La
page
blanche

Le dépôt

AUTEUR-E-S - Index I

64 -Lucie Boulangé

Florilège du plus récent au plus ancien



Nuit blanche


le vent le rouge      et les marsouins 

naviguent à vue

dans un lundi matin qui n’a pas vu le jour

pas encore      ni la nuit d’ailleurs

ni les abysses ces gouffres triomphants 

d’ailleurs      et d’ici présent 


** 


Sale obscur 


non    non    non

tu m’as dis non    trois fois

t’as mis tes rangers    t’as fermé ton long manteau    t’as claqué la porte derrière toi

comme on se protège d’un courant d’air

     le courant d’air c’était moi


pourtant


une fois    tu m’as dis oui

une goutte venait de tomber    de l'auvent    

    sur mon mois de janvier


tu ressemblais à une héroïne de Coppola 


regard cerné    passé troué    café sucré  


le charbon de tes yeux    promesse vengeresse 

sans les sous-titres  et sans concession


c’est dans ce jour brumeux     ce jour d’errance     

au temps pris en otage que tu m’as choisie     très sûre de toi

     j’ignore pourquoi 


    Elle entre dans votre vie comme un  

    rayon de lune     apparu sur le fil d’un 

    couteau aiguisé


dans ses draps pourpres    froissés

parfois Elle souffre     et sa lame se délie


et Elle c’est toi et moi     et moi sans toi j’ai perdu Celle

la silhouette de ce que nous sommes    

    quand rien ne dort


pourtant 


une fois tu m’as dis oui    et j’ignore pourquoi    

hier tu m’as dis non 


alors


seule    sous l'auvent mouillé   

d’un mois de janvier    perdu sans traduction   

je me demande tout bas



     qu’aurait fait Coppola ?


** 


Tonton Noël c’est le patron de Novembre


et les autres le tohu-bohu les écrase 

comme des fourmis  ils glissent sur les bûches 

en criant sur grand-maman     mais il faut bien être content

pour la photo le vingt-cinq décembre 

alors ils achètent à leurs enfants des sapins steroïdés


moi j’ai commandé un casque antibruit au Père Noël



et il m’a ri au nez.




**




Et puis un jour tes yeux 


et puis un jour tes yeux.


tes yeux-bouche m’ont souri dans le noir


de ma vie l’encre de Chine s’est diluée  dans tes regards épis de blé 

épris sur  tes          genoux


l’encre pleuvait des trous 

dans la page aux croûtes de peinture       accumulées

par les années couchées  sans toi


j’ai pleuré 

                           sans toi

          j’ai pensé

la feuille 

         abîmée 

                           sans toi

par les larmes 

par les tâches de peinture  accumulées 


pourrait se déchirer si  tu ajoutais ta touche


ta toile était en lambeaux quand je t’ai connu

tu as repoussé mon pinceau


         alors  devant nos tableaux  d’Existence

nous nous sommes tus






et puis


j’ai mesuré le poids des plaisirs  dans ton sourire écorché


         mais

  

une mèche se coince entre mes dents      et tu ris


et ton rire  en éclats fait voler le feuillet

tâché troué  de nos Existences



soudain   une feuille  blanche  apparaît


son grain est plus fin son carton plus solide

et l’espace qui s’y noie tous deux nous rend         libres 

                           et heureux.


tu m’as prise par l’absurde     je t’ai connu  devant la 

porte

c’est dans tes bras endormie     que j’ai dis oui au     réveil


          comme plus tard je l’ai compris




**


Le consulat du pas grand chose 

Aux nuits sans jours.



   Nos vies s’exaltent de paradis artificiels,

   Où l’enfer vivant tremble de honte.


  I.


cauchemar rouge sur lavabo blanc il se lave le nez

je lui tend un sérum physiologique  qui ne réparera rien


ni la rosée-larme du matin ni l’avenir qu’il tenait pour acquis

ni l’errance à laquelle il se condamne


rien


ni même la nuit qui meurt

dans cette aube rouge sur céramique blanche


ni même son nez et son chaos me crie tout bas

la pureté blanche sur la bile rouge  qui recouvre les murs


bienvenue au consulat du pas grand chose


  II.


L’avenir appartient à ceux qui se lèvent à Gambetta.


« Je viens de me vomir dessus »

(On avait perdu Modération).

   Anton, ça va ?

Le T-shirt est à mon ex

Il t’ira.


   Où est donc passé mon hypothalamus ? 


Heureux qui comme Ulysse,

A fait un beau naufrage


    Où est donc passé ce stylo ?

  • Par la pureté de ces pages

    Et nos cadavres ?

Ah ça Monsieur, ils sont exquis.


Il est cinq heures.

Et la vie rôtit

Dans le four de l’existence.


Il fait jour.


Et la nuit,

Se suicide

Comme toujours.



Mais l’avenir appartient à ceux qui se lèvent à Gambetta.