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Poètes du monde

Jacques Prévert - Angelina Marinescu - Clarice Rangel Schreiner - Michel Butor

CONFESSION PUBLIQUE




Nous avons tout mélangé

c'est un fait

Nous avons profité du jour de la Pentecôte pour accrocher 

            les œufs de Pâques de la Saint-Barthélemy        

dans l'arbre de Noël du 14 juillet

Cela a fait mauvais effet

Les œufs étaient trop rouges

La colombe s'est sauvée

Nous avons tout mélangé

c'est un fait

Les jours avec des années les désirs avec les regrets et le lait avec le café

Dans le mois de Marie paraît-il le plus beau, nous avons placé le vendredi 13 et le Grand Dimanche des Chameaux le jour de la mort de Louis XVI, l'Année terrible, l'Heure du berger et cinq minutes d'arrêt buffet.

Et nous avons ajouté sans rime ni raison sans ruines ni maisons sans usines et sans prisons la grande semaine des 40 heures et celle des quatre jeudis

Et une minute de vacarme

s'il vous plaît

Une minute de cris de joie, de chansons, de rires et de bruits

et de longues nuits pour dormir en hiver avec des heures supplémentaires pour rêver qu'on est en été et de longs jours pour faire l'amour et des rivières pour nous baigner, de grands soleils pour nous sécher

Nous avons perdu notre temps

c'est un fait

mais c'était un si mauvais temps

Nous avons avancé la pendule

Nous avons arraché les feuilles mortes du calendrier

Mais nous n'avons pas sonné aux portes

c'est un fait

Nous avons seulement glissé sur la rampe de l’escalier

Nous avons parlé de jardins suspendus

vous en étiez déjà aux forteresses volantes

et vous alliez plus vite pour raser une ville que le petit barbier pour raser son village un dimanche matin 

Ruines en 24 heures

le teinturier lui-même en meurt

Comment voulez-vous qu'on prenne le deuil.


Août 1940, Jurançon.


Jacques Prévert - La pluie et le beau temps - Ed Folio

Librairie Lpb - PRÉVERT Jacques - La pluie et le beau temps - Ed Folio

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J'ai tellement mal


j'ai tellement mal    à la tête   que je m'invente    une autre  

tête    fendue en deux elle aussi     écrasée    elle aussi 

remplie de fumée brûlante    elle aussi     où j'ai de la place 

pour faire des expériences sur   des blindage trapus et raffinés 

jusqu'à ce que la fatigue s'empare de la main      que 

j’introduis    lentement     par-dessous tes os   que   tu 

refuses 


mon bien-aimée, reste détruit.




Angelina Marinescu

Extrait de "Je mange mes vers"

traduction de Linda Maria Baros

Éd. L'Oreille du Loup






Un jour meilleur viendra

Sœur, Le jour viendra où toi et moi volerons

Sur les fières montagnes de notre terre.

Il viendra un jour où les portes ne seront plus verrouillées

Et tomber amoureuse ne sera pas un crime.

Toi et moi laisserons nos cheveux voler,

Nous porterons des robes rouges,

Et enivrerons les oiseaux

De nos vastes déserts

Avec nos rires.

Nous danserons parmi les tulipes rouges de Mazar

En mémoire de Rabia,

Ce jour n’est pas loin.

Il est peut-être au coin de la rue.

Il est peut-être dans notre poésie.


Clarice Rangel Schreiner

Brésilienne vivant en Turquie, militante de la Marche Mondiale des Femmes. Traduit du portugais par Andréia Manfrin Alves