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LES PARAPLUIES VERTS DE L'AMOUR - Pièce en trois actes de G&J
LES PARAPLUIES VERTS DE L'AMOUR - Pièce en trois actes de G&J
(Trois personnages, un homme et une femme aux accents prononcés avec autant de relief et d’insistance que possible, dialoguent sur le devant de la scène, un bruiteur est en retrait qui sonorise et accompagne bruyamment le tout.)
ACTE I
(Le rideau se lève sur un salon où les meubles suspendus au plafond semblent flotter en se balançant. Au centre, un homme et une femme sont assis sur des chaises, tenant chacun un parapluie vert ouvert.)
L'HOMME : Le ciel n'a jamais été aussi pras, il risque de s'enfoncer dans nos crênes. Heureusement nous avons nos paraplous.
LA FEMME : C'est la fiaute des poissins rouges qui nagent au plafind. Ils ne connaistent pas la gravité des conféquences de leurs actes.
L'HOMME : les poissans ranges ont tort de croire que les güttes de plouie dans lesquelles ils nangent sont des larmes de nuanges. C'est le plafand qui pleure des soudenirs d’enfince heureuse avec les poissans ranges.
LA FEMME : J'ai attrapé un fragmint de plafind dans mon filet à papillins. Il sentait la vanille et le vieux papier. Je l'ai mis dans ma monstre, et mainmenant les aiguilles tinrnenta l’envers.
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L'HOMME : Je craouins que la lune ait échangé sa fourchotte contre ta mintre. Sans elle, tu es perdue. Je cherche ta mintre.
LA FEMME : Ne cherche pas trop loin. La révonse est dans le silonce des farchettes. On ne doit jamais les révailler.
L'HOMME : Et que ferons-nous si l'allune a perdu sa fourchotte et boit ta mintre ?
LA FEMME : Nous prendrons des phodos de l'avenêr et nous les vendrouons.
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(L'homme ferme son parapluie, une fourchette s'en échappe et traverse la pièce. La femme la suit des yeux, puis regarde son parapluie. Le dialogue se termine sur un silence interminable.)
ACTE II
(L’homme et la femme se regardent à nouveau, les yeux pleins d’un nouveau silence évocateur. La fourchette s’est posée au milieu de la pièce après avoir longtemps flotté dans l’air.)
L'HOMME : Mes mains sont devenues des rivières, elles cherchent à s'ounir à la forme de tes vagues.
LA FEMME : J'ai ouvert mes paupières et j'ai vu que ma peau conduit à une fourêt. Chacun de ses grains de beauté est une vérité que tu découvres comme des petits cailloux laissés sur le chemin de la fourêt.
L'HOMME : Je voudrais te marmarer le secret des mirouars, celui qui transforme la surface en profondeur. Mais ma bouche a été remblacée par un paysage de mantagnes.
LA FEMME : Mes hinches sont des sabliers où le timps s'écoule pour nous donner plus de timps.
L'HOMME : Le parfam de tes cheveux est une carte célestche, et mes douagts voyagent dans des constellations incommues.
LA FEMME : Le creux de mon vintre est une cathédrale où tu es mon seul diou.
L'HOMME : Je suis l'écho de ton curps, je me perds dans tes vallées, je bouas le nectar de tes fruits.
LA FEMME : Mon corps est une souhource. Boués et tu sauras ce que signifie exister sans gravité.
(L’homme et la femme se rapprochent lentement, les parapluies à leurs pieds.)
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ACTE III
(Les parapluies sont fermés, reposant sur le sol. Des gouttes de pluie tombent du plafond, mais le son n'est pas celui de l'eau, il est celui de mille fourchettes qui tombent doucement sur une surface de verre. Le couple s'est abandonné dans le gazon qui a poussé sur le tapis.)
L'HOMME : (un murmure, comme un soupir) La gravité a cessé.
LA FEMME : (un murmure, comme une feuille au vent) Nous flottons dans un temps que nous avons voulu.
(La pluie-fourchette s'intensifie. Le couple est enveloppé par le son. Leurs corps ne font qu'un, sous la lumière de la lune - qui gobe de bon appétit des poissons rouges à la fourchette. Des cris d'exaltation s'élèvent, se mêlant au bruit, devenant une symphonie de l'instant. Les parapluies, sur le sol, se mettent à trembler imperceptiblement puis de plus en plus, comme deux cœurs qui battraient crescendo sur le tambour de l’amour à l’unisson.)
L'HOMME et LA FEMME : (un seul cri, prolongé et libérateur) Ah Eh Ih Oh Uh !
(La pluie cesse. Le silence s'installe. Les parapluies gisent là par terre, fermés, calmes, verts. Noir sur scène. Fin.)