Le dépôt
La Voix du Poète
LA VOIE DU POETE
LA VOIE DU POETE
Les derniers spécimens écument les mers, privés d’équipage, de l’aura des chercheurs d’or. Impossible d’imaginer une nouvelle terre. Chaque parcelle hurle sa peine ; seule l’aigreur fertilise encore, témoin de votre échec. D’un ultime effort pour coloniser le ciel, l’ivresse sous contrôle. Vos cris du cœur ne portent plus : tout maudit est en déroute. Pourquoi continuer à vivre, à rêver en martyre ? Les coups de rame vous abrutissent alors qu’il suffirait de plier votre paquetage, de policer votre poème, de dire encore et toujours la bonne aventure, la parole qui rassure. Ranger vos attributs dans une bouteille, frères et sœurs aux visages oubliés, pour ceux qui se souviendraient encore. De vous à moi mes pionniers sans peur, je vous conjure de résister encore, de sentir la brûlure : d’épouser la flamme.
De fenêtre en fenêtre coulisse le vice, libre à qui sera celle qui résiste. Fureur carnassière. Jeunesses à bout de flaque. Paris trop chère, abusée comme ses rues tutélaires, fondu au gris sur Haussmann dont les lourdes fumées louvoient de-ci de-là. Avec ce départ imprévu, à la pointe Nord d'un calendrier inversé, face aux mers en désertion, là où des pas trop timides sont stoppés net, à la faveur d'un recueillement photogénique, flash-back suspendus. Paris est déjà loin, sacrifiée aux forces telluriques, doux rêves de passagers en utopie.
Je suis de retour. Revisitant les plis de ma ville, sans amertume, le visage égaré derrière des lunettes noires comme Léaud avant moi. Orphelin des bistrots, Je vois l'ami de loin mais il passe son tour, prend mon souvenir dans ses bras. Sortant du bar, une goutte me tombe sur le crâne, la piqûre du baptême, les mêmes trottoirs, brouhaha de poèmes. Sur les boulevards entre deux trenchs, Miles coule un jazz. La nuit remonte des catacombes, les trottoirs se vident, ma renaissance est complète.