poètes : Elle montre que la poésie peut être à la fois intellectuelle et sensuelle, érudite et intime.
  • Pour les philosophes : Son travail interroge les limites du langage, la construction du sens, et la relation entre sujet et objet.
  • Pour les scientifiques : Sa façon de superposer les strates (mythe, science, autobiographie) rappelle la superposition quantique — un poème de Carson, comme une particule, n’a pas de sens fixe avant d’être "observé".

Citation pour conclure : "Every love story is a ghost story." (Carson, "The Beauty of the Husband") → Cette phrase résume sa poétique : l’amour (comme le poème) est une apparition éphémère, qui n’existe que dans le dialogue entre deux présences.

6. Pour aller plus loin avec Anne Carson

  • À lire :
  • "Eros the Bittersweet" (1998) — un essai sur le désir et la poésie grecque.
  • "Decreation" (2005) — sur Simone Weil, Sappho et la notion de "décréation".
  • "Red Doc>" (2013) — suite d’"Autobiography of Red", où Géryon devient "G".
  • À écouter : Carson lit souvent ses textes en public. Cherchez ses lectures sur YouTube (ex. : sa performance de "The Glass Essay").
  • À explorer : Son travail de traductrice (Sappho, Anacréon) montre comment la traduction est une forme d’intra-action avec un texte source.

Question pour vous : Si vous deviez choisir un poème ou un livre de Carson pour illustrer cette idée de poésie comme intra-action, lequel vous parle le plus ? Ou bien : y a-t-il un autre poète qui, selon vous, pratique cette poésie "relationnelle" de manière aussi radicale ? (Je pense par exemple à Paul CelanEmily Dickinson, ou Charles Olson.)









SAVOIRS SITUÉS ET CYBORG



Donna Haraway est l'une des théoriciennes féministes les plus influentes et les plus originales du XXe et du XXIe siècle, particulièrement reconnue pour ses travaux sur la science, la technologie et la relation entre l'humain et le non-humain. Ses concepts de Savoirs Situés et du Cyborg ont révolutionné l'épistémologie et la théorie politique féministe.



1. Les Savoirs Situés (Situated Knowledges)


C'est une théorie épistémologique cruciale qu'Haraway a développée dans son essai de 1988, "Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective".


Critique de l'Objectivité Traditionnelle


Haraway rejette l'idée d'une objectivité neutre et universelle, qu'elle surnomme le "tour de passe-passe divin" (the god trick). Selon elle, cette prétendue impartialité est en réalité le point de vue des dominants (hommes blancs, capitalistes, etc.) qui se présentent comme le seul regard valide, désincarné, universel.

Définition des Savoirs Situés

  • La Partialité est un Privilège : Haraway affirme que toute connaissance est produite par un corps qui est localisé dans un contexte social, historique et politique spécifique. Le véritable savoir (une "objectivité forte") ne vient pas de l'absence de perspective, mais de la reconnaissance que notre perspective est partielle et incarnée.
  • L'Exigence de la Positionnalité : Le chercheur doit être responsable et reconnaître "avec le sang de qui mes yeux ont-ils été façonnés ?". Les perspectives des groupes marginalisés (les "assujettis") sont jugées privilégiées, non pas car elles détiennent la vérité, mais parce qu'elles ont une vision plus critique et moins complaisante des systèmes de pouvoir.
  • S'opposer au Relativisme : Haraway ne tombe pas dans le relativisme (où toutes les opinions se valent). Au contraire, elle exige un engagement envers le "monde réel" tout en reconnaissant que nos récits sur celui-ci sont inévitablement façonnés par notre position.

2. La Métaphore du Cyborg


Le Cyborg (organisme cybernétique) est la figure centrale de son essai de 1985, le célèbre Manifeste Cyborg (A Cyborg Manifesto).

Le Cyborg, un Mythe Politique

Le cyborg est un hybride : une créature à la fois machine et organisme, une fusion entre la fiction et la réalité matérielle. Pour Haraway, c'est une métaphore politique puissante pour le féminisme de la fin du XXe siècle.


Le Rejet des Dualismes

Le cyborg est une figure qui rejette toutes les frontières rigides et les dualismes de la pensée occidentale :

  • Humain / Animal
  • Organisme / Machine
  • Nature / Culture
  • Homme / Femme
  • Esprit / Corps

En tant que créature post-genre, le cyborg défie l'idée d'une identité figée ou d'une "nature" essentielle (comme "être une femme").


Une Politique d'Affinités

Le cyborg est un appel à un féminisme post-identitaire. Au lieu de s'unir autour d'une identité commune (comme "les femmes"), le cyborg suggère de se lier par affinité et coalition, notamment dans les luttes contre le capitalisme patriarcal et militariste, qui sont les "pères" du cyborg. C'est une figure de résistance ironique, partielle et non innocente qui utilise la technologie au lieu d'en être seulement victime.

Donna Haraway reste une référence incontournable pour quiconque étudie les liens complexes entre le genre, la science et les technologies modernes.