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AUTEUR-E-S - Index I

67 - Pierre Andreani

Le Mal du Siècle (2011)

            


Brisé par des cris émanant de je ne sais où,

assis et penché vers l’arrière 

dans un siège amolli, 


où ces murs si hauts 

et si mal éclairés retransmettent des ondes 

ardentes et agressives 

qui me griffent la face

pareille à la baudruche qui gonfle, 

qui gonfle mais sans éclater, 

et tournoie en riant à mes sens défendant ; 


je m'enlise à jamais dans ces sables tueurs 

au milieu d'âmes faibles 

qui négligent ma peine. 


Je demande une pause, 

une idylle harmonieuse ; 

mon chemin s’égratigne, 

ma logique défaille,  

j'ai payé maintes fois pour de fausses étapes

et me voilà ruiné sans plancher où coucher. 


Je me tords de plaisir mérité, 

en vantant tour à tour 

mes splendides conquêtes. 

J'ai de l'amour vrai qui emplit mes époques, 

je bénis et j'adore chacun de mes aïeuls. 


Il se peut que je perde un peu de dignité 

mais pour vivre en retour 

un si parfait bonheur, 

je me changerais bien en reptile ou en singe. 


La tenue importe peu devant la vérité. 

Je donne ! Je donne pour cette ritournelle

qui monte à mes oreilles émues 

et reconnaissantes.

Je pleure devant ce drapé 

aux couleurs édéniques. 


Mon œil submergé ne raisonne plus.

Et ce rêve innommable

dont l'issue ne saurait s’inventer 

change les minutes en heures 

et les heures en années. 


Me voilà maintenant accroupi,

prisonnier d'un spasme

qui me tient cloué là.


On me parle, j’entends 

mais pour ne pas répondre. 


Je préférerais ne pas ressentir cet effroi 

qui se pointe bientôt 

et n'est pas encore là. 

Je ne veux pas saute 

ni m'asseoir pour de bon, 

des hirondelles libres

me piétinent l’estomac. 


Ma tête est cernée d'un cadre en bois 

qui me fait ressembler à une toile d'absolue tendresse. 


Mon buste fier, 

mes épaules, je ne les sens pas,

ni mon cou qui me faisait si mal autrefois.


Que je ne dise rien ou que je parle,

mon allure modérée est de l’or 

pour les autres; on m'arrête au passage 

sous de jolis prétextes 

pour goûter à une once 

de cette unique beauté. 


Je vais peut-être hurler,

au mieux vous poignarder

tant mon pouvoir est faible et mes ardeurs coupables.


Grande Illusion ! Si tu pouvais tenir… 

À ma fenêtre, je me vois et le sais, 

je suis à ma place.