Le dépôt
Les C.Q.F.D.
Avant-propos
Ces C.Q.F.D. reprennent les différents articles écrits pour l’académie Alphonse Allais, et son trimestriel Alphy, depuis le mois de juin 2022.
C’est lors d’une discussion avec Jean-Pierre Delaune, le Grand Chancelier de cette académie, qu’est né ce titre. Car C.Q.F.D. terminait les deux premiers articles. Et cela devint la marque de fabrique de cette écriture allaisienne : une plume souvent plus recherchée, plus littéraire parfois, mais toujours mâtinée d’humour !
Rappelons pour finir que le sigle C.Q.F.D. est emprunté au langage mathématique et signifie « Ce Qu’il Fallait Démontrer », et non « Cette Question Fait Débile » ! Quoique...
Articles à retrouver sur le site :
N.B. : à la suite des articles illustrés, veuillez retrouver les textes in extenso, pour une plus grande facilité de lecture !
Préface
Ce qui est ennuyeux lorsque l’on est invité à écrire une préface à l’ouvrage d’un ami, c’est qu’elle nous conduit inévitablement à saluer les qualités, les dons, les talents du récipiendaire.
D’ordinaire, le préfacier se fend alors d’un florilège d’anecdotes plus ou moins savoureuses mettant en scène l’auteur, délivre un tombereau d’épithètes plus flatteuses l’une que l’autre, où fleurissent les « remarquable », « magnifique », « sensationnel », quand ce ne sont pas les superlatifs du genre : « le plus grand de nos auteurs », « le plus fin de nos écrivains », « le plus spirituel de nos humoristes ».
Or, pour ma part, malgré les liens d’affection qui nous unissent, Patrick Modolo et votre serviteur, ce sont plutôt ses défauts que je souhaite souligner. Ou plus exactement son défaut majeur : il a plus d’esprit que moi ! Et s’il y a une chose que mon ego et moi détestons par-dessus tout, c’est bien qu’on se mêle d’être plus drôle, plus spirituel, plus fin que nous.
Certes, Patrick Modolo connaît son Tristan Bernard et son Pierre Desproges par cœur, ce qui aide rudement quand on embrasse (de rideau) la carrière d’auteur gai, mais le bougre y ajoute sa pratique achevée de l’absurde et son sens aigu de l’observation, au point que lorsque je lis : « À bien y réfléchir, l'argent sale se remet souvent en mains propres... », je ne sais plus s’il s’agit d’un extrait d’une chronique d’Alexandre Vialatte ou bien d’une pensée de Pierre Dac ou de Francis Blanche, avant qu’un autre de ses admirateurs ne mette fin à mon interrogation en me rappelant que cette saillie (comme disait Jeanson) est de l’ami Patrick.
Voilà pourquoi, tout compte fait, je ne peux que vous inciter, ô lecteurs, à feuilleter les pages de l’ouvrage de Patrick Modolo. S’il vous déplaît, conseillez-le à vos ennemis, ce sera bien fait pour eux ; en revanche, s’il vous plaît, ne manquez pas d’en parler à vos amis, ce sera bien fait pour Patrick.
Tant il est vrai, après tout, qu’un homme qui aime Alphonse Allais ne peut pas être totalement mauvais.
Ce Qu’il Fallait Dénoncer !
Jean-Pierre Delaune, Grand Chancelier de l'académie Alphonse Allais
Juillettistes ou Aoûtiens1 ?
La fête de la musique fête ses quarante ans. Encore une nouvelle quarantaine ! Plus festive, celle-ci. Et c'est bien connu, festival rime avec estival. « Voilà l'été, toujours l'été », chantait Jack qui, pris d'une suée, tirait la langue. Sans sourciller ni se soucier nullement de savoir qui part où en vacances. Et quand, surtout. Car voilà LA véritable question, le nœud gordien à trancher pour cet été : serez-vous juillettiste ou bien aoûtien?
Le 21 juin s'ouvre l'été, et avec lui les bouteilles de rosé à en faire pâlir de fraîcheur celle du matin. Mais tout cela ne doit pas faire oublier cette question. Et il faut bien rendre à César ce qui appartient à César, et à Auguste ce qui lui revient de droit. Car ce dernier était Empereur. À la différence du premier ! Et force est de constater que ces deux mois d'été se mettent sur leur 31 pour leur rendre hommage !
Cet été donc, vous aurez le teint bronzé, car la fameuse autoroute du sud se transformera en chemin de hâlage. Et comme dirait notre cher Alphonse : " Rien de tel pour l'été qu'un joli teint allais!" Bel alexandrin ! Bel hommage au grand Alexandre. On en revient toujours aux Empereurs antiques. Peut-être parce qu’à ce moment de l’année, c’est l’État de notre foie, qui empire.
Alors, serez-vous donc juilletiste ? Peut-être. Si vous avez emporté avec vous, comme lecture, Charles « Juilet ». Que vous n'aurez pas le temps de lire. Ou bien encore si vous préférez feu d'artifice à la fête nationale.
Ou bien serez-vous aoûtien? Peut-être. Si vous avez glissé dans vos valises Auguste Comte. Que vous n'aurez pas envie de lire. Et que vous aimez le 15 août autant que la Vierge Marie.
Certains, plus malins, préféreront être "à cheval". Comme un steak trop grillé sur la plage sous un soleil au zénith. Idéal. Pour ceux qui brûlent d'envie d'aller se faire cuire un œuf. A moindre frais. Pratique. Et surtout économique en ces temps d'inflation de l'énergie ! Ces jockeys éviteront le grand chassé-croisé, durant lequel la chasse au bison reste le sport national qui nous en fait voir de toutes les couleurs. Du rouge. Jusqu'au noir à faire pâlir Soulages. Futé, le bison ! Mais bien difficile à chevaucher.
Alors, avez-vous votre réponse ? Car d'autres l’ont déjà, depuis longtemps ! Parce que les grands gagnants resteront bien, comme d'habitude, les enseignants, qui hésitent entre se faire appeler juillettiens, ou aoûtistes. C.Q.F.D. ! Et S.P.Q.R. !
P.S. : Ma lecture pour occuper ces deux mois ? Du Jaenada. Forcément. Du classique, pour un prof de lettres modernes. Car j'adore lire des pavés sur la plage. Et parce qu’Au Printemps des monstres, ça ne s'invente pas, comme lecture estivale ?
Millésime 2022 : les raisins de la galère? 2
Pourquoi les Bordelais sont-ils « si laids » ? Peut-être parce que "leurs femmes sont girondes", disait Desproges, grand amateur de vin qui se soigna jusqu'à la fin avec les meilleurs médocs. Mais pourquoi donc ces Bordelais si laids tiennent-ils tant à leur vin ?
Parce qu'à Bordeaux, on préfère la Gironde et son vin, à la Somme et ses quatre-vingts. Et la bataille de Castillon à celle de la Somme.
Parce que ce raisin qui rythme la vie girondine est dit vin ! Et que septembre y rime avec vendange ! Sans part des anges. Ni petit verre d'eau.
Parce que le vin, c'est de la Poésie."Mon verre est plein d'un vin tremblant comme une flamme", disait Apollinaire, ami des peintres, qui s'y connaissait autant en poèmes qu'en Alcools... "Un vers, ça va. Deux Vayres, bonjour les Degas" aurait-il même déclaré à son camarade Picasso.
Parce que « l'âme du vin » est omniprésente en France. Jusque dans Les Fleurs du mal, où l'on boit les paroles de Baudelaire aussi bien qu'un Chasse-Spleen. Rien de tel que le vin rouge pour lutter contre les idées noires ! Mais attention : modération ! Sinon, on finit vite la tête dans le sac. Jusqu'au front. Ou pire. Dans le seau. D'eau. Et là encore, attention : il ne faut jamais mettre d'eau dans son vin. Surtout si c'est un Château Figeac 1971... De quoi déchaîner la haine ordinaire du susnommé Desproges et finir dans son Aquaphile ! Même si, comme dirait mon père, un vin n'est bon que si on l'aime !
Parce qu'enfin le vin, c'est comme l'humour : plus il y a de degrés, meilleur c'est. Mais dans ce département, on ne rigole pas avec la vigne. Ni avec la météo délicate. Et soyons francs : si le bordelais est une terre sainte – un terroir sacré et un sacré terroir où l'on soigne la crise de foi par un bon Pape Clément, péché mignon de tout abbé respectueux de sa hiérarchie et du sang du Christ – on y redoute les foudres du temps : le st-julien, le saint-estèphe, le saint-émilion, tremblent tous devant les saints de glace. Pourquoi ? Parce que le gel, c'est grave. Et pas qu'à Pessac. Prenons 2017 : annus horribilis. Plus aucun grain sur la rafle du gel d'hiv'. Et les viticulteurs de perdre leur récolte et la raison. Les raisins de cette galère sont souvent les raisons de leur colère. Ainsi préférera-t-on nettement les vendanges tardives aux gelées tardives. Mais avec ce dernier printemps givré, grand frisson cet automne pour ce millésime 2022.
Alors, restons chauvins et soutenons nos vignerons : buvons, dégustons ! Sinon, ce sont eux qui trinqueront ! C.Q.F.D. Et à la vôtre !
Qui a souhaité une bonne année à Élisabeth II ? 3
Voici que meurt à lentes braises cette belle année 2022. Décembre. Le temps des bilans et des best of à la télévision. Et des décorations de Noël. Alors que pour certains, ça sent déjà le sapin...
Mais il y a pire que décembre : janvier. Avec son blue monday pour encore mieux broyer du noir, aussi grand admirateur de Klein soit-on. Janvier, le mois où la fête est finie, mais où on a encore les boules. Le mois dès le début duquel même les rois mages se tirent. 31 jours pour présenter tous nos vœux, même ceux de chasteté. Et suivre nos meilleures résolutions (52 millions de pixels pour le dernier smartphone). Mais attention à ce que la déprime de début d'année ne se mue pas en « Grande Dépression »...
Concernant les bonnes nouvelles, en 2022, on n’a pas vraiment eu le choix. Juste l'embarras. Guerre en Ukraine et relent de guerre froide en plein février, canicule à rallonge et à répétition cet été, assortie de feux de forêt monstrueux (les fameux « mégafeux » à faire pâlir celui de la Saint-Jean et Jeanne d'Arc… Joli néologisme pour pointer tel gigantisme) qui brûlent tout sur leurs passages, même les gentils petits sapins bien déçus de ne pas pouvoir illuminer nos foyers à Noël. Inflation galopante comme un corgi pourchassé par Jack l’Éventreur ou un pur-sang poursuivi par Dracula, crise de l'énergie (il paraîtrait que certains dirigeants proposèrent de profiter de ces feux de joie pour délocaliser les crémations, histoire de gagner quelques centimes et quelques degrés). Inondations en cascade au Pakistan, tremblements de terre à donner des frissons, glissements de terrain dans tous les sens, cyclones dévastateurs en Floride (autre forme de grande dépression), retour de la variole pour calmer les marioles, réchauffement climatique et gel du point d’indice, baisse du pouvoir d’achat et montée des extrêmes. Retraite de Federer à Londres et dernière défaite, histoire de déRoger à sa propre règle. Sans parler de ces vagues de contamination pandémique qui sans cesse déferlent, sans aucun maître nageur pour nous sauver, ni aucun surfeur pour les dompter ! 2022, une année à se retrouver sur la paille, même si un certain 25 décembre, cela porta chance à quelqu'un.
Alors dans tout cela, impossible de ne pas se demander : mais qui donc a souhaité une bonne année à Elisabeth II ?
Gare à cette fin d'année donc ! N'embrassons pas trop nos proches lors du 31, réveillon dont le maître-mot restera « sobriété » : pas trop de degré, ni dans le verre, ni dans la pièce. Car vu ce qui arriva en 2022, si à Noël nous tisons, il y a de fortes chances de nous retrouver seuls à Pâques au balcon. Alors tous en chœur, souhaitons à tous un joyeux Noël. Et surtout une bonne année, à Charles III ! Longue vie au roi ! C.Q.F.D.
Y’a plus de saisons ?4
C'est bien connu : désormais la plus petite hirondelle défait le printemps. Car voyant nos grises mines, elles aussi défaites, c'est avec amertume qu'elle constate que même la pie déchante, la faute à l'inflation et à cette vie qui coûte bonbon...
Le rouge-gorge également ne se gorge plus de ses trilles, tellement il souffre de trachéites printanières.
En été, les cigales ne fourmillent plus, les mégafeux les ayant réduites au silence ou au simple rôle de grillons !
En automne, ce sont les champignons qui s'écrasent de moins en moins délicatement, à cause de cette pluie qui ne tombe plus...
Et que dire de ce dernier automne, qui a fini de pousser la chansonnette avec ses 40 degrés si peu spirituels, et qui, ensuite, à la manière d'un Verlaine, s'en est allé, au vent mauvais. Place dorénavant au vent pire, car rappelons que les Carpates touchent l'Ukraine. Sans pour autant être loin de la "Bohème" ! On la sent bien, là, l'influence de Rimbaud derrière Verlaine...
Et en hiver, ça sent dorénavant de plus en plus le sapin.
Tristes signes, pour ce triste chant du cygne...
Y'a plus de saisons, et c'est Vivaldi qui se retourne dans sa tombe, dans ce monde désenchanté où il n'entend plus rien, et où même la musique ne fait plus de merveille.
Y'a plus de saisons, et les saints de glace se retrouvent au chômage, pris sous le feu de la déréliction ambiante. La religion, c'est un peu comme la Nature : plus rien ne croît.
Y'a plus de saisons, et si on est tous demi-nus à Noël au balcon, il y a de fortes chances de se peler à Pâques, avec notre tison... Plus de quoi se poiler, torse nu ou non…
Y'a plus de saisons. On connaît tous la chanson. Et c'est toujours le même air, la même rengaine, n'en déplaise à Antonio le pizzaiolo qui en a fini avec son pizzicato.
Pourtant, comme disait le poète Pierre, il fut un temps où au printemps, tout Reverdit. Mais désormais même l'amour craint le givre, et on ne trouve plus aucune Marguerite qui ne s'effeuille, faute de vert galant.
Voici bien là la fin d'une époque.
Pourtant, tout cela était prévisible. Et prévu même, par nos aînés aux rhumatismes les prédisposant aux meilleurs auspices...Ce n'est pas faute de nous l'avoir martelé pourtant, le tout sans vice...
On voyait bien que l'été indien nous envoyait ses signaux de fumée, au grand dam d'un Joe Dassin au crépuscule de sa vie mais qui en chantait les louanges de bon cœur !
Mais force est de constater que le réchauffement climatique, ça a du bon ! Et que c'est presque poétique. Rimbaldien même ! Puisque ça chante "le dérèglement dans tous les sens"...à nous en rendre tous bien azimutés. Et sens dessus dessous qui pis est, peu importe les hauts et les bas de la météo.
Alors, que faisiez-vous au temps chaud ? Vous chantiez, assurément ? Et bien, envoyez tout valser, maintenant ! Et adVienne que pourra ! Et puisque tout fout le camp, et qu'y a plus de saisons, alors rions ! C.Q.F.D.!
Où se faire plumer cet été ? 5
Montagne, mer, ou campagne : où donc choisirez-vous de vous faire plumer cet été ?
Peut-être aurez-vous besoin de grand air. Une vieille publicité nous le « vente » même : "La Montagne, ça vous gagne." Si en hiver il faut justement beaucoup gagner pour espérer passer une maigre semaine en altitude, en période estivale, pour fuir la chaleur, on a tout à gagner à aller respirer l'air pur à « moindre frais ». Quoique... Randonnées interminables dans les sous-bois à en faire sa propre myciculture pédieuse, balades à cheval pour ceux qui par principe s'assoient dessus, descentes en V.T.T. pour les plus fainéants à qui on rappellera qu'après une descente vient inexorablement une montée (dixit Sisyphe qui ne s'est jamais démonté, lui, devant son rocher), remontées mécaniques ou barbecue de marmotte sauce ail des ours, vous aurez de quoi vous régaler, à des prix « élevés ». Ce qui prouve cet adage : en été, à la montagne, grâce aux touristes, on gagne... Comme quoi, le tir au pigeon se fait même en altitude, pour une arnaque de haut vol !
Certains préféreront se mettre au vert. Même en Périgord noir. Car la campagne, ça vous gagne aussi parfois. Et c'est dépaysant : châteaux forts en guise de châteaux de sable, grottes et abris sous roche à faire de l'ombre aux parasols, promenades dans les champs de blé (on gagne souvent moins, à la campagne, alors il faut bien compenser), descentes de rivière en canoë, en duo ou en solo (mais en solo, c'est pas gai), les plaisirs sont variés, mais les prix restent « grottesques ». Sans oublier la coutume de beaucoup de restaurateurs saisonniers sarladais : prendre les touristes pour des truffes… Rappelons cependant que dans ces établissements, les pigeons se farcissent parfois au foie gras polonais. Autre manière pour le touriste d’y laisser des plumes.
A la mer, en revanche, c'est une autre affaire. Sur la Côte bien entendu. Même si à dire cela, on ne se mouille pas trop. Sur la plage donc, les doigts de pied en éventail, et un éventail entre chaque doigt, bien à installé sur un emplacement privé qui coûte souvent un bras, on a de quoi se laisser hâler. Et la coutume est vieille, car là-bas, on y bronze depuis l'âge de fer. En prime la possibilité, devant cet mer qui ne compte aucun mouton, de s’assoupir quand même. Mais attention aux grains de sable qui font vite rimer station balnéaire avec frais bancaires et coup de chaud sur le salaire. Car en front de mer, l’addition est souvent plus salée que les huîtres. Et même les mouettes finissent par s'y faire plumer. Comme quoi, jamais la Côte d’Argent n’aura si bien porté son nom...
Alors, une idée pour cet été ? Petit rappel tout de même : avec ou sans plume, et où que vous alliez (même à Moulins), avec cette canicule et ce soleil de plomb à refroidir tous les hardeurs, sortez couverts ! C.Q.F.D.
En septembre, en attendant quelle suite ?6
"En septembre, en attendant la suite", chantait le poète Bertrand Cantat, qui ne l'était pas. Poète. Car quand on s'appelle Cantat, on ne peut qu'être chanteur. Ou faire chanter. Ou bien faire carrière comme Maître chanteur.
En septembre donc, chanta-t-il, "en attendant la suite". Mais quelle suite ? Et la suite de quoi ? Et pour qui furent ces vols de noirs corbeaux au-dessus de nos têtes en ce début de siècle naissant, à effrayer n'importe quel renard ?
Cette suite fut-elle simplement un début ? Mais le début de quoi ? Le début de la fin. Et la fin de quoi, si ce n'est des haricots ? Car c'est bien connu : la fin des haricots justifie les moyens. Mais quels moyens ? Ceux de paiement ? Et pourquoi faire payer ? Et surtout à qui faire payer quoi ? Ou bien alors ceux de vous faire parler ? Ou mieux, ceux de vous faire chanter ? On en revient aux noirs désirs de Cantat. Qui fut victime de son quant à soi dans le petit monde du Rock. Une suite qu'il orchestra donc dès le début. Dès le début de sa fin. Annoncée en 1996 avec le diabolique et paroxystique 666.667. Club. Il fut trop cigale, et si peu fourmi, si bien que pendant la canicule 2003, il commit l'irréparable. Vingt ans déjà.
"Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux"
chantait le poète, le vrai, Apollinaire, dans son illustre poème Marie. Comme quoi, si Bertrand avait lu Guillaume, son mal eût été simplement délicieux, et il aurait relégué les poètes maudits aux Chants de Maldoror.
Il ne suffit donc pas de citer des vers, ou de lire de la Poésie, pour se dire poète. Car la Poésie peut sauver des vies. N'en déplaise à sa belle aux bois à tout jamais endormie. Voici pour ce conte cruel. Et comme "les histoires d'amour finissent mal en général", voilà pourquoi à la suite de cet été 2003 je préfère dorénavant les Rita Mitsouko…
Juillet 2003. Il aurait mieux fait de se casser la jambe. Comme moi. Fatidique et famélique été caniculaire qui restera dans nos mémoires. À la suite de quoi, remarquons, il se tut. La faute à une extinction de voix et à une extinction de vie.
Alors attention : dans le show-biz comme dans la vie, le mot d'ordre doit rester la modération, mordorée ou non, et gare à ceux qui voulurent frapper un trop grand coup quand le bise fut venue. C.Q.F.D.
Où enterrer les feuilles mortes ? 7
Commençons par ce truisme : en général, les feuilles mortes « tombent ». Dans les cimetières ou ailleurs. Mais toujours en automne. Et il en tombe même des tas ! A en remplir des tombereaux. Rappelons alors que si les feuilles mortes se ramassent à la pelle, c’est parce qu’elles ne font pas de vieux os.
On peut bien entendu les enterrer à côté de la hache de guerre. Mais les arbres sont bien trop méfiants vis-à-vis des haches pour s’en cogner. Je vous l’hachure. Car il ne viendrait à l’esprit de personne d’enterrer une hache au pied d’un arbre, sauf bien sûr si on veut combattre le mal à la racine.
Attention cependant à toujours bien respecter le protocole lors des obsèques de ces feuilles : on enterrera toujours une feuille à quatre. Ou à trois, si on a paradoxalement la folie des grandeurs. Rarement à cinq. Car dans la mort comme dans la vie, il ne faut jamais voir trop grand.
Remarquons toutefois qu’il n’est pas obligé de les enterrer : à l’instar de feu les billets de train en version papier, les feuilles peuvent aussi se composter. Dans la plus pure tradition biblique qui affirme à peu près : « Tu es compost. Et tu redeviendras compost ». Plus de décomposition, pour moins d’incinération ! De quoi tomber sur un os !
Continuons par cet autre lieu commun : en automne, la nature se meurt d’une mort naturelle, et ses feuilles attendent patiemment, après leur baptême du feu estival, l’extrême onction hiémale. Pour les arbres, ça sent donc le roussi. Sauf pour le sapin. Et malgré les flamboyances des couleurs d’automne, que faire d’une nature morte ? La ressusciter peut-être, grâce à un artiste qui ne s’emmêle pas trop les pinceaux ? Un statutaire hors-pair qui serait à même de lui offrir une sculpturale sépulture ? Une sépulcre sacrée, entre le suaire et l’ossuaire.
Nuançons encore en disant qu’on rêverait de voir plutôt d’autres feuilles trépasser. Pas la feuille blanche, qui se noircit après avoir longtemps été marron. Ni même la feuille de vigne, vierge (gare à la pelle si celle-ci tombe du reste!). Ni même encore l’inoffensive et trop pieuse feuille d’émargement qui se signe parfois de croix. Loin de nous aussi la feuille volante qui s’en ira au vent mauvais. Rien de tout cela. Il s’agit bien entendu de la seule feuille qui mériterait d’être brûlée, surtout si on a trop bûché : la feuille d’imposition, que l’on a tous envie de voir morte et enterrée, réduite en cendres et sans résurrection possible.
Concluons notre papier sur une note culturelle : « Où enterrer Jean sans Terre ? » a trouvé sa réponse historique. A contrario de nos feuilles mortes qui ont eu, quant à elles, des funérailles poétiques… Car à bien y réfléchir ‒ et lecteur, Oh, je voudrais tant que tu t’en souviennes ‒ les feuilles mortes s’enterrent dans un Prévert. Pour mieux renaître le printemps des poètes venu ! C.Q.F.D.
Notes de bas de page :
1Article paru dans Alphy de juin 2022
2Article paru dans Alphy de septembre 2022
3Article paru dans Alphy de décembre 2022
4Aticle paru dans Alphy d’avril 2023
5Article paru dans « Alphy », juin 2023
6Article non publié
7Article à paraître