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AUTEUR-E-S - Index I

75 - Julien Boutreux

L'Oiseau de pierre

Première publication en 2016 aux éditions La Porte, coll. "Poésie en voyage", grâce à Yves Perrine.





dans un dédale de ténèbres         il erre

île de pierre         air des songes

marcheur de nuages         mangeur de vent

ses phrases         des lignes d’ombre contournée de lumière

phases vibrantes         d’un cortex embué

où mille feux souterrains         sourdent

laissant filtrer entre nos doigts meurtris         incendiaires

        la clarté de portes transparentes         oublieux de tous les parcours

il cherche une voie dans l’espace infime         qui sépare

deux battements de nos cœurs         chaque empreinte que nous laissons

manuscrite         un hymne funèbre à la liberté

 

 

 

 

murs invisibles         les plus infranchissables

parenthèses du souvenir         dessinant les lignes de deux mains parallèles

rêves étranges d’avenir         les mots dévalent les distances

poursuivent des orbites irréfléchies         s’éteignent dans le silence

crèvent les yeux rivés sur eux         limites intérieures

où fourmillent des holocaustes         autodafés         apostasies

chaque flamme         flaque d’ombre         vague bleu astral

au firmament de nos gestes         dans la mesure de l’improbable

 

 

 

 

nos os s’éloignent         nos yeux se dispersent

métamorphose         sous des tonnes de cailloux

ruines brûlées par le feu imaginaire         des faisceaux sidèrent

nos pupilles dilatées         suicidaires         devant la mort répétitive

la forme du vide         cet impossible sur mesure

 

 

 

 

les abattoirs ouvrent au petit matin         les langues s’allongent

au fond de la baignoire         rêvent des égouts

la journée passe         quand la lumière décline

il est temps de s’allonger sous vingt mille tonnes d’air pur

les démolitions s’amoncellent         renverser le cours des choses

puisque demain est déjà mort pour les rêves         nous dérivons

sur nos flotteurs crevés         sombrons dans les profondeurs inexplorées

aquosités         ces courants sans substance

 

 

 

 

 

le songe est comme la pierre         de l’oiseau

profitons des derniers rayons          disloqués dans l’air glacé         gracié

gouttes d’eau sur nos yeux         givre déposé

pour commander le rythme de nos jambes         de ses ailes

même si les vents du large décident pour nous

 

 

 

 

l’histoire n’en finit pas de s’étirer         d’édifier nos esprits patients

nous suivons ses voies effacées         des voix inconnues suivent nos traces

sur des chemins d’étrangeté         à marche forcée

les ornières s’effacent         forêts souterraines inextricables

vasques sans fond         rivières à rebours

cosmos éparpillé         vers brisés

scansion d’onomatopées monodiques         mantras secrets

nos hymnes sont des lames de fond         des coraux         des abysses

notre étendard         planté dans la chevelure de la première gorgone venue

 

 

 

 

des vertiges immenses parcourent         un ciel étrange

déploie ses albâtres         personne ne le reconnaît

commencer par entendre le silence         dans toutes les directions

les choses aveuglées témoignent du temps accompli

revêtent des ombres denses         s’entassent dans les chambres suffocantes

dans les galeries souterraines         à la recherche

de visages encore vivants         de fresques oubliées         de vieux papiers

ne rassemblant         rien de personnel

 

 

 

 

l’oiseau fend l’air trouble des ciels

ses reflets le suivent         lui obéissent

 

 

 

 

être son propre miroir         brisé         une barre au milieu du corps

des morceaux de soi         dispersés par

la souffrance enracinée         verticale

ne contient qu’une parole à peu près dite         qui ploie sous les ombres

la musique des sphères ressemble à son silence

 

 

 

 

quelque chose comme le jour qui naît         fourbit ses arguments

des poèmes en lame de couteau         des visages reconnus

figures du passé         emplissent le présent

destins nouveaux         sur des sables mouvants          

 

 

 

 

aspirations proférées dans l’air subtil d’aurores bleutées

un démiurge un peu stupide         hasardeux         contingent

croit bon de signaler sa présence         ses sept cent soixante-dix-sept mille

sept cent soixante-dix-sept yeux obliques         font aveuglément le reste

il est question          du premier oiseau         de son concept

du premier mot         prototype         la pierre est choisie

 

 

 

 

le temps qui reste         presque rien         plus qu’il n’en faut

pour s’occuper         d’emplois stables         d’occupations

travail         famille         pavillon

les gens ne sont pas fréquentables

 

 

 

 

dans les rues où nous passons         fantômes

sans hier et sans demain         l’esprit vide

libres de tout espoir vain         comptant sur les fournaises pour nous emporter

cette image infirme du soleil          désert sans horizon

mots en l’air          comme on jette des pierres         nous, songes

voués aux îles         pesant d’une liberté         qui noue les ailes

 

 

 

 

il faut que ça finisse

se répète         va finir         et puis

 

 

 

 

les rêves nous ont menés loin