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AUTEUR-E-S - Index I

7 - Simon A Langevin

Extraits du recueil La sauvagerie du feu


OZANAM



rue Ozanam


la rue Ozanam


sur la rue Ozanam


il y a l’essor des soleils stridents perdus d’Atlantide tout près de ta beauté remarquable

les herbes salées de la toundra jetées en pâture dans le feu de tes yeux rivés

en pâmoison l’esprit de mes désirs lustrés couché près de toi dans le lit du soir d’été

au-dessus la proie chaotique d’un rêve interminable surgi des profondeurs canadiennes

des formes sans essence sans cesse inspirées de la ville toujours en construction

d’innombrables âmes qui vivent en errance le temps d’une pluie ou d’une neige légère

du bleu du jaune comme si le ciel tout entier était en feu juste pour nous

les vestiges de l’Émérillon enfouis au fond d’une rivière ancienne nommée Lairet

toutes ces empreintes de pas foulés au gré des humeurs des voyageurs d’un jour ou l’autre

des chats solitaires probablement des réincarnations de moines bouddhistes ou de jeunes cowboys 

plusieurs machines dévorantes ridicules

un enfilement d’heures de toutes lumières sons et odeurs divers

des appels à l’aide sans échos passant au-dessus des arbres argentés des parcs verts

une bestiole à l’agonie sur le trottoir jonché de détritus made in China

mon visage exténué devant les caprices du vent qui se joue de ma chevelure trop longue

les crissements des souliers italiens sur le bitume chauffé à bloc

le vrombissement des voitures sports sans utilité aucune et d’une horreur indicible

des mots doux chuchotés dans le pavillon de ton oreille tendre et mordillée

des passants pressés filant à l’anglaise sous les lueurs jaunes des lampadaires

la rumeur insistante d’une tempête du siècle qui ne viendra finalement jamais

un parapluie perdu ou oublié sur un banc sous un abri d’autobus

un type qui gueule en plein délire sous l’emprise d’une drogue quelconque

les cliquetis métalliques des bicyclettes qui dévalent les pentes sans égards du danger potentiel

le vol des oiseaux dont les présages invisibles nous préviennent de notre sort à venir

des rencontres amoureuses de bonnes augures pour certains des générations suivantes

des drames insoupçonnés dissimulés dans les crânes de leurs acteurs éventuels

des constellations situées à des centaines voire des milliers d’années-lumière de toi et moi

des poèmes en formation dans l’hémisphère droit de ma tête dure

des solliciteurs en tous genres souvent désabusés d’eux-mêmes et du monde entier

des chiens en laisse prisonniers de leur maître envers qui ils demeurent fidèle coûte que coûte

des relents d’outre-tombe d’une époque disparue qui ne reviendra pas de si tôt

une panoplie de boutiques de part et d’autre pleines à craquer de marchandises obsolètes

un animal blessé que tout le monde ignore volontairement parce qu’il est différent

des motos roulant sur une roue pour se donner en spectacle devant des badauds ahuris

des feux d’artifice au loin tard le soir pour épater la galerie et égayer le quartier tout entier

le brouhaha de chicanes de voisinages et les bruits des draps qui claquent au vent sur les cordes à linge

un sirène de police retentissante en plein jour pour annoncer la commission d’un crime quelque part

un nuage passager seul dans le ciel bleu azur comme une tache de crème Chantilly

la tombée du jour comme une brume noire se déposant sur les immeubles et les commerces

des touristes égarés éloignés du centre-ville et cherchant leur route pour de nouveaux lieux à visiter

moi au pas de course m’en allant te rejoindre pour une sortie en amoureux

toi sortant de chez moi pour retourner à ton appartement au petit matin

un itinérant déambulant dans ses frusques sales en attente d’aumônes salvateurs

un arc-en-ciel inopinée après une faible pluie là juste au-devant de nous au bout de cette rue


août 2025




ne le vois-tu pas que

les chansons de nos esprits tapageurs

les clairons sourds de nos détresses abstruses

les fragrances épicées de nos abjurations rustres

l’humidité âcre de nos contentieux abjects

l’aridité poussiéreuse de nos linéaments défaits

l’influence nauséabonde de nos prémices suspendues

la coloration inopinée de nos entêtements anxiogènes

la chaleur vinaigrée de nos intuitions malsaines

le velouté de nos ambitions déçues et mortes

les saveurs amères de notre ferveur contagieuse même

se mêlent aux enzymes du soir


---


tes jambes croisées au-dessus du fauteuil

tâtent le ciel de velours alizarin

combien plat

tes yeux posés sur ma joue

lustrée par les chuchotements chauds de tes rêves

            [multicolores

tandis que belle

je te médite

beaucoup trop ému


---


je n’y vois rien

l’obscurité foisonne au sein de ta quiétude

l’immensité de mon reflet adjacent

déraille

se déplace par une reptation ambiguë

coule longue au sol

hé oui


---


les pluies bruyantes de l’aube

ne glapiront plus les soudaines discordes

n’étancheront pas d’éventuels embrouillaminis

plutôt elles diront

toute cette soif de nous

combleront l’espace qui nous agite

nous entortilleront

d’adieux


---


nos misères sont de chocolat

blanc nos espoirs 

d’or fin

ensemble nous sommes précieux et bons

l’un pour l’autre

naufragés sur le même canapé

en pleine merde


autour de nous les arômes du café

noir flottent

le soleil resplendit de cette coulée de vitamines

entre par les hublots de nos visages circonscrits

caresse nos peaux de chagrin

pendant que tu petit déjeunes

et que je te guette debout

repu


septembre 2025

Extraits de Salon d'Alcôves