Le dépôt
Présentation
Photo de Nils Hirvensalo-Dupuy
Lucie Boulangé, née en 1998, aime à dire qu’elle a grandi dans ses rêves et dans ses livres, entre Paris et la Picardie. C’est justement à la campagne, enfant perchée dans un arbre, qu’elle griffonne pour la première fois quelques vers.
Huit ans de droit - masters en histoire du droit et en politiques publiques - et un burn-out plus tard, elle réalise que les rêves qu’elle faisait dans cet arbre, c’était peut-être cela, sa vie. Juriste de droit public, elle décide donc de libérer sa créativité et de donner une véritable chance à son projet d’écriture.
Adepte du monde de la nuit et de ses créatures, passionnée par la sensualité et par l’amour, inspirée par l’art et ses adeptes, ces thématiques se retrouvent dans ses poèmes.
Les textes ici présentés sont issus de son recueil en cours d’écriture : « Dérive(s) - Journal de la génération Up Beat. »
@lucieblgpoet
@derivesupbeat
Présentation de mon projet/recueil
D’où vient ce mal-être ?
Il a fallu laisser tomber : laisser vieillir jusqu’au cancer, laisser ternir jusqu’au suicide de l’âme, laisser tromper jusqu’au désamour de l’Amour-même. Laisser pourrir jusqu’au burnout inévitable de l’Humanité.
Pourtant, écorchés, marginaux, éphémères, tendres esthètes et poètes de la crasse et du néant, hissons la grand-voile ! Ce ne sont plus les routes de Californie mais les rues glauques de la capitale, Paris embrasée par nos rages-foudres comme par nos amours passionnées. C’est Noisy, Champigny et Saint-Maur peinturlurées de Bacchanales sans origine et sans objectif. A coup de mégot, à coup de toxines et d’évasions sérotoninergiques, ces chantres désabusés crient « Liberté » par-delà les vitres des RER, eux qui furent élevés à la dopamine et éduqués aux benzo.
La Beat generation accoucha ses « clochards célestes » : celle que je propose de nommer la génération “Up Beat” engendre à son tour ses vagabonds existentialistes et chimériques. Je prends le pari d’affirmer que comme pour leurs ancêtres, le mot “beat” signifie battu, perdu, paumé, mais renvoie également à la béatitude et à la recherche d’un nouvel idéal. En outre, et comme pour eux, je pense que ce terme nous renvoie profondément, inexorablement, à la musique et à son caractère sacré. Car elle réunit, car elle libère. Car elle nous dépasse, là où la transcendance n’est plus.
Et si ce n’est plus au son du jazz, c’est au tempo révolté de l’Acid, de la Transe, de l’Indus, de la Psy, et souvent de la Techno que nos cœurs dropent le « Beat ». Un Beat fort, tranchant, haut, brutal. A coups de poings et de pieds déliés de leur Fléau. Des hommes et des femmes à six cordes campent dans la cale de caveaux oubliés, où le Rock incandescent décoiffe encore quelques mèches rebelles.
Branchés, nous sommes “Up Beat”. Vaincus, battus, les crises d’angoisse font battre nos cœurs plus vite. Là encore, nous sommes “Up Beat”. Un instrument du réveil, enfin ? Evidemment ces exutoires, ces cérémonies aux encensoirs de néons, exorcisent notre perdition et laissent croire qu’un Tout nous rassemble. Oh corps évaporés, combien de voyages transcendantaux avez-vous parcouru devant les caissons, combien de danses chamaniques s’improvisèrent peau à peau, combien d’extases à l'unisson ?
J’ai vu l’astrale volupté des « nuits sans jours », et elle possède ses disciples plus égarés et plus sublimes que jamais : à tout prendre sans attendre, ils révolutionneront à nouveau le monde.
Je suis « Up Beat ». L’êtes vous aussi ?
J’ai décidé par cette série de poèmes, de brosser le portrait de cette génération, de ce mouvement que j’imagine : errez sans crainte dans notre sillage, et dispersez sans retenue notre message.
La paix s’accroche à nos iris vibrants et éplorés.
Questionnaire Lpb
1/ - Peux-tu indiquer un livre que tu aimes particulièrement ?
« Le diable au corps » de Raymond Radiguet. Mais mon livre de chevet a toujours été « Led poésies complètes »d’Arthur Rimbaud, et celui que j’aime à offrir, « Les mains libres » de Paul Eluard et Man Ray.
2/ - Peux-tu donner un vers, un mot, que tu aimes ?
« Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. »
Les fleurs du mal, Baudelaire.
3/ - Quelles sont tes lectures habituelles aujourd’hui et comment s’expliquent ces habitudes ?
L’AJDA publié chez Dalloz ! Je plaisante (à moitié). Je lis beaucoup de poésie contemporaine récemment pour mieux connaître mes consœurs et confrères.
4/ - Peux-tu citer un support de diffusion de la poésie que tu affectionnes (autre que le livre)?
La lecture publique et le partage de textes en soirées.
5/ - Le monde lit-il toujours et quoi?
Je pense que le monde lit, mais préfère lire les formats courts ou phrases coup de poing, du type que l’on peut trouver sur Instagram (je publie moi-même de courts extraits sur mon compte @derivesupbeat).
Je crois que ce mouvement peut s’expliquer par deux raisons principales.
La première est une tendance générale de nos sociétés à vivre dans la consommation et la vitesse.
La seconde est l’interêt grandissant pour le format audio.
Selon moi, la première est un danger. La seconde, un simple changement à prendre en compte.
6/ - Quel est ton plat préféré ?
N’importe quel plat avec du fromage. Beaucoup (trop) de fromage.
7/ - Quelle sont ta musique, ton film, préférés ?
Pour la musique je dirais, en français, « San Francisco » de Maxime Le Forestier, et en anglais, « Time » des Pink Floyd.
Pour le film, Top Gun de Tony Scott (eh oui je l’avoue !) ou Aviator de Martin Scorsese. En français (ou plutôt canadien), un des films de Xavier Dolan.
8/ - Peux-tu recommander un site de poésie et expliquer ton choix ?
J’aime l’éclectisme de la revue Terre à Ciel, et la revue La Décharge.
9/ - Peux-tu parler de tes amours au présent ?
Et puis un jour tes yeux.
Tes yeux-bouche
M’ont souri
Dans le noir.
De ma vie l’encre de Chine s’est diluée
Dans tes regards épis de blé
Épris Sur
Tes
Genoux.
(…)
Tu m’as prise par l’absurde je t’ai connu
devant la
Porte.
C’est dans tes bras endormie que j’ai dis oui au Réveil
Comme plus tard je l’ai compris.
10/ - Dans le cours de ta jeunesse (16-25 ans), quels sont ou ont été tes principaux intérêts intellectuels ?
La poésie (quelle surprise !), la musique, la justice, l’histoire, les autres, et l’amour.
11/ - est-il nécessaire de produire ?
Je pense qu’il faut parfois produire beaucoup pour se sortir d’une impasse, d’un manque d’inspiration. Mais le principal élément pour moi est de toujours avoir de quoi noter quand nous vient une idée. Je m’inspire beaucoup de mots que j’entends, même s’ils finissent souvent complètement confondus à l’onirisme.
Je m’efforce parfois à produire moins pour corriger plus.
12/ - Pour qui écris-tu de la poésie ?
J’écris pour dépeindre les émotions, le quotidien, la/les dérive(s) de la génération qui m’entoure et que j’ai voulu appeler « UpBeat ». À la fois pour qu’ils se reconnaissent et se sentent compris, à la fois comme un témoignage.
J’écris aussi pour moi-même, comme un mode de réalisation et de quête d’identité.
Mais j’écris surtout pour la liberté. D’être qui l’on est. De rêver. D’écrire. De trouver un espace pour (se) réinventer.