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AUTEUR-E-S - Index I

6 - Jean-Michel Maubert

DANS LE NOIR DE L'ÉTÉ [poèmes publiés dans le n° 50 de la revue Hopala ! La Bretagne au monde, décembre 2015-mars 2016]



DANS LE NOIR DE L'ÉTÉ


[poèmes publiés dans le n° 50 de la revue Hopala ! La Bretagne au monde, décembre 2015-mars 2016]



enfant tu écoutais


les rouges glossolalies d'une vieille jument


perdue dans le bleu pur ;



le tesson d'une fenêtre


ce sommeil cassé d'une poupée sur une chaise de paille


rêvant d'un visage à peine évolué dans la poussière épaissie d'un chemin sec






la ville blanchâtre


sous la ligne dure des collines


dans les armoires on a plié les ombres de l'été


un rivage de lin et de menthe


tes hanches une cicatrice de craie


l'écorce du feu


brassons le linge maigre






ce goudron d'ombres brûlantes


fourmis dans l'œil du vieux cerf


un cœur de porcelaine poussiéreux


dans la forêt il y a ces masques d'écorce,


l'oxygène grimaçant






coupures sur la peau,


ta nuque dans le lit


la terre écarlate ces fragments bordés


d'ombres violentes, muettes


une rayure d'eau claire puis les tuiles


comme de la chair de tomate


la tête sanglante des coquelicots


ce sang noir brumeux de l'enfance






l'ombre brisée sur la table lavée de lumière


une assiette légèrement fendillée


où dort le feu solide et calme d'un couteau


des épluchures moites de poires


bourdons coléoptères


une goutte de sang le veau somnole dans le feu






lumière de cette glaise de poterie brassée d'ocre jaune


un tournesol à la tête lourde penche tel un pénitent


un chat hume la saveur solaire d'une fissure


mur d'une forge dans les ronces ton chemisier


comme un cocon d'araignée défait


un chemin fait de caillasse l'antre des cochons


sommeil d'un jaune âcre citron






mollusque de lumière


le mauve fangeux et lourd d'une figue


comme un sein marbré


le halètement des bêtes






cette paume creusée d'insectes noirs


un astre de boue durcie


silex et scarabées fièvre des roseaux


le delta


buvant l'azur géomètre






une terre que brasse ce vent coupant venu de l'est


marécage du sang longues tiges des feux


sel noir


lumière rousse comme saigne une chair d'orange


mur d'abricots et de nuit






charbon et ficelle


des os de poulet


des feuilles dans l'eau bouillante


la sinusite du cheval



dans le lit


le murmure cendré de tes veines ce


trou rouge


au milieu de la tête






fenêtre grise du matin


un troupeau fantôme


la lueur de vin des champs


le peuplier près du cimetière



une couleuvre passe entre tes jambes


des pierres de sang et de rêve


dorment dans tes mains froides



traverser


cette glaise le village


oublié de la mal-mort


un scarabée vieillissant dans des lézardes solaires






poussière et laine hors des feux


de l'après-midi


l'œuf encore chaud au centre des mondes


un nuage de fleurs de pissenlits


ce petit chien aux yeux de châtaigne


l'enfance hirsute vibrant dans la fraîche luzerne






l'étable et cette lueur fauve


dans le regard de l'âne


ta chair d'orage et d'ambre l'orge mûrissant


le grenat doux des champs


et puis ce visage de prune d'autrefois


la profondeur du feu


ce qui veille sur nos nuits






désert d'os de ces baleines


étripées et vidées


des gisants blanchis


reconstruisant le ciel


une nudité spongieuse


sous les décombres de la mer






te porter sainte et impure


comme on porte une ombre


à la verticale de nos vertèbres



pulpe de chair vulvaire velours


dru où se fend un noir delta


l'humidité sombre aimée du feu