Le dépôt
L'Oiseau de pierre
Première publication en 2016 aux éditions La Porte, coll. "Poésie en voyage", grâce à Yves Perrine.
dans un dédale de ténèbres il erre
île de pierre air des songes
marcheur de nuages mangeur de vent
ses phrases des lignes d’ombre contournée de lumière
phases vibrantes d’un cortex embué
où mille feux souterrains sourdent
laissant filtrer entre nos doigts meurtris incendiaires
la clarté de portes transparentes oublieux de tous les parcours
il cherche une voie dans l’espace infime qui sépare
deux battements de nos cœurs chaque empreinte que nous laissons
manuscrite un hymne funèbre à la liberté
murs invisibles les plus infranchissables
parenthèses du souvenir dessinant les lignes de deux mains parallèles
rêves étranges d’avenir les mots dévalent les distances
poursuivent des orbites irréfléchies s’éteignent dans le silence
crèvent les yeux rivés sur eux limites intérieures
où fourmillent des holocaustes autodafés apostasies
chaque flamme flaque d’ombre vague bleu astral
au firmament de nos gestes dans la mesure de l’improbable
nos os s’éloignent nos yeux se dispersent
métamorphose sous des tonnes de cailloux
ruines brûlées par le feu imaginaire des faisceaux sidèrent
nos pupilles dilatées suicidaires devant la mort répétitive
la forme du vide cet impossible sur mesure
les abattoirs ouvrent au petit matin les langues s’allongent
au fond de la baignoire rêvent des égouts
la journée passe quand la lumière décline
il est temps de s’allonger sous vingt mille tonnes d’air pur
les démolitions s’amoncellent renverser le cours des choses
puisque demain est déjà mort pour les rêves nous dérivons
sur nos flotteurs crevés sombrons dans les profondeurs inexplorées
aquosités ces courants sans substance
le songe est comme la pierre de l’oiseau
profitons des derniers rayons disloqués dans l’air glacé gracié
gouttes d’eau sur nos yeux givre déposé
pour commander le rythme de nos jambes de ses ailes
même si les vents du large décident pour nous
l’histoire n’en finit pas de s’étirer d’édifier nos esprits patients
nous suivons ses voies effacées des voix inconnues suivent nos traces
sur des chemins d’étrangeté à marche forcée
les ornières s’effacent forêts souterraines inextricables
vasques sans fond rivières à rebours
cosmos éparpillé vers brisés
scansion d’onomatopées monodiques mantras secrets
nos hymnes sont des lames de fond des coraux des abysses
notre étendard planté dans la chevelure de la première gorgone venue
des vertiges immenses parcourent un ciel étrange
déploie ses albâtres personne ne le reconnaît
commencer par entendre le silence dans toutes les directions
les choses aveuglées témoignent du temps accompli
revêtent des ombres denses s’entassent dans les chambres suffocantes
dans les galeries souterraines à la recherche
de visages encore vivants de fresques oubliées de vieux papiers
ne rassemblant rien de personnel
l’oiseau fend l’air trouble des ciels
ses reflets le suivent lui obéissent
être son propre miroir brisé une barre au milieu du corps
des morceaux de soi dispersés par
la souffrance enracinée verticale
ne contient qu’une parole à peu près dite qui ploie sous les ombres
la musique des sphères ressemble à son silence
quelque chose comme le jour qui naît fourbit ses arguments
des poèmes en lame de couteau des visages reconnus
figures du passé emplissent le présent
destins nouveaux sur des sables mouvants
aspirations proférées dans l’air subtil d’aurores bleutées
un démiurge un peu stupide hasardeux contingent
croit bon de signaler sa présence ses sept cent soixante-dix-sept mille
sept cent soixante-dix-sept yeux obliques font aveuglément le reste
il est question du premier oiseau de son concept
du premier mot prototype la pierre est choisie
le temps qui reste presque rien plus qu’il n’en faut
pour s’occuper d’emplois stables d’occupations
travail famille pavillon
les gens ne sont pas fréquentables
dans les rues où nous passons fantômes
sans hier et sans demain l’esprit vide
libres de tout espoir vain comptant sur les fournaises pour nous emporter
cette image infirme du soleil désert sans horizon
mots en l’air comme on jette des pierres nous, songes
voués aux îles pesant d’une liberté qui noue les ailes
il faut que ça finisse
se répète va finir et puis
les rêves nous ont menés loin